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la crise dans l’État espagnolCriminalisation et conflit du travailÉCRIT EN FONCTION DE LA SITUATION DANS L’ÉTAT ESPAGNOL (GRÈVE DU MÉTRO DE MADRID ETGRÈVE «SAUVAGE» DES CONTRÔLEURS AÉRIENS), CET ARTICLE FAIT AUSSI ÉCHO ICI SUR LES LIMI-TATIONS GRANDISSANTES DU DROIT DE GRÈVE DÈS LORS QUE CES MOUVEMENTS COLLECTIFS DEBLOCAGE DE L’ACTIVITÉ DEVIENNENT TROP EFFICACES POUR DES TRAVAILLEURS EN LUTTE (CHEMI-NOTS, RAFFINERIES…) QUI DEVIENNENT ALORS DE VULGAIRES «PRENEURS D’OTAGES»Les mobilisations récentes en matière dedéfense des droits des travail<strong>le</strong>urs – <strong>le</strong>sgrèves du métro de Madrid et des contrô<strong>le</strong>ursaériens – ont focalisé sur un des pointcentraux de l’ordre économique actuel: lanécessité d’assurer la mobilité des marchandises,qu’el<strong>le</strong>s soient force de travail outouristes. Proposons une analyse. Les paralysiesdans la mobilité des masses ont deseffets extrêmement spectaculaires dans ladémocratie de consommateurs, bien queson instrumentalisation par <strong>le</strong>s autoritésproduise une considérab<strong>le</strong> rentabilité politique.La grève des contrô<strong>le</strong>urs aériens pendant<strong>le</strong> pont des vacances de décembre enEspagne 1 a cependant signifié un saut qualitatifde l’administration quant à la gestion desconflits du travail, avec la déclaration de“l’état d’a<strong>le</strong>rte” et la militarisation despostes de travail.Il faut reconnaître l’habi<strong>le</strong>té du gouvernementpour faire en sorte que <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>ursaériens lancent une grève dans un momentparticulièrement sensib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s consommateursde mobilité. Le gouvernement, qui alaissé pourrir une situation qu’il a lui-mêmefavorisé – Aena, l’employeur, est une entreprised’État – a ainsi créé un écran de fuméeafin de détourner l’attention de ses véritab<strong>le</strong>sintentions contre des conditions favorab<strong>le</strong>sdes contrô<strong>le</strong>urs – salaires très é<strong>le</strong>vés,contrô<strong>le</strong> des accès à la profession, etc. – etde <strong>le</strong>ur capacité de chantage comme si l’extorsiondans un but lucratif n’était pas unprincipe légitime de ce modè<strong>le</strong> de civilisationque nous appelons <strong>le</strong> capitalisme.Comme dans d’autres conflits – et en dépitdes concession des contrô<strong>le</strong>urs en matièrede salaires et de temps de travail – parexemp<strong>le</strong> ceux qui ont concerné <strong>le</strong>s pilotesd’avion ou <strong>le</strong>s dockers dans <strong>le</strong>s années 80,<strong>le</strong> gouvernent obtient <strong>le</strong> consensus socialafin de porter atteinte aux conditions de travaild’une catégorie prétenduement privilégiée.Le droit des consommateurs prévaut bienau dessus du droit du travail<strong>le</strong>ur, et ainsi <strong>le</strong>marché submerge la réalité de la conditionsalaria<strong>le</strong>. Le battage médiatique se chargede faire résonner <strong>le</strong> subterfuge pour fabriquerl’opinion.La liquidation des “statuts privilégiés” qui laissentune certaine latitude aux travail<strong>le</strong>ursdans la relation salaria<strong>le</strong>, qu’il s’agisse descontrô<strong>le</strong>urs aériens, des dockers, des mineursou de salariés de tout secteur qui ontacqui certaines conquêtes en termes de rémunérations,d’embauches, de retraites, etc.est l’un des objectifs de la réforme du travail.En outre, en ce qui concerne <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>ursaériens, il s’agit d’une étape préalab<strong>le</strong> à la privatisationdes activités aéroportuaires quiconsiste à offrir au secteur privé des entrepriseslibérées de charges salaria<strong>le</strong>s onéreuses,en alignant <strong>le</strong>s conditions destravail<strong>le</strong>urs par <strong>le</strong> bas. En ce sens, il s’agitsimp<strong>le</strong>ment de suivre la voie tracée par l’administrationReagan aux États-Unis et salutte contre <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs aériens Nordaméricains.Cependant, l’offensive capitaliste actuel<strong>le</strong>contre la population salariée ne se limitepas à l’érosion des conditions de travail etdes droits sociaux obtenus, c’est-à-dire à ladimension purement économique de laforce de travail – réduire <strong>le</strong>s coûts sociauxet salariaux pour améliorer <strong>le</strong>s marges deprofit du capital, mais el<strong>le</strong> a des implicationspolitiques directes en ce qui concernela légitimation de la répression des conflits dutravail par <strong>le</strong> développement de formes d’autoritarismedémocratique. La criminalisationdes actions revendicatives caractérisentune nouvel<strong>le</strong> phase des relations socia<strong>le</strong>scomme nous l’avons vu dans <strong>le</strong>s années 80avec <strong>le</strong>s dockers, avec <strong>le</strong>s grèves du transportroutier des années 90, ou plus récemment,dans l’occupation des pistes del’aéroport barcelonais d’El Prat en Juil<strong>le</strong>t2006 par <strong>le</strong>s bagagistes.Dans ce dernier cas, il n’était pas possib<strong>le</strong>d’invoquer <strong>le</strong> caractère privilégié