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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Ce <strong>la</strong>ngage est-il celui <strong>de</strong> révoltés ? N'est-il pas plutôt <strong>la</strong>requête même <strong>de</strong> <strong>la</strong> logique et du bon sens ?De quoi s'agit-ii dans le projet que nous allons voter ?D'avantages nouveaux, <strong>de</strong> charges sociales nouvelles ? Nullement.11 s'agit <strong>de</strong> maintenir à sa valeur constante un certainminimum vital dont tous s'accor<strong>de</strong>nt à reconnaître qu'il a étécalculé assez bas puisqu'il reste sensiblement en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>schiffres avancés par les gran<strong>de</strong>s centrales <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>riés et parcertains groupements familiaux et — mon collègue et amiM. Fernand Bouxom le rappe<strong>la</strong>it très justement tout à l'heure— après étu<strong>de</strong> méthodique <strong>de</strong> budgets ouvriers.Qui dit minimum vital dit taux incompressible. Refuser <strong>de</strong>le faire varier avec les mouvements dûment enregistrés ducoût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, c'est accepter, pour un certain nombre <strong>de</strong> travailleurs,une existence misérable où <strong>la</strong> dignité, <strong>la</strong> santé, l'épanouissementfamilial se trouvent aussitôt compromis.Qui oserait envisager froi<strong>de</strong>ment cette éventualité ?On a parfois, à cette.tribune, évoqué certaines déc<strong>la</strong>rationsretentissantes <strong>de</strong>s autorités spirituelles, rappe<strong>la</strong>nt publiquementen matière <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ires les exigences imprescriptibles <strong>de</strong> <strong>la</strong>morale. Que l'on me permette <strong>de</strong> citer à mon tour ce que disaitle pape Pie XI dans son encyclique du 31 décembre 1930 sur<strong>la</strong> famille, à une époque où <strong>la</strong> crise économique exerçait déjàses ravages sur une vaste partie <strong>de</strong> l'humanité :« Il faut s'efforcer <strong>de</strong> toute façon <strong>de</strong> réaliser ce que Léon XHIavait déjà déc<strong>la</strong>ré: que, dans <strong>la</strong> société civile, le régime économiqueet social soit constitué <strong>de</strong> façon que tout père <strong>de</strong> famillepuisse gagner ce qui, étant donné sa condition et <strong>la</strong> localitéqu'il habite, est nécessaire à so.i entretien et à celui <strong>de</strong> safemme et <strong>de</strong> ses enfants. Car l'ouvrier mérite son sa<strong>la</strong>ire. Luirefuser ce sa<strong>la</strong>ire ou lui donner un t-a<strong>la</strong>ire inférieur à sonmérite, c'est une grave injustice, fl n'est pas permis non plus<strong>de</strong> fixer un taux <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ire si modique que, vu l'ensemble <strong>de</strong>scirconstances, il ne-puisse suffire à l'entretien <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. »Contre ce rappel si calme et si ferme <strong>de</strong>s principes du droitnaturel, quels arguments peut-on invoquer ?L'impossibilité <strong>de</strong> juguler l'inf<strong>la</strong>tion ? Mais le projet prévoitavec un luxe <strong>de</strong> détails que d'aucuns trouvent excessif <strong>de</strong>sdé<strong>la</strong>is permettant au Gouvernement d'agir.La nécessité d'une politique d'austérité ? Mais ne voyons-nouspas d'authentiques formules d'échelle mobile appliquées enmatière <strong>de</strong> baux, <strong>de</strong> contrats et <strong>de</strong> marges bénéficiaires par uncertain nombre d'entreprises commerciales, agricoles et mêmepubliques ? Dans son rapport au Conseil économique,, M. Levardra très justement démontré ipar toute une série d'exemples.L'austérité serait-elle l'apanagé d'une c<strong>la</strong>sse ?Que pouirait-on opposer encore ? Les exigences du prix <strong>de</strong>revient en face d'une concurrence déchaînée ? Je 6uis moinsque d'autres tenté <strong>de</strong> l'oublier étant d'une région où l'industrietextile traverse une dure crise <strong>de</strong> chômage, par suite <strong>de</strong> <strong>la</strong>fermeture ou <strong>de</strong>s contre-offensives du marché extérieur. Maisque <strong>de</strong>viendra le marché intérieur lui-même si le pouvoird'achat ouvrier s'engloutit à 15 p. 100 dans les postes alimentaires?Je conclurai donc: L'échelle mobile n'est pas