JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Ce langage est-il celui de révoltés ? N'est-il pas plutôt larequête même de la logique et du bon sens ?De quoi s'agit-ii dans le projet que nous allons voter ?D'avantages nouveaux, de charges sociales nouvelles ? Nullement.11 s'agit de maintenir à sa valeur constante un certainminimum vital dont tous s'accordent à reconnaître qu'il a étécalculé assez bas puisqu'il reste sensiblement en dessous deschiffres avancés par les grandes centrales de salariés et parcertains groupements familiaux et — mon collègue et amiM. Fernand Bouxom le rappelait très justement tout à l'heure— après étude méthodique de budgets ouvriers.Qui dit minimum vital dit taux incompressible. Refuser dele faire varier avec les mouvements dûment enregistrés ducoût de la vie, c'est accepter, pour un certain nombre de travailleurs,une existence misérable où la dignité, la santé, l'épanouissementfamilial se trouvent aussitôt compromis.Qui oserait envisager froidement cette éventualité ?On a parfois, à cette.tribune, évoqué certaines déclarationsretentissantes des autorités spirituelles, rappelant publiquementen matière de salaires les exigences imprescriptibles de lamorale. Que l'on me permette de citer à mon tour ce que disaitle pape Pie XI dans son encyclique du 31 décembre 1930 surla famille, à une époque où la crise économique exerçait déjàses ravages sur une vaste partie de l'humanité :« Il faut s'efforcer de toute façon de réaliser ce que Léon XHIavait déjà déclaré: que, dans la société civile, le régime économiqueet social soit constitué de façon que tout père de famillepuisse gagner ce qui, étant donné sa condition et la localitéqu'il habite, est nécessaire à so.i entretien et à celui de safemme et de ses enfants. Car l'ouvrier mérite son salaire. Luirefuser ce salaire ou lui donner un t-alaire inférieur à sonmérite, c'est une grave injustice, fl n'est pas permis non plusde fixer un taux de salaire si modique que, vu l'ensemble descirconstances, il ne-puisse suffire à l'entretien de la famille. »Contre ce rappel si calme et si ferme des principes du droitnaturel, quels arguments peut-on invoquer ?L'impossibilité de juguler l'inflation ? Mais le projet prévoitavec un luxe de détails que d'aucuns trouvent excessif desdélais permettant au Gouvernement d'agir.La nécessité d'une politique d'austérité ? Mais ne voyons-nouspas d'authentiques formules d'échelle mobile appliquées enmatière de baux, de contrats et de marges bénéficiaires par uncertain nombre d'entreprises commerciales, agricoles et mêmepubliques ? Dans son rapport au Conseil économique,, M. Levardra très justement démontré ipar toute une série d'exemples.L'austérité serait-elle l'apanagé d'une classe ?Que pouirait-on opposer encore ? Les exigences du prix derevient en face d'une concurrence déchaînée ? Je 6uis moinsque d'autres tenté de l'oublier étant d'une région où l'industrietextile traverse une dure crise de chômage, par suite de lafermeture ou des contre-offensives du marché extérieur. Maisque deviendra le marché intérieur lui-même si le pouvoird'achat ouvrier s'engloutit à 15 p. 100 dans les postes alimentaires?Je conclurai donc: L'échelle mobile n'est pas une panacée.Les travailleurs n'y sont pas venus de gaieté de cœur. C'estsous la pression de déceptions successives qu'ils ont fini parla réclamer, au nom du droit qu'a tout salarié à vivre de sonlabeur.L'échelle mobile comporte des risques. Nous en sommesd'accord. MSis il est un moyen de les éviter, c'est de s'attaquerenfin avec énergie aux causes multiples qui provoquent, ettoujours en hausse, la mobilité du coût de la vie.Il n'est qu'une faç»n honnête de stabiliser les salaires, c'estde stabiliser les prix. Elle jouera comme un signal avertisseur,comme un frein pour tous ceux qui prenaient"trop facilementleur parti de l'amenuisement des conditions de vie des salariés.Il est temps que ceux-ci se sentent protégés, défendus