LOPPSI‘tion sécuritaireLOPPSI 2 … fois plus de saloperiesADOPTÉE EN SECONDE LECTURE AU SÉNAT COURANT JANVIER, LA LOILOPPSI 2 VIENT RENFORCER L’ÉDIFICE SÉCURITAIRE QUI SECONSTRUIT TEXTE APRÈS TEXTE DEPUIS PLUS DE 20 ANS, AVEC UNESINGULIÈRE ACCÉLÉRATION AU TOURNANT DU SIÈCLE DEPUIS LES AT-TENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001.1. Selon J.M.Manach surhttp://owni.fr/2011/01/19/lois-securitaires-42-vla-<strong>le</strong>s-flics2. Claude Guillon,La Terrorisationdémocratique,éditions libertalia,2009, 154 p., 7euros.Loi d’orientation et de programmationpour la performance de la sécuritéintérieure ! Ce nom même est unprogramme, puisque qu’il s’agit de viser la«performance» de la sécurité, assénant unefois de plus <strong>le</strong> discours de la compétition, dutoujours plus et plus fort, <strong>le</strong> culte du chiffreen soi, sur fond d’impératif de rentabilitépolitique et économique, et dans une optiquede contrô<strong>le</strong> total des populations.RENTABILITÉ POLITIQUECette loi, qui n’est que la 42 e sur <strong>le</strong> mêmethème depuis 10 ans 1 , vise en premier lieuà flatter <strong>le</strong>s instincts sécuritaires d’une sociétéqui se délite, en confortant l’idéed’une multitude de dangers qui menacentpartout et en permanence la Nation et l’intégritéde Monsieur et Madame Tou<strong>le</strong>monde.Instituant des mesures annoncéessuite à des faits-divers surmédiatisés, cetteloi prétend «offrir la sécurité partout, pourtous, (…) et renforcer la tranquillité nationa<strong>le</strong>».Ainsi ce qui est généra<strong>le</strong>ment présentécomme un arsenal législatifhétéroclite, trouve en fait sa cohésion dans<strong>le</strong>s ressorts idéologiques du national chauvinismeparanoïaque, et son objet dans lafabrication d’un ennemi intérieur aux multip<strong>le</strong>svisages: pauvre, jeune, délinquant,étranger, subversif, terroriste, marginal,pervers, criminel… Ennemi d’autant plusredoutab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s technologiesde l’information et de la communicationdécup<strong>le</strong>nt ses pouvoirs de nuisance et <strong>le</strong>rendent omniprésent et insaisissab<strong>le</strong>!Une fois fabriquées et inventoriées ces populationsdangereuses, il devient nécessairede <strong>le</strong>s maîtriser par un contrô<strong>le</strong>permanent et total, qui utilise <strong>le</strong> fichage, lavidéo-surveillance, renforce <strong>le</strong>s possibilitésd’enfermement administratif ou médicalisé,réinstaure <strong>le</strong>s conditions de bannissementou d’exclusion par la déchéance denationalité…La mise en œuvre de ce contrô<strong>le</strong> est facilitéepar <strong>le</strong> développement d’un arsenal juridiquetoujours plus répressif, mais aussi parune mise sous tutel<strong>le</strong> du pouvoir juridiquequi s’estompe au profit d’une toute puissanceadministrative et policière. L’Etat créeainsi des régimes d’exception qui deviennentprogressivement la règ<strong>le</strong> (il n’est qu’àpenser à la permanence de Vigipirate), dontl’impunité pour ses agents de contrô<strong>le</strong>. Cetébran<strong>le</strong>ment de la séparation des pouvoirsatteint <strong>le</strong>s principes de l’Etat de droit, soidisantfondateur des Etats démocratiques,et instaure <strong>le</strong>s conditions d’une «Terrorisationdémocratique» 2 du corps social, ébauchant,si ce n’est encore vraiment un Etatpolicier, au moins <strong>le</strong>s contours d’un «totalitarismesoft», qui place chacun sous <strong>le</strong>contrô<strong>le</strong> permanent de tous.RENTABILITÉ ÉCONOMIQUEUn des vo<strong>le</strong>ts de LOPPSI 2 consacre la privatisationdes missions de surveillance etde gestion de l’ordre public, attentant ainsiau «monopo<strong>le</strong> de la vio<strong>le</strong>nce légitime»jusqu’ici spécifique aux fonctions régaliennesde l’Etat. Car la sécurité est aussi unmarché, une dynamique économique