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paratives, ce qui montre bien que l’objectifde la scolarisation est autant d’assurer une«garderie» permettant <strong>le</strong> maintien de l’ordresocial, et de faire recu<strong>le</strong>r l’âge de l’inscriptionau chômage, que d’é<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> niveaude compétence). Pour autant, il ne faut pasperdre de vue que c’est dans <strong>le</strong>s mouvementsque <strong>le</strong>s objectifs se modifient, que <strong>le</strong>sgens changent, que <strong>le</strong>s langues se délient etque <strong>le</strong>s désirs s’expriment…ET QUI TENTE DE RESTER EN BASMais alors, que s’est-il passé? L’élémentsupposé déc<strong>le</strong>ncheur –<strong>le</strong> suicide d’un jeunehomme de 26 ans, Mohammed Bouazizi, <strong>le</strong>17 décembre 2010–, est riche de sens. Cevendeur ambulant s’était fait confisquer samarchandise par la police municipa<strong>le</strong>, pourn’avoir pas obtenu <strong>le</strong>s autorisations nécessaires.Il est devenu par son acte <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong>d’une économie rackettée par <strong>le</strong> clan Ben Aliet par toute une hiérarchie bureaucratiquene tolérant aucune entorse au nécessaireversement des pots-de-vin. Le jeunehomme était en outre un bac +, image forte,là encore, d’une réalité de la société tunisienne(la plus «éduquée» du monde arabe,comme aiment à <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s médias etl’intelligentsia française). S’en tenir auxtermes d’«émeutes de la faim», comme lapresse <strong>le</strong> fit généra<strong>le</strong>ment au début des événements,est trompeur car cela évacued’autres types de conflictualité –commecel<strong>le</strong>, en 2008 dans <strong>le</strong> bassin minier deGafsa, où la population s’est sou<strong>le</strong>vée contre<strong>le</strong> chômage et l’opacité des procéduresd’embauche, et a été durement réprimée. Ilne s’agit pas que d’emploi et de pouvoird’achat, mais aussi d’une volonté de re<strong>le</strong>verla tête dans un pays qui compte plus de 60%de jeunes. Certes, cette dimension de lafaim existe, mais el<strong>le</strong> renvoie davantage auxémeutes de 1984 en Tunisie qu’au divorceactuel entre <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> et l’appareil d’Etat,dans une société où manquent <strong>le</strong>s corps intermédiairescapab<strong>le</strong>s de canaliser <strong>le</strong>s révolteset de crédibiliser une démocratie àl’occidenta<strong>le</strong>. Mais, surtout, cela cache lacoupure bien réel<strong>le</strong> entre la petite et jeunebourgeoisie citadine et <strong>le</strong>s jeunes «laisséspour-compte»de l’intérieur du pays, quiajoutent à la revendication de démocratie etde liberté <strong>le</strong> refus de la précarité et du chômage.La première a joué son rô<strong>le</strong> de postulanteau poste de future classe dominante,plus en maîtrisant internet qu’en manifestant,plus en alimentant <strong>le</strong>s réseaux sociauxet en relayant l’info sur Al-Jazira ou France24 qu’en se mettant en grève; bref, el<strong>le</strong> a étéun média citoyen et, pour l’instant, a réussià être sur <strong>le</strong> devant de la scène. Mais <strong>le</strong>s secondsn’ont pas dit à ce jour <strong>le</strong>ur derniermot. En témoigne la manifestation du 24janvier dernier, qui a vu cette classemoyenne se faire conspuer dans la rue.Comme <strong>le</strong> dit Fatma Benmosbah de manièreun peu lapidaire mais évocatrice, ladeuxième manche c’est «bobo contreprolo». A noter que, dans un cas commedans l’autre, cette jeunesse a <strong>le</strong> même niveauscolaire ; la différence est bien entrevil<strong>le</strong>s et campagne, dans un pays où <strong>le</strong>s retombéessonnantes et trébuchantes de l’industrietouristique n’ont guère dépassé <strong>le</strong>squelques kilomètres autour des Clubs Méditerranée!UNE NÉCESSAIRE REMISE EN CAUSE DURÉGIME DEPUIS L’INDÉPENDANCELa plupart des opposants officiels et des «observateursétrangers» mettent l’accent surla corruption érigée en système administratif,sur une économie de prédation et un systèmemafieux mis en place par <strong>le</strong> clanfamilial au pouvoir qui décourageraient l’investissementdans des activités productrices,<strong>le</strong>s détenteurs de capitaux préférantmettre <strong>le</strong>ur argent dans la spéculation, enpremier lieu immobilière, qui ne crée pasd’emplois. Or, se fonder uniquement sur ladénonciation du système mafieux de la famil<strong>le</strong>Ben Ali pour tout expliquer cache <strong>le</strong>fond du problème, qui est la continuationd’un même régime depuis l’indépendance.S’en tenir là présente <strong>le</strong> danger que l’on assistebientôt à une sorte de revival du bouguibisme,une sorte de nostalgie d’un âged’or revisité. On l’a bien vu ces derniers joursà Monastir, où des cérémonies à la gloire du«père de la