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COURANT ALTERNATIFcourantalternatif MAGHREBDE L’INDIGNATION À LA RÉVOLTELOPPSI & C IELA SURENCHÈRE SÉCURITAIREETAT ESPAGNOLLE PROLETARIAT FACE À LA CRISEMENSUEL ANARCHISTE-COMMUNISTEN°<strong>207</strong> FEVRIER 2011 3 ENRAGEZVOUS!


ENRAGEZVOUS!éditorialLe succès du petit livre de Stéphane Hessel«Indignez vous!» a quelque chose de jubilatoire.Ne boudons pas notre plaisir à voirun vieux Monsieur respectab<strong>le</strong> s’offusquerpubliquement des ignominies qui gangrènentnos sociétés démocratiques et appe<strong>le</strong>r à rejoindre<strong>le</strong>s rangs des protestataires, de la désobéissanceet autres refuzniks.Mais l’indignation ne fait pas la dissidence, et lavertu nourrit <strong>le</strong> vice autant qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> condamne. Lesdémocraties occidenta<strong>le</strong>s sont ainsi faites que <strong>le</strong> systèmese reproduit aussi grâce à la contestation qu’i<strong>le</strong>ngendre, en ce qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> légitime et <strong>le</strong> conforte pourse présenter comme <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur des mondes possib<strong>le</strong>et ne jamais rien y changer.Ainsi, quelques mois après <strong>le</strong> formidab<strong>le</strong> mouvementcontre la réforme des retraites, né de l’indignation dupeup<strong>le</strong> salarié de ce pays à voir <strong>le</strong> sort que lui réserve<strong>le</strong> patronat pour sortir de la vie active (sic !), <strong>le</strong> succèsde cet ouvrage a aussi quelque chose de dérisoire.Appe<strong>le</strong>r à l’indignation, à une insurrectionpacifique des consciences, au moment même où l’insuffisancedes mouvements d’opinion à inverser <strong>le</strong>cours des choses vient d’être démontré a quelquechose de pathétique. L’indignation est peut-être nécessaire,mais pas suffisante.D’autant que l’aggravation des conditions d’exploitationdu travail se généralise, à des rythmes différentsmais toujours soutenus, dans la sphère du capitalismeoccidental. Le dossier que nous consacrons cemois-ci aux répercussions de la crise dans l’Etat espagnolmontre bien que <strong>le</strong>s problématiques sont <strong>le</strong>smêmes à l’échel<strong>le</strong> du continent européen : réduire<strong>le</strong> coût du travail sur l’autel des profits, allonger ladurée du travail, militariser quand il <strong>le</strong> faut <strong>le</strong>s rapportséconomiques et sociaux pour imposer l’ordreéconomique et aggraver <strong>le</strong>s inégalités. Le tout endressant <strong>le</strong>s catégories de populations dominées <strong>le</strong>sunes contre <strong>le</strong>s autres, sans jamais mettre en cause<strong>le</strong>s processus d’exploitation et de domination. Lacrise a bon dos et, outre Pyrénées comme ici, il setrouve toujours de soi-disant défenseurs du peup<strong>le</strong>pour établir des compromis défavorab<strong>le</strong>s sous prétextede réalisme et de pis-al<strong>le</strong>r. C’est bien l’indignationdes syndicalistes d’Espagne qui <strong>le</strong>s a conduits àmener une grève généra<strong>le</strong> <strong>le</strong> 29 septembre dernier,mais c’est tout autant d’indignation qu’ils suscitenten signant aujourd’hui la prolongation du temps detravail et <strong>le</strong> report de l’âge de la retraite à 67 ans,sans même avoir mené une seconde batail<strong>le</strong> en janvier,à quelques exceptions prêt, en Catalogne, Euskadiet Galice.C’est aussi cette politique du compromis que vientréhabiliter Stéphane Hessel dans son ouvrage, eninstituant <strong>le</strong> programme du Conseil national de larésistance comme un modè<strong>le</strong> à suivre. Il oublie cependantde rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong> compromis trouvé à la Libérationn’a été possib<strong>le</strong> que parce que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> enarmes menaçait de ne pas reprendre tranquil<strong>le</strong>ment<strong>le</strong> chemin des usines, des fermes ou des bureaux, etqu’il s’est trouvé à l’époque de précieux alliés de labourgeoisie dans <strong>le</strong> mouvement ouvrier pour préférerla sauvegarde de la nation à l’aventure de la révolution.C’est ce que vient rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong> texte consacré àce sujet. Mais au-delà du simp<strong>le</strong> rapport de forceentre travail et capital, il convient de comprendresurtout que la période actuel<strong>le</strong> d’accumulation ducapital ne permet plus de promouvoir l’Etat commeinstance de régulation du capitalisme. Le dogme keynésiensur <strong>le</strong>quel s’est établi <strong>le</strong> compromis issu de laRésistance est aujourd’hui en faillite. Il est de plusen plus clair que <strong>le</strong>s déficits de l’Etat en période derécession et de chômage ne peuvent être absorbéspar la relance privée de la production de profits, carl’interventionnisme de l’Etat ne joue pas sur <strong>le</strong>s fondementsde la rentabilité du capital, comme <strong>le</strong>prouve <strong>le</strong> niveau de la dette qui a fini par bloquer <strong>le</strong>fonctionnement financier du système.La carte keynésienne ne pourra être rejouée et la menaceà terme d’un effondrement de la productionplace <strong>le</strong> système devant des risques sociaux considérab<strong>le</strong>s.En l’absence de compromis possib<strong>le</strong>, il nereste aux exploités que la rupture révolutionnaire.Pour <strong>le</strong>s dominants, il ne restera donc que l’usage dela force pour défendre <strong>le</strong>urs intérêts. Dès lors il nefaut pas s’étonner que de mesures d’exception en loisscélérates, l’Etat développe un appareil répressif quilaisserait pantois <strong>le</strong>s architectes des systèmes totalitaires,tant la généralisation du contrô<strong>le</strong> et la militarisationdes rapports sociaux sont devenus unenécessité pour parer aux explosions qui menacent iciou là. Le dossier de ce <strong>numéro</strong> autour de la loiLOPPSI 2 nous propose quelques décryptages de lapeste sécuritaire qui s’étend peu à peu sous prétextede sauvegarde de l’intérêt général.Mais, quand « arrivé à l’apogée de sa puissance, <strong>le</strong>capitalisme est aussi arrivé au plus haut point de savulnérabilité ; il ne débouche nul<strong>le</strong> part ail<strong>le</strong>urs quesur la mort. Si faib<strong>le</strong>s soient <strong>le</strong>s chances de révolte,c’est moins que jamais <strong>le</strong> moment de renoncer aucombat » (1). C’est ce que nous montrent <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>sde l’autre rive de la Méditerranée, en Algérie, Tunisieet en Egypte, dont vous trouverez quelques échosdans nos colonnes. L’inattendu peut toujours surgir,et l’improbab<strong>le</strong> reste possib<strong>le</strong>. Pour peu que l’onpasse de l’indignation à la révolte, et de la révolte à larévolution. Enrageons-nous !Saint-NazaireLe 30 janvier 20111) Paul Mattick,cité en exergue dubul<strong>le</strong>tin Dans <strong>le</strong>Monde une classeen Lutte.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011 3


la crise dans l’État espagnolCrise capitaliste, offensive de l’Étatet mobilisations socia<strong>le</strong>sAPRÈS LE “CAS IRLANDAIS” PRÉSENTÉ DANS LE PRÉCÉDENT NUMÉRO DE COURANT ALTERNATIF, AVECQUELQUES ÉCLAIRAGES RAPIDES SUR LA GRÈCE, LE PORTUGAL ET LE ROYAUME-UNI, ATTARDONS-NOUS UN PEUSUR L’ÉTAT ESPAGNOL, PAYS QUI, DE PAR SA TAILLE RELATIVE AU SEIN DE L’UE, FAIT TREMBLER UNE PARTIE DUCAPITALISME FINANCIER SUR SA CAPACITÉ À REMBOURSER SES DETTES, PUBLIQUES (ÉTAT, RÉGIONS, COMMUNAU-TÉS AUTONOMES) COMME PRIVÉES (SYSTÈME BANCAIRE).AVEC CETTE FOIS, UN APERÇU SUR LES ENJEUX ET LES DIFFICULTÉS À OPPOSER AUX MESURES GOUVERNEMEN-TALES UNE RÉPONSE UN TANT SOIT PEU À LA HAUTEUR, ENTRE CRIMINALISATION D’ETAT DE LA PROTESTATIONSOCIALE ET HÉGÉMONIE D’UN SYNDICALISME MAJORITAIRE DE CONCILIATION ET DE COLLABORATION DE CLASSE.BIEN PLUS QUE LA CRISE ELLE-MÊME, C’EST BIEN LA QUESTION DES RAPPORTS DE FORCES ET DES ESPACES DEMOBILISATION À CONSTRUIRE FACE À L’OFFENSIVE CAPITALISTE QUI DOIT SE RETROUVER AU CENTRE DE LA RÉ-FLEXION, DES DÉBATS, DES PROPOSITIONS ET HYPOTHÈSES PRATIQUES.Au-delà de la faib<strong>le</strong>sse structurel<strong>le</strong> ducapitalisme ibérique, <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>sraisons de la crise espagno<strong>le</strong> se situentdu côté de l’immobilier et du secteurbancaire, liés tous <strong>le</strong>s deux à l’explosiond’une surproduction et d’une bul<strong>le</strong> du crédithypothécaire. Le nombre de biens immobiliersqui ne trouvent pas acquéreur s’élève àenviron 1,4 million, dont plus de 350000sont détenus par des entités bancaires.Depuis <strong>le</strong> début de la crise, <strong>le</strong>s prix de l’immobilieront chuté de près de 25%, ce quin’a pasété sans conséquences pour l’économie.D’après l’assureur Credito y Caución,en deux ans, plus de 2600 entreprises liéesau secteur de la construction et de l’immobilieront fait faillite.Comme en Irlande, l’État espagnol s’est fortementengagé pour soutenir ses banques.D’après la Banque centra<strong>le</strong> espagno<strong>le</strong>, <strong>le</strong>coût de ces interventions s’élèverait à plusde 70 milliards d’euros, qui ont essentiel<strong>le</strong>mentpris la forme d’aides gouvernementa<strong>le</strong>set de dépréciations d’actifs. D’autressources par<strong>le</strong>nt de plus de 120 milliards,entre ce qui a déjà été versé et ce qui doitl’être encore.Comme dans la plupart des pays, <strong>le</strong>s réponsesdu gouvernement espagnol (PSOE)à la crise se sont faites en plusieurs vagueset tous <strong>le</strong>s deux ou trois mois de nouvel<strong>le</strong>smesures sont prises. L’objectif affiché est deréduire <strong>le</strong> déficit de 11,1% du PIB en 2009, à6% en 2011 et 3% en 2013.Sur <strong>le</strong> plan budgétaire. Au mois de juin dernier<strong>le</strong> gouvernement avait déjà décidé unesérie de mesures : une augmentation de 1%de la TVA, des réductions de salaires dans lafonction publique d’une moyenne de 5%, <strong>le</strong>gel des retraites et des prestations socia<strong>le</strong>s(allocations familia<strong>le</strong>s, aides à l’achat de logements),des coupes importantes dans <strong>le</strong>sdépenses concernant <strong>le</strong>s infrastructures et<strong>le</strong>s services publics. Mais l’Etat espagnolétant assez “fédéral”, ces coupes budgétairesdépendent aussi des configurationsloca<strong>le</strong>s, certaines régions ou communautésautonomes étant plus ou moins endettées.Sur <strong>le</strong> plan du rapport salarial. La réformedu code du travail vise à rendre <strong>le</strong>s salariésplus