quistimu<strong>le</strong> la recherche, et rentabilise <strong>le</strong>s applicationsdes technologies de pointes: nanotechnologieet géo-localisation, informatisationet croisement des données, imagesnumérisées et identifications intelligentes,décryptage du génome et fichage génétiqueou biométrique…Ainsi <strong>le</strong> budget alloué à LOPPSI 2 se monteà 2,15 milliards d’euros d’ici à 2013, dont631 millions dédiés au seul saut technologique,selon un alibi qui serait de compenserla baisse du nombre de postes dansl’appareil répressif d’Etat consécutif à la politiquede résorption des déficits publics !Mais <strong>le</strong> partage de ce gâteau n’est pas dévoluaux seu<strong>le</strong>s technologies, mais tout autantaux entreprises privées de sécurité,selon un principe d’externalisation de lagestion de l’ordre public qui favorise <strong>le</strong> partenariatpublic-privé en matière de surveillance,et de gestion du contrô<strong>le</strong> del’information et du renseignement. Au-delàde l’émergence de nouveaux agents rémunérés,c’est éga<strong>le</strong>ment toute la populationqui est invitée au contrô<strong>le</strong>, que ce soit par lacollaboration des services sociaux, l’extensionde la Réserve civi<strong>le</strong> de la police nationa<strong>le</strong>,la dénonciation sur internet, et autresmesures incitant à une délation généralisée.ELIMINER LES ALTERNATIVESDans la même logique de contrô<strong>le</strong> total, denormalisation des individus et des comportementscette loi décup<strong>le</strong> l’arsenal juridiqueafin d’éliminer certaines formesd’organisation socia<strong>le</strong> échappant encore aucontrô<strong>le</strong> de l’Etat. Les exemp<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s pluscommentés concernent l’habitat choisi, ounomade, ou encore <strong>le</strong>s squats. Mais <strong>le</strong>s aspectsconcernant <strong>le</strong>s vendeurs à la sauvettesont tout autant significatifs de la volontéd’empêcher toute débrouil<strong>le</strong> ou organisationde fait, pourtant de plus en plus indispensab<strong>le</strong>sà la survie d’une populationpaupérisée. A ce titre, il est intéressant desouligner comment l’immolation d’uncommerçant ambulant tunisien qui s’étaitvu confisqué son échoppe par la police a puêtre commentée dans <strong>le</strong>s médias nationaux,sans qu’à aucun moment il ne soit ditque l’Etat français créait au même momentdes conditions législatives similaires. Laconnivence entre Alliot-Marie et Ben Ali nes’arrête pas à l’entraide en matière de gestionde l’ordre: c’est bien une même visiondes conditions de perpétuation de l’ordreéconomique et social qui domine de part etd’autre de la Méditerranée, en toute légitimitédémocratique…QUELLES PERSPECTIVES?Il y a une floraison d’initiatives contre cetteloi LOPSSI 2, moins massives certes, maistout aussi diversifiées que cel<strong>le</strong>s à l’œuvrecet automne contre la réforme des retraites.Ce sont cependant <strong>le</strong>s mêmes écueils quimenacent ces mouvements. En premierlieu la segmentation de cette loi, secteurspar secteurs, sorte de corporatisme depréoccupation qui consisterait à aborder <strong>le</strong>sdéclinaisons de LOPPSI isolément: contre <strong>le</strong>fichage par ci, contre <strong>le</strong>s technologies desurveillances par là, pour l’habitat nomadeail<strong>le</strong>urs, par solidarité avec <strong>le</strong>s migrants unpeu partout… Il convient de montrer la cohérencede la répression dans sa finalitépolitique pour espérer inverser la tendancesécuritaire, et ne pas considérer LOPPSIcomme une aberration du sarkozysme,mais comme un élément de l’évolution sécuritairedes sociétés occidenta<strong>le</strong>s.Il ne faut non pas plus tomber de Charybdeen Scylla et considérer qu’une lutte politiquegloba<strong>le</strong> ne trouvera qu’une issue politicienneet que la fin du sécuritaires’annoncerait avec une alternance à la têtede l’Etat en 