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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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A l'heure actuelle, <strong>la</strong> France est le pays qui comporte leplus grand nombre <strong>de</strong> vieil<strong>la</strong>rds à entretenir. Ce<strong>la</strong> est dû auxantibiotiques et aux merveilleux succès obtenus par <strong>la</strong> sciencemédicale. Mais, en même temps, elle a tous les ans300.000 enfants <strong>de</strong> plus à entretenir et à nourrir. C'est le gage<strong>de</strong> notre relèvement et <strong>de</strong> notre avenir. Encore <strong>la</strong>ut-il voir leschoses en face et se dire que ces 300.000 enfants resteront àJa charge <strong>de</strong> leurs parents jusqu'à l'âge <strong>de</strong> <strong>la</strong> production.J'ai fait allusion au nombre <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> travail. Avez-voustme idée <strong>de</strong> <strong>la</strong> différence entre les heures <strong>de</strong> travail fourniesen 1906 et aujourd'hui, je ne dis pas par Français, mais pour(chaque Français '?J'entends bien que, <strong>de</strong>puis, es! intervenu un singulier développementdu machinisme, lequel, d'ailleurs, a surtout pourfefîet <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong> nouvelles marchandises sur le marché. En£906, il n'y avait pas <strong>de</strong> postes <strong>de</strong> radio et guère <strong>de</strong> bicyclettes.'Je reconnais aussi que, dans les usines, au rythme actuel <strong>de</strong>smachines, on ne peut plus assurer une présence aussi longuequ'en 1906. 11 n'empêche que j'ai été frappé par les constata-Jions auxquelles je suis parvenu.En 1906, pour chaque Français, le nombre <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong>travail fourni était supérieur <strong>de</strong> 25 p. 100 au chiffre d'aujourd'hui.Ce<strong>la</strong> ne veut pas dire que chaque Français travail<strong>la</strong>itplus que maintenant dans <strong>la</strong> proportion <strong>de</strong> 25 p. 100. Maisaujourd'hui il y a plus <strong>de</strong> vieil<strong>la</strong>rds et plus d'enfants à entretenir.Voici les* chiffres exacts, pour ceux que ce<strong>la</strong> intéresse:(1.285 heures maintenant, 1.610 en 1906.' Notons d'ailleurs que cette diminution du nombre <strong>de</strong>s heures'<strong>de</strong> travail avantagent beaucoup plus l'ouvrier <strong>de</strong>s villes que'celui <strong>de</strong>s champs. La terre s'accommo<strong>de</strong> mal <strong>de</strong>s réglementationsdu travail. Tous les jours il faut traire le bétail, luidonner à manger, ainsi qu'à <strong>la</strong> basse-cour; on ne moissonne,on ne fait les foins, on ne sème, on ne <strong>la</strong>boure que si le tempsle permet ; et les fruits <strong>de</strong> ce travail difficile <strong>de</strong>meurent toujoursincertains, car ils dépen<strong>de</strong>nt du soleil dont nous ne sommespas maîtres.Or aujourd'hui — je vous assure que je ne suis, dans cepropos, aucunement guidé par <strong>de</strong>s préoccupations électorales•— le sort <strong>de</strong> l'agriculture est grave. Combien, parmi nous,6avent-ils qu'au rythme actuel, au prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> chaux et <strong>de</strong>sengrais, les paysans ne peuvent plus amen<strong>de</strong>r leurs terres ?Nous risquons/si nous n'y prenons gar<strong>de</strong>, d'enregistrer <strong>de</strong>sren<strong>de</strong>ments dramatiquement déclinants.Peut-être avons-nous un peu tort, ici, <strong>de</strong> trop envisager lesproblèmes que j'évoque sur le p<strong>la</strong>n urbain, sans considérersuffisamment <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> <strong>la</strong> glèbe dont, au fond, notre vie.