patrie» se sont déroulées dans savil<strong>le</strong> nata<strong>le</strong> sans que personne ne bronche.On voit même réapparaître des néo-destouriensdans <strong>le</strong> nouveau gouvernement, ettrois anciennes personnalités destouriennesse proposer de former une sorte de comitéde salut public. Or si <strong>le</strong> système de prédationpar un clan familial, <strong>le</strong>s Ben Ali et Trabelsi,est bel et bien né après <strong>le</strong> départ de Bourguibaen 1987, tous <strong>le</strong>s éléments d’une dictaturepermettant ce système étaient déjàen place, et c’est donc bien plutôt sur l’origineet <strong>le</strong>s fondements du régime qu’il fautse pencher. Depuis 1956, indépendance etaccession au pouvoir de Bourguiba –un régimetrès personnalisé puisqu’il est <strong>le</strong> «pèrede la nation»–, il y a eu la mise en place d’unparti unique, une répression continuel<strong>le</strong> dessyndicats (voir l’encadré) et de la gauche engénéral, qui s’est encore accentuée à la findes années 60. Le 28 janvier 1978, une grèvegénéra<strong>le</strong> est sauvagement réprimée: c’est <strong>le</strong>«jeudi noir», avec des centaines de morts.Autres révoltes en 1983… Mais la petitebourgeoisie intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> française (dont <strong>le</strong>ssocialistes) est séduite par l’idéologie modernisteproclamée, qui consiste à vouloirouvrir des ponts entre l’Orient et l’Occident.Bourguiba par<strong>le</strong> parfaitement <strong>le</strong> français, quiest la langue officiel<strong>le</strong> jusqu’en 1967 et à lacampagne d’arabisation; sa femme est française…On laisse ainsi penser qu’il a «libéréla femme tunisienne» (et c’est sans doute cequi a motivé Amara à dire des conneries). Or,pour une bonne part, il s’agit là de pure propagande.L’interdiction de la polygamie?Avant Bourguiba el<strong>le</strong> avait déjà pratiquementdisparu en Tunisie. L’avortement? Trèsbien, mais il faut savoir que cela s’intégraitdans une politique de planning plus quedans une perspective de libre choix. Le bourguibismeest apparu éga<strong>le</strong>ment comme unrempart contre l’intégrisme musulman: ilprônait un «islam modéré» et <strong>le</strong> faisait savoirpar quelques images choc (Bourguiba abu un jus d’orange à la télé en p<strong>le</strong>ine périodede jeûne). Bref, la chute de Ben Ali a dû raviverquelques angoisses du côté de la «rivegauche»! Nous allons bientôt avoir droit au«danger islamiste»! Alors, <strong>le</strong>s derniers événementsen Tunisie sont-ils une simp<strong>le</strong> révolutionde palais ou vont-ils conduire à uneprofonde transformation du pays? S’agit-ild’un nouvel épisode comme il s’en est déjàpassé beaucoup ou de l’ouverture d’un nouveaucyc<strong>le</strong> – comme cela s’est produit en1952 en Egypte lorsque Nasser renversa <strong>le</strong> roiFarouk, ou en Iran avec l’arrivée des ayatollahset <strong>le</strong> départ du Chah? Si c’est un nouveaucyc<strong>le</strong> qui se dessine –donc si l’onde dechoc se propage en partie sur <strong>le</strong> reste dumonde arabe–, cela confirmera que seu<strong>le</strong>s<strong>le</strong>s «révolutions», seuls <strong>le</strong>s soulèvementspopulaires sont à même d’obtenir des réformes,même démocratiques, qui bou<strong>le</strong>versentune société. Et que <strong>le</strong>s «démocrates»,<strong>le</strong>s sociaux-démocrates et <strong>le</strong>s politiciens légalistesqui <strong>le</strong>s promettent, pour peu qu’on<strong>le</strong>s suive, sont condamnés à l’impuissance.JPD, <strong>le</strong> 27.01.2011UGTTAprès avoir été répriméedurement sousBourguiba, l’Union généra<strong>le</strong>tunisienne dutravail (UGTT) collaboredepuis longtemps avec<strong>le</strong> régime Ben Ali. Sa directionfonctionnecomme lui : c’est uneaffaire de famil<strong>le</strong>, la famil<strong>le</strong>Jerad – du nom deson secrétaire depuisdix ans. Il s’agit d’unsyndicalisme carriériste,qui fait pressionsur <strong>le</strong>s entreprises pouren tirer des avantagespersonnels au sein del’appareil. L’UGTTmène depuis des annéesune chasse vigoureuseaux syndicalistesopposants, de l’intérieurcomme de l’extérieur.Si<strong>le</strong>ncieusependant la premièrepartie des événements,la pression et l’engagementd’une partie de sabase l’a obligée à semontrer davantage opposante; et maintenantel<strong>le</strong> fait feu detout bois pour tenter dejouer un rô<strong>le</strong> déterminantdans l’avenir etd’obtenir des postesministériels. El<strong>le</strong> tentedonc d’encadrer <strong>le</strong>mouvement de protestationen appelant àdes grèves généra<strong>le</strong>s…loca<strong>le</strong>s et séparées.L’UGTT fait partie de laConfédération syndica<strong>le</strong>internationa<strong>le</strong>(CSI), comme son homologuefrançaiseForce ouvrière.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201129

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