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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Le premier consiste à faire appel à l'épargne. Encore faut ilqu'elle existe.Quand ce moyen fait défaut, il en est un second: faire appelà l'étranger. Mais on perd une bonne partie au moins <strong>de</strong>son indépendance.Enfin, il existe un troisième moyen: le travail forcé, quipeut prendre <strong>de</strong>ux formes: l'esc<strong>la</strong>vage pur et simple, danslequel on n'a pas le choix du travail à accomplir, et l'impôt,qui oblige à travailler mais qui, au moins, permet <strong>de</strong> choisirson activité.Ainsi donc s'il n'y a pas d'épargne, ce sont l'indépendancedu pays ou <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> l'individu qui sont compromis. Aucund'entre nous n'accepte l'une ou l'autre <strong>de</strong> ces éventualités.Il faut donc rechercher les causes <strong>de</strong> l'instabilité <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ireset <strong>de</strong>s prix. Passons en revue, si vous le voulez bien, toutescelles que l'on a pu évoquer, et d'abord l'inf<strong>la</strong>tion.L'inf<strong>la</strong>tion peut être une cause; elle peut aussi être un effet.C'est incontestablement une cause lorsque le Gouvernementse fait consentir sans contrepartie <strong>de</strong> création <strong>de</strong> richesse <strong>de</strong>savances par <strong>la</strong> Banque <strong>de</strong> France, par exemple. Mais ce n'estau contraire qu'un effet lorsque les billets <strong>de</strong> banque crééssont <strong>la</strong> représentation d'une richesse qui vient d'être créée etd'une richesse consommable.D'ailleurs, dans ce cas, il n'y a pas parallélisme absolu entrel'inf<strong>la</strong>tion, c'est-à-dire le montant <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s billets,et l'évolution <strong>de</strong>s prix.De 1930 à 1933, tandis que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion s'accroissait <strong>de</strong>15 p. 100, les prix ne cessaient <strong>de</strong> diminuer. De 1938 à 1944,les prix ont élé multipliés par 2,5 mais ia circu<strong>la</strong>tion l'étaitpar 6.Ensuite, les prix montèrent plus vite que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion monétaire,pour donner lieu à <strong>de</strong>s écarts saisissants, ceux-ciétant multipliés par 20, celle-là par 15 seulement.Alors, on incrimine l'insuffisance du contrôle <strong>de</strong>s prix. Maisce contrôle existe <strong>de</strong>puis 1939. Il a été exercé par chacun <strong>de</strong>spartis représentés dans cette Assemblée et à certains moments,notamment sous l'occupation, avec une férocité dont nous avonstous le souvenir.Dans ces conditons, <strong>la</strong>issez-moi vous dire que le contrôle <strong>de</strong>sprix me fait l'effet du couvercle <strong>de</strong> <strong>la</strong> bouilloire, qui finit parsauter sous <strong>la</strong> pression dégagée par l'ébullition.On dit alors: le mal vient <strong>de</strong> ce que <strong>la</strong> monnaie n'est pasconvertible.Attention! De quelle convertibilité s'agit-il ?M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil, tout récemment, déc<strong>la</strong>rait combien11 était nécessaire d'assurer cette convertibilité.S'agit-il <strong>de</strong> convertir librement et à <strong>de</strong>s prix qui oscilleronttous les jours <strong>la</strong> monnaie nationale contre les monnaies étrangères? Dans ce cas, je suis entièrement d'accord avec lui,car cette mesure comporte <strong>de</strong>ux avantages considérables: enpremier lieu, elle permet à tout instant <strong>de</strong> mesurer l'état <strong>de</strong>santé économique au pays; en second lieu, par les oscil<strong>la</strong>tions<strong>de</strong> change auxquelles elle donne lieu, elle porte instantanémentet automatiquement remè<strong>de</strong> à <strong>la</strong> situation.S'il s'agit, au contraire, <strong>de</strong> ce que l'on entend généralementpar convertibilité, c'est-à-dire <strong>la</strong> possibilité d'échanger un certainnombre <strong>de</strong> francs contre un certain nombre <strong>de</strong> grammesd'or, alors