f<strong>le</strong>xib<strong>le</strong>s par toute une série de dispositions: réduction des indemnités de licenciementspour <strong>le</strong>s rendre plus faci<strong>le</strong>s etmoins onéreuses pour <strong>le</strong>s patrons, plusgrande f<strong>le</strong>xibilisation horaire dans <strong>le</strong>s entreprises,incitations fisca<strong>le</strong>s à l’embauche,allègements de charges socia<strong>le</strong>s, élargissementdu champ d’activité des sociétés d’intérimou de placement de main d’oeuvrejusque dans la fonction publique et laconstruction, avec des formes de sous-traitanceétendues, Au passage, cette réformedu marché du travail autorise <strong>le</strong>s entreprisesà ne pas respecter <strong>le</strong>s conventionscol<strong>le</strong>ctives de <strong>le</strong>urs branches, c’est-à-dire àpouvoir baisser <strong>le</strong>s salaires, revenir sur desacquis sociaux, comme veut <strong>le</strong> fait éga<strong>le</strong>ment<strong>le</strong> gouvernement socialiste grec.Fonctionnaires. Outre une baisse de 5% de<strong>le</strong>urs salaires, il est prévu d’introduire unerémunération au mérite, de systématiser lamise en place d’une part variab<strong>le</strong> afin delier <strong>le</strong> montant du salaire à la productivité.Conforme aux recommandations del’OCDE, comme en France, en Italie et dansla plupart des pays, <strong>le</strong> thème de la rémunérationau mérite est aussi à l’ordre du jour.Dans l’État espagnol, la modification dustatut des fonctionnaires remonte à 2007avec l’introduction de 3 niveaux dans la rémunération: une partie fixe (50%), une partieliée aux compétences (aux difficultés duposte), un «comp<strong>le</strong>mento de productividad»et un suivi individualisé des carrières.Seu<strong>le</strong>ment, pour l’équipe socialiste auxcommandes de l’État, ce système n’est pasassez performant, <strong>le</strong> management n’a passuivi <strong>le</strong>s préconisations et <strong>le</strong>s salaires desfonctionnaires, qui auraient augmenté enmoyenne un petit peu plus que la moyennegénéra<strong>le</strong> des salaires, ne seraient pas assezliés à la productivité. Si rien de concret n’estpour l’instant sorti, <strong>le</strong> thème revient enforce dans ce contexte bien uti<strong>le</strong> de crisebudgétaire aiguë: nul doute que ce sera làl’une des prochaines mesures, un ministredu gouvernement ayant déclaré <strong>le</strong> 16 novembrequ’il «étudiait une formu<strong>le</strong> qui permettede lier <strong>le</strong> salaire des fonctionnaires à <strong>le</strong>urproductivité».Concernant la gestion des chômeurs. Le butest de diviser par deux <strong>le</strong> nombre des inscritssur <strong>le</strong>s listes de l’INEM (service publicde l’emploi) par toute une série de mesuresdont un élargissement des formu<strong>le</strong>s destages et de contrat de formation, en <strong>le</strong>srendant obligatoires…et en créant unesous-catégorie de chômeurs non comptabiliséscomme tels. Comme en France, <strong>le</strong> placementdes chômeurs sera confié à desentreprises privées et la contrainte du placement(en terme de qualification, de localisation…)sera plus forte. Contrainterenforcée par la décision récente de supprimerpurement et simp<strong>le</strong>ment l’allocationde survie de 426 euros versée aux chômeursde longue durée.Fin novembre, alors que <strong>le</strong>s taux obligatairesdemandés à l’État espagnol dépassaient<strong>le</strong>s 5% et que la Commissioneuropéenne revoyait à la baisse la croissanceestimée, <strong>le</strong> gouvernement espagnol aimmédiatement annoncé «un paquet de mesurespour favoriser l’investissement et l’emploi,qui vont favoriser spécia<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s PME» selonune déclaration du socialiste Zapatero.En plus d’une hausse des taxes sur <strong>le</strong> tabac,<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s mesures sont :- la suppression de l’allocation spécia<strong>le</strong> (426euros mensuels) pour <strong>le</strong>s chômeurs en finde droits- des aides fisca<strong>le</strong>s importantes pour 40 000PME.- la mise en route de la réforme des retraites(de 65 à 67 ans) par <strong>le</strong> vote d’une loidès <strong>le</strong> mois de janvier 2011.- <strong>le</strong>s privatisations partiel<strong>le</strong>s (49%) de la sociétéAENA qui gère <strong>le</strong>s 47 aéroports dupays (dont <strong>le</strong>s plus importants : Madrid,Barcelone, Sévil<strong>le</strong>, Palma, î<strong>le</strong>s Canaries…) etdes sociétés gérant <strong>le</strong>s diverses loteries etparis (30%).4 courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


la crise dans l’État espagnolUNE PRIVATISATION QUI PASSE MALLa vente au privé des principaux aéroportsdevraient être une bonne opération : la sociétégestionnaire de celui de Madrid a déjà17% de son personnel en contrats précaires.Au moment où <strong>le</strong> gouvernement annoncela privatisation partiel<strong>le</strong> de cette entreprise,la section syndica<strong>le</strong> CGT (alternatif et libertaire)de l’aéroport de Barajas annonce que7% de contrats précaires n’ont pas été renouvelés,histoire sans doute de valoriserun peu plus l’entreprise. Le jour où la décisiona été prise, <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs aériens ontspontanément cessé <strong>le</strong> travail, la plupart ense déclarant en arrêt de travail pour maladie,pour stress et anxiété : la privatisationimpliquant un allongement de <strong>le</strong>ur duréedu travail. Aussitôt <strong>le</strong> gouvernement décidaitde mobiliser l’armée et de militariserl’espace aérien: à 21h30 des officiers de l’arméede l’air ont pris <strong>le</strong>s commandes destours de contrô<strong>le</strong>s d’une dizaine d’aéroportset un autre décret royal plaçait immédiatement<strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs aériens civilssous <strong>le</strong> commandement militaire avec obligationde reprendre <strong>le</strong> travail et de se soumettreà un contrô<strong>le</strong> médical par <strong>le</strong>sservices de l’armée, faute de quoi, ils seraientpoursuivis pour «sédition», passib<strong>le</strong>de peines de 8 à 15 ans de prison!Dans la soirée du vendredi, la garde civi<strong>le</strong> apénétré dans un hôtel de l’aéroport de Madridafin d’identifier des contrô<strong>le</strong>urs aériensréunis là pour discuter de la situation:une liste des «séditieux» a été fournie auprocureur de Madrid qui a ouvert une instruction.Le soir même, des unités militairespatrouillaient dans <strong>le</strong>s aérogares et àproximité des pistes.Devant l’échec de la prise en main ducontrô<strong>le</strong> aérien réel par l’armée, l’absencede vols et la poursuite de la désobéissancedes salariés, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin, <strong>le</strong> gouvernementréuni en conseil des ministres a décidéde décréter l’«état d’a<strong>le</strong>rte» pour caused’entrave «à la mobilité des personnes et desbiens», un état d’exception menaçant depoursuites judiciaires <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs grévistessous <strong>le</strong> régime du code pénal militaire.Dans <strong>le</strong>s Baléares, des gardes civilsont obligé des contrô<strong>le</strong>urs à reprendre <strong>le</strong>travail en <strong>le</strong>ur mettant <strong>le</strong>urs pisto<strong>le</strong>ts sous<strong>le</strong> nez et <strong>le</strong>s menaçant de prison!Le 16 décembre, <strong>le</strong> gouvernement socialistedécidait de prolonger pour un mois l’“étatd’a<strong>le</strong>rte” par <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs aérienssont placés sous <strong>le</strong>s ordres des militaires,afin officiel<strong>le</strong>ment de garantir aux voyageurs<strong>le</strong>s déplacements aériens pour <strong>le</strong>sfêtes de Noël.Une première dans toute l’histoire socia<strong>le</strong>de l’État espagnol depuis la fin de la dictature.Il faut en effet remonter à 1977 où l’arméeest intervenue pour briser une grèvedes pompistes à Barcelone. Ou en 1951 pourune grève des tramways… mais là, c’étaitsous Franco! Le gouvernement a pu d’autantplus aisément en finir avec la grèvesauvage des contrô<strong>le</strong>urs que ceux-ci ont étéprésentés comme des «privilégiés», travaillantpeu et gagnant beaucoup, prenant enotage la liberté de mouvement de tous <strong>le</strong>scitoyens.Un état d’exception qui pourra resservir àchaque mouvement social important, notammentsur <strong>le</strong>s retraites ou pour toutautre motif dès lors que tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> activitééconomique vita<strong>le</strong> se voit paralysée etla grève assimilée à une « prise d’otage »[voir à ce propos <strong>le</strong> texte “Criminalisationet conflit du travail”]. Que ce soit un gouvernementsocialiste qui l’instaure, commeil retire des allocations de survie aux688 000 chômeurs de longue durée quecompte <strong>le</strong> pays, ne doit étonner personne.FAIRE DISPARAÎTRE L’ANOMALIESUR LE NOMBRE DE CHÔMEURSL’allocation de fin de droits, d’un montantde 426 euros mensuels, avait été instauréeen août 2009 et sera supprimée en février2011. En août dernier, soit après à peine unan d’existence, el<strong>le</strong> avait déjà été réduiteaux seuls chômeurs de plus de 45 ans aveccharge de famil<strong>le</strong> : environ 70000 personnesavaient cessé de la percevoir et en septembre,d’après <strong>le</strong>s chiffres officiels, plus de615 000 chômeurs touchaient encore cetteallocation de base. Cette suppression pureet simp<strong>le</strong> s’inscrit dans un climat orchestrédepuis longtemps par <strong>le</strong> gouvernement socialisteet ses différents relais, dans lapresse notamment, s’indignant du fait qu’ily a trop de chômeurs alors que de nombreusesoffres demeureraient non pourvues…Cet été, nombre d’emploissaisonniers à la campagne (récoltes, vendanges…)n’ont pas trouvé preneur… Mettre<strong>le</strong>s chômeurs au travail, comme auRoyaume Uni, comme en France, devientun enjeu central dans la gestion de la crise.Il a été précisé que cette mise au travail seferait grâce à l’embauche de 1500 d’«orientateurs»dans <strong>le</strong>s services publics de l’emploiet des précisions (à venir) sur <strong>le</strong> rô<strong>le</strong>des entreprises privées de placement. Despseudo-contrats de formation et de stagesseront imposés aux chômeurs pour <strong>le</strong> plusgrand profit des entreprises. Le nombre officieldes chômeurs atteint 4,110 millions,auxquels il faudrait ajouter environ 500 000,hors statistiques, placés provisoirement enstages de formation…Toute une gamme de sanctions et de radiationsexiste déjà pour <strong>le</strong>s chômeurs qui refusentune offre