2012! Qu’el<strong>le</strong> soit tenue par lamain gauche ou la main droite de la bourgeoisie,une matraque reste une matraque,et <strong>le</strong> Parti socialiste et ses satellites ont largementcontribué à l’instauration de cetteère sécuritaire. Ils ne feront que continuer às’inscrire dans cette logique répressive quiest une des conditions de survie du désordrecapitaliste qu’ils ont rallié.La loi LOPPSI 2 est passée, et plutôt qued’espérer son abrogation ou son adoucissementdans une prochaine législature, ilconvient de poursuivre pied à pied la luttecontre la répression sous toutes ses formeset l’ordre social qui l’instaure. La journée du19 mars initiée par des col<strong>le</strong>ctifs anti-répressionspeut y contribuer. Le petit dossierqui suit aussi..A. Lombre18courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011
LOPPSI‘tion sécuritaireAppel de Poitierspour une Journée nationa<strong>le</strong> d’actionscontre la répression et <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>ncespolicières <strong>le</strong> 19 mars 2011Le Forum antirépression organisé à Poitiers par <strong>le</strong> Comitépoitevin contre la répression des mouvements sociaux,<strong>le</strong>s 13 et 14 novembre, a réuni des membres de différentscol<strong>le</strong>ctifs existant à Toulouse, Bordeaux, Périgueux, Saint-Nazaire, Tours, Blois, Poitiers et Paris.Face à la multiplication des intimidations, vio<strong>le</strong>nces policières,interpellations, condamnations de toutes sortesqui dessinent un peu partout un ordre policier généralisé,est sortie des discussions l’idée d’une journée de mobilisationen France contre <strong>le</strong>s politiques sécuritaires encours ou à venir.Les participants au forum de Poitiers appel<strong>le</strong>nt donc tous<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctifs et <strong>le</strong>s personnes luttant contre la répressionà faire du samedi 19 mars 2011 une Journée nationa<strong>le</strong>d’actions contre <strong>le</strong>s politiques sécuritaires, au traversd’initiatives qu’ils auront décidées loca<strong>le</strong>ment, afin defaire connaître et de développer <strong>le</strong>s diverses luttes existantesen favorisant <strong>le</strong>ur coordination, et de construireune mobilisation contre toutes <strong>le</strong>s formes de répression.Merci de diffuser cet appel massivement autour de vous. Nous avonscréé un groupe de discussion afin de donner suite à cet appel et de coordonnercol<strong>le</strong>ctivement cette journée. contacter si vous souhaitez des renseignementscomplémentaires). contact : antirep86@free.frAperçus du contenu de LOPPSI 2Cette loi décline 46 artic<strong>le</strong>sarticulés en 9 chapitresparmi <strong>le</strong>squels toute unesérie de mesures vientconforter et renforcer destendances préexistantesdans l’ensemb<strong>le</strong> des lois répressivesde ces dernièresannées. Citons entre autres:- La lutte contre la cyber-criminalitépar <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> d’internet- L’utilisation des nouvel<strong>le</strong>stechnologies, depuis <strong>le</strong> développementdu fichage génétique etnumérique, au développementde la vidéo surveillance qui devient«vidéo protection», enpassant par <strong>le</strong>s interceptions téléphoniqueset informatiquessystématisées- De nouvel<strong>le</strong>s incriminationsqui sanctionnent la révélation,même involontaire, de l'identitédes agents de renseignement,de <strong>le</strong>urs sources et de <strong>le</strong>urs collaborateurs.Les agents de renseignementne peuventd'ail<strong>le</strong>urs être tenus pour péna<strong>le</strong>mentresponsab<strong>le</strong>s de l'usaged'une identité d'emprunt.- Les préfets ont <strong>le</strong> pouvoir d'instaurerun couvre-feu pour <strong>le</strong>s mineursde moins de 13 ans.