je ne suivrai plus M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil, carcette convertibilité, nous l'avons eue, pleine et entière, <strong>de</strong>1928 à 1930. Ce<strong>la</strong> n'a pas empêché les prix <strong>de</strong> monter <strong>de</strong>12 p. 100 dès <strong>la</strong> première année.J'entends encore le ministre <strong>de</strong>s finances <strong>de</strong> l'époque crierà Londres en 1933: « Jamais <strong>la</strong> France n'abandonnera l'étalon-or». Finalement, il a bien fallu y consentir en 1936. Mais,entre temps, sur 4.765 tonnes d'or que nous possédions, 2.605avaient disparu! Ces 2.605 tonnes d'or ne feraient-elles pas biendans notre escarcelle, aujourd'hui ? (Sourires.)On dit encore: « Il faut que le budget soit en équilibre pourque Ja monnaie soit stable. » Je l'accor<strong>de</strong>, mais ce n'est passuffisant. A qui fera-t-on croire que, si 165 milliards <strong>de</strong> francsd'impôts nouveaux étaient votés, les prix et les sa<strong>la</strong>ires, dumême coup, seraient stabilisés "?Enfin, on dit : « C'est une question <strong>de</strong> confiance ».Certes, quand on a <strong>la</strong> confiance, on peut p<strong>la</strong>cer <strong>de</strong>s empruntset, ainsi, parer au plus pressé. Cependant, <strong>la</strong> confiance estcomme l'espoir. « Elle n'est qu'un triste avantage si rienne vient après elle. » Elle n'est alors qu'une illusion. (Sourires.)Il nous faut donc chercher ailleurs <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> l'instabilité<strong>de</strong>s prix. Pour ce faire, il n'est qu'une métho<strong>de</strong> : c'est d'analyserce qu'est un prix.Chacun sait que <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> production d'un pays estégale au total <strong>de</strong>s revenus <strong>de</strong>s particuliers. Tout revenu a sasource dans ce qui a été produit.Il résulte <strong>de</strong> cette vérité que le prix <strong>de</strong> revient d'une productionest commandé presque intégralement par le taux <strong>de</strong>ssa<strong>la</strong>ires et <strong>de</strong>s traitements, puisque les autres revenus — lesloyers, les revenus <strong>de</strong>s capitaux moibiliers ou immobiliers —»ne représentent <strong>de</strong> nos jours qu'une fraction presque négligeabledu revenu national. J'ai été effaré <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers renseignementsque j'ai pu recueillir à ce sujet et qui établissentque les revenus du capital sont, <strong>de</strong> nos jours, inférieurs à5 p. 100.On a d'ailleurs confirmation <strong>de</strong> ce que j'avance en considérantle problème en sens inverse. Si on analyse le prix <strong>de</strong>revient d'une marchandise quelconque, on constate qu'il sodécompose sn main-d'œuvre, frais généraux et coût <strong>de</strong>s matièrespremières. Les frais généraux comprennent les traitements, lorevenu <strong>de</strong>s capitaux — dont je viens <strong>de</strong> parler et qui est négligeable— et les impôts qui vont permettre <strong>de</strong> payer d'autrestraitements. Le coût <strong>de</strong>s matières premières se décompose <strong>de</strong><strong>la</strong> même façon, et ainsi <strong>de</strong> suite. Jusqu'à ce qu'on en arriveau substratum, qui est le travail <strong>de</strong> l'agriculteur ou celui dumineur. Tout, ou presque tout, correspond donc à <strong>la</strong> rémunérationdu travail.Ce sont là <strong>de</strong>s vérités «ssentiellcs qu'il faut avoir présentes il'esprit.Mais, dans ces revenus <strong>de</strong> particuliers, dont je par<strong>la</strong>is, il esl<strong>de</strong>ux catégories : il y a celle qui rémunère le travail qui vientd'être produit, et celle — je n'en discute" pas <strong>la</strong> légitimité —*qui n'est perçue que par prélèvement sur <strong>la</strong> première.Et voilà, du coup, expliqué le mécanisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>®prix.Imaginez que les prélèvements sur <strong>la</strong> première catégorie,-(pour servir <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième catégorie, soient trop élevés; vousaurez une réaction légitime et, je