etcompris.L'échelle m-obile, appliquée dans de larges secteurs en Italieet en Belgique, n'a pas causé de catastrophe. Le Gouvernement,le patronat, les commerçants et les agriculteurs tiennentcompte de son existence.Tous ceux qui commettent un acte de nature à faire monterle coût de la vie savent les risques qu'ils courent et comprennentque cet égoïsme peut bientôt se retourner contre eux.La France, pour son honneur et pour sa tranquillité, ne peutpas plus longtemps spéculer sur la patience des salariés. Usattendent de l'échelle mobile la justice dan-s le présent et unstimulant efficace à l'énergie de tous ceux qui ont intérêt àcombattre l'inflation.11 appartient à tous ceux qui ont quelque responsabilité dansnotre vie économique de conjurer les risques de l'échellemobile par une politique hardie qui répartira les sacrifices enintéressant aux progrès de la production tous ceux qui en constituentles artisans humbles et courageux.Encore faudra-t-il tenir compte du fait que les salariés sontfondés à réclamer à l'avenir l'amélioration de leur sort en fonctiond'une productivité accrue. Mais, je le dis bien nettement, enexprimantl'opinion profonde des travailleurs consciencieux e(jcourageux qui constituent le peuple des usines, des chantiers,-laisser monter le coût de la vie en prétendant enrayer la hausse,parallèle des salaires, c'est une vue inhumaine qui, à longterme, ne peut que desservir l'économie et qui, dans l'immédiat,ne peut qu'inspirer aux masses laborieuses la haine d'unrégime fondé sur de semblables injustices.C'est dans cet esprit que les représentants du mouvement!républicain populaire donneront leurs voix au projet qui nousest soumis, conscients non seulement de favoriser ainsi iebien des travailleurs, mais de servir la véritable paix publique*(Applaudissements au centre et à gauche.)M. le président. La parole est à M. Boisdé,M. Raymond Boisdé. Mesdames, messieurs, repoussant délibérémentles considérations ou les controverses doctrinales, jam'en tiendrai à considérer la conjoncture actuelle et me contenteraide poser une question à M. le président du conseil, par:l'entremise de M. le ministre du travail ici présent.Me rappelant que M. le président du conseil nous a dit, iorsde sa déclaration d'investiture, et récemment encore en demandant.il y "a un mois, l'urgence pour la discussion de te projet,que l'échelle mobile était dans son esprit un élément essentielae sa politique d'ensemble en vue de l'équilibre économiqueet financier, je souhaiterai, après avoir entendu aujourd'hui certainesdéclarations de M. le ministre du budget, savoir si ieGouvernement entend maintenir, voire aggraver, les piojetafinanciers qui accroissent les dangers, le fardeau et l'injusticede la fiscalité actuelle et qui ne tendent à rien moins qu'àprovoquer une hausse sensible des prix et à l'alimenter de façonindéfinie. (Applaudissements à l'extrême droite.)M. le président. La parole est. à M. Patinaud. (Applaudisse-,menls à l'extrême gauche.)M. Marius Patinaud. Mesdames, messieurs, le projet qui nouâest actuellement soumis a l'ait contie lui l'unanimité des otgani*sations syndicales ouvrières et de cadres. Je n'en veux donnéeque quelques exemptes.Le syndicat Force ouvrière des ouvriers des monnaies efmédailles, dans une résolution adressée à tous les parlementaires,« proteste contre le texte proposé par le conseil dei$ministres concernant l'échelle mobile des salaires; demandasl'élaboration d'un projet assurant une garantie efficace du pouvoird'achat des salariés; réclame en conséquence la convocation'de la commission supérieure des conventions collectives ».Dans son assemblée générale, l'union des syndicats C. F. T. C*de la Loire définit ainsi sa position :« Il faut en revenir au projet de-l'Assemblée nationale qu; estun minimum pour nous: commission supérieure chargée d'éta»bl» la composition du 'budget-type dont ie montant constitueraitle salaire minimum ,garanti.