JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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A l'heure actuelle, la France est le pays qui comporte leplus grand nombre de vieillards à entretenir. Cela est dû auxantibiotiques et aux merveilleux succès obtenus par la sciencemédicale. Mais, en même temps, elle a tous les ans300.000 enfants de plus à entretenir et à nourrir. C'est le gagede notre relèvement et de notre avenir. Encore laut-il voir leschoses en face et se dire que ces 300.000 enfants resteront àJa charge de leurs parents jusqu'à l'âge de la production.J'ai fait allusion au nombre des heures de travail. Avez-voustme idée de la différence entre les heures de travail fourniesen 1906 et aujourd'hui, je ne dis pas par Français, mais pour(chaque Français '?J'entends bien que, depuis, es! intervenu un singulier développementdu machinisme, lequel, d'ailleurs, a surtout pourfefîet de mettre de nouvelles marchandises sur le marché. En£906, il n'y avait pas de postes de radio et guère de bicyclettes.'Je reconnais aussi que, dans les usines, au rythme actuel desmachines, on ne peut plus assurer une présence aussi longuequ'en 1906. 11 n'empêche que j'ai été frappé par les constata-Jions auxquelles je suis parvenu.En 1906, pour chaque Français, le nombre des heures detravail fourni était supérieur de 25 p. 100 au chiffre d'aujourd'hui.Cela ne veut pas dire que chaque Français travaillaitplus que maintenant dans la proportion de 25 p. 100. Maisaujourd'hui il y a plus de vieillards et plus d'enfants à entretenir.Voici les* chiffres exacts, pour ceux que cela intéresse:(1.285 heures maintenant, 1.610 en 1906.' Notons d'ailleurs que cette diminution du nombre des heures'de travail avantagent beaucoup plus l'ouvrier des villes que'celui des champs. La terre s'accommode mal des réglementationsdu travail. Tous les jours il faut traire le bétail, luidonner à manger, ainsi qu'à la basse-cour; on ne moissonne,on ne fait les foins, on ne sème, on ne laboure que si le tempsle permet ; et les fruits de ce travail difficile demeurent toujoursincertains, car ils dépendent du soleil dont nous ne sommespas maîtres.Or aujourd'hui — je vous assure que je ne suis, dans cepropos, aucunement guidé par des préoccupations électorales•— le sort de l'agriculture est grave. Combien, parmi nous,6avent-ils qu'au rythme actuel, au prix de la chaux et desengrais, les paysans ne peuvent plus amender leurs terres ?Nous risquons/si nous n'y prenons garde, d'enregistrer desrendements dramatiquement déclinants.Peut-être avons-nous un peu tort, ici, de trop envisager lesproblèmes que j'évoque sur le plan urbain, sans considérersuffisamment la situation de la glèbe dont, au fond, notre vie.de chaque jour dépend.Le vrai démocrate — je prétends „en être un — sait bienqu'il ne pourra pas y avoir de saine gestion économique tantque toutes ces vérités, ces réalités n'auront pas pénétré partout.S'il serait injuste de ne pas reconnaître le travail considérableaccompli grâce aux centrales syndicales depuis la libération.11 y a encore beaucoup à faire. Pour parvenir au but,il faut instituer la collaboration qui fera pénétrer ces vérités,accepter cette optique, ces nécessités à tous les degrés desentreprises. C'est à cela qu'il faut tendre et à rien d'autre.Je sais que cette conception fait peur à certains. Les unsCraignent d'en être dupes, les au'ures voient là je ne sais quelmariage impossible entre des intérêts prétendus inconciliables.Allons donc! Avec un peu de bonne volonté et d'expérience,©n mettra tout cela au point!Voilà la solution pour arriver au but que nous avons dansl'esprit. Tout le reste ne constitue que misérables palliatifset personne, ici, n'a dit le contraire.Je ne reviendrai pas sur les critiques que l'on a adresséesau système de l'échelle mobile. Je me borne à constater,preuve de tout ce que j'ai avancé, que, dans le projet qui fut,voté ie 20 septembre 1951, nul n'a envisagé la baisse; les dispositionsvotées ne; prévoyaient que la hausse. On avait raison.Car, à partir du moment où l'on augmente les salaires, on nepeut plus espérer voir baisser le paix de la vie.Prenons l'exemple très simple d'une mauvaise récolte.Du fait de cette mauvais® récolte, les prix agricoles sont élevéset provoquent le renchérissement du prix de la vie. Au lieu dece restreindre, comme les circonstances le commanderaient, onaugmente les salaires. Du coup, la récolte suivante, même sielle est normale, sera évaluée au nouveau taux et les prix nebaisseront plus.Parlons net: voici déjà quelques années que nous sommesfeoumis au régime de l'échelle mobile et toutes les discussionsqui ont lieu actuellement tendent à déterminer quel frein seraDais en