<strong>de</strong> chaque jour dépend.Le vrai démocrate — je prétends „en être un — sait bienqu'il ne pourra pas y avoir <strong>de</strong> saine gestion économique tantque toutes ces vérités, ces réalités n'auront pas pénétré partout.S'il serait injuste <strong>de</strong> ne pas reconnaître le travail considérableaccompli grâce aux centrales syndicales <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> libération.11 y a encore beaucoup à faire. Pour parvenir au but,il faut instituer <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration qui fera pénétrer ces vérités,accepter cette optique, ces nécessités à tous les <strong>de</strong>grés <strong>de</strong>sentreprises. C'est à ce<strong>la</strong> qu'il faut tendre et à rien d'autre.Je sais que cette conception fait peur à certains. Les unsCraignent d'en être dupes, les au'ures voient là je ne sais quelmariage impossible entre <strong>de</strong>s intérêts prétendus inconciliables.Allons donc! Avec un peu <strong>de</strong> bonne volonté et d'expérience,©n mettra tout ce<strong>la</strong> au point!Voilà <strong>la</strong> solution pour arriver au but que nous avons dansl'esprit. Tout le reste ne constitue que misérables palliatifset personne, ici, n'a dit le contraire.Je ne reviendrai pas sur les critiques que l'on a adresséesau système <strong>de</strong> l'échelle mobile. Je me borne à constater,preuve <strong>de</strong> tout ce que j'ai avancé, que, dans le projet qui fut,voté ie 20 septembre 1951, nul n'a envisagé <strong>la</strong> baisse; les dispositionsvotées ne; prévoyaient que <strong>la</strong> hausse. On avait raison.Car, à partir du moment où l'on augmente les sa<strong>la</strong>ires, on nepeut plus espérer voir baisser le paix <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie.Prenons l'exemple très simple d'une mauvaise récolte.Du fait <strong>de</strong> cette mauvais® récolte, les prix agricoles sont élevéset provoquent le renchérissement du prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. Au lieu <strong>de</strong>ce restreindre, comme les circonstances le comman<strong>de</strong>raient, onaugmente les sa<strong>la</strong>ires. Du coup, <strong>la</strong> récolte suivante, même sielle est normale, sera évaluée au nouveau taux et les prix nebaisseront plus.Parlons net: voici déjà quelques années que nous sommesfeoumis au régime <strong>de</strong> l'échelle mobile et toutes les discussionsqui ont lieu actuellement ten<strong>de</strong>nt à déterminer quel frein seraDais en œuvre, quelle sera sa puissance et pendant combien<strong>de</strong> temps on appuiera sur <strong>la</strong> pédale. Mais un frein ne peut pasàvoir pour effet d'empêcher un mouvement; il le retar<strong>de</strong> tout^u plus.Quand le Gouvernement réc<strong>la</strong>me, comme l'une <strong>de</strong> ses prérogativesessentielles, le droit <strong>de</strong> contrôler les prix et les sa<strong>la</strong>ires,il est parfaitement dans son rôle. Le pouvoir <strong>de</strong> battre monnaie— et hausser les sa<strong>la</strong>ires et les prix, c'est battre monnaie —>a toujours été un pouvoir régalien.Lorsque M. Ramadier, en 1947, s'est opposé à l'accord intervenuau Pa<strong>la</strong>is-Royal entre les sa<strong>la</strong>riés et ie patronat — j'augmentetes sa<strong>la</strong>ires, mais toi, <strong>la</strong>isse-moi augmenter mes prix —til était parfaitement dans son rôle.Le Gouvernement ne remplit plus sa mission si, en mêmetemps, il ne s'attache pas à sa tâche essentielle, qui est d'harmoniserles charges à <strong>la</strong> production.Je prétends qu'on peut parfaitement calculer les chargessupportables en regard d'une production donnée. C'est uneestimation difficile, mais plusieurs métho<strong>de</strong>s permettent <strong>de</strong>tirer <strong>de</strong>s conclusions va<strong>la</strong>bles. Si l'on n'accomplit pas ce travail,il faut <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> vie économique trouver elle-même l'équilibrenécessaire.De <strong>de</strong>ux choses l'une: ou les charges, dont <strong>la</strong> production aun besoin vital <strong>de</strong> s'alléger, sont <strong>de</strong>s charges fixes, dans cecas, le prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie montera et les sa<strong>la</strong>ires monteront jusqu'aumoment où ces charges seront <strong>de</strong>venues un far<strong>de</strong>aupossible; ou bien on aura commis l'erreur <strong>de</strong> fixer toutes cescharges en fonction du prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, et alors, il n'y a pas <strong>de</strong>rémission possible: <strong>la</strong> monnaie s'effondrera intégralement,plus ou moins vite; puis, ensuite, ce sera toute une économiequ'il faudra refaire.Ainsi donc, quand les gouvernements n'accomplissent pas<strong>la</strong> tâche qui leur incombe, ils ne doivent pas s'étonner que<strong>de</strong>a dispositions comme celles que nous discutons soient soumisesau Parlement et le plus c<strong>la</strong>ssique <strong>de</strong>s économistesactuels — trop c<strong>la</strong>ssique même, à mon sens — M. Ruefl,s'exprime ainsi :« Si l'inf<strong>la</strong>tion persiste, les sacrifices imposés par elle sonttrop intolérables, les motifs d'équité sont trop forts pour qu'onpuisse longtemps repousser cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> » — <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> l'échelle mobile.