« Si la commission ne réussissait pas dans le délai d'un mois,différend tranché par l'arbitrage du ministre du travail; lout©augmentation égale ou supérieure à 5 p. 100 intégralementrépercutée sans qu'il soit besoin de l'avis du Gouvernement suçle salaire minimum garanti ».Quant à la confédération générale du travail, elle a montré,comme toutes les autres centrales syndicales, qu'il ne s'agitque d'une caricature d'échelle mobile. Nous avons eu la possibilitéd'étayer cette affirmation dans les précédents débats surcette question. Le temps limité qui nous est imparti ne nouspermet pas d'y revenir.Je veux donc borner mes explications à la réfutation du mensongegouvernemental selon lequel le niveau de vie de la classeouvrière s'est amélioré en 1951.Une fois de plus, toutes les organisations syndicales ouvrièreset de cadres s élèvent contre une telle affirmation. Les preuvesde l'abaissement des conditions de vie des travailleurs sontnombreuses.Je citerai en premier lieu la diminution du nombre desmariages et des naissances.Le nombre des mariages en France passe de 427.000, en 1947,à 330.000, en 1950, et à 320.000 en 1951Le nombre des naissances baisse de 867.000 en 1947, à 854.000en 1950 et à 820.000 en 1951.Le poste longue maladie de la sécurité sociale traduit égalementles progrès de l'appauvrissement et de l'épuisement physique.De décembre 1950 à octobre 1951, soit en dix mois, ilpasse de 2.240 millions à 3 milliards de francs, soit une augmentationde 34 p. 100.Si nous examinons maintenant les versements et les retraitsde la caisse nationale d'épargne, nous nous apercevons qu'en.1951 la moyenne mensuelle des versements n'a augmenté que

de 700 millions de francs, passant de 12 milliards à 12.700 millions,tandis que la moyenne des remboursements augmentaitde 2.100' millions, passant de 8.900 millions à 11.300 millions.Au mois d'octobre, les remboursements, qui se sont chiffrés à12MQ0 millions, ont dépassé les versements de 300 millions.La mévente sévit dans le commerce des objets de consommationautres qu'alimentaires: équipement ménager, appareils deradio, textiles, chaussures, etc.Pour les chaussures, tandis que la production dé 1938 représentait,avec 65 millions de paires, une paire sept dixièmes parFrançais et par an, elle n'atteignait que 48 millions de pairesen 1950 et tombait à 45 millions en I95f.Dans l'alimentation, la consommation du pain, qui, commecelle des pommes de terre, avait diminué jusqu'en 1949, augmentede nouveau. La consommation de la farine en Frances'est accrue, des cinq derniers mois de 1950 aux cinq derniersmois de 1951, de plus de 6 p. 100, passant de 18.700.000 quintauxà 19.900.000 quintaux.La thèse officielle qui soutient que le niveau de vie desouvriers s'est amélioré en 1951 est donc mensongère.S'il en était ainsi, pourquoi le Gouvernement refuserait-ilune éclialle mobile véritable des salaires ? Pourquoi, plus simplement,refuse-t-il l'échelle mobile du _eul salaire minimumgaranti ?Le truquage des statistiques officielles, sur lequel s'étayel'affirmation gouvernementale, est â la base du mensonge.L'indice officiel des prix à la consommation familiale, dit des213 articles, sur lequel le Gouvernement veut appuyer sa caricatured'échelle mobile, est une tromperie. En voici une preuvesupplémentaire.L'institut national de la statistique, outre les relevés des produitsalimentaires effectués pour le calcul de> l'indice, publiedans son Bulletin hebdomadaire de statistique les prix moyensdos denrées alimentaires sur les marchés et dans les boutiquesde Paris et de la banlieue.Le simple bon sens — je ne parle pas de l'honnêteté — exigeraitque les prix servant au calcul de l'indice et ceux publiésdans le Bulletin fussent semblables. Il n'en est rien.Voici les variations constatées entre janvier 1051 et janvier1952 sur quelques articles:Pour le bifteck, l'indice de l'institut national de la statistiqueindique une augmentation de 12 p. 100, rr«is le Bulletin hebdomadairede l'institut