œuvre, quelle sera sa puissance et pendant combiende temps on appuiera sur la pédale. Mais un frein ne peut pasàvoir pour effet d'empêcher un mouvement; il le retarde tout^u plus.Quand le Gouvernement réclame, comme l'une de ses prérogativesessentielles, le droit de contrôler les prix et les salaires,il est parfaitement dans son rôle. Le pouvoir de battre monnaie— et hausser les salaires et les prix, c'est battre monnaie —>a toujours été un pouvoir régalien.Lorsque M. Ramadier, en 1947, s'est opposé à l'accord intervenuau Palais-Royal entre les salariés et ie patronat — j'augmentetes salaires, mais toi, laisse-moi augmenter mes prix —til était parfaitement dans son rôle.Le Gouvernement ne remplit plus sa mission si, en mêmetemps, il ne s'attache pas à sa tâche essentielle, qui est d'harmoniserles charges à la production.Je prétends qu'on peut parfaitement calculer les chargessupportables en regard d'une production donnée. C'est uneestimation difficile, mais plusieurs méthodes permettent detirer des conclusions valables. Si l'on n'accomplit pas ce travail,il faut laisser la vie économique trouver elle-même l'équilibrenécessaire.De deux choses l'une: ou les charges, dont la production aun besoin vital de s'alléger, sont des charges fixes, dans cecas, le prix de la vie montera et les salaires monteront jusqu'aumoment où ces charges seront devenues un fardeaupossible; ou bien on aura commis l'erreur de fixer toutes cescharges en fonction du prix de la vie, et alors, il n'y a pas derémission possible: la monnaie s'effondrera intégralement,plus ou moins vite; puis, ensuite, ce sera toute une économiequ'il faudra refaire.Ainsi donc, quand les gouvernements n'accomplissent pasla tâche qui leur incombe, ils ne doivent pas s'étonner quedea dispositions comme celles que nous discutons soient soumisesau Parlement et le plus classique des économistesactuels — trop classique même, à mon sens — M. Ruefl,s'exprime ainsi :« Si l'inflation persiste, les sacrifices imposés par elle sonttrop intolérables, les motifs d'équité sont trop forts pour qu'onpuisse longtemps repousser cette demande » — la demandede l'échelle mobile.« Si l'échelle mobile est dangereuse et si, dans le régimeactuel, il est impossible de la refuser, il faut coûte que coûteobtenir la stabilité des prix et, par conséquent, en vouloir aussiles moyens ».Je m'excuse auprès de l'Assemblée d'avoir été si long etpeut-être trop complet, ce qui — je trouverais cela légitime —•a pu provoquer sa lassitude.Il me semblait, toutefois, que ces choses devaient êlre dites.(Applaudissements à l'extrême droile et sur quelques bancs àdroite.)M. le président. La parole est à M. Gaborit.M. Roger Gaborit. Mesdames, messieurs, le groupe radicalsocialistem'a chargé d'exprimer à cette tribune les inquiétudesque fait naître en son sein le projet relatif à la variatioiidu salaire minimum national interprofessionnel garanti quinous est proposé par le Gouvernement et qui est certainementl'un des projets les plus importants, peut-être le plus dangereuxde cette législature pour l'économie française.Après le projet Coûtant et celui du Conseil de la République,le Gouvernement nous présente un nouveau texte.Il est difficile de déceler l'esprit qui anime ce projet; mais,malgré les déclarations du président du conseil, il nous apparaîtque la solution apportée est une concession politique auxpartisans de l'échelle mobile et ce, sans contrepartie de leurpart. Elle ne semble pas apporter aux groupes qui l'ont rejetéedes motifs valables de changer leur attitude, car enfin, ce' quele Gouvernement précédent ne pouvait accepter subsiste, àsavoir, selon les paroles prononcées par le vice-président duconseil le 19 décembre 1951, d'être dessaisi de la faculté qu'iltient de la»loi de 1950 d'apprécier les conditions économiquesgénérales, d'être dessaisi, en somme, de la responsabilité dela fixation du salaire minimum national interprofessionnelgaranti.Le Gouvernement, en effet, voit, dans ce salaire de protection,une clause de garantie d'ordre public et il ne peut abandonneraux seules conséquences de la statistique ni l'appréciationdes conditions économiques, ni le choix du moment, n|l'importance de la variation.Or, il semble que M. le président du conseil n'ait pas tenucompte des préoccupations du gouvernement d'hier, car enfait il s'agit d'un projet d'échelle mobile différée, d'échellemobile discriminatoire, puis d'un système d'avertissement dan»lequel joue, selon son expression même, « l'automatismeaveugle ».C'est en somme un coup de semonce de la commission supérieuredes conventions collectives que le Gouvernement attendrapour prendre ses responsabilités à l'égard de 1a classaouvrière et pour agir.