« Si l'échelle mobile est dangereuse et si, dans le régimeactuel, il est impossible <strong>de</strong> <strong>la</strong> refuser, il faut coûte que coûteobtenir <strong>la</strong> stabilité <strong>de</strong>s prix et, par conséquent, en vouloir aussiles moyens ».Je m'excuse auprès <strong>de</strong> l'Assemblée d'avoir été si long etpeut-être trop complet, ce qui — je trouverais ce<strong>la</strong> légitime —•a pu provoquer sa <strong>la</strong>ssitu<strong>de</strong>.Il me semb<strong>la</strong>it, toutefois, que ces choses <strong>de</strong>vaient êlre dites.(App<strong>la</strong>udissements à l'extrême droile et sur quelques bancs àdroite.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. Gaborit.M. Roger Gaborit. Mesdames, messieurs, le groupe radicalsocialistem'a chargé d'exprimer à cette tribune les inquiétu<strong>de</strong>sque fait naître en son sein le projet re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> variatioiidu sa<strong>la</strong>ire minimum national interprofessionnel garanti quinous est proposé par le Gouvernement et qui est certainementl'un <strong>de</strong>s projets les plus importants, peut-être le plus dangereux<strong>de</strong> cette légis<strong>la</strong>ture pour l'économie française.Après le projet Coûtant et celui du Conseil <strong>de</strong> <strong>la</strong> République,le Gouvernement nous présente un nouveau texte.Il est difficile <strong>de</strong> déceler l'esprit qui anime ce projet; mais,malgré les déc<strong>la</strong>rations du prési<strong>de</strong>nt du conseil, il nous apparaîtque <strong>la</strong> solution apportée est une concession politique auxpartisans <strong>de</strong> l'échelle mobile et ce, sans contrepartie <strong>de</strong> leurpart. Elle ne semble pas apporter aux groupes qui l'ont rejetée<strong>de</strong>s motifs va<strong>la</strong>bles <strong>de</strong> changer leur attitu<strong>de</strong>, car enfin, ce' quele Gouvernement précé<strong>de</strong>nt ne pouvait accepter subsiste, àsavoir, selon les paroles prononcées par le vice-prési<strong>de</strong>nt duconseil le 19 décembre 1951, d'être <strong>de</strong>ssaisi <strong>de</strong> <strong>la</strong> faculté qu'iltient <strong>de</strong> <strong>la</strong>»loi <strong>de</strong> 1950 d'apprécier les conditions économiquesgénérales, d'être <strong>de</strong>ssaisi, en somme, <strong>de</strong> <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong><strong>la</strong> fixation du sa<strong>la</strong>ire minimum national interprofessionnelgaranti.Le Gouvernement, en effet, voit, dans ce sa<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> protection,une c<strong>la</strong>use <strong>de</strong> garantie d'ordre public et il ne peut abandonneraux seules conséquences <strong>de</strong> <strong>la</strong> statistique ni l'appréciation<strong>de</strong>s conditions économiques, ni le choix du moment, n|l'importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> variation.Or, il semble que M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil n'ait pas tenucompte <strong>de</strong>s préoccupations du gouvernement d'hier, car enfait il s'agit d'un projet d'échelle mobile différée, d'échellemobile discriminatoire, puis d'un système d'avertissement dan»lequel joue, selon son expression même, « l'automatismeaveugle ».C'est en somme un coup <strong>de</strong> semonce <strong>de</strong> <strong>la</strong> commission supérieure<strong>de</strong>s conventions collectives que le Gouvernement attendrapour prendre ses responsabilités à l'égard <strong>de</strong> 1a c<strong>la</strong>ssaouvrière et pour agir.

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