l'affirme, nécessaire, <strong>de</strong>sbénéficiaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> première catégorie. Légitime, parce qu'elletend à corriger une injustice, nécessaire, car, sans cette réaction<strong>la</strong> vie économique, c'est-à-dire <strong>la</strong> vie elle-même, s'arrêterait.Il faut donc que cette réaction ait lieu. Elle se concrétise parun relèvement <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s producteurs <strong>de</strong> tout rang, relèvementqui, je l'ai démontré, entraînera nécessairement une)hausse <strong>de</strong>s prix, au moins à concurrence <strong>de</strong> 95 p. 100 <strong>de</strong>s augmentationsconsenties.Tout est ainsi ramené à une forme beaucoup plus simple,-car tout ce<strong>la</strong> revient à dire, purement et simplement, que dansune nation, quelle qu'elle soit, les charges doivent êlre proportionnéesà <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> production. C'est là une vérité économiqueà <strong>la</strong>quelle on ne peut échapper par aucun artifice.Mais, attention! Quand je parle <strong>de</strong> charges, il ne s'agit paS<strong>de</strong> charges budgétaires.Dans le budget figurent <strong>de</strong>s dépenses productives au même'titre que celles <strong>de</strong> l'agriculteur ou <strong>de</strong> l'ouvrier; ce sont, notamment,les dépenses qui ont trait aux postes, télégraphes ettéléphones, à l'enseignement, à <strong>la</strong> justice, à l'entretien <strong>de</strong>sroutes, etc.En revanche, dans <strong>la</strong> vie privée, certaines charges pèsenten réalité sur ia nation — les loisirs et, dans le domaine paraétatique,<strong>la</strong> sécurité sociale, les retraites, même professionnelles,voire les revenus <strong>de</strong>s capitaux — car on n'y peut faireface que par <strong>de</strong>s prélèvements sur <strong>la</strong> production.De tout ce long exposé, il résulte que qui veut épargnerveut <strong>la</strong> stabilité <strong>de</strong>s prix; et pour assurer cette stabilité <strong>de</strong>sprix, il faut aboutir à ce que les charges soient contenues«^<strong>la</strong>n3une proportion compatible avec <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> production.On en revient, en somme, à un simple problème d'arithmétique:charges sur production; un numérateur, un dénominateur.Si l'on veut atteindre l'équilibre, il faut agir sur les <strong>de</strong>uxtermes <strong>de</strong> <strong>la</strong> fraction: diminuer le numérateur et accroître ledénominateur.Diminuer le numérateur, c'est évi<strong>de</strong>mment faire <strong>de</strong>s économies,c'est, surtout, proscrire toutes dépenses qu'on peutéviter, quelles qu'elles soient, aussi bien du fait <strong>de</strong> l'Etat qué<strong>de</strong>s particuliers; c'est ne pas promettre <strong>de</strong>s retraites et <strong>de</strong>s pensionsqui <strong>de</strong>viendraient nécessairement fal<strong>la</strong>cieuses si <strong>la</strong> stabilitémonétaire n'était pas assurée.Augmenter <strong>la</strong> production — on y vient — c'est l'encouragerpar <strong>de</strong>s primes au ren<strong>de</strong>ment, à" <strong>la</strong> productivité; c'est, aubesoin, — ayons le courage <strong>de</strong> le dire — augmenter le nombre<strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> travail; c'est aussi remettre à <strong>la</strong> production leplus grand nombre possible d'improductifs.M. René Camphïn. A commencer par <strong>la</strong> police !M. Jacques Chastel<strong>la</strong>in. Elle est indispensable pour vouacontenir.M. Pierre Lebon. Or, les charges <strong>de</strong> <strong>la</strong> France — il faut ledire franchement — sont très lour<strong>de</strong>s. Bien entendu, il y atoute l'œuvre <strong>de</strong> reconstitution d'un pays dévasté. Mais il estune autre charge, sur <strong>la</strong>quelle je tiens à attirer l'attention <strong>de</strong>l'Assemblé, parce que, déjà très lour<strong>de</strong>, elle va s'accroîtreencore pendant plusieurs années. Cependant il faut <strong>la</strong> considéreravec joie et courage.

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