C'est vraiment une singulière conception de l'action qued'attendre d'être alerté par un organisme irresponsable, extérieurà soi-même, pour jeter les yeux sur ce que certainsappellent le « cadran des prix », alors que commerçants etindustriels en suivront les variations minutieusement neserait-ce que pour, dans certains cas isolés, je l'espère, anticipersur la hausse des prix ou se garantir contre elle.L'action du Gouvernement, au contraire, devrait précéder laconstatation de la hausse de 5 p. 100 qui déclenchera le mécanismede revision.Croyez-vous, messieurs les ministres, que ce délai d'un moiseerâ efficace, qu'il vous permettra d'agir ?Je suppose que le Parlement retienne votre projet. Le Gouvernementa un mois — pourquoi un mois ? — pour savoir s'ile'agit d'une hausse saisonnière ayant un caractère passager.Il vous sulïira de vous reporter à la nomenclature des213 articles formant l'ensemble de l'indice des prix à la consommationfarçiliiile et à la pondération établie entre eux pourvous apercevoir que les hausses saisonnières s'inscrivent peuou mal dans cet indice où ne figurent ni les fruits ni ieslégumes mais où, en revanche, on trouve l'encre de chine, labaile de tennis, la pellicule photographique ou d'autres objetsde ce genre qui ne sont pas sujets aux variations saisonnières.Croyez-vous qu'en un mois vous allez avoir une action surles prix ?Dans la première quinzaine de janvier, le coût de la viedépasse de 3 à 4 p. 100 la hausse intervenue depuis la daterepère du 1 er avril. Les répercussions des augmentations del'électricité et du gaz donneront un point supplémentaire pourla première semaine de février. La répercussion de l'augmentationdes transports voyageurs et marchandises donnera prèsd'un autre point supplémentaire. Le niveau sera donc atteint.11 sera même dépassé si vous augmentez les impôts indirectsde 10 p. 100. L'incidence théorique de cette augmentationreprésente près d'un point et demi dans l'indice des 213 articles.Quelle action pourrez, vous exercer ?Une seule possibilité subsistera pour le Gouvernement : décréterune baisse autoritaire pour ramener l'indice au dessous duniveau fixé, puis bloquer ou contrôler les prix pour ensuitecontrôler les salaires.C'est en somme la politique à laquelle nous invitent nosamis socialistes, qui sont logiques, d'ailleurs, dans leur action,fidèles à leur doctrine.Mais ce n'est pas la nôtre.M. Jacques Chasteilain. Ni la nôtre !M. Roger Gaborit. M. Leenhardt ne nous a pas caché sa penséequand, le 13 septembre 1951, il nous a déclaré:« Si nous demandons aujourd'hui l'institution de l'échellemobile, c'est par tactique, parce que nous avons la convictionque l'échelle mobile existant, il faudra être plus sérieux qu'onne l'a été dans l'utilisation de tous les moyens pouvant contenirles prix, qu'il s'agisse de la baisse autoritaire des prix,qu'il s'agisse de la fiscalité, qu'il s'agisse aussi de la restric-Jion des crédits. »Le blocage et le contrôle des prix devra cbnc suivrp la baisseautoritaire. Mais ce blocage sera inefficace si vous ne bloquezas tous les prix à tous les stades de la production et de laistribution.Il est évident qu'il faudra bloquer et contrôler les prix agricolessi vous voulez que l'indice des prix alimentaires, dont lapondération est de 58 p. 100 dans l'indice des 213 articles, restestable.Et si vous bloquez les prix, vous serez nécessairement amenésà contrôler la production et la consommation.D'ailleurs, M. Coûtant disait le 13 septembre 1951:« L'action gouvernementale sur les prix ne peut, en effet,lavoir d'efficacité que dans le cadre d'une économie organiséeassurant une répartition rationnelle et le contrôle de la productionà la consommation. »Le Gouvernement sera donc appelé à revenir à un dirigismeintégral auquel nous ne pouvons souscrire.Permettez-moi de vous dire maintenant que si vous bloquezles prix industriels, cela signifie que vous demanderez àl'industrie d'incorporer dans ses prix, en plus de la baisse, lesaugmentations