une panacée.Les travailleurs n'y sont pas venus <strong>de</strong> gaieté <strong>de</strong> cœur. C'estsous <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> déceptions successives qu'ils ont fini par<strong>la</strong> réc<strong>la</strong>mer, au nom du droit qu'a tout sa<strong>la</strong>rié à vivre <strong>de</strong> son<strong>la</strong>beur.L'échelle mobile comporte <strong>de</strong>s risques. Nous en sommesd'accord. MSis il est un moyen <strong>de</strong> les éviter, c'est <strong>de</strong> s'attaquerenfin avec énergie aux causes multiples qui provoquent, ettoujours en hausse, <strong>la</strong> mobilité du coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie.Il n'est qu'une faç»n honnête <strong>de</strong> stabiliser les sa<strong>la</strong>ires, c'est<strong>de</strong> stabiliser les prix. Elle jouera comme un signal avertisseur,comme un frein pour tous ceux qui prenaient"trop facilementleur parti <strong>de</strong> l'amenuisement <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés.Il est temps que ceux-ci se sentent protégés, défendus etcompris.L'échelle m-obile, appliquée dans <strong>de</strong> <strong>la</strong>rges secteurs en Italieet en Belgique, n'a pas causé <strong>de</strong> catastrophe. Le Gouvernement,le patronat, les commerçants et les agriculteurs tiennentcompte <strong>de</strong> son existence.Tous ceux qui commettent un acte <strong>de</strong> nature à faire monterle coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie savent les risques qu'ils courent et comprennentque cet égoïsme peut bientôt se retourner contre eux.La France, pour son honneur et pour sa tranquillité, ne peutpas plus longtemps spéculer sur <strong>la</strong> patience <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés. Usatten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'échelle mobile <strong>la</strong> justice dan-s le présent et unstimu<strong>la</strong>nt efficace à l'énergie <strong>de</strong> tous ceux qui ont intérêt àcombattre l'inf<strong>la</strong>tion.11 appartient à tous ceux qui ont quelque responsabilité dansnotre vie économique <strong>de</strong> conjurer les risques <strong>de</strong> l'échellemobile par une politique hardie qui répartira les sacrifices enintéressant aux progrès <strong>de</strong> <strong>la</strong> production tous ceux qui en constituentles artisans humbles et courageux.Encore faudra-t-il tenir compte du fait que les sa<strong>la</strong>riés sontfondés à réc<strong>la</strong>mer à l'avenir l'amélioration <strong>de</strong> leur sort en fonctiond'une productivité accrue. Mais, je le dis bien nettement, enexprimantl'opinion profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s travailleurs consciencieux e(jcourageux qui constituent le peuple <strong>de</strong>s usines, <strong>de</strong>s chantiers,-<strong>la</strong>isser monter le coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie en prétendant enrayer <strong>la</strong> hausse,parallèle <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires, c'est une vue inhumaine qui, à longterme, ne peut que <strong>de</strong>sservir l'économie et qui, dans l'immédiat,ne peut qu'inspirer aux masses <strong>la</strong>borieuses <strong>la</strong> haine d'unrégime fondé sur <strong>de</strong> semb<strong>la</strong>bles injustices.C'est dans cet esprit que les représentants du mouvement!républicain popu<strong>la</strong>ire donneront leurs voix au projet qui nousest soumis, conscients non seulement <strong>de</strong> favoriser ainsi iebien <strong>de</strong>s travailleurs, mais <strong>de</strong> servir <strong>la</strong> véritable paix publique*(App<strong>la</strong>udissements au centre et à gauche.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. Boisdé,M. Raymond Boisdé. Mesdames, messieurs, repoussant délibérémentles considérations ou les controverses doctrinales, jam'en tiendrai à considérer <strong>la</strong> conjoncture actuelle et me contenterai<strong>de</strong> poser une question à M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil, par:l'entremise <strong>de</strong> M. le ministre du travail ici présent.Me rappe<strong>la</strong>nt que M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil nous a dit, iors<strong>de</strong> sa déc<strong>la</strong>ration d'investiture, et récemment encore en <strong>de</strong>mandant.il y "a un mois, l'urgence pour <strong>la</strong> discussion <strong>de</strong> te projet,que l'échelle mobile était dans son esprit un élément essentie<strong>la</strong>e sa politique d'ensemble en vue <strong>de</strong> l'équilibre économiqueet financier, je souhaiterai, après avoir entendu aujourd'hui certainesdéc<strong>la</strong>rations <strong>de</strong> M. le ministre du budget, savoir si ieGouvernement entend maintenir, voire aggraver, les piojetafinanciers qui accroissent les dangers, le far<strong>de</strong>au et l'injustice<strong>de</strong> <strong>la</strong> fiscalité actuelle et qui ne ten<strong>de</strong>nt à rien moins qu'àprovoquer une hausse sensible <strong>de</strong>s prix et à l'alimenter <strong>de</strong> façonindéfinie. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrême droite.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est. à M. Patinaud. (App<strong>la</strong>udisse-,menls à l'extrême gauche.)M. Marius Patinaud. Mesdames, messieurs, le projet qui nouâest actuellement soumis a l'ait contie lui l'unanimité <strong>de</strong>s otgani*sations syndicales ouvrières et <strong>de</strong> cadres. Je n'en veux donnéeque quelques exemptes.Le syndicat Force ouvrière <strong>de</strong>s ouvriers <strong>de</strong>s monnaies efmédailles, dans une résolution adressée à tous les <strong>parlementaires</strong>,« proteste contre le texte proposé par le conseil <strong>de</strong>i$ministres concernant l'échelle mobile <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires; <strong>de</strong>mandasl'é<strong>la</strong>boration d'un projet assurant une garantie efficace du pouvoird'achat <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés; réc<strong>la</strong>me en conséquence <strong>la</strong> convocation'<strong>de</strong> <strong>la</strong> commission supérieure <strong>de</strong>s conventions collectives ».Dans son assemblée générale, l'union <strong>de</strong>s syndicats C. F. T. C*<strong>de</strong> <strong>la</strong> Loire définit ainsi sa position :« Il faut en revenir au projet <strong>de</strong>-l'Assemblée nationale qu; estun minimum pour nous: commission supérieure chargée d'éta»bl» <strong>la</strong> composition du 'budget-type dont ie montant constitueraitle sa<strong>la</strong>ire minimum ,garanti.« Si <strong>la</strong> commission ne réussissait pas dans le dé<strong>la</strong>i d'un mois,différend tranché par l'arbitrage du ministre du travail; lout©augmentation égale ou supérieure à 5 p. 100 intégralementrépercutée sans qu'il soit besoin <strong>de</strong> l'avis du Gouvernement suçle sa<strong>la</strong>ire minimum garanti ».Quant à <strong>la</strong> confédération générale du travail, elle a montré,comme toutes les autres centrales syndicales, qu'il ne s'agitque d'une caricature d'échelle mobile. Nous avons eu <strong>la</strong> possibilitéd'étayer cette affirmation dans les précé<strong>de</strong>nts débats surcette question. Le temps limité qui nous est imparti ne nouspermet pas d'y revenir.Je veux donc borner mes explications à <strong>la</strong> réfutation du mensongegouvernemental selon lequel le niveau <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sseouvrière s'est amélioré en 1951.Une fois <strong>de</strong> plus, toutes les organisations syndicales ouvrièreset <strong>de</strong> cadres s élèvent contre une telle affirmation. Les preuves<strong>de</strong> l'abaissement <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s travailleurs sontnombreuses.Je citerai en premier lieu <strong>la</strong> diminution du nombre <strong>de</strong>smariages et <strong>de</strong>s naissances.Le nombre <strong>de</strong>s mariages en France passe <strong>de</strong> 427.000, en 1947,à 330.000, en 1950, et à 320.000 en 1951Le nombre <strong>de</strong>s naissances baisse <strong>de</strong> 867.000 en 1947, à 854.000en 1950 et à 820.000 en 1951.Le poste longue ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité sociale traduit égalementles progrès <strong>de</strong> l'appauvrissement et <strong>de</strong> l'épuisement physique.De décembre 1950 à octobre 1951, soit en dix mois, ilpasse <strong>de</strong> 2.240 millions à 3 milliards <strong>de</strong> francs, soit une augmentation<strong>de</strong> 34 p. 100.Si nous examinons maintenant les versements et les retraits<strong>de</strong> <strong>la</strong> caisse nationale d'épargne, nous nous apercevons qu'en.1951 <strong>la</strong> moyenne mensuelle <strong>de</strong>s versements n'a augmenté que

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