jugée correspondre à <strong>le</strong>urprofil et <strong>le</strong>ur capacité de déplacement. Cequi va être modifié sera la relation jugéetrop rigide entre l’«offre» et la «demande»puisqu’il est prévu que <strong>le</strong>s chômeurs devrontacquérir une plus grande mobilitéfonctionnel<strong>le</strong> et géographique avec à la cléla mise en place vraisemblab<strong>le</strong> d’un arsenaldisciplinaire de sanctions en cas de refus :trois mois de pertes d’allocations au premierrefus, six mois au second, la perte tota<strong>le</strong>des allocations en cas de troisièmerefus.Dans un pays qui connaît officiel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>taux de chômage <strong>le</strong> plus é<strong>le</strong>vé d’Europe(20% officiel<strong>le</strong>ment, 25% dans <strong>le</strong>s faits), où<strong>le</strong>s formes de précarité sont plus pousséesque dans d’autres pays, avec <strong>le</strong>s statuts detravail<strong>le</strong>urs «indépendants», ou «autonomes»(près de 20% de la population active),accroître la f<strong>le</strong>xibilité, faire disparaître<strong>le</strong>s chômeurs en <strong>le</strong>s plaçant dans descontrats d’apprentissage et autres stages enentreprises, n’est qu’une tentative de plusde mettre <strong>le</strong>s gens au travail de manière autoritaire.Mais aussi de faire disparaître unegrande partie des chômeurs des statistiquesofficiel<strong>le</strong>s et placer ces dernièresdans la moyenne européenne.LE MODÈLE DE «L’AUTO-ENTREPRENEUR»Parmi ceux qui ont <strong>le</strong> statut de «travail<strong>le</strong>urautonome», il existe même une sous catégorieoù se retrouvent ceux qui sont officiel<strong>le</strong>mentreconnus comme sous-traitantspermanents, appelés TRADE, pour «travail<strong>le</strong>ursautonomes économiquement dépendants».Leur nombre est estimé à 400000personnes (250000 officiel<strong>le</strong>ment): il s’agitSyndicalisme alternatif[*] Syndicalisme alternatif est un terme peu précis. En dehorsdes syndicats importants en Galice (28% des délégués)ou majoritaires du Pays basque, liés à laprégnance de la revendication autonomiste ou indépendantistearticulée aux luttes socia<strong>le</strong>s, c’est une constellationd’organisations de poids, de références, detrajectoires très différentes que l’on peut qualifier plussimp<strong>le</strong>ment de plus combatives ou plus revendicativesque <strong>le</strong>s syndicats du système.Il y a d’abord <strong>le</strong>s confédérations se réclamant de l’anarcho-syndicalisme: (CGT, CNT-AIT, Solidaridad Obreraainsi qu’une CNT indépendante de Catalogne), aux positionnementsassez variés, contradictoires à bien deségards, même si, depuis peu, quelques appels communsont surgi ici ou là dans <strong>le</strong> cadre des mobilisations contre<strong>le</strong>s mesures d’austérité. Il existe aussi des organisationsd’implantation régiona<strong>le</strong> comme <strong>le</strong> SAT en Andalousie etla CSI dans <strong>le</strong>s Asturies et diverses «Intersindica<strong>le</strong>s» régiona<strong>le</strong>s(Canaries, Pays Va<strong>le</strong>ncien…). A cela, il fautajouter toute une série de syndicats de base ou de lutteou «de classe», nés des résistances aux restructurationset des oppositions avec l’évolution du syndicalisme majoritaireofficiel : organisations présentes dans une entreprise,parfois dans quelques unes, en particulier àBarcelone et Madrid dans <strong>le</strong>s transports publics, la santé,<strong>le</strong>s télécoms… Ces organisations ne sont généra<strong>le</strong>mentpas <strong>le</strong> produit d’un processus de radicalisation mais larésultante du recentrage sur des politiques de conciliationdes centra<strong>le</strong>s (souvent CCOO) auxquel<strong>le</strong>s appartenaientces militants à l’origine. Le sectarisme assezcouramment partagé dans ces milieux provient aussi dufait que ces regroupements ne sont parfois rien d’autreque <strong>le</strong>s appendices ou <strong>le</strong>s faux-nez de certains groupesd’extrême gauche ou même de courants issus des diversavatars du stalinisme historique consécutifs de l’effondrementet de l’éclatement/éparpil<strong>le</strong>ment du Parti Communiste.Enfin, nombre de ces syndicats dits alternatifsont loin de tourner <strong>le</strong> dos au verticalisme de la traditionbureaucratique.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011 5


la crise dans l’État espagnol1. Voir à ce propos <strong>le</strong>sdéveloppements intéressantsdans “Espagne: Pland’ajustement pourcrise rampante », deCorsino Vela,Échanges n°134, automne2010 (bul<strong>le</strong>tindu réseau “Echangeset Mouvements”).de tous ceux, pseudo «entrepreneur individuel»,qui n’ont pas de salariés et qui sontrémunérés à la tâche via des contrats commerciaux,par une ou plusieurs entreprises«clientes». Ce système de tâcheronnat, quiabolit la forme léga<strong>le</strong> du rapport salarial –où la rémunération est liée à un temps detravail – et <strong>le</strong> remplace par un contrat d’objectifou de prestation, s’est très vite développédans des secteurs comme <strong>le</strong>transport routier ou la construction. Il s’agitde l’étendre encore, à côté de toute une pa<strong>le</strong>ttede formes contractuel<strong>le</strong>s du travailtemporaire déjà existantes : une varianteappelée «obra y servicio» (de prestation età la durée incertaine), «eventual» (pour surchargemomentanée d’activité), «interenidad»(pour remplacement ou occupationprovisoire d’un poste vacant), «de prácticas»(formation en entreprise, pour <strong>le</strong>sjeunes)… en plus de l’intérim !Le gouvernement socialiste espagnol a récemmentlancé une campagne “contre <strong>le</strong>chômage” en incitant <strong>le</strong>s chômeurs à créerdes entreprises, à devenir des travail<strong>le</strong>urs«autonomes », commerçants, artisans… en«capitalisant » <strong>le</strong>urs allocations, alors mêmeque <strong>le</strong> nombre d’affiliés à ce régime a chutéde 55000 en un an, et que de plus en plusd’entre eux, faute de revenus suffisants,n’ont pas de couverture suffisante en casd’accident ou de maladie. Faire des chômeursdes entrepreneurs, comme faire de lacréation d’entreprise <strong>le</strong> signe de la vitalité,de la créativité et de la réussite individuel<strong>le</strong>,notamment sous forme d’un <strong>le</strong>itmotiv répétéen bouc<strong>le</strong> lorsque l’on traite de la «politiquede la vil<strong>le</strong>» ou des «quartiers », est undes biais par <strong>le</strong>squels s’est introduite progressivementet banalisée la thématiquenéolibéra<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> capitalisme européen.Que ce soit des socialistes, en Francecomme dans l’État espagnol, qui en soientou en aient été <strong>le</strong>s promoteurs ne fait quesouligner un peu plus, au-delà des aléas del’alternance, l’hypocrisie et <strong>le</strong> cynisme dontils savent faire preuve.Quoiqu’il en soit, il y a un lien de cohérenceévident et direct entre <strong>le</strong>s campagnes idéologiquesde promotion de l’économie demarché et des bienfaits du capitalisme, <strong>le</strong>smesures de contrainte contre <strong>le</strong>s chômeurset <strong>le</strong>s lois décidant de réduire <strong>le</strong>s chargesfisca<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s plus petites des PME, enparticulier cel<strong>le</strong>s qui se créent. Quant à laviabilité de ces auto-entreprises, de ce travailindépendant, il suffit de se promenerdans <strong>le</strong>s rues de n’importe quel<strong>le</strong> grandevil<strong>le</strong>, dans la Péninsu<strong>le</strong> comme ail<strong>le</strong>urs enEurope, pour remarquer la rotation extrêmementrapide des petits commerces detoute sorte (petits restaus/plats à emporter,salons de coiffure, de manucures ou debeauté, magasins de fringues…) et se rappe<strong>le</strong>rque l’on est là dans <strong>le</strong> domaine desmythes et des rêves.Autre signe de la précarité, en novembre2010, environ 108000 CDI ont été enregistrés,soit 8% du total des embauches (92%en CDD) et parmi ceux-ci, 40% étaient àtemps partiel. Le chômage des jeunes atteint48%.Pour <strong>le</strong>s 615000 allocataires du “subsidio” de426 euros, la suppression de cette allocationde survie dès <strong>le</strong> mois de février aura desconséquences dramatiques dans un paysqui connaît une montée impressionnanted’une paupérisation de masse. Alors que<strong>le</strong>ur nombre d’allocataires ne cesse de croître(+5,5% en un an), <strong>le</strong> montant global desallocations versées aux chômeurs est enbaisse (-3,4%) : en octobre 2010, l’allocationmoyenne était de 904,58 euros, soit 88,61 demoins qu’en octobre 2009. Statistique quevient corroborer une enquête de la Banqued’Espagne publiée au même momentconstatant qu’en 2010, 40% des chômeursvivent dans des foyers où tout <strong>le</strong> monde estau chômage, contre 26% en 2007.Si jusque là, ce sont surtout <strong>le</strong>s structuresfamilia<strong>le</strong>s qui ont permis de maintenir unminimum de solidarité entre <strong>le</strong>s générations,il n’est pas sûr que cela puisse tenirencore longtemps. En tous cas, la politiquede contention socia<strong>le</strong> par la distributiond’une sorte de revenu minimum est clairementremise en cause.La réforme des retraites, qui va faire baisser<strong>le</strong>s pensions, et <strong>le</strong>s mesures contre <strong>le</strong>schômeurs (qui sont surtout des femmes etdes jeunes), viennent frapper <strong>le</strong>s catégoriessocia<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus prolétarisées et prolétarisent<strong>le</strong>s classes moyennes. Jusqu’ici, il étaitcourant d’admettre que ce qui restait d’Étatsocial, notamment lorsqu’il était géré pardes socialistes, visait à maintenir la paupérisationdans des limites tolérab<strong>le</strong>s, encompensant la baisse des revenus directs(salaires) par des revenus indirects (allocationsfamilia<strong>le</strong>s, minimum vieil<strong>le</strong>sse, subsidespour chômeurs de longue durée…). Ornous sommes maintenant devant un déplacementnotab<strong>le</strong> des «limites tolérab<strong>le</strong>s»,un effondrement des digues de la politiquede contention socia<strong>le</strong> dans un pays où secombine la généralisation de l’érosion desressources familia<strong>le</strong>s, des salaires directs etindirects et l’explosion numérique d’unejeunesse prolétarisée qui voit se rétrécir etse refermer <strong>le</strong>s moindres perspectives de«s’en sortir» dans <strong>le</strong> cadre de cette société 1 .RÉFORME DES RETRAITES…La grève du 29 septembre (29-S) – qui étaitcensée manifester <strong>le</strong> refus des mesuresgouvernementa<strong>le</strong>s prises <strong>le</strong> 