d'impôts et les charges sociales supplémentaires,les hausses, s'il s'en produit, des matières premièresinternationales. Vous ne pourrez même plus faire d'importationsde choc puisque, selon la déclaration du président duconseil lui-même, nous manquons de devises étrangères.Je suis alors amené à poser au Gouvernement quelques questions.Est-il dans vos intentions de procéder éventuellement à unebaisse autoritaire des prix suivie d'un blocage des salaires XLe blocage des prix s'appliquera-t-il à tous les stades iS'appliquera-t-il aux prix agricoles ?Comment procéderez-vous à ce blocage ?En tout état de cause, vous êtes appelés à vous installer surun nouveau palier. Quelles en seront les conséquences dansles secteurs public, semi-public et privé ?Refuserez-vous aux fonctionnaires une augmentation égaie àcelle qui sera constatée par la hausse des prix ?Cetle augmentation sera-t-elle hiérarchisée ou en profiterezvouspour écraser la hiérarchie ?Au cours des débats de septembre, M. Pleven avait faitremarquer que chaque point d'augmentation représentait unedépense supplémentaire, pour le budget, de 8 à 13 milliards defrancs. Cela représente, pour une hausse de 5 p. 100, de 40 à60 milliards de francs.Comment couvrirez-vcus ces dépenses ?Ne serez-vous pas amenés à procéder à un relèvement duplafond des avances de la Banque de France ?Refuserez-vous d'appliquer celte augmentation de salaires ausecteur nationalisé ?Quelles en seront les conséquences sur le prix du charbonqui, à raison de 60 p. 100, est représenté par des charges desalaires ?Prévoyez-vous des subventions supiplémentaires pour assurerla stabilisation'du prix du charbon?Par quelles receltes couvrirez-vous le montant de ces subventions?Autant de questions auxquelles nous serions heureux d'avoirune réponse claire et franche.M. Jacques Chasteilain. Et les anciens combattants et vjetimesde la guerre ?M. Roger Gaborit. Nous pensons que l'échelle mobile est unfacteur permanent de déséquilibre budgétaire et qu'elle estinapplicable au moment où vous proposez le retour à la libreconvertibilité des monnaies. (Applaudissements sur certains,bancs à gauche, à droite et à l'extrême droite.)M. Jean Le Coutaller. Le budget est en déséquilibre depuislongtemps et l'échelle mobile n'existe pas! (Applaudissementsà gauche.)M. Roger Gaborit. Il faudrait nous mettre d'accord, mon chercollègue, car lors d'une autre séance, on nous a dit: en fait,voyons! l'échelle mobile existe.Par conséquent, si l'échelle mobile existe actuellement, nousne pouvons pas dire qu'elle ait permis d'obtenir de brillantsrésultats.M. Francis Leenhardt. Ce n'est pas nous qui l'avons dit.M. Jean Le Coutaller. L'échelle mobile n'existe pas, puisquenous voulons la faire voter.M. Roger Gaborit. Je me permets de souligner aussi l'incidencede cette politique sur les budgets communaux et départementaux.M. Jacques Chasteilain. Très hien!M. Roger Gaborit. Comment pourront-ils résister à de tellesvariations (Applaudissements sur certains bancs à gauche etsur de nombreux bancs à droite et à l'extrême droite) alors queles maires de nos communes ont déjà des difficultés énormesà établir leur budget ? Ils seront obligés, plusieurs fois par an,de revoir leurs prévisions.Je demande au Gouvernement: où trouveront-ils les ressources?M. Albert Latle. Bien sûr!M. Roger Gaborit. En ce qui concerne le secteur privé, allezvousdemander à l'industrie, s'il s'agit de prix contrôlés,-d'absorber la hausse des salaires, au moment même où vousallez augmenter la taxe à la production et les charges de sécuritésociale ?Enfin, il me semble relever une contradiction dans une tellepolitique. On nous dit : il faut voter 200 milliards de francsd'impôts supplémentaires pour lutter contre l'inflation et, enmême temps, on accepte la possibilité d'une augmentation automatiquede 5 p. 100. .Alors que la masse salariale représente4.000 milliards de francs, cetle augmentation de 5 p. 100 représente200 milliards de plus à faire absorber par l'économiefrançaise.Je considère, pour ma part, qu'il y a là un danger trèsgrand.En. ce qui concerne les prix libres, ne craignez-vous pas unerépercussion de la hausse des salaires sur les exportations,alors que, dans ce domaine, nos prix sont déjà beaucoup tropélevés ?Prévoyez-vous de nouvelles subventions pour soutenir lesexportations 1

