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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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ASSEMBLEE NATIONALE — 4° SEANCE DU 19 FEVRIER 1952 813contre l'orage inf<strong>la</strong>tionniste qu'il faut lutter. Or, on n'équilibreas un budget, en pério<strong>de</strong> d'inf<strong>la</strong>tion. On n'équilibre pas unEudget sur un p<strong>la</strong>n incliné.Ce qui me paraît grave dans l'échelle mobile et, au moins'en ce qui me concerne, déterminant pour <strong>la</strong> rejeter, mêmeamendée, même assortie d'un frein hypothétique, c'est le faitqu'elle constitue un aveu officiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> démission <strong>de</strong>s pouvoirspublics <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> dépréciation <strong>de</strong> <strong>la</strong> monnaie.En acceptant le principe, donc, qu'on le veuille ou non, <strong>la</strong>fatalité <strong>de</strong>s hausses automatiques, le Gouvernement ne peutqu'aggraver <strong>la</strong> psychose contre <strong>la</strong>quelle il prétend lutter.Nous assistons à ce spectacle paradoxal, qui prêterait à ironien'était <strong>la</strong> gravité du «sujet, d'une majorité dirigiste qui, aucours <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière légis<strong>la</strong>ture, non seulement n'a pas acceptél'échelle mobile, mais s'est formellement prononcée contre elle,notamment par <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> lea<strong>de</strong>rs tels que le prési<strong>de</strong>nt Ramad:eret même M. Croizat...M. Marius Patinaud. Qu'est-ce que M. Croizat vient faire dansce débat ?M. Paul Estèbe. ...et d'un Gouvernement actuel à <strong>la</strong>rge participationcentriste et modérée qui, en l'absence <strong>de</strong>s socialistesau sein du Gouvernement, voterait un texte contre l'applicationet surtout contre le principe duquel ces mêmes indépendantsnnt manifesté, soit au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière légis<strong>la</strong>ture, soitnaguère <strong>de</strong>vant le corps électoral, <strong>la</strong> plus totale, <strong>la</strong> plus inflexible<strong>de</strong>s oppositions.Certes, on nous parle <strong>de</strong> double frein, <strong>de</strong> déclics successifs,<strong>de</strong> tout un mécanisme retardateur conso<strong>la</strong>nt, comme si, engagésdans cette voie sans retour, on pouvait espérer éviter uneaccélération <strong>de</strong> <strong>la</strong> course <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires et <strong>de</strong>s prix dans <strong>la</strong>quelleles sa<strong>la</strong>ires s'essoufleraient en vain à courir après les iprix sansjamais pouvoir les rattraper.M. Robert Coûtant, rapporteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> commission du travail et'<strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité sociale. Ce n'est pas nouveau.M. Paul Estèbe. Hé<strong>la</strong>s ! Puissiez-vous faire votre profit <strong>de</strong> cesvérités élémentaires que vous méconnaissez, je crois, un peutrop souvent.Comme s'il suffisait, alors que l'on retenait sur <strong>la</strong> pente, <strong>de</strong>ses mains agrippées, <strong>la</strong> voiture désemparée, d'y prendre p<strong>la</strong>ce,d'y ajouter son poids, <strong>de</strong> libérer sa vitesse progressive <strong>de</strong> <strong>de</strong>scente,pour l'arrêter ou modérer sa course folle !En fait, <strong>la</strong> marge <strong>de</strong> temps et d'initiative se rétrécit dangereusementoù les responsables pourraient encore donner iescoups d'arrêt que <strong>la</strong> situation exige et que le pays réc<strong>la</strong>me.Nous entrons dans une pério<strong>de</strong> difficile et dure où je crainsbien que les expédients, les temporisations, les gaspil<strong>la</strong>ges, le<strong>la</strong>isser-aller, les comportements ^magogiques <strong>de</strong>vront cé<strong>de</strong>rbientôt à l'imp<strong>la</strong>cable nécessité.Sans faire preuve <strong>de</strong> pessimisme excessif, sans ignorer queles chances <strong>de</strong> <strong>la</strong> France <strong>de</strong>meurent sérieuses, sans mésestimer,Dieu merci, les ressources <strong>la</strong>tentes <strong>de</strong> ce pays dont l'équilibre<strong>de</strong> structure est encore capable <strong>de</strong> pallier les erreurs et iesfautes <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique absur<strong>de</strong> qu'il subit, comment ne pas êtresensible au ma<strong>la</strong>ise grandissant <strong>de</strong> toutes les couches socialeset <strong>de</strong> toutes les sphères d'activité <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation ?Nul ne peut nier <strong>la</strong> gravité <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise économique qui séviten France. On peut discuter à perte <strong>de</strong> vue sur <strong>la</strong> significationet <strong>la</strong> malléabilité comp<strong>la</strong>isante <strong>de</strong>s statistiques; on peut ergotersur les chiffres comparatifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> production française, surle rapport sa<strong>la</strong>ire horaire-prix <strong>de</strong> détail', sur <strong>la</strong> comparaisondu pouvoir d'achat <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés, qui contestera que notre productionest insuffisante; que, sous l'angle <strong>de</strong> <strong>la</strong> fameuse, productivité,<strong>la</strong> comparaison avec les économies étrangères estinquiétante ; que le pouvoir d'achat du sa<strong>la</strong>rié en 1951 n'a pasaugmenté, si même encore il n'a pas diminué légèrement farrapport à 1938; que, malgré <strong>de</strong>s efforts méritoires et souventcourageux, <strong>la</strong> situation du logement est, en France, moins favorableque. dans aucun autre pays voisin, même sinistré, malgré<strong>la</strong> faible augmentation <strong>de</strong> notre popu<strong>la</strong>tion ; que l'actif immobiliera, en francs 1913, perdu en moyenne au moins 95 p. 100<strong>de</strong> sa valeur initiale ?Ainsi, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers lustres, le patrimoine industrielfrançais, l'épargne française et <strong>la</strong> propriété bâtie ont été dépréciés, sans que le sort <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés se soit quelque peu amélioré.Et l'Etat, quant à lui, comme toujours, apparaît incapable <strong>de</strong>soutenir <strong>la</strong> charge financière <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong>s fonctions et <strong>de</strong>sactivités qu'il a trop souvent inconsidérément assumées.Au surplus, et c'est pour moi <strong>la</strong> constatation essentielle, onobserve crue <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> monnaie, expression résumée <strong>de</strong>notre activité, symbole même <strong>de</strong> l'équilibre économique etsocial français, a diminué d'une façon continue. L'étu<strong>de</strong> sur <strong>la</strong>situation économique <strong>de</strong> l'Europe établie par le conseil économiqueet social <strong>de</strong>s Nations Unies souligne avec raison cettedépréciation incessante <strong>de</strong> <strong>la</strong> monnaie française.« Le trait caractéristique <strong>de</strong> l'évolution monétaire en Franceest <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité avec <strong>la</strong>quelle le pouvoir d'achat du franc s'estamenuisé. Sans doute, d'autres pays d'Europe ont connu pendantcette pério<strong>de</strong> une inf<strong>la</strong>tion plus violente, mais, en France,si l'on examine les choses d'une façon rétrospective, on s'aperçoitque l'inf<strong>la</strong>tion prend <strong>la</strong> forme d'un processus continu. x>Le corps électoral et l'opinion constatent amèrement que <strong>la</strong>politique jusqu'ici préconisée et adoptée a découragé, volontairementou involontairement, peu importe, les forces productives,l'esprit d'initiative, ce qui reste encore <strong>de</strong> goût pour;l'épargne, et transformé en frau<strong>de</strong>ur quiconque prétend actuellementmaintenir son entreprise.L'Etat a abandonne son rôle traditionnel d'arbitre pour faireœuvre <strong>de</strong> partisan. L'Etat, si prodigue rie conseils et d'admonestationspour le producteur, le consommateur et le contribuable,persévère dans l'erreur. Quelles que soient, en effet —fâcheux prélu<strong>de</strong>, d'ailleurs, à l'échelle mobile — les raisons queles autorités compétentes peuvent invoquer en faveur <strong>de</strong>srécentes et importantes augmentations <strong>de</strong>s tarifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sociéténationale <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> fer français et <strong>de</strong> l'électricité, il estevi<strong>de</strong>nt que l'Etat n'a pas renoncé à donner l'exemple <strong>de</strong>srenchérissements. Et comme les prix français, déjà très élevéspar rapport aux prix mondiaux, sont à <strong>la</strong> base <strong>de</strong> toutes lesdiffieuftés économiques, monétaires et sociales du temps présent,l'impression se confirme que, par le jeu <strong>de</strong> l'échelle ,mobile, l'action gouvernementale continuera <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre unepente tout au long et au bas <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle les choses ne peuventque tourner au pire, que l'on se p<strong>la</strong>ce au point <strong>de</strong> vue duconsommateur ou à celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> monnaie, dont <strong>la</strong> valeur réelleest exactement définie par le niveau <strong>de</strong>s prix intérieurs.Il est vrai qu'on insiste, d'ailleurs non sans raison, sur leprix exorbitant du cha.bon, qui est au coefficient 33. Même sil'on tient compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> cherté <strong>de</strong> <strong>la</strong> houille importée pourcompléter nos disponibilités en charbon, il est pour le moinsregrettable — et un terme plus sévère serait ici <strong>de</strong> mise — quele prix <strong>de</strong> cette matière <strong>de</strong> base par excellence, dont <strong>la</strong> productiona été nationalisée au profit, dit-on, <strong>de</strong> <strong>la</strong> masse <strong>de</strong>sconsommateurs et <strong>de</strong> l'économie du pays, figure parmi les plushauts <strong>de</strong> ceux qui composent l'indice général.Qui ne voit que si l'on veut courageusement — car tout estlà — vaincre les obstables auxquels se heurte le rétablissement<strong>de</strong> l'équilibre souhaitable, il fal<strong>la</strong>it, pour commencer, que fûtévité tout renchérissement nouveau <strong>de</strong>s services publics ettous impôts supplémentaires appelés fatalement à se répercuteren chaîne sur le coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie ?M. le rapporteur. Vous approuvez donc les subventions ?M. Paul Estèbe. Pour dégager <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong>s pouvoirspublics, d'aucuns tentent d'incriminer, suivant leur optiquepartiale, ou bien <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> l'épargne, ou l'incompréhension<strong>de</strong>s travailleurs ou <strong>la</strong> défail<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> l'initiative privée.Comment reprocher aux épargnants leur refus, alors quel'Etat leur a pris, ainsi qu'aux mineurs dont il avait <strong>la</strong> charge,<strong>la</strong> totalité ou presque <strong>de</strong> leur patrimoine entre 1938 et 1950 ?Quant à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ouvrière, abusée par les slogans <strong>de</strong> <strong>la</strong>lutte <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses, déroutée par les illusions <strong>de</strong> l'inf<strong>la</strong>tion,a-t-elle suffisamment entendu, <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s autorités responsables<strong>de</strong> l'Etat, le nécessaire <strong>la</strong>ngage <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité 1Lui a-t-on dit que le plus sûr moyen d'accroître ses avantagesest encore <strong>de</strong> développer <strong>la</strong> production, <strong>de</strong> l'améliorer techniquementafin <strong>de</strong> diminuer le coût <strong>de</strong>s marchandises, <strong>de</strong> participerelle aussi, comme toutes les autres c<strong>la</strong>sses <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation,au maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> monnaie dont elle est solidaire <strong>de</strong> même quels autres parties prenantes ?Et puis, que propose-t-on d'idéal et même d'avenir correctet décent à une c<strong>la</strong>sse ouvrière qui ne se voit même pas e»mesure <strong>de</strong> bénéficier, pour rester simplement sur le p<strong>la</strong>n temporel,<strong>de</strong>s avantages au moins tangibles <strong>de</strong> l'économie américaine,l'automobile, <strong>la</strong> télévision, le frigidaire; cette c<strong>la</strong>sseouvrière à qui il ne suffit pas, dans une débauche d'affiches, <strong>de</strong>montrer Staline usant <strong>de</strong> l'appât d'une colombe explosive pourlui faire oublier qu'elle ne renoncera à <strong>la</strong> mystique communiste,à <strong>la</strong> foi collective transportant sur terre les promesses <strong>de</strong>l'au-<strong>de</strong>là, que si elle trouve dans <strong>la</strong> patrie, qu'on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> servir et <strong>de</strong> défendre les raisons matérielles et morales quipermettent et surtout qui méritent que l'on vive ?Enfin, <strong>la</strong> défail<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> l'initiative privée ? Il est bien vraique, re<strong>la</strong>tivement pauvre en hommes et en ressources naturelles,<strong>la</strong> France doit avant tout compter sur l'effort personnel.Malgré <strong>la</strong> méfiance systématique dont l'Etat fait montre àl'endroit <strong>de</strong> l'industrie et du commerce, malgré l'incompréhension<strong>de</strong>s impératifs économiques, <strong>la</strong> libre entreprise n'a cesséd'être le facteur déterminant du redressement du pays, et toutesles idéologies ne pourront rien contre ce fait traditionnel. Orc'est elle précisément, cette entreprise Drivée, qu'on pénalise,

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