de ces employésavec <strong>le</strong>urs bas salaires et <strong>le</strong>urs mauvaisesconditions de travail, mais <strong>le</strong> chantageà la mobilité. De là, <strong>le</strong> caractère exemplairedes sanctions, car, comme dans <strong>le</strong>s grèvesdu Métro et des trains, il s’agit d’éliminer lapossibilité d’actions revendicatives dansquelque secteur important que ce soit.La circulation des marchandises dans l’économiedélocalisée à tous <strong>le</strong>s niveaux du territoire– et <strong>le</strong>s personnes / clients /consommateurs ne sont pas autre chosequ’une autre forme de marchandises circulantes– qui permet de réaliser l’accumulationdu capital, en vient à transformer <strong>le</strong>secteur des transports et de la mobilité en unpoint névralgique non seu<strong>le</strong>ment du cyc<strong>le</strong>économique des transports, mais de l’économieen général. Surtout dans <strong>le</strong> cas del’Espagne, où <strong>le</strong> tourisme est l’industrieprincipa<strong>le</strong> – <strong>le</strong>s propriétaires d’hôtels ontéga<strong>le</strong>ment présenté des réclamations pourla désorganisation du trafic aéroportuaire.C’est ce qui explique <strong>le</strong>s réactions “disproportionnées”du gouvernement face auxconflits sociaux touchant <strong>le</strong>s aéroports, avecinterventions armées et fortes sanctionsmême si maintenant, dans <strong>le</strong> cas descontrô<strong>le</strong>urs aériens, une étape supplémentairea été franchie: déclaration de l’étatd’a<strong>le</strong>rte et militarisation des opérations.Une opération gouvernementa<strong>le</strong> magistra<strong>le</strong>qui, en plus de rétablir <strong>le</strong>s circuits de circulation,apporte un complément dans <strong>le</strong>dressage idéologique et de sa mission auprèsde la démocratie armée – en France,par exemp<strong>le</strong>, lors du récent épisode degrèves généra<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s raffineries ont été éga<strong>le</strong>mentmilitarisés.Après la reconversion de l’appareil militaireen “armée humanitaire”, il apparaît désormaiscomme <strong>le</strong> garant de la démocratie deconsommateurs en acquérant des compétencesdirectes dans l’ordre économique etdu travail. Une étape supplémentaire dansla mise en place du totalitarisme démocratiquerampant. Ainsi, <strong>le</strong>s conflits sur la mobiliténe sont rien d’autre que des champsd’expérimentation de politiques de militarisationde l’économie et de la société capitalisteen crise. Toutefois, la grande habi<strong>le</strong>té dugouvernement aura été d’encourager et degérer la confrontation au sein de la populationsalariée, divisée de manière circonstanciel<strong>le</strong>entre consommateurs de mobilité etcontrô<strong>le</strong>urs aériens sans scrupu<strong>le</strong>s.En plus de mener à bien une récupérationastucieuse du ressentiment chez <strong>le</strong>s salariésqui se devine dans l’image des mercenairesde l’armée régulière espagno<strong>le</strong>, aux salairesbien moindres que <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs, mais supérieursà la moyenne – plus de 50% de lapopulation salariée gagne moins de 1000mensuels, menaçant de la pointe de <strong>le</strong>urspisto<strong>le</strong>ts <strong>le</strong>s saboteurs des droits desconsommateurs. Maintenant, avec <strong>le</strong> dénouementdu conflit des contrô<strong>le</strong>urs aérienset <strong>le</strong> large consensus obtenu dans lamilitarisation de <strong>le</strong>urs fonctions, la voie estouverte pour donner satisfaction à une revendicationréitérée des chefs d’entreprises:la limitation du droit de grève dans <strong>le</strong>s secteurs“stratégiques” ou d’“intérêt public”.La dernière grève du Métro de Madrid aréactualisé <strong>le</strong> thème qui semb<strong>le</strong> entrermaintenant dans une phase de résolution.L’abolition du droit de grève et la militarisationdes services comme pratique courante, donc obtenirdes mesures propres aux dictatures aunom de la démocratie, montre <strong>le</strong> degré dedécomposition des formes démocratiquesainsi que la fragilité croissante du systèmede reproduction du capital. Mais <strong>le</strong> plus pathétiqueest <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> des consommateurs quiapplaudissent l’intervention militaire dans<strong>le</strong>s conflits du travail de la santé, du nettoyage,de l’éducation, des transports, etc.,services d’un indubitab<strong>le</strong> intérêt général quiintègrent une bonne proportion de cesmêmes consommateurs du temps libre mobilisé.Corsino Vela1) La grève sauvage descontrô<strong>le</strong>urs a démarréla veil<strong>le</strong> de ce « pont »traditionnel : <strong>le</strong>s 6 et 8<strong>le</strong> décembre (respectivementjour de laConstitution et fête del’Immaculée Conception)sont fériés dansl’État espagnol, d’où un« pont » d’au mois cinqjours, voire un semaine,et un trafic voyageurtrès important sur tous<strong>le</strong>s axes de circulationde la péninsu<strong>le</strong>.CORSINO VELA ESTMILITANT ET ANALYSTEDE LA MOBILITÉ ET DESTRANSPORTS.CE TEXTE A ÉTÉ PUBLIÉDANS LE JOURNALDIAGONAL LE 3 JANVIER2011.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 20119

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