C'est vraiment une singulière conception <strong>de</strong> l'action qued'attendre d'être alerté par un organisme irresponsable, extérieurà soi-même, pour jeter les yeux sur ce que certainsappellent le « cadran <strong>de</strong>s prix », alors que commerçants etindustriels en suivront les variations minutieusement neserait-ce que pour, dans certains cas isolés, je l'espère, anticipersur <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s prix ou se garantir contre elle.L'action du Gouvernement, au contraire, <strong>de</strong>vrait précé<strong>de</strong>r <strong>la</strong>constatation <strong>de</strong> <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong> 5 p. 100 qui déclenchera le mécanisme<strong>de</strong> revision.Croyez-vous, messieurs les ministres, que ce dé<strong>la</strong>i d'un moiseerâ efficace, qu'il vous permettra d'agir ?Je suppose que le Parlement retienne votre projet. Le Gouvernementa un mois — pourquoi un mois ? — pour savoir s'ile'agit d'une hausse saisonnière ayant un caractère passager.Il vous sulïira <strong>de</strong> vous reporter à <strong>la</strong> nomenc<strong>la</strong>ture <strong>de</strong>s213 articles formant l'ensemble <strong>de</strong> l'indice <strong>de</strong>s prix à <strong>la</strong> consommationfarçiliiile et à <strong>la</strong> pondération établie entre eux pourvous apercevoir que les hausses saisonnières s'inscrivent peuou mal dans cet indice où ne figurent ni les fruits ni ieslégumes mais où, en revanche, on trouve l'encre <strong>de</strong> chine, <strong>la</strong>baile <strong>de</strong> tennis, <strong>la</strong> pellicule photographique ou d'autres objets<strong>de</strong> ce genre qui ne sont pas sujets aux variations saisonnières.Croyez-vous qu'en un mois vous allez avoir une action surles prix ?Dans <strong>la</strong> première quinzaine <strong>de</strong> janvier, le coût <strong>de</strong> <strong>la</strong> viedépasse <strong>de</strong> 3 à 4 p. 100 <strong>la</strong> hausse intervenue <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> daterepère du 1 er avril. Les répercussions <strong>de</strong>s augmentations <strong>de</strong>l'électricité et du gaz donneront un point supplémentaire pour<strong>la</strong> première semaine <strong>de</strong> février. La répercussion <strong>de</strong> l'augmentation<strong>de</strong>s transports voyageurs et marchandises donnera prèsd'un autre point supplémentaire. Le niveau sera donc atteint.11 sera même dépassé si vous augmentez les impôts indirects<strong>de</strong> 10 p. 100. L'inci<strong>de</strong>nce théorique <strong>de</strong> cette augmentationreprésente près d'un point et <strong>de</strong>mi dans l'indice <strong>de</strong>s 213 articles.Quelle action pourrez, vous exercer ?Une seule possibilité subsistera pour le Gouvernement : décréterune baisse autoritaire pour ramener l'indice au <strong>de</strong>ssous duniveau fixé, puis bloquer ou contrôler les prix pour ensuitecontrôler les sa<strong>la</strong>ires.C'est en somme <strong>la</strong> politique à <strong>la</strong>quelle nous invitent nosamis socialistes, qui sont logiques, d'ailleurs, dans leur action,fidèles à leur doctrine.Mais ce n'est pas <strong>la</strong> nôtre.M. Jacques Chastei<strong>la</strong>in. Ni <strong>la</strong> nôtre !M. Roger Gaborit. M. Leenhardt ne nous a pas caché sa penséequand, le 13 septembre 1951, il nous a déc<strong>la</strong>ré:« Si nous <strong>de</strong>mandons aujourd'hui l'institution <strong>de</strong> l'échellemobile, c'est par tactique, parce que nous avons <strong>la</strong> convictionque