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sans frontière28Tunisie Des événements quin’étaient pas censés se produireLA RÉVOLTE TUNISIENNE C’EST L’ÉMERGENCE DU BAS DE LA SOCIÉTÉ AUNEZ ET À LA BARBE DU TYRAN MAIS AUSSI DE TOUS CEUX QUI ŒU-VRAIENT À LE DÉCHOIR PAR DES MOYENS DITS DÉMOCRATIQUES ET LÉ-GAUX POUR PRENDRE SA PLACE. L’ENJEU DES MOIS À VENIR EST DESAVOIR SI «CEUX D’EN BAS» PARVIENDRONT À SORTIR PLUS FORTS ETMIEUX ARMÉS POUR AFFRONTER LA NOUVELLE FORME DE POUVOIR QUINE MANQUERA PAS DE SE METTRE EN PLACE. ET SI CE RAPPORT DEFORCE S’APPUIERA ET SE RENFORCERA GRÂCE À UN EFFET DE DOMINOS,TANT CRAINT DES CLASSES DOMINANTES, DANS LE MONDE ARABE.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011BEN ALI ET LA CLASSE POLITIQUEFRANÇAISE, DES AMIS DE VINGT-CINQ ANS!Le 11 janvier dernier, devant l’Assembléenationa<strong>le</strong>, Mme Alliot-Marie proposait unecollaboration policière au régime qui venaitde zigouil<strong>le</strong>r par bal<strong>le</strong>s une soixantaine decivils. La France entendait faire bénéficier laTunisie du «savoir-faire de [ses] forces de sécurité»afin de «rég<strong>le</strong>r des situations sécuritairesde ce type», expliquait-el<strong>le</strong>, pour que«<strong>le</strong> droit de manifester soit assuré, de mêmeque la sécurité». L’«apaisement peut reposersur des techniques de maintien de l’ordre».L’interprétation de la situationtunisienne par la diplomatie française étaitdonc qu’il s’agissait d’un dérapage desforces de l’ordre par manque de professionnalisme!Les causes réel<strong>le</strong>s des troub<strong>le</strong>s, Alliot-Mariene <strong>le</strong>s évoquait pas: «Plutôt quede lancer des anathèmes, notre devoir estde faire une analyse sereine et objective dela situation» et de «ne pas s’ériger en donneurde <strong>le</strong>çons». Le 13 janvier, alors que BenAli se préparait à annoncer qu’il ne se représenteraitpas… en 2014, <strong>le</strong> Quai d’Orsayremettait <strong>le</strong> couvert, estimant : «La Francedispose d’un savoir-faire reconnu en matièrede maintien de l’ordre dans <strong>le</strong> respectde l’usage proportionné de la force afind’éviter des victimes ». Le <strong>le</strong>ndemain matin,une autre note jugeait «positivement» <strong>le</strong>smesures annoncées par <strong>le</strong> gouvernementtunisien. Toutes ces déclarations ne sont enfait que la continuation d’une bel<strong>le</strong> histoired’amour entre la droite gaulliste et la dictaturetunisienne. En vacances en Tunisie en1998, <strong>le</strong> président de la République JacquesChirac déclarait: «Le premier des droits del’homme c’est manger, être soigné, recevoirune éducation et avoir un habitat», ajoutant:«De ce point de vue, il faut bien reconnaîtreque la Tunisie est très en avance surbeaucoup de pays». En avril 2008, Sarkozyétait fait citoyen d’honneur de la vil<strong>le</strong> deTunis: «Il m’arrive de penser que certainsdes observateurs sont bien sévères avec laTunisie, qui développe sur tant de pointsl’ouverture et la tolérance», déclarait-il àcette occasion. Au même moment, FadelaAmara, ni pute ni soumise mais secrétaired’Etat chargée de la politique de la Vil<strong>le</strong>, déclaraitque la «France doit soutenir <strong>le</strong> régimetunisien au nom de la lutte contrel’islamisme». Sitôt <strong>le</strong>s premiers si<strong>le</strong>ncespuis <strong>le</strong>s premiers communiqués de la ministredes Affaires étrangères, MartineAubry, dans son rô<strong>le</strong> d’opposante, a dénoncé<strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce assourdissant du gouvernementfrançais pendant <strong>le</strong>s émeutes et est ensuiteallée jusqu’à réclamer la démission d’Alliot-Marie. Mais là, <strong>le</strong> moins qu’on puisse dire,c’est qu’el<strong>le</strong> ne manque pas d’air –et pourtant,aucune voix au PS ne s’est é<strong>le</strong>véecontre l’outrecuidance, la démagogie etl’amnésie dont a ainsi fait preuve la secrétairedu PS. En juin 1989, deux ans aprèsl’accession de Ben Ali à la présidence de laTunisie, François Mitterrand, alors présidentde la République française, faisait état desprogrès de la démocratie dans ce pays. En1997, <strong>le</strong> ministre des Affaires étrangères deJospin, Hubert Védrine, que l’on a vu enguest star du mitterrandisme lors du 15 e anniversairede la mort du sphinx, assuraitBen Ali du soutien de la France «au modè<strong>le</strong>démocratique tunisien», et lui «confirmait»«<strong>le</strong>s orientations du Président Chirac», prédécesseurde Mitterrand. Au même moment,Amnesty international rappelait quela Tunisie comptait 2000 prisonniers politiqueset que la répression était en train des’y étendre aux famil<strong>le</strong>s des détenus. Beaucoupplus récemment, <strong>le</strong> 24 mars 2010, <strong>le</strong>maire socialiste de Paris Bertrand Delanoëestimait: «[La Tunisie] est non seu<strong>le</strong>mentsur la bonne voie, mais el<strong>le</strong> réussit mieuxque <strong>le</strong>s pays comparab<strong>le</strong>s, et parfois mêmemieux que des pays dits développés, entermes de croissance.» Il ajoutait: «Le PrésidentBen Ali, en 1987, a permis qu’il y aitune évolution, une transition sans ruptureet sans qu’il y ait de heurts entre <strong>le</strong>s Tunisienseux-mêmes.» Mais, au fond, rien debien étonnant à ce concert de louanges: <strong>le</strong>parti de Ben Ali, <strong>le</strong> Rassemb<strong>le</strong>ment constitutionneldémocratique, est un membre,déjà ancien, de l’Internationa<strong>le</strong> socialiste…(Non, c’est plus vrai : il en a été exclu <strong>le</strong>… 17janvier 2011!) … tout comme, en Côted’Ivoire, <strong>le</strong> Front populaire ivoirien de LaurentGbagbo (menacé d’exclusion… fin décembre2010!). Un parti frère, quoi! UneInternationaaa<strong>le</strong>uuu présidée par <strong>le</strong> très socialisteGeorges Papandréou, chargé par <strong>le</strong>FMI de son camarade Strauss-Kahn d’étrang<strong>le</strong>r<strong>le</strong> peup<strong>le</strong> grec. Détail! Le genre humainn’est plus ce qu’il était!UNE RÉVOLUTION PARTIE D’EN BAS…Les interprétations «conspirationnistes» nemanqueront pas pour expliquer <strong>le</strong>s événementsde Tunisie. Qui a tiré <strong>le</strong>s ficel<strong>le</strong>s? LesEtats-Unis? Les islamistes? L’Iran? L’Arabiesaoudite? Le Mossad? Bien entendu, onpeut se poser ces questions et examiner ceshypothèses, mais il est quand même à noterqu’el<strong>le</strong>s sont d’autant plus nombreuses àêtre émises que <strong>le</strong>s événements n’étaientpas attendus et semblaient «sortis de nul<strong>le</strong>part». Si de tel<strong>le</strong>s explications et hypothèsesprennent une tel<strong>le</strong> importance, c’est bienque, aux yeux de cel<strong>le</strong>s et ceux qui s’en dé<strong>le</strong>ctent,il n’est pas envisageab<strong>le</strong> que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>(ou ses composantes, si on se refuse à <strong>le</strong>considérer comme un tout) puisse agir parlui-même. Il faut trouver une cause extérieure!Et pourtant, cette révolution, quoiqu’el<strong>le</strong> puisse devenir, est partie de l’intérieurde la société tunisienne, des villages etdes régions <strong>le</strong>s plus pauvres, sans qu’aucunparti, même d’opposition, ne s’en soit mêlé,du moins au début. Les classes moyennesintel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s ou techniciennes sont arrivéesel<strong>le</strong>s aussi après, en rappelant qu’el<strong>le</strong>sétaient opposantes au régime. Mais el<strong>le</strong>sn’ont été pour rien dans <strong>le</strong> déc<strong>le</strong>nchementdes manifestations. El<strong>le</strong>s non plus ne pensaientpas que <strong>le</strong> «peup<strong>le</strong>» pouvait agir parlui-même – et de même <strong>le</strong>s gouvernementseuropéens ou la classe politique française.Pour tous ces gens, il s’agit là d’une incongruité! Comment la peur a-t-el<strong>le</strong> pu «changerde camp» sans que nul<strong>le</strong> avant-garde yait été pour quelque chose, comment des«inorganisés» ont-il pu s’organiser a minimapour renverser un régime? Incompréhensib<strong>le</strong>pour qui pense que desmouvements col<strong>le</strong>ctifs ne peuvent êtrequ’instrumentalisés en fonction de logiquesindividualistes et conspirationnistes del’Histoire. Evidemment, il est probab<strong>le</strong> quece que veut la majorité des Tunisiens, cen’est pas l’avènement d’une société sansclasses! Pas besoin de rêver pour être ensuitedéçu et aigri. Pas besoin d’exalterl’émeute en lui donnant un sens qu’el<strong>le</strong> n’apas. La majorité veut sans doute un gouvernementplus juste, moins corrompu; un capitalismesans excès… comme fina<strong>le</strong>mentla majorité des manifestants en France récemment.La situation économique de cesdernières années a en effet complètementdégradé la situation des plus modestes.Dans la concurrence mondia<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>spays à bas coûts de main-d’œuvre et à hauteproductivité, la Tunisie a été détrônée par laTurquie, la Pologne et la Roumanie –pour cequi est de la productivité– et par la Chine,l’Inde, l’Indonésie et <strong>le</strong> Bangladesh –pour cequi est des coûts de main-d’œuvre. En 2009,la croissance s’est fortement réduite ; <strong>le</strong>s récoltesde 2010 ont été mauvaises; <strong>le</strong> tourismea stagné et <strong>le</strong>s entreprises étrangèresont cessé d’investir – tant et si bien que lamoitié de chaque classe d’âge s’est retrouvéesans emploi, contre un tiers auparavant.Les emplois proposés privilégient la maind’œuvrenon qualifiée, laissant de côté <strong>le</strong>sdiplômés chômeurs dont <strong>le</strong> nombre a exploséces dernières années. La société tunisiennea formé des bac + en pagail<strong>le</strong> (d’unniveau assez bas, selon <strong>le</strong>s évaluations com-

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