national note une hausse de 29 ip. 100;pour le rumsteck de cheval, 18 p. 100 pour l'indice et 22 p. 100pour le Bulletin : pour le gigot de mouton, 22 p. 100 pour l'indiceet 32 p. 100 pour le Bulletin; pour la poitrine, 24 p. 100 pourl'indice et 31 p. 100 pour ie Bulletin; pour le veau — poitrine —,26 p. 100 pour l'indice et 30 p. 100 pour le Bulletin; pour lequasi, 10,50 p. 100 pour l'indice et 28 p. 100 pour le Bulletin;pour le lapin, 23 p. 100 pour l'indice et 32 p. 100 pour le Bulletin;pour le saucisson sec, 25 p. 100 pour l'indice et 31 p. 100pour le Bulletin; pour le merlan, 55 p. 100 pour l'indice et74 p. 100 pour le Bulletin; pour la raie, 35 p. 100 pour l'indiceet 53 p. 100 pour le Bulletin; pour le camembert, 6,5 p. 100 de(baisse pour l'indice et 6 p. 100 de hausse pour le Bulletin; pourles pommes de terre, 9,1 p. 100 de baisse pour l'indice et0,5 p. 100 de hausse pour le Bulletin.La comparaison entre les chiffres donnés par l'institut nationalde la statistique, d'une part, pour le calcul de l'indice,et d'autre part, dans son Bulletin hebdomadaire, font apparaîtredes différences considérables.Je prends un seul exemple typique. Pour le camenbert,l'indice de calcul fait ressortir une baisse de 6,5 p. 100 et leBulletin, une hausse de 6 p. 100, ces chiffres s'appliquant à lamême période.Sans vouloir mettre en cause les fonctionnaires qui ne fontqu'obéir aux ordres gouvernementaux, il est permis d'affirmerque l'institut national de la statistique, dans son fonctionnementactuel, serait plus justement appelé l'institut nationalde la falsification des chiffres. (Applaudissements à l'extrêmegauche.)Il s'agit donc de truquage pur et simple, les chiffres étantadaptés aux besoins de la politique gouvernementale et patronale.Dans son estimation des salaires, le Gouvernement passeégalement sous silence deux faits essentiels.Le premier est que les travailleurs n'ont obtenu une revalorisationde leur salaire que par leur action, cela contre lavolonté du Gouvernement et du patronat, et souvent contre lesgardes mobiles et les C. R. S. du Gouvernement et du patronat.(Applaudissements sur les mêmes bancs.)Le deuxième fait est que la hausse des prix se produisantde façon continue et les salaires ne montant que par palierséloignés dans le temps, une revision des salaires ne compenseen rien les pertes du pouvoir d'achat subies durant des moispar les travailleurs.C'est ce que vous voulez légaliser avec votre loi, puisquevous aboutissez pratiquement à bloquer les salaires.Ainsi, le projet qui nous est soumis n'a pas pour objet d'apporterune quelconque amélioration au sort de la classeouvrière. Il tend exactement au contraire, et ceux de nos collèguesqui tentent de faire peur commettent une mauvaiseaction.La classe ouvrière, elle, ne s'y trompe pas: l'applicationd'une telle loi ne fera pas augmenter d'un sou le salaire dela classe ouvrière.Adopter un tel projet aboutirait, en effet, à laisser au Gouvernementseul la possibilité de fixer, selon son bon plaisir,l'indice des prix.Voici ce que cela donne.Les services de M. Buron, ministre des affaires économiques,ayant calculé que si la loi est votée, le coût de la vie avantaugmenté de plus de 5 p. 100, il faudra procéder à une révisiondu salaire, le ministre a donné l'ordre d'agir sur les prix.Cette action — je ne dis pas pour faire baisser les prix, maispour truquer les indices — est orientée sur les deux postessuivants: prix des fournitures de coiffure et prix du lapin.C'est évidemment se moquer du monde.Mais le Gouvernement, par le truquage systématique ducoût de la vie, aboutira, en fait, au blocage des'salaires, quelleque soit l'augmentation des prix. U fournira ainsi au patronatune admirable justification pour s'opposer à toute demanded'augmentation des salaires.Le projet aboutirait également, à la liquidation de la commissionsupérieure des conventions collectives.Le Gouvernement a maintenant peur de cette commission oùles