l'échelle mobile existant, il faudra être plus sérieux qu'onne l'a été dans l'utilisation <strong>de</strong> tous les moyens pouvant contenirles prix, qu'il s'agisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> baisse autoritaire <strong>de</strong>s prix,qu'il s'agisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiscalité, qu'il s'agisse aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong> restric-Jion <strong>de</strong>s crédits. »Le blocage et le contrôle <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong>vra cbnc suivrp <strong>la</strong> baisseautoritaire. Mais ce blocage sera inefficace si vous ne bloquezas tous les prix à tous les sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> production et <strong>de</strong> <strong>la</strong>istribution.Il est évi<strong>de</strong>nt qu'il faudra bloquer et contrôler les prix agricolessi vous voulez que l'indice <strong>de</strong>s prix alimentaires, dont <strong>la</strong>pondération est <strong>de</strong> 58 p. 100 dans l'indice <strong>de</strong>s 213 articles, restestable.Et si vous bloquez les prix, vous serez nécessairement amenésà contrôler <strong>la</strong> production et <strong>la</strong> consommation.D'ailleurs, M. Coûtant disait le 13 septembre 1951:« L'action gouvernementale sur les prix ne peut, en effet,<strong>la</strong>voir d'efficacité que dans le cadre d'une économie organiséeassurant une répartition rationnelle et le contrôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> productionà <strong>la</strong> consommation. »Le Gouvernement sera donc appelé à revenir à un dirigismeintégral auquel nous ne pouvons souscrire.Permettez-moi <strong>de</strong> vous dire maintenant que si vous bloquezles prix industriels, ce<strong>la</strong> signifie que vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rez àl'industrie d'incorporer dans ses prix, en plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> baisse, lesaugmentations d'impôts et les charges sociales supplémentaires,les hausses, s'il s'en produit, <strong>de</strong>s matières premièresinternationales. Vous ne pourrez même plus faire d'importations<strong>de</strong> choc puisque, selon <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration du prési<strong>de</strong>nt duconseil lui-même, nous manquons <strong>de</strong> <strong>de</strong>vises étrangères.Je suis alors amené à poser au Gouvernement quelques questions.Est-il dans vos intentions <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r éventuellement à unebaisse autoritaire <strong>de</strong>s prix suivie d'un blocage <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires XLe blocage <strong>de</strong>s prix s'appliquera-t-il à tous les sta<strong>de</strong>s iS'appliquera-t-il aux prix agricoles ?Comment procé<strong>de</strong>rez-vous à ce blocage ?En tout état <strong>de</strong> cause, vous êtes appelés à vous installer surun nouveau palier. Quelles en seront les conséquences dansles secteurs public, semi-public et privé ?Refuserez-vous aux fonctionnaires une augmentation égaie àcelle qui sera constatée par <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s prix ?Cetle augmentation sera-t-elle hiérarchisée ou en profiterezvouspour écraser <strong>la</strong> hiérarchie ?Au cours <strong>de</strong>s débats <strong>de</strong> septembre, M. Pleven avait faitremarquer que chaque point d'augmentation représentait unedépense supplémentaire, pour le budget, <strong>de</strong> 8 à 13 milliards <strong>de</strong>francs. Ce<strong>la</strong> représente, pour une hausse <strong>de</strong> 5 p. 100, <strong>de</strong> 40 à60 milliards <strong>de</strong> francs.Comment couvrirez-vcus ces dépenses ?Ne serez-vous pas amenés à procé<strong>de</strong>r à un relèvement dup<strong>la</strong>fond <strong>de</strong>s avances <strong>de</strong> <strong>la</strong> Banque <strong>de</strong> France ?Refuserez-vous d'appliquer celte augmentation <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ires ausecteur nationalisé ?Quelles en seront les conséquences sur le prix du charbonqui, à raison <strong>de</strong> 60 p. 100, est représenté par <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong>sa<strong>la</strong>ires ?Prévoyez-vous <strong>de</strong>s subventions supiplémentaires pour assurer<strong>la</strong> stabilisation'du prix du charbon?Par quelles receltes couvrirez-vous le montant <strong>de</strong> ces subventions?Autant <strong>de</strong> questions auxquelles nous serions heureux d'avoirune réponse c<strong>la</strong>ire et franche.M. Jacques Chastei<strong>la</strong>in. Et les anciens combattants et vjetimes<strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre ?M. Roger Gaborit. Nous pensons que l'échelle mobile est unfacteur permanent <strong>de</strong> déséquilibre budgétaire et qu'elle estinapplicable au moment où vous proposez le retour à <strong>la</strong> libreconvertibilité <strong>de</strong>s monnaies. (App<strong>la</strong>udissements sur certains,bancs à gauche, à droite et à l'extrême droite.)M. Jean Le Coutaller. Le budget est en déséquilibre <strong>de</strong>puislongtemps et l'échelle mobile n'existe pas! (App<strong>la</strong>udissementsà gauche.)M. Roger Gaborit. Il faudrait nous mettre d'accord, mon chercollègue, car lors d'une autre séance, on nous a dit: en fait,voyons! l'échelle mobile existe.Par conséquent, si l'échelle mobile existe actuellement, nousne pouvons pas dire qu'elle ait permis d'obtenir <strong>de</strong> bril<strong>la</strong>ntsrésultats.M. Francis Leenhardt. Ce n'est pas nous qui l'avons dit.M. Jean Le Coutaller. L'échelle mobile n'existe pas, puisquenous voulons <strong>la</strong> faire voter.M. Roger Gaborit. Je me permets <strong>de</strong> souligner aussi l'inci<strong>de</strong>nce<strong>de</strong> cette politique sur les budgets communaux et départementaux.M. Jacques Chastei<strong>la</strong>in. Très hien!M. Roger Gaborit. Comment pourront-ils résister à <strong>de</strong> tellesvariations (App<strong>la</strong>udissements sur certains bancs à gauche etsur <strong>de</strong> nombreux bancs à droite et à l'extrême droite) alors queles maires <strong>de</strong> nos communes ont déjà <strong>de</strong>s difficultés énormesà établir leur budget ? Ils seront obligés, plusieurs fois par an,<strong>de</strong> revoir leurs prévisions.Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Gouvernement: où trouveront-ils les ressources?M. Albert Latle. Bien sûr!M. Roger Gaborit. En ce qui concerne le secteur privé, allezvous<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l'industrie, s'il s'agit <strong>de</strong> prix contrôlés,-d'absorber <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires, au moment même où vousallez augmenter <strong>la</strong> taxe à <strong>la</strong> production et les charges <strong>de</strong> sécuritésociale ?Enfin, il me semble relever une contradiction dans une tellepolitique. On nous dit : il faut voter 200 milliards <strong>de</strong> francsd'impôts supplémentaires pour lutter contre l'inf<strong>la</strong>tion et, enmême temps, on accepte <strong>la</strong> possibilité d'une augmentation automatique<strong>de</strong> 5 p. 100. .Alors que <strong>la</strong> masse sa<strong>la</strong>riale représente4.000 milliards <strong>de</strong> francs, cetle augmentation <strong>de</strong> 5 p. 100 représente200 milliards <strong>de</strong> plus à faire absorber par l'économiefrançaise.Je considère, pour ma part, qu'il y a là un danger trèsgrand.En. ce qui concerne les prix libres, ne craignez-vous pas unerépercussion <strong>de</strong> <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires sur les exportations,alors que, dans ce domaine, nos prix sont déjà beaucoup tropélevés ?Prévoyez-vous <strong>de</strong> nouvelles subventions pour soutenir lesexportations 1

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