10 mai! – lancéepar <strong>le</strong>s deux organisations collaborationnistesUGT et CCOO (CommissionsOuvrières) et relayés par <strong>le</strong>s syndicats ditsalternatifs (mais pas par ceux du PaysBasque) a eu un impact et un caractèreassez inégal selon <strong>le</strong>s secteurs et <strong>le</strong>s régions: assez important dans certains centresindustriels, dans certaines régions, peusuivie à Madrid, plus en Andalousie. Le casde Barcelone est un peu différent car danscette vil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> 29-S a donné lieu à la participationimportante, massive et indépendantede ce que la presse bourgeoiseappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s «antisystèmes » : une aire politico-socia<strong>le</strong>regroupée sous <strong>le</strong> nom d’«Assemb<strong>le</strong>ade Barcelona», qui se veut unespace de convergence permanent entre diversesréalités socia<strong>le</strong>s de l’antagonisme :des centres sociaux «okupés» (squats), desassemblées de chômeurs, des précaires, desassemblées de quartier, des col<strong>le</strong>ctifs ousyndicats de travail<strong>le</strong>urs de base (comme<strong>le</strong>s chauffeurs de bus de la vil<strong>le</strong>), des «alternatifs» radicaux et anticapitalistes, touteune mouvance anti-autoritaire, féministe,néo-ruraux, “écolo-décroissants”, partisansdes coopératives intégra<strong>le</strong>s et d’une sortieimmédiate du capitalisme, nouvel<strong>le</strong>s générationsqui se sont politisées dans <strong>le</strong> récentconflit des universités…Quelques jours avant <strong>le</strong> 29-S, l’«Assemb<strong>le</strong>a»a occupé de manière spectaculaire l’anciensiège de la Banco de Crédito, situé en p<strong>le</strong>incentre de la vil<strong>le</strong> en déployant une immensebandero<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong> douzième étageoù l’on pouvait lire: «Les banques nous asphyxient,<strong>le</strong>s patrons nous exploitent, <strong>le</strong>s politiciensnous mentent,UGT et CCOO nous vendent.A la mierda!» Malgré l’extrême mobilisationpolicière, plusieurs milliers de personnes sesont retrouvées autour de l’édifice occupéet de vio<strong>le</strong>nts affrontements se sont prolongéspendant plusieurs heures. Le bâtimenta été expulsé dans la journée et lapresse, <strong>le</strong>s médias audiovisuels comme <strong>le</strong>pouvoir politique municipal, régional et degouvernement se sont déchaînés contre <strong>le</strong>s6courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


la crise dans l’État espagnol«antisystèmes», voulant même poursuivreen justice <strong>le</strong>s sites Internet d’informationalternative pour incitation à la vio<strong>le</strong>nce.Quoi qu’il en soit, c’est la première fois qu’àl’occasion d’une journée d’action de typesyndical (qui sont très rares dans l’État espagnol),d’autres protagonistes entrent enscène et commencent à vouloir existerdans la durée en s’articulant avec <strong>le</strong>sfranges <strong>le</strong>s plus radicalisées du salariat.Après la réforme des droits du travail, uneréforme du régime des retraites a été décidéereculant l’âge de départ à 67 ans et allongeantla période servant au calcul du montantdes pensions, entraînant la baisse de<strong>le</strong>ur montant d’environ 10%. Cette loi doitêtre votée en janvier 2011 et apparaitcomme une échéance importante tant pour<strong>le</strong> gouvernement que pour <strong>le</strong>s salariés.… ET GRÈVE GÉNÉRALE IMPROBABLE!Tandis que <strong>le</strong>s syndicats du système (CCOOet UGT) font tout <strong>le</strong>ur possib<strong>le</strong> pour ne pasavoir à rééditer la journée du 29-S, dès <strong>le</strong>mois de décembre, seu<strong>le</strong> la “majorité syndica<strong>le</strong>”basque (ELA, LAB, STEE-EILAS, EHNEet Hiru), qui a son propre agenda, a appeléà une journée de grève <strong>le</strong> 27 janvier prochain.En Galice, c’est la Confédération Intersyndica<strong>le</strong>Galicienne (CIG) qui appel<strong>le</strong>aussi à la grève généra<strong>le</strong> ce même jour.Quant aux syndicats dits alternatifs, nombreux,éclatés, sans véritab<strong>le</strong> poids saufdans quelques localités ou secteurs, c’est laconfusion, <strong>le</strong> sectarisme et <strong>le</strong>s attitudes attentistesqui ont dominé au cours des derniersmois [cf. encadré p. 5]. Au Pays Basqueet en Galice, lorsqu’ils sont présents, cessyndicats se rallient aux appels existants.Mais ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s choses se compliquent.Pour certains, l’appel à la grève généra<strong>le</strong> estsurtout un thème propagandiste, visant àpolémiquer avec <strong>le</strong>s syndicats du systèmeen faisant faussement pression sur eux.Pour d’autres, <strong>le</strong>s conditions qu’ils mettentà la concrétisation de cet appel sont tel<strong>le</strong>sque cela revient à ne rien faire, selon unetradition gauchiste qui à la fois affirme unecertaine radicalité ou combativité dans <strong>le</strong>smots et, dans <strong>le</strong>s faits, pratique <strong>le</strong> suivisme<strong>le</strong> plus opportuniste à l’égard des formationsinstitutionnel<strong>le</strong>s, attitude mieuxconnue sous <strong>le</strong> nom de “soutien critique”.Seu<strong>le</strong> l’organisation anarcho-syndicalisteSolidaridad Obrera (surtout présente à Madrid),maintient fermement une distanceclaire et nette avec <strong>le</strong>s syndicats du capital,en appelant impérativement et sans tarderl’ensemb<strong>le</strong> des secteurs combatifs à assumerune mobilisation directe en deuxtemps, d’abord une journée de manifestation,puis une autre de grève généra<strong>le</strong>, surla base de <strong>le</strong>urs propres capacités et «en dehorsde la tutel<strong>le</strong> des syndicats du système», enexpliquant qu’une tel<strong>le</strong> journée doit êtreconçue comme un point de départ et nonun objectif en soi [cf. l’entretien p. 10]. Sera-tel<strong>le</strong>suivie? Sa proposition sera-t-el<strong>le</strong>l’amorce d’un déblocage parmi ceux etcel<strong>le</strong>s qui n’assument pas toujours trèsbien <strong>le</strong>urs positions minoritaires, mais quise sentent tenus quand même de mettre<strong>le</strong>urs actes en rapport avec <strong>le</strong>urs mots?Dans diverses localités ou quartiers, des assembléespour la grève généra<strong>le</strong> se sontconstituées, des appels commencent à semultiplier en ce début janvier.Le 9 janvier, diverses organisations ou col<strong>le</strong>ctifsdu «syndicalisme alternatif», surtoutde Madrid, ont réussi à s’accorder sur lalancement d’un “Manifeste unitaire pourun plan de lutte et une nouvel<strong>le</strong> grève généra<strong>le</strong>jusqu’au retrait des plans du gouvernement”en appelant <strong>le</strong>s sectionssyndica<strong>le</strong>s et comités d’entreprises desgrandes centra<strong>le</strong>s à se réunir <strong>le</strong> 22 janvierpour formaliser un appel à la grève généra<strong>le</strong>.Il s’agit d’al<strong>le</strong>r vers la création d’un«pô<strong>le</strong> syndical de classe, assembléiste et internationaliste»regroupant aussi <strong>le</strong>s organisationssocia<strong>le</strong>s et partis politiques afin de«faire entendre un discours qui explique que lacrise est <strong>le</strong> fruit d’un système dans <strong>le</strong>quel la productionest socia<strong>le</strong> et l’appropriation privée, que<strong>le</strong>s politiques antisocia<strong>le</strong>s ne sont pas des politiquesvisant à sortir de la crise, mais serventl’objectif de maintenir <strong>le</strong>s profits des entreprisesau prix de l’augmentation des souffrances et desinégalités socia<strong>le</strong>s et de la dégradation de l’environnement».En mettant explicitement enréférence <strong>le</strong>s appels déjà lancés au PaysBasque et en Galice pour <strong>le</strong> 27 janvier, il nefait guère de doute que cette date a été retenuepar la coordination madrilène «Hayque parar<strong>le</strong>s los pies» («Il faut <strong>le</strong>s arrêter»)pour en faire une journée de manifestationet non un appel clair et net à la grève généra<strong>le</strong>ce jour là sur Madrid comme <strong>le</strong> réclameSO, qui se retrouve seu<strong>le</strong> aussi à mobiliser<strong>le</strong> samedi 22 janvier pour une manifestationen soirée. Avec des manifestes et desappels à la grève généra<strong>le</strong> mais qui en faitn’en sont pas, <strong>le</strong> syndicalisme « alternatif »est un combat !Le 13 janvier, la CGT de Catalogne a voté <strong>le</strong>principe d’une grève de 24 h <strong>le</strong> 27 janvier.Deux jours plus tard, dans cette même région,quatre organisations, trois d’entreel<strong>le</strong>s (CGT, CNT de Catalogne, SolidaridadObrera) de référence anarchosyndicaliste,et la Coordination Ouvrière Syndica<strong>le</strong> (plutôtlibération nationa<strong>le</strong> et socia<strong>le</strong>) ont lancéun appel commun à la grève. Le même jour,tout un arc de mouvements (dont l’«Assemb<strong>le</strong>a»)et syndicats de base ont rendupublic un appel commun à une manifestation<strong>le</strong> 22 janvier…CONTORSIONS BUREAUCRATIQUESPendant ce temps, <strong>le</strong>s confédérations majoritairesqui négocient avec <strong>le</strong> gouvernementZapatero afin de l’aider à faire passercette réforme, ont trouvé, dans la droite(Parti populaire) qui dirige certaines régions(Madrid, Murcia…) matière à exprimer une«combativité» bien uti<strong>le</strong> pour el<strong>le</strong>s-mêmeset <strong>le</strong> gouvernement. Dans <strong>le</strong> cadre (ou prétexte)des budgets 2011, certains exécutifsrégionaux de droite, veu<strong>le</strong>nt en effet al<strong>le</strong>rplus loin que <strong>le</strong>s coupes budgétaires classiquesopérées dans la fonction publique enréduisant aussi la quantité de déléguéssyndicaux, <strong>le</strong>s «liberados» qui constituentla base de la puissance des syndicats.Pour <strong>le</strong>s syndicats du système, majoritaires,la partie est compliquée. La remise encause des conventions col<strong>le</strong>ctives 2 – que <strong>le</strong>patronat et la droite réclament et que <strong>le</strong>gouvernement fait mine de ne pas accepter– est un point sensib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s centra<strong>le</strong>s.Car c’est là un des éléments qui <strong>le</strong>s fontexister dans <strong>le</strong> rapport capital/travail, <strong>le</strong>urdonne accès à des formes de reconnaissancesymbolique, institutionnel<strong>le</strong>. Maissurtout, el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>ur fournissent des ressourcesfinancières considérab<strong>le</strong>s, notammentdes fonds versés au titre de la« formation » professionnel<strong>le</strong> qui alimententdirectement <strong>le</strong>s appareils à travers <strong>le</strong>smilliers de détachements, de «liberados»(délégués permanents, bien nommés «libérés»de la corvée du travail) 3 , mais aussi <strong>le</strong>sdivers cabinets de conseil juridique et autresfrais financés éga<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong> patronat,sans par<strong>le</strong>r des subventions de l’Etat etdes communautés autonomes ou régions.Il est courant que <strong>le</strong> montant des subventionspatrona<strong>le</strong>s aux syndicats soit inclusdans la convention. Les cas ne sont pasrares où des licenciements ont été «négociés»contre la remise d’un chèque à chacundes syndicats ayant signé l’accord, àcharge pour eux d’“aider” <strong>le</strong>s licenciés (à seformer, à trouver du travail…). Jusqu’où irala remise en question du compromis fordistedans <strong>le</strong>quel la représentation syndica<strong>le</strong>bureaucratique, à travers <strong>le</strong>s accords debranches ou d’entreprises et des formes decogestion du marché du travail 4 , tient unrô<strong>le</strong> substantiel?En tout cas, <strong>le</strong>s deux grandes centra<strong>le</strong>s sontentrées dans un processus de négociationentre el<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> patronat et l’État appelé«pacte global» par un dirigeant syndical,car ne se limitant pas à la réforme des retraiteset s’étendant à tous <strong>le</strong>s thèmes, dont<strong>le</strong> marché du travail. Pacte global, que <strong>le</strong>ssyndicats veu<strong>le</strong>nt maintenant étendre auxpartis politiques, par <strong>le</strong>quel serait scellé unaccord de recul social entre la social-démocratieau pouvoir, l’opposition de droite, <strong>le</strong>syndicalisme majoritaire et <strong>le</strong> patronat.La grève du 27 janvier sera sans doute trèssuivie au Pays basque et dans <strong>le</strong>s secteurstraditionnel<strong>le</strong>ment combatifs de Galice. Ail<strong>le</strong>urs,el<strong>le</strong> sera surtout <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t des forcesdisponib<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> point de départ d’une mobilisationindépendante, s’inscrivant dansla durée, à l’initiative de diverses réalitésorganisées et s’appuyant sur <strong>le</strong>urs propresforces. En ouvrant un premier espace delutte, de grève, de manifestations en ruptureavec <strong>le</strong> syndicalisme de conciliation officie<strong>le</strong>t majoritaire, malgré <strong>le</strong>stergiversations et <strong>le</strong>s freins de certains,c’est un tout premier pas qui est franchi, etc’est là l’important: c’est en effet la seu<strong>le</strong>2. Conventions nationa<strong>le</strong>ssectoriel<strong>le</strong>s, régiona<strong>le</strong>sou decommunauté autonomesectoriel<strong>le</strong>s,conventions d’entreprises…au total plusde 9 millions de salariéssont concernés,dans 1,25 millionsd’entreprises.3. Si <strong>le</strong>s syndicats dusystème n’appel<strong>le</strong>ntpratiquement jamaisà des grèves, ils organisentrégulièrementet rituel<strong>le</strong>ment desmanifestations ourassemb<strong>le</strong>ment pendant<strong>le</strong>s négociationspour monter qu’ilsfont pression. Unenote interne desCCOO d’Andalousierécemment publiéenous apprend que <strong>le</strong>s“liberados” du syndicatsont fermementinvités à manifesterdans une capita<strong>le</strong> provincia<strong>le</strong>contre unerétribution de 45euros (+ remboursementdes frais de déplacements)et quetoute absence devraêtre justifiée.4. En Espagne <strong>le</strong>splans de licenciementscol<strong>le</strong>ctifs ou dechômage partiel fontl’objet d’un accord négociéavec <strong>le</strong>s syndicatsCette cogestion,avec établissement delistes nominatives desalariés concernés,permet de développerune politique clientélistevis-à-vis de labase des travail<strong>le</strong>urs,<strong>le</strong>s affiliés des syndicatsmajoritaireséchappant en effetaux licenciements…et dans <strong>le</strong> mêmetemps de virer <strong>le</strong>sfortes têtes, membresou sympathisants decourants plus combatifsmais concurrentset minoritaires!courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011 7


la crise dans l’État espagnol5. Au nombre de 45 autotal, il est prévuqu’el<strong>le</strong>s se regroupenten 17 entités. Ces restructurations/fusionsse font parfois avec recherchesd’ouverturesdu capital (et augmentations)à d’autres établissementsbancaires.6. Plus de 90% des 5,654milliards d’euros de cescontrats se concentrentsur la prise de participationde la société chinoiseSinopec àl’augmentation de capitalde la filia<strong>le</strong> brésiliennede l’entrepriseespagno<strong>le</strong> Repsol afin definancer l’exploitationoff-shore de vastes gisementsdécouverts aularge des côtes brésiliennes.7. Selon <strong>le</strong> secrétaire auTrésor, la dette publiqueUS est, en ce début janvier2011, à 13950 milliardsde dollars. Danssa demande, il indiquequ’en cas de non-relèvementdu plafond précédemmentvoté, <strong>le</strong>Trésor disposera d’unemarge de quelques semaines,pas plus, avantde se retrouver effectivementen situation dedéfaut sur certaineséchéances. (AFP, 6 janvier2011). En comparaison,fin juin 2010, <strong>le</strong>total des dettes publiquesde la Zone Euros’établissait à 8,861 milliardsd’euros.8. AFP du 18 janvier2011façon pour qu’il y en ait un deuxième etque l’on puisse par<strong>le</strong>r d’un début de processusde mobilisation et de reconstructiond’un rapport de force.UNE CRISE SANS FINMais l’État espagnol n’en a pas fini avec lacrise. Comme pour <strong>le</strong>s autres pays, il est àpeu près certain que <strong>le</strong>s mesures déjàprises par <strong>le</strong> gouvernement ne seront passuffisantes. Au cours de l’année 2010, ladette publique s’est encore accrue de 16,3%en un an. D’après <strong>le</strong>s analystes financiers,<strong>le</strong>s “besoins de refinancement”, à hauteurde 290 milliards d’euros pour 2011 sontjugés très é<strong>le</strong>vés : 170 milliards d’euros pourl’État central, 30 milliards d’euros pour <strong>le</strong>scommunautés autonomes et 90 milliardsd’euros pour <strong>le</strong>s banques. Ces dernières ontun besoin urgent de se recapitaliser, <strong>le</strong>scaisses d’épargne, en cours de fusion ou derapprochement 5 , très en pointe dans <strong>le</strong>sprêts immobiliers, ont en outre une comptabilitéassez peu transparente, notammentsur la réalité de <strong>le</strong>ur bilan et l’évaluationréel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs engagements, c’est-à-diredes prêts consentis, notamment dans <strong>le</strong>secteur sinistré de la construction, et de lava<strong>le</strong>ur des actifs (maisons, appartements,chantiers…) récupérés suite à l’effondrementde la bul<strong>le</strong> immobilière, à l’insolvabilitédes emprunteurs et à la faillite desentreprises du bâtiment et de l’immobilier.Depuis <strong>le</strong> début de 2008, chaque trimestre,<strong>le</strong>s entités bancaires récupèrent enmoyenne 25 000 logements suite à des saisiespour impayés et selon l’association desusagers des banques (ADICAE), environ 2,4millions de dettes dépassent la va<strong>le</strong>ur dubien correspondant.Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s banques espagno<strong>le</strong>s détiennentbeaucoup de dette portugaise. Après<strong>le</strong> Grèce et l’Irlande, un plan d’ajustementimposé au Portugal permettrait en théoriede rendre service au système bancaire espagnol.Or, pour l’instant, <strong>le</strong> gouvernementportugais “résiste”, fait savoir qu’il peut s’enpasser et préfère emprunter au jour <strong>le</strong> joursur <strong>le</strong> marché obligataire.Début janvier, à l’occasion d’une tournéeeuropéenne du vice-premier ministre chinoisLi Kequiang, ce dernier a réaffirmé l’intentionde son pays d’investir dans <strong>le</strong>« marché de la dette européenne » commeon dit dans la presse économique, pressequi nous informe que <strong>le</strong>s réserves en devisesde la Chine s’élèveraient à 2 650 milliardsde dollars, auxquels il faut ajouter 850milliards détenus dans plusieurs « fondssouverains », soit un total de 3500 milliardsde dollars, record mondial absolu, représentant40% des réserves de change de la planète.Commençant par Madrid, où ont étésignés d’importants accords commerciaux,notamment en matière d’hydrocarbures 6 .D’après <strong>le</strong> quotidien El Pais, Li Keqiang auraitindiqué à Zapatero, que la Chine «voulaitacheter autant de dette espagno<strong>le</strong> que dedettes grecque et portugaise combinées, soitquelque six milliards d’euros». Début janvier2011, l’État espagnol a emprunté pour 3 milliardsde Bons du Trésor, au taux de 4,54%,supérieur à celui de la dernière émission dumême type (3,57%), en novembre 2010.De <strong>le</strong>ur côté, <strong>le</strong>s dirigeants des États-Unisne se posent pas ce genre de question.Entre création de monnaie et creusementde la dette, <strong>le</strong>s vieil<strong>le</strong>s recettes sont toujoursà l’ordre u jour, mais jusqu’à quand ?Le 6 janvier, <strong>le</strong> secrétaire au Trésor a demandéau sénat de pouvoir re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> plafondde la dette, fixé par <strong>le</strong> Congrès à 14 290milliards de dollars en février 2010, carcelui-ci devrait être atteint au cours du 1 emetrimestre de 2011 7 . Au même moment, onapprenait que la Réserve Fédéra<strong>le</strong> allait« acheter » pour 600 millions de dollarsd’obligations publiques en 6 mois, c’est-àdirefabriquer de l’argent, pour officiel<strong>le</strong>mentempêcher la déflation (et <strong>le</strong>sdépréciations d’actifs) et faire baisser <strong>le</strong>staux à long terme.Le 18 janvier, la propre Banque d’Espagneestimait <strong>le</strong>s créances douteuses desbanques espagno<strong>le</strong>s à 104,78 milliards d’eurosen novembre 2010, soit 5,68% du totalde <strong>le</strong>urs créances (contre 4,98% en octobre2009). L’agence Moody’s estimait «que <strong>le</strong>urspertes pour dépréciations d’actifs et provisionspourraient atteindre à terme “176 milliardsd’euros, somme dont <strong>le</strong>s banques n’ont jusqu’àprésent reconnu que la moitié (88 milliards)”»,tandis que «l’agence Fitch a abaissé d’un cranla note d’ensemb<strong>le</strong> attribuée aux caissesd’épargne espagno<strong>le</strong>s, de “AA-” à “A+” avec une“perspective négative”.» 