travailleurs sont représentés et peuvent faire la démonstrationchiffrée de ces truquages. Malgré son rôle purementconsultatif, cette commission représente pour lui une gênesérieuse.Le groupe communiste s'est battu afin d'obtenir le vote d'unevéritable echelle mobile des salaires, traitements, retraites,pensions et allocations familiales. Nous considérons, en effet,que cette garantie de leur pouvoir d'achat doit être donnéeaux travailleurs, aux petites gens.Notre proposition ayant élé repoussée, nous avons voté pourl'échelle mobile du salaire minimum garanti que l'Assembléeapprouva le 20 septembre 1951, il y" a donc près de sixmois.Ce texte prévoyait que l'éclieile mobile s'appliquerait ausalaire minimum ' interprofessionnel garanti, qu'en bénéficieraientégalement les travailleurs agricoles, que ce minimumgaranti serait fixé par la commission supérieure des conventionscollectives qui établirait le budget-type, que toute augmentationde 5 p. 100 du coût de la vie serait répercutée surle minimum garanti et que, dans un délai de quinze jours,seraient convoquées les commissions paritaires pour examinerla situation des hausses de salaires.C'est ce texte qu'avec la complicité des députés socialistes,le Gouvernement veut faire enterrer. Nous allons le reprendresous forme de contre-projet et les travailleurs pourront jugerquels sont ceux qui, une fois les élections passées, oublientleurs promesses.Nous déposerons également des amendements ayant pourobjet d'obtenir, entre autres, une véritable échelle mobile dessalaires, la convocation mensuelle de la commission supérieuredes conventions collectives, la suppression des abattementsde zones de salaires et des abattements pour les jeunes et lesfemmes, l'application du statut de la fonction publique eu cequi concerne l'application de l'article 32.La classe ouvrière est présente dans ce débat: elle suit avecattention tout ce qui se passe dans l'Assemblée à propos del'échelle mobile des salaires et elle ne se laisse pas tromper parle projet gouvernemental en discussion.Jugeant le Gouvernement à ses actes, dont le dernier en dateest l'utilisation de la force armée contre les travailleurs, laclasse ouvrière renforce son union, gage d'action efficace, etc'est elle qui, en définitive, aura le dernier mot. (Applaudissementsà l'extrême gauche.)M. le rapporteur. Je demande la parole.M. le président. La parole est à M. le rapporteur.M. le rapporteur. Je remercie M. Patinaud de défendre avecautant d'autorité la proposition d'origine socialiste que, pourles raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, nous avons cru'devoir abandonner momentanément, mais je désire lui poserune question.Comment M. Patinaud et ses amis expliqueront-ils aux travailleursleur attitude actuelle qui tend à défendre cette propositiond'origine socialiste, tandis que, le 6 septembre der-

<strong>de</strong> 700 millions <strong>de</strong> francs, passant <strong>de</strong> 12 milliards à 12.700 millions,tandis que <strong>la</strong> moyenne <strong>de</strong>s remboursements augmentait<strong>de</strong> 2.100' millions, passant <strong>de</strong> 8.900 millions à 11.300 millions.Au mois d'octobre, les remboursements, qui se sont chiffrés à12MQ0 millions, ont dépassé les versements <strong>de</strong> 300 millions.La mévente sévit dans le commerce <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> consommationautres qu'alimentaires: équipement ménager, appareils <strong>de</strong>radio, textiles, chaussures, etc.Pour les chaussures, tandis que <strong>la</strong> production dé 1938 représentait,avec 65 millions <strong>de</strong> paires, une paire sept dixièmes parFrançais et par an, elle n'atteignait que 48 millions <strong>de</strong> pairesen 1950 et tombait à 45 millions en I95f.Dans l'alimentation, <strong>la</strong> consommation du pain, qui, commecelle <strong>de</strong>s pommes <strong>de</strong> terre, avait diminué jusqu'en 