- Les parents des mineurs enfreignantla mesure préfectora<strong>le</strong>peuvent être sanctionnés parune contravention de 3 e classeet il peut <strong>le</strong>ur être demandé designer un «contrat de responsabilitéparenta<strong>le</strong>». L'usage de cetype de contrat est d'ail<strong>le</strong>ursétendu.- Les sanctions encourues pourcambriolage et «vol commis àl'encontre d'une personne vulnérab<strong>le</strong>»sont alourdies.- Est désormais puni d'un an deprison et de 15000 eurosd'amende <strong>le</strong> fait «d’entraver <strong>le</strong>dérou<strong>le</strong>ment des débats d’uneassemblée par<strong>le</strong>mentaire oud’un organe délibérant d’unecol<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong>».- Les sanctions encourues pour«vente à la sauvette» sont alourdies(jusque-là une contraventionde 4 e classe, désormais sixmois de prison, 3 750 eurosd'amende, et la confiscation dumatériel saisi)- Une nouvel<strong>le</strong> incrimination«d'exploitation de la vente à lasauvette» est créée sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong>de l'incrimination «d'exploitationde la mendicité» oude «proxénétisme».- Une contravention de 5 e classesanctionne <strong>le</strong>s rassemb<strong>le</strong>mentsdans <strong>le</strong>s halls d'immeub<strong>le</strong>s.- Une peine complémentaire deconfiscation obligatoire de <strong>le</strong>urvéhicu<strong>le</strong> peut être prononcée àl'encontre de conducteurs danscertaines circonstances.- Les policiers municipaux sonthabilités à procéder à descontrô<strong>le</strong>s d'identité.- L'Etat peut sous-traiter à desentreprises privées <strong>le</strong> transportde personnes sans-papiers versdes centres de rétention.- La loi accroît <strong>le</strong>s possibilitésde recourir à la visioconférencepour <strong>le</strong>s auditions et <strong>le</strong>s interrogatoiresde personnes incarcéréesou détenues en centre derétention.- La réserve civi<strong>le</strong> de la policenationa<strong>le</strong> créée en 2003 voit sonrecrutement élargi à tout volontaire,y compris étudiant, alorsqu'el<strong>le</strong> était jusque-là constituéede retraités de la police.- Au nom du «risque grave d’atteinteà la salubrité, à la sécurité,à la tranquillité publiques»,<strong>le</strong>s habitants de logements nonconformes au code de l'urbanisme(camions aménagés,tentes, yourtes...) peuvent êtreexpulsés sous 48 heures sur décisiondu préfet et sans passerpar un juge.- Les mineurs récidivistes gardésà vue peuvent être envoyésdevant <strong>le</strong> tribunal pour enfantssans passer par <strong>le</strong> bureau dujuge pour enfants.- L'échange d'informations entreservices de l'Etat et organismesde protection socia<strong>le</strong> est accruau nom de la lutte contre lafraude aux aides socia<strong>le</strong>s.- Les personnes naturalisées depuismoins de dix ans ayantcausé la mort d’un dépositairede l’autorité publique peuventse voir déchues de la nationalitéfrançaise.- Les jurys d'assises peuventprononcer une interdiction deterritoire pour <strong>le</strong>s étrangerscoupab<strong>le</strong>s de crime (réinstaurationde la doub<strong>le</strong> peine abolie en2003).- Des peines-plancher sont instauréespour <strong>le</strong>s primo délinquantsauteurs de vio<strong>le</strong>ncesaggravées.- Le port du brace<strong>le</strong>t é<strong>le</strong>ctroniquepeut être imposé sur décisionadministrative auxétrangers en voie d'expulsion.- Le suivi socio judiciaire estétendu aux récidivistes ayantété condamnés à cinq ans deprison et l'usage du brace<strong>le</strong>té<strong>le</strong>ctronique est systématisé.- Les auteurs de crimes sur desreprésentants de l'autorité publiquesont condamnés à despeines incompressib<strong>le</strong>s.SOURCESDes commentaires détaillésde la loi sur <strong>le</strong>site du Syndicat de lamagistrature, ou duCECIL Centre d’ÉtudesCitoyenneté, Informatisationet Liberté. Unsite d’analyse et d’étatdes luttes : http://antiloppsi2.netcourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201119