8Non, on n’a pas encore tout vu et la “crise”n’en est qu’à ses débuts.Le 18 janvier 2011Barcelone, expulsion de la « Maison de la Grève »Dans <strong>le</strong> cadre des mobilisations en vue de la grève généra<strong>le</strong> appeléeen Catalogne pour <strong>le</strong> 27 janvier (27-E) par des organisationssyndica<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus combatives (à l’initiative de CGT,CNT, Solidarité Ouvrière et COS), une manifestation était appelée<strong>le</strong> samedi 22 janvier et s’est déroulée dans <strong>le</strong>s rues de Barcelone,réunissant plus de 4000 personnes. Le soir même, environ 500d’entre el<strong>le</strong>s se réunissaient dans l’ancienne bâtiment d’un multicinémadu centre vil<strong>le</strong>, abandonnée depuis près de 10 ans et occupédepuis <strong>le</strong> mardi précédent par des membres de l’«Assemb<strong>le</strong>a»de Barcelone, renouant avec la précédente tentative du Banco deCrédito lors de la grève du 29-S. Il s’agissait à la fois de rendre publiquel’ouverture d’une “Casa de la Vaga” (Maison de la Grève) etde tenir une assemblée ouverte pour mettre en discussion et déciderdes contenus et des modes d’actions/mobilisations autourde cette grève généra<strong>le</strong> du 27-E. Au milieu de la nuit, <strong>le</strong>s flics catalansde triste réputation (<strong>le</strong>s Mossos d’Esquadra) sont intervenusmassivement, planqués sous des capuches, sans <strong>numéro</strong>sou plaques d’identification visib<strong>le</strong>, et ont fait expulser tous <strong>le</strong>s présents,après un contrô<strong>le</strong> général d’identités (officiel<strong>le</strong>ment 418personnes), bilan : neuf b<strong>le</strong>ssés, dont deux assez sérieusement,mais pas d’arrestations. L’intervention s’est faite sous <strong>le</strong> commandementdirect du nouveau ministre catalan de l’intérieur déclarantqu’«avec cette expulsion, c’en était fini de l’impunité enCatalogne» envers <strong>le</strong>s occupations illicites et que «la dynamiqueinitiée» par cette action répressive «sera la manière d’agir du gouvernementjusqu’à la fin de la législature». En développant undiscours sécuritaire permanent contre <strong>le</strong>s squats et <strong>le</strong>s désordreset en criminalisant la protestation socia<strong>le</strong>, de toute évidence, <strong>le</strong>sautorités politiques régiona<strong>le</strong>s (depuis peu aux mains de la droitenationaliste) n’entendent pas que s’ouvre <strong>le</strong> moindre espace permettantla récupération et la réactualisation d’une tradition del’antagonisme social : assemblées ouvrières, auto-organisation,grève généra<strong>le</strong>, paralysation de l’économie… El<strong>le</strong>s complètent loca<strong>le</strong>ment<strong>le</strong> dispositif répressif dirigé par <strong>le</strong> PSOE au niveau del’État fédéral et <strong>le</strong>s syndicats “esquirols” (jaunes) UGT et CCOO,ce dernier se plaignant même, par la voie de sa branche dans lapolice, que <strong>le</strong>s poursuites judiciaires contre <strong>le</strong>s manifestants arrêtéslors des manifestations du 29-S à Barcelone n’aient pas étéassez fortes. Au <strong>le</strong>ndemain de l’opération de police, <strong>le</strong>s initiateursde la Maison, de la Grève, <strong>le</strong>s syndicats (CGT, CNT, SO, COS), rejointsnotamment par la CNT-AIT, par <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs de la compagniede bus et ceux du secteur des parcs et jardins, bien que“minoritaires”, ont déclaré maintenir <strong>le</strong>urs appels à la grève et àla manifestation du 27 janvier en Catalogne.Le 24 janvier8 courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


la crise dans l’État espagnolCriminalisation et conflit du travailÉCRIT EN FONCTION DE LA SITUATION DANS L’ÉTAT ESPAGNOL (GRÈVE DU MÉTRO DE MADRID ETGRÈVE «SAUVAGE» DES CONTRÔLEURS AÉRIENS), CET ARTICLE FAIT AUSSI ÉCHO ICI SUR LES LIMI-TATIONS GRANDISSANTES DU DROIT DE GRÈVE DÈS LORS QUE CES MOUVEMENTS COLLECTIFS DEBLOCAGE DE L’ACTIVITÉ DEVIENNENT TROP EFFICACES POUR DES TRAVAILLEURS EN LUTTE (CHEMI-NOTS, RAFFINERIES…) QUI DEVIENNENT ALORS DE VULGAIRES «PRENEURS D’OTAGES»Les mobilisations récentes en matière dedéfense des droits des travail<strong>le</strong>urs – <strong>le</strong>sgrèves du métro de Madrid et des contrô<strong>le</strong>ursaériens – ont focalisé sur un des pointcentraux de l’ordre économique actuel: lanécessité d’assurer la mobilité des marchandises,qu’el<strong>le</strong>s soient force de travail outouristes. Proposons une analyse. Les paralysiesdans la mobilité des masses ont deseffets extrêmement spectaculaires dans ladémocratie de consommateurs, bien queson instrumentalisation par <strong>le</strong>s autoritésproduise une considérab<strong>le</strong> rentabilité politique.La grève des contrô<strong>le</strong>urs aériens pendant<strong>le</strong> pont des vacances de décembre enEspagne 1 a cependant signifié un saut qualitatifde l’administration quant à la gestion desconflits du travail, avec la déclaration de“l’état d’a<strong>le</strong>rte” et la militarisation despostes de travail.Il faut reconnaître l’habi<strong>le</strong>té du gouvernementpour faire en sorte que <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>ursaériens lancent une grève dans un momentparticulièrement sensib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s consommateursde mobilité. Le gouvernement, qui alaissé pourrir une situation qu’il a lui-mêmefavorisé – Aena, l’employeur, est une entreprised’État – a ainsi créé un écran de fuméeafin de détourner l’attention de ses véritab<strong>le</strong>sintentions contre des conditions favorab<strong>le</strong>sdes contrô<strong>le</strong>urs – salaires très é<strong>le</strong>vés,contrô<strong>le</strong> des accès à la profession, etc. – etde <strong>le</strong>ur capacité de chantage comme si l’extorsiondans un but lucratif n’était pas unprincipe légitime de ce modè<strong>le</strong> de civilisationque nous appelons <strong>le</strong> capitalisme.Comme dans d’autres conflits – et en dépitdes concession des contrô<strong>le</strong>urs en matièrede salaires et de temps de travail – parexemp<strong>le</strong> ceux qui ont concerné <strong>le</strong>s pilotesd’avion ou <strong>le</strong>s dockers dans <strong>le</strong>s années 80,<strong>le</strong> gouvernent obtient <strong>le</strong> consensus socialafin de porter atteinte aux conditions de travaild’une catégorie prétenduement privilégiée.Le droit des consommateurs prévaut bienau dessus du droit du travail<strong>le</strong>ur, et ainsi <strong>le</strong>marché submerge la réalité de la conditionsalaria<strong>le</strong>. Le battage médiatique se chargede faire résonner <strong>le</strong> subterfuge pour fabriquerl’opinion.La liquidation des “statuts privilégiés” qui laissentune certaine latitude aux travail<strong>le</strong>ursdans la relation salaria<strong>le</strong>, qu’il s’agisse descontrô<strong>le</strong>urs aériens, des dockers, des mineursou de salariés de tout secteur qui ontacqui certaines conquêtes en termes de rémunérations,d’embauches, de retraites, etc.est l’un des objectifs de la réforme du travail.En outre, en ce qui concerne <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>ursaériens, il s’agit d’une étape préalab<strong>le</strong> à la privatisationdes activités aéroportuaires quiconsiste à offrir au secteur privé des entrepriseslibérées de charges salaria<strong>le</strong>s onéreuses,en alignant <strong>le</strong>s conditions destravail<strong>le</strong>urs par <strong>le</strong> bas. En ce sens, il s’agitsimp<strong>le</strong>ment de suivre la voie tracée par l’administrationReagan aux États-Unis et salutte contre <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs aériens Nordaméricains.Cependant, l’offensive capitaliste actuel<strong>le</strong>contre la population salariée ne se limitepas à l’érosion des conditions de travail etdes droits sociaux obtenus, c’est-à-dire à ladimension purement économique de laforce de travail – réduire <strong>le</strong>s coûts sociauxet salariaux pour améliorer <strong>le</strong>s marges deprofit du capital, mais el<strong>le</strong> a des implicationspolitiques directes en ce qui concernela légitimation de la répression des conflits dutravail par <strong>le</strong> développement de formes d’autoritarismedémocratique. La criminalisationdes actions revendicatives caractérisentune nouvel<strong>le</strong> phase des relations socia<strong>le</strong>scomme nous l’avons vu dans <strong>le</strong>s années 80avec <strong>le</strong>s dockers, avec <strong>le</strong>s grèves du transportroutier des années 90, ou plus récemment,dans l’occupation des pistes del’aéroport barcelonais d’El Prat en Juil<strong>le</strong>t2006 par <strong>le</strong>s bagagistes.Dans ce dernier cas, il n’était pas possib<strong>le</strong>d’invoquer <strong>le</strong> caractère privilégié de ces employésavec <strong>le</strong>urs bas salaires et <strong>le</strong>urs mauvaisesconditions de travail, mais <strong>le</strong> chantageà la mobilité. De là, <strong>le</strong> caractère exemplairedes sanctions, car, comme dans <strong>le</strong>s grèvesdu Métro et des trains, il s’agit d’éliminer lapossibilité d’actions revendicatives dansquelque secteur important que ce soit.La circulation des marchandises dans l’économiedélocalisée à tous <strong>le</strong>s niveaux du territoire– et <strong>le</strong>s personnes / clients /consommateurs ne sont pas autre chosequ’une autre forme de marchandises circulantes– qui permet de réaliser l’accumulationdu capital, en vient à transformer <strong>le</strong>secteur des transports et de la mobilité en unpoint névralgique non seu<strong>le</strong>ment du cyc<strong>le</strong>économique des transports, mais de l’économieen général. Surtout dans <strong>le</strong> cas del’Espagne, où <strong>le</strong> tourisme est l’industrieprincipa<strong>le</strong> – <strong>le</strong>s propriétaires d’hôtels ontéga<strong>le</strong>ment présenté des réclamations pourla désorganisation du trafic aéroportuaire.C’est ce qui explique <strong>le</strong>s réactions “disproportionnées”du gouvernement face auxconflits sociaux touchant <strong>le</strong>s aéroports, avecinterventions armées et fortes sanctionsmême si maintenant, dans <strong>le</strong> cas descontrô<strong>le</strong>urs aériens, une étape supplémentairea été franchie: déclaration de l’étatd’a<strong>le</strong>rte et militarisation des opérations.Une opération gouvernementa<strong>le</strong> magistra<strong>le</strong>qui, en plus de rétablir <strong>le</strong>s circuits de circulation,apporte un complément dans <strong>le</strong>dressage idéologique et de sa mission auprèsde la démocratie armée – en France,par exemp<strong>le</strong>, lors du récent épisode degrèves généra<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s raffineries ont été éga<strong>le</strong>mentmilitarisés.Après la reconversion de l’appareil militaireen “armée