1949, augmente<strong>de</strong> nouveau. La consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> farine en Frances'est accrue, <strong>de</strong>s cinq <strong>de</strong>rniers mois <strong>de</strong> 1950 aux cinq <strong>de</strong>rniersmois <strong>de</strong> 1951, <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 6 p. 100, passant <strong>de</strong> 18.700.000 quintauxà 19.900.000 quintaux.La thèse officielle qui soutient que le niveau <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>souvriers s'est amélioré en 1951 est donc mensongère.S'il en était ainsi, pourquoi le Gouvernement refuserait-ilune éclialle mobile véritable <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires ? Pourquoi, plus simplement,refuse-t-il l'échelle mobile du _eul sa<strong>la</strong>ire minimumgaranti ?Le truquage <strong>de</strong>s statistiques officielles, sur lequel s'étayel'affirmation gouvernementale, est â <strong>la</strong> base du mensonge.L'indice officiel <strong>de</strong>s prix à <strong>la</strong> consommation familiale, dit <strong>de</strong>s213 articles, sur lequel le Gouvernement veut appuyer sa caricatured'échelle mobile, est une tromperie. En voici une preuvesupplémentaire.L'institut national <strong>de</strong> <strong>la</strong> statistique, outre les relevés <strong>de</strong>s produitsalimentaires effectués pour le calcul <strong>de</strong>> l'indice, publiedans son Bulletin hebdomadaire <strong>de</strong> statistique les prix moyensdos <strong>de</strong>nrées alimentaires sur les marchés et dans les boutiques<strong>de</strong> Paris et <strong>de</strong> <strong>la</strong> banlieue.Le simple bon sens — je ne parle pas <strong>de</strong> l'honnêteté — exigeraitque les prix servant au calcul <strong>de</strong> l'indice et ceux publiésdans le Bulletin fussent semb<strong>la</strong>bles. Il n'en est rien.Voici les variations constatées entre janvier 1051 et janvier1952 sur quelques articles:Pour le bifteck, l'indice <strong>de</strong> l'institut national <strong>de</strong> <strong>la</strong> statistiqueindique une augmentation <strong>de</strong> 12 p. 100, rr«is le Bulletin hebdomadaire<strong>de</strong> l'institut national note une hausse <strong>de</strong> 29 ip. 100;pour le rumsteck <strong>de</strong> cheval, 18 p. 100 pour l'indice et 22 p. 100pour le Bulletin : pour le gigot <strong>de</strong> mouton, 22 p. 100 pour l'indiceet 32 p. 100 pour le Bulletin; pour <strong>la</strong> poitrine, 24 p. 100 pourl'indice et 31 p. 100 pour ie Bulletin; pour le veau — poitrine —,26 p. 100 pour l'indice et 30 p. 100 pour le Bulletin; pour lequasi, 10,50 p. 100 pour l'indice et 28 p. 100 pour le Bulletin;pour le <strong>la</strong>pin, 23 p. 100 pour l'indice et 32 p. 100 pour le Bulletin;pour le saucisson sec, 25 p. 100 pour l'indice et 31 p. 100pour le Bulletin; pour le mer<strong>la</strong>n, 55 p. 100 pour l'indice et74 p. 100 pour le Bulletin; pour <strong>la</strong> raie, 35 p. 100 pour l'indiceet 53 p. 100 pour le Bulletin; pour le camembert, 6,5 p. 100 <strong>de</strong>(baisse pour l'indice et 6 p. 100 <strong>de</strong> hausse pour le Bulletin; pourles pommes <strong>de</strong> terre, 9,1 p. 100 <strong>de</strong> baisse pour l'indice et0,5 p. 100 <strong>de</strong> hausse pour le Bulletin.La comparaison entre les chiffres donnés par l'institut national<strong>de</strong> <strong>la</strong> statistique, d'une part, pour le calcul <strong>de</strong> l'indice,et d'autre part, dans son Bulletin hebdomadaire, font apparaître<strong>de</strong>s différences considérables.Je prends un seul exemple typique. Pour le camenbert,l'indice <strong>de</strong> calcul fait ressortir une baisse <strong>de</strong> 6,5 p. 100 et leBulletin, une hausse <strong>de</strong> 6 p. 100, ces chiffres s'appliquant à <strong>la</strong>même pério<strong>de</strong>.Sans vouloir mettre en cause les fonctionnaires qui ne fontqu'obéir aux ordres gouvernementaux, il est permis d'affirmerque l'institut national <strong>de</strong> <strong>la</strong> statistique, dans son fonctionnementactuel, serait plus justement appelé l'institut national<strong>de</strong> <strong>la</strong> falsification <strong>de</strong>s chiffres. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrêmegauche.)Il s'agit donc <strong>de</strong> truquage pur et simple, les chiffres étantadaptés aux besoins <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique gouvernementale et patronale.Dans son estimation <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires, le Gouvernement passeégalement sous silence <strong>de</strong>ux faits essentiels.Le premier est que les travailleurs n'ont obtenu une revalorisation<strong>de</strong> leur sa<strong>la</strong>ire que par leur action, ce<strong>la</strong> contre <strong>la</strong>volonté du Gouvernement et du patronat, et souvent contre lesgar<strong>de</strong>s mobiles et les C. R. S. du Gouvernement et du patronat.(App<strong>la</strong>udissements sur les mêmes bancs.)Le <strong>de</strong>uxième fait est que <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s prix se produisant<strong>de</strong> façon continue et les sa<strong>la</strong>ires ne montant que par palierséloignés dans le temps, une revision <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires ne compenseen rien les pertes du pouvoir d'achat subies durant <strong>de</strong>s moispar les travailleurs.C'est ce que vous voulez légaliser avec votre loi, puisquevous aboutissez pratiquement à bloquer les sa<strong>la</strong>ires.Ainsi, le projet qui nous est soumis n'a pas pour objet d'apporterune quelconque amélioration au sort <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sseouvrière. Il tend exactement au contraire, et ceux <strong>de</strong> nos collèguesqui tentent <strong>de</strong> faire peur commettent une mauvaiseaction.La c<strong>la</strong>sse ouvrière, elle, ne s'y trompe pas: l'applicationd'une telle loi ne fera pas augmenter d'un sou le sa<strong>la</strong>ire <strong>de</strong><strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière.Adopter un tel projet aboutirait, en effet, à <strong>la</strong>isser au Gouvernementseul <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> fixer, selon son bon p<strong>la</strong>isir,l'indice <strong>de</strong>s prix.Voici ce que ce<strong>la</strong> donne.Les services <strong>de</strong> M. Buron, ministre <strong>de</strong>s affaires économiques,ayant calculé que si <strong>la</strong> loi est votée, le coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie avantaugmenté <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 5 p. 100, il faudra procé<strong>de</strong>r à une révisiondu sa<strong>la</strong>ire, le ministre a donné l'ordre d'agir sur les prix.Cette action — je ne dis pas pour faire baisser les prix, maispour truquer les indices — est orientée sur les <strong>de</strong>ux postessuivants: prix <strong>de</strong>s fournitures <strong>de</strong> coiffure et prix du <strong>la</strong>pin.C'est évi<strong>de</strong>mment se moquer du mon<strong>de</strong>.Mais le Gouvernement, par le truquage systématique ducoût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, aboutira, en fait, au blocage <strong>de</strong>s'sa<strong>la</strong>ires, quelleque soit l'augmentation <strong>de</strong>s prix. U fournira ainsi au patronatune admirable justification pour s'opposer à toute <strong>de</strong>man<strong>de</strong>d'augmentation <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires.Le projet aboutirait également, à <strong>la</strong> liquidation <strong>de</strong> <strong>la</strong> commissionsupérieure <strong>de</strong>s conventions collectives.Le Gouvernement a maintenant peur <strong>de</strong> cette commission oùles travailleurs sont représentés et peuvent faire <strong>la</strong> démonstrationchiffrée <strong>de</strong> ces truquages. Malgré son rôle purementconsultatif, cette commission représente pour lui une gênesérieuse.Le groupe communiste s'est battu afin d'obtenir le vote d'unevéritable echelle mobile <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires, traitements, retraites,pensions et allocations familiales. Nous considérons, en effet,que cette garantie <strong>de</strong> leur pouvoir d'achat doit être donnéeaux travailleurs, aux petites gens.Notre proposition ayant élé repoussée, nous avons voté pourl'échelle mobile du sa<strong>la</strong>ire minimum garanti que l'Assembléeapprouva le 20 septembre 1951, il y" a donc près <strong>de</strong> sixmois.Ce texte prévoyait que l'éclieile mobile s'appliquerait ausa<strong>la</strong>ire minimum ' interprofessionnel garanti, qu'en bénéficieraientégalement les travailleurs agricoles, que ce minimumgaranti serait fixé par <strong>la</strong> commission supérieure <strong>de</strong>s conventionscollectives qui établirait le budget-type, que toute augmentation<strong>de</strong> 5 p. 100 du coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie serait répercutée surle minimum garanti et que, dans un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> quinze jours,seraient convoquées les commissions paritaires pour examiner<strong>la</strong> situation <strong>de</strong>s hausses <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ires.C'est ce texte qu'avec <strong>la</strong> complicité <strong>de</strong>s députés socialistes,le Gouvernement veut faire enterrer. Nous allons le reprendresous forme <strong>de</strong> contre-projet et les travailleurs pourront jugerquels sont ceux qui, une fois les élections passées, oublientleurs promesses.Nous déposerons également <strong>de</strong>s amen<strong>de</strong>ments ayant pourobjet d'obtenir, entre autres, une véritable échelle mobile <strong>de</strong>ssa<strong>la</strong>ires, <strong>la</strong> convocation mensuelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> commission supérieure<strong>de</strong>s conventions collectives, <strong>la</strong> suppression <strong>de</strong>s abattements<strong>de</strong> zones <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ires et <strong>de</strong>s abattements pour les jeunes et lesfemmes, l'application du statut <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction publique eu cequi concerne l'application <strong>de</strong> l'article 32.La c<strong>la</strong>sse ouvrière est présente dans ce débat: elle suit avecattention tout ce qui se passe dans l'Assemblée à propos <strong>de</strong>l'échelle mobile <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires et elle ne se <strong>la</strong>isse pas tromper parle projet gouvernemental en discussion.Jugeant le Gouvernement à ses actes, dont le <strong>de</strong>rnier en dateest l'utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> force armée contre les travailleurs, <strong>la</strong>c<strong>la</strong>sse ouvrière renforce son union, gage d'action efficace, etc'est elle qui, en définitive, aura le <strong>de</strong>rnier mot. (App<strong>la</strong>udissementsà l'extrême gauche.)M. le rapporteur. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong> parole.M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. le rapporteur.M. le rapporteur. Je remercie M. Patinaud <strong>de</strong> défendre avecautant d'autorité <strong>la</strong> proposition d'origine socialiste que, pourles raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, nous avons cru'<strong>de</strong>voir abandonner momentanément, mais je désire lui poserune question.Comment M. Patinaud et ses amis expliqueront-ils aux travailleursleur attitu<strong>de</strong> actuelle qui tend à défendre cette propositiond'origine socialiste, tandis que, le 6 septembre <strong>de</strong>r-

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