humanitaire”, il apparaît désormaiscomme <strong>le</strong> garant de la démocratie deconsommateurs en acquérant des compétencesdirectes dans l’ordre économique etdu travail. Une étape supplémentaire dansla mise en place du totalitarisme démocratiquerampant. Ainsi, <strong>le</strong>s conflits sur la mobiliténe sont rien d’autre que des champsd’expérimentation de politiques de militarisationde l’économie et de la société capitalisteen crise. Toutefois, la grande habi<strong>le</strong>té dugouvernement aura été d’encourager et degérer la confrontation au sein de la populationsalariée, divisée de manière circonstanciel<strong>le</strong>entre consommateurs de mobilité etcontrô<strong>le</strong>urs aériens sans scrupu<strong>le</strong>s.En plus de mener à bien une récupérationastucieuse du ressentiment chez <strong>le</strong>s salariésqui se devine dans l’image des mercenairesde l’armée régulière espagno<strong>le</strong>, aux salairesbien moindres que <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>urs, mais supérieursà la moyenne – plus de 50% de lapopulation salariée gagne moins de 1000mensuels, menaçant de la pointe de <strong>le</strong>urspisto<strong>le</strong>ts <strong>le</strong>s saboteurs des droits desconsommateurs. Maintenant, avec <strong>le</strong> dénouementdu conflit des contrô<strong>le</strong>urs aérienset <strong>le</strong> large consensus obtenu dans lamilitarisation de <strong>le</strong>urs fonctions, la voie estouverte pour donner satisfaction à une revendicationréitérée des chefs d’entreprises:la limitation du droit de grève dans <strong>le</strong>s secteurs“stratégiques” ou d’“intérêt public”.La dernière grève du Métro de Madrid aréactualisé <strong>le</strong> thème qui semb<strong>le</strong> entrermaintenant dans une phase de résolution.L’abolition du droit de grève et la militarisationdes services comme pratique courante, donc obtenirdes mesures propres aux dictatures aunom de la démocratie, montre <strong>le</strong> degré dedécomposition des formes démocratiquesainsi que la fragilité croissante du systèmede reproduction du capital. Mais <strong>le</strong> plus pathétiqueest <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> des consommateurs quiapplaudissent l’intervention militaire dans<strong>le</strong>s conflits du travail de la santé, du nettoyage,de l’éducation, des transports, etc.,services d’un indubitab<strong>le</strong> intérêt général quiintègrent une bonne proportion de cesmêmes consommateurs du temps libre mobilisé.Corsino Vela1) La grève sauvage descontrô<strong>le</strong>urs a démarréla veil<strong>le</strong> de ce « pont »traditionnel : <strong>le</strong>s 6 et 8<strong>le</strong> décembre (respectivementjour de laConstitution et fête del’Immaculée Conception)sont fériés dansl’État espagnol, d’où un« pont » d’au mois cinqjours, voire un semaine,et un trafic voyageurtrès important sur tous<strong>le</strong>s axes de circulationde la péninsu<strong>le</strong>.CORSINO VELA ESTMILITANT ET ANALYSTEDE LA MOBILITÉ ET DESTRANSPORTS.CE TEXTE A ÉTÉ PUBLIÉDANS LE JOURNALDIAGONAL LE 3 JANVIER2011.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 20119


la crise dans l’État espagnolNécessité et significationsd’une grève généra<strong>le</strong>LA NOUVELLE ANNÉE A COMMENCÉ ET S'EST TERMINÉE COMME LA PRÉCÉDENTE, AVEC LE GOUVERNEMENT À GENOUX DE-VANT LE PATRONAT ET LES BANQUES, SE LANÇANT DANS UNE GUERRE DE FOND CONTRE LES CONQUÊTES SOCIALES HISTO-RIQUES DES TRAVAILLEURS. FACE À CETTE CONJONCTURE, PARMI LES LIBERTAIRES ET DANS L’ENSEMBLE DE LA GAUCHESYNDICALE ET SOCIALE, UN DÉBAT EST EN COURS SUR LA FAÇON DE POURSUIVRE, APRÈS LA GRÈVE GÉNÉRALE DU 29-S,LES MOBILISATIONS POPULAIRES POUR ARRÊTER L'OFFENSIVE CAPITALISTE. ALASBARRICADAS.ORG (ALB) A CRU OPPORTUNDE FAIRE PARVENIR UN QUESTIONNAIRE À DES MILITANTS DE DIVERSES ORGANISATIONS POUR CONNAÎTRE LEURS POINTSDE VUE À CE SUJET. NOUS AVONS COMMENCÉ AVEC JOSE LUIS CARRETERO, MEMBRE DE SOLIDARIDAD OBRERA (SO) DEMADRID, SYNDICAT AYANT UNE PRÉSENCE PRINCIPALEMENT DANS LE MÉTRO DE CETTE VILLE, OÙ L'ANNÉE DERNIÈRE CETTEORGANISATION A ÉTÉ TRÈS EN POINTE DANS UNE LUTTE DURE ET EXEMPLAIRE CONTRE LES MESURES DE RÉDUCTIONS SA-LARIALES, LA REMISE EN QUESTION DE LA CONVENTION COLLECTIVE DES TRAVAILLEURS, LES LIMITES CONSIDÉRABLES DUDROIT DE GRÈVE AU PRÉTEXTE DU SERVICE MINIMUM, LES POURSUITES JUDICIAIRES POUR GRÈVES ILLÉGALES, LES MENACESD’ENVOI DE LA POLICE ET DE CRIMINALISATION ET… POUR FINIR LA TRAHISON DU SYNDICALISME «OFFICIALISTE» ENCOURS DE ROUTE ET AU MOMENT LE PLUS DUR ET LE PLUS DÉCISIF DU CONFLIT.Entretien avecJosé Luis Carreterode SolidaridadObrera(Madrid)Jose Luis Carretero atravaillé comme juristedu travail et estactuel<strong>le</strong>ment professeurde Formation etd’Orientation Professionnel<strong>le</strong>.Il a écritplusieurs livres sur <strong>le</strong>monde du travail etses transformations,entre autres “Contratostempora<strong>le</strong>s y precariedad”,“Elbienestar malherido.Seguridad Social,desemp<strong>le</strong>o y f<strong>le</strong>xiguridaden el siglo XXI”et “Entender la descentralizaciónproductiva”(ALB)[aucun n’est traduiten français].La nouvel<strong>le</strong> année a commencé et s’est terminéecomme la précédente, avec <strong>le</strong> gouvernement àgenoux devant <strong>le</strong> patronat et <strong>le</strong>s banques, selançant dans une guerre de fond contre <strong>le</strong>sconquêtes socia<strong>le</strong>s historiques des travail<strong>le</strong>urs.Face à cette conjoncture, parmi <strong>le</strong>s libertaires etdans l’ensemb<strong>le</strong> de la gauche syndica<strong>le</strong> et socia<strong>le</strong>,un débat est en cours sur la façon de poursuivre,après la grève généra<strong>le</strong> du 29-S, <strong>le</strong>smobilisations populaires pour arrêter l’offensivecapitaliste. Alasbarricadas.org (ALB) a cru opportunde faire parvenir un questionnaire à desmilitants de diverses organisations pour connaître<strong>le</strong>urs points de vue à ce sujet.Nous avons commencé avec Jose Luis Carretero,membre de Solidaridad Obrera (SO) de Madrid,syndicat ayant une présence principa<strong>le</strong>mentdans <strong>le</strong> métro de cette vil<strong>le</strong>, où l’année dernièrecette organisation a été très en pointe dans unelutte dure et exemplaire contre <strong>le</strong>s mesures deréductions salaria<strong>le</strong>s, la remise en question dela convention col<strong>le</strong>ctive des travail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s limitesconsidérab<strong>le</strong>s du droit de grève au prétextedu service minimum, <strong>le</strong>s poursuitesjudiciaires pour grèves illéga<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s menacesd’envoi de la police et de criminalisation et…pour finir la trahison du syndicalisme «officialiste»en cours de route et au moment <strong>le</strong> plus duret <strong>le</strong> plus décisif du conflit.ANALYSE DE LA SITUATION DU MOUVE-MENT OUVRIER FACE À L’OFFENSIVECAPITALISTEEn premier lieu, il faut avoir à l’esprit qu’àl’heure actuel<strong>le</strong>, <strong>le</strong> mouvement ouvrier del’État espagnol accumu<strong>le</strong> toutes sortes defaib<strong>le</strong>sses, comme il en est pour l’ensemb<strong>le</strong>des forces antagonistes. Certaines de cesfaib<strong>le</strong>sses sont <strong>le</strong> produit du gigantesquereflux des mouvements d’émancipation quis’est produit au cours des décennies postérieuresà la chute du mur de Berlin, et aussià la formidab<strong>le</strong> transformation culturel<strong>le</strong>des années de soi-disant «prospérité» qui adélégitimé dans l’imaginaire social touteopinion un tant soit peu de gauche.Mais aussi, <strong>le</strong> mouvement ouvrier anticapitalisteet combatif ajoute ses tares spécifiquesà la période, notamment uneénorme fragmentation et dispersion, à lafois organisationnel<strong>le</strong> et idéologique, exacerbéepar de multip<strong>le</strong>s haines de chapel<strong>le</strong>,et même personnel<strong>le</strong>s, qui entravent touteaction en commun. La question du sectarismeidéologique, en particulier, qui estsouvent très étroitement liée à l’absenced’activité socia<strong>le</strong> effective, doit être vuecomme un élément central de l’analyse :ses effets se font sentir partout et nouspouvons <strong>le</strong>s rencontrer presque à chaquemoment, et qui se vérifient dans des domainestels que l’extrême dichotomie entremarxistes et anarchistes, ou encore entre<strong>le</strong>s organisations syndica<strong>le</strong>s libertairesel<strong>le</strong>s-mêmes.Par ail<strong>le</strong>urs, il faut aussi prendre en comptel’influence presque nul<strong>le</strong> du mouvementouvrier en général, au-delà de certains milieuxouvriers «traditionnels», avec un oubliparfois conscient des autres espaces sociauxcomme ceux <strong>le</strong>s plus touchés par laprécarité ou la quasi inexistence de mouvementdes chômeurs.Ce dernier point, d’ail<strong>le</strong>urs, est aggravé dufait que certains secteurs du monde radicalont, ces dernières années, joué la carte du« discrédit » idéologique de l’« ouvriérisme »et de tout ce qui est génériquement en rapportavec <strong>le</strong> monde de travail, en dissolvanttoute possib<strong>le</strong> articulation entre l’universdu travail et la scène antagoniste, ce qui aaccompagné et approfondi la décompositionparallè<strong>le</strong> de la sociabilité prolétaire(comme sujet déjà prétendument inexistant)provoquée par certaines transformationssocio-économiques de grandeamp<strong>le</strong>ur comme la décentralisation productiveet la précarité généralisée. Au fil deces transformations on a joué sur l’identificationtota<strong>le</strong> de ce qui est « prolétaire » avec<strong>le</strong> « vétuste », <strong>le</strong> « passé de mode » ou <strong>le</strong>« triste », en élargissant ainsi <strong>le</strong> divorce induitpar <strong>le</strong> Capital entre <strong>le</strong>s secteurs de lajeunesse et <strong>le</strong> syndicalisme combatif,jusqu’au point d’en arriver (dans certainscas, pas dans tous) à concevoir une gaucheradica<strong>le</strong> qui, paradoxa<strong>le</strong>ment, disposed’une stratégie prête en ce qui concernel’industrialisme, <strong>le</strong> sexisme, l’alimentation,la libération anima<strong>le</strong>….etc. mais pas en cequi concerne l’espace du travail (où pourtantnous passons tous la plus grande partiede notre vie).Et, bien sûr, nous devons aussi garder à l’espritl’existence inamovib<strong>le</strong> d’un syndicalismemajoritaire médiocre et passif, qui estde plus en plus discrédité aux yeux des travail<strong>le</strong>urs,mais détient encore certainesdoses de pouvoir effectif. Habitués aux subventions,à l’appartenance à des organismesd’une efficacité douteuse, ànégocier avec <strong>le</strong>s agents institutionnels et<strong>le</strong>s chefs d’entreprises, et non à tenir desassemblées, des piquets et des campagnesd’agitation, <strong>le</strong>s professionnels du syndicalismeofficiel semb<strong>le</strong>nt tout simp<strong>le</strong>ment incapab<strong>le</strong>sde réagir à une situation qui rendincertaine <strong>le</strong>ur existence même en tantqu’intermédiaires dans la lutte des classes.Et là-dessus, ce n’est même pas très clair sic’est qu’ils ne veu<strong>le</strong>nt pas mobiliser <strong>le</strong>sgens ou s’ils ne sont pas capab<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>faire, ou si, plus simp<strong>le</strong>ment, ils n’en sontpas capab<strong>le</strong>s parce que plus personne necroit plus qu’ils <strong>le</strong> veuil<strong>le</strong>nt.GRÈVE GÉNÉRALE, LUTTE CONTINUEET PÔLE COMBATIF ALTERNATIF AUXCCOO ET UGTDans ces conditions, <strong>le</strong> début d’un processusde mobilisations et <strong>le</strong>s luttes d’ensemb<strong>le</strong>du mouvement ouvrier de l’Étatespagnol est indispensab<strong>le</strong>. Sans cela, ladictature des marchés atteindra des niveauxque nous pouvons à peine imagineraujourd’hui. Une dictature qui, par ail<strong>le</strong>urs,prendra fin ou sera limitée (comme <strong>le</strong> montred’une manière limpide <strong>le</strong>s programmesd’ajustement en Amérique latine) seu<strong>le</strong>mentquand la mobilisation socia<strong>le</strong> seraassez forte et amp<strong>le</strong> pour briser l’ensemb<strong>le</strong>du système de la domination existante.Ainsi, l’appel à une grève généra<strong>le</strong> doit êtrecompris comme <strong>le</strong> point de départ d’unprocessus d’accumulation de forces capab<strong>le</strong>sde renverser la situation. C’est undébut et non une fin. Sans continuité, sansla comprendre comme un jalon dans laconstruction d’une réponse populaire devantêtre menée dans <strong>le</strong> temps et dans uneffort qui devra probab<strong>le</strong>ment être plussoutenu que nous <strong>le</strong> pensons, la grève généra<strong>le</strong>n’a aucun sens.Et, bien entendu, il est indispensab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>caractère continu des luttes s’accompagnede la constitution d’un Pô<strong>le</strong> combatif des10courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


la crise dans l’État espagnoltravail<strong>le</strong>urs, fort et unitaire, tota<strong>le</strong>ment différencié(quoique acceptant peut-être unecertaine unité d’action sur des points précis)au niveau organisationnel et idéologiquedu syndicalisme majoritaire et del’univers de la social-démocratie. L’échanged’expériences, de solidarités et d’aspirationsavec <strong>le</strong>s secteurs <strong>le</strong>s plus proches et <strong>le</strong>s plushonnêtes de la gauche institutionnel<strong>le</strong> nedoit pas être un problème, mais la constructionet la configuration d’une alternativepropre et différenciée est impérative.En cela, peut-être <strong>le</strong>s temporalités, <strong>le</strong>s tactiqueset <strong>le</strong>s moments spécifiques des diversesorganisations ou individus pourrontêtre différents, mais la ligne stratégique doitrester claire : nous devons construire unPô<strong>le</strong> commun, clairement plus à la gauchede ce qui existe, même si, pour cela, nousdevons rompre avec nos inerties, nos préjugés<strong>le</strong>s plus enracinés. Avoir une expressionpropre, lancer des appels indépendammentdes organismes de la gauche institutionnel<strong>le</strong>est tout simp<strong>le</strong>ment indispensab<strong>le</strong> sinous voulons arrêter l’offensive implacab<strong>le</strong>que <strong>le</strong> capitalisme global a lancé contre nosconditions de vie. En dépit de ce que l’onpeut croire, la configuration de ce Pô<strong>le</strong> indépendantn’est pas purement une questionde viabilité factuel<strong>le</strong> (entendue comme ceque nous pouvons arriver à faire à proposde nos inerties et de nos passivités), maisune nécessité historique incontournab<strong>le</strong>,une tâche essentiel<strong>le</strong> de ce temps présent,parce que <strong>le</strong> syndicalisme majoritaire etl’appareil social-démocrate sont déjà tropdépendants du pouvoir pour envisager,même sincèrement, de l’incommodercomme en témoignent <strong>le</strong>s petits jeux auxquelsse livrent CCOO et UGT autour de l’appelà d’hypothétiques grèves généra<strong>le</strong>s.Il ne s’agit pas tant de savoir si nous devonsparticiper ou non aux appels lancéspar <strong>le</strong> tandem CCOO-UGT, mais que nousdevons commencer à “vo<strong>le</strong>r de nos propresai<strong>le</strong>s”, en créant un espace propre de mobilisationet de dynamiques assembléistesde contre-pouvoir populaire, qu’el<strong>le</strong> quesoit <strong>le</strong>ur amp<strong>le</strong>ur.Il est important de faire ressortir que l’agencementdes forces qui s’impose pourconstruire cette alternative dans <strong>le</strong> présent,implique la rupture avec beaucoup d’inertiesidéologiques du passé. Le Grand FrontSocial que nous devons construire ne doitpas incorporer uniquement <strong>le</strong>s secteurs salariés,ou <strong>le</strong>s milieux traditionnels de l’ouvriérismeclassique. Nous devons entrer enconnexion et en synergie avec <strong>le</strong>s secteursdes travail<strong>le</strong>urs autonomes, petits producteurset commerçants, chômeurs et (évidemment)<strong>le</strong>s précaires de toutes sortes.Comprendre que, dans ce moment actuel,notre ennemi n’est pas essentiel<strong>le</strong>ment laclasse moyenne ou <strong>le</strong>s “privilégiés du travail”,mais tout <strong>le</strong> contraire : <strong>le</strong> Grand Capitaltransnational (même s’il se dit espagnol)qui souhaite discipliner <strong>le</strong>s salariés jusqu’ausemi-esclavage, appauvrir et prolétariser <strong>le</strong>scouches socia<strong>le</strong>s intermédiaires.Il faut aussi avoir bien à l’esprit que cetteconfluence globa<strong>le</strong> de forces ne doit pas secontenter de s’exprimer dans <strong>le</strong> domaine dutravail, mais qu’el<strong>le</strong> doit s’étendre à tous <strong>le</strong>saspects du social, en constituant un cadrede réalité alternative qui modifie dans sonessence la <strong>le</strong>cture de la situation par <strong>le</strong>s sujetsdominés: faire face aux expulsions delogements, imposer que <strong>le</strong> secteur publicfasse appel à des coopératives autogéréescrées par des chômeurs, établir des structuresassembléistes dans <strong>le</strong>s quartiers pourmettre en pratique la solidarité de classe etl’appui mutuel avec <strong>le</strong>s victimes <strong>le</strong>s plusévidentes de la crise, re-politiser <strong>le</strong>s universités,étendre la culture humaniste et degauche au sens large dans l’ensemb<strong>le</strong> duchamp social en mettant à profit <strong>le</strong>s videslaissés par <strong>le</strong> retrait des réseaux du culturel-marchand-subventionné…Il est temps de reprendre activement l’authentiqueprojet européen, qui a été abandonnépar des décennies de soi-disantprospérité, assaisonnée d’inculture et derépression sé<strong>le</strong>ctive : <strong>le</strong> projet de la transformationdu monde, celui de la créationd’un univers sans exploiteurs ni exploités.C’est la tâche essentiel<strong>le</strong> qui nous revientpour accompagner <strong>le</strong> prochain réveil politiqueglobal.Texte publié <strong>le</strong> 11janvier sur <strong>le</strong> siteAlasbarricadas :http://www.alasbarricadas.org/]Site de SolidaridadObrera :http://www.solidaridadobrera.org/Troisième grève généra<strong>le</strong> <strong>le</strong> 27 janvierLa particularité basque s'exprimeUNE RÉCESSION SÉVÈRE FRAPPE L'ESPAGNE, SOUS L'EFFET CONJUGUÉ DE LA CRISE FINANCIÈREINTERNATIONALE ET L'EXPLOSION DE SA BULLE IMMOBILIÈRE. C'EST DANS UNE MOINDRE ME-SURE, OU DU MOINS UN PEU PLUS TARDIVEMENT, QUE LES COMMUNAUTÉS AUTONOMES D'EUS-KADI 1 ET DE NAVARRE SUBISSENT LES EFFETS DE LA CRISE ÉCONOMIQUE. LE CHÔMAGE ESTAUJOURD'HUI DE 10,9% DANS LA CAB, ET DE 12,5 EN NAVARRE, ALORS QU'IL ATTEINT ENESPAGNE 20,5% DE LA POPULATION ACTIVE 2 , UN RECORD DANS L'UE. CEPENDANT ET BIENQUE L'ÉCONOMIE BASQUE PARTE AVEC L'AVANTAGE D'UN TAUX DE CROISSANCE SUPÉRIEUR À LAMOYENNE EUROPÉENNE ET PUISSE S'AVÉRER PLUS « ÉQUILIBRÉE» DE PAR LA PLACE IMPORTANTECONSERVÉE PAR L'INDUSTRIE, LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE ONT PROVOQUÉ UNE DÉCÉLÉRA-TION PROGRESSIVE DE L'ÉCONOMIE ET, À LA FIN DE 2008, L'ÉCONOMIE BASQUE EST ELLE AUSSIENTRÉE DANS UNE RÉCESSION QUI SE CARACTÉRISE PAR UNE DÉTÉRIORATION FINANCIÈRE ETUNE DESTRUCTION DE L'EMPLOI TRÈS ALARMANTE.Même si la CAB et la Navarre sont <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>srégions dotées de compétences fisca<strong>le</strong>s <strong>le</strong>urpermettant de pré<strong>le</strong>ver directement l'impôtet donc d'influer sur la construction du modè<strong>le</strong>économique et social 3 , il n'en reste pasmoins que l'organisation juridique du travai<strong>le</strong>n Espagne détermine aussi <strong>le</strong> modè<strong>le</strong>des relations et du marché du travail auPays Basque Sud. Il est caractérisé par desindices é<strong>le</strong>vés de précarité (<strong>le</strong> taux de précaritédans la CAB est de 25,3%, pratiquement<strong>le</strong> doub<strong>le</strong> de celui qui existe enEurope), des niveaux de salaire très bas etde très grandes inégalités (1,2% de la populationcontrô<strong>le</strong> 44,6% de la richesse).Les 17 régions autonomes ont toutes été fermementconviées à s'inscrire dans <strong>le</strong> pland'austérité de l'Espagne pour 2011 4 . Dans lafoulée du gouvernement central, el<strong>le</strong>s ontannoncé des mesures de rigueur, des réductionsde <strong>le</strong>urs dépenses, des augmentationsgénéra<strong>le</strong>s des tarifs (é<strong>le</strong>ctricité, gaz, transports,poste...) et des hausses de recettes fisca<strong>le</strong>s.Sous la stricte surveillance du FMI, dela Communauté européenne (CE), desagences de notation et des marchés, <strong>le</strong>s autoritésrégiona<strong>le</strong>s, dont l'endettement s'estaggravé de 65,4 % depuis fin 2007 (la dette dela CAB a explosé de 824 millions d'euros àplus de 3,3 milliards en trois ans), se sontainsi engagées à réduire <strong>le</strong>urs déficits pour2011 de 11 milliards d'euros.Le PNV (Parti National Basque, centre-droit,six députés à Madrid) s'est prononcé, parson abstention ou son vote, en faveur detoutes <strong>le</strong>s mesures et lois antisocia<strong>le</strong>s décidéesau Par<strong>le</strong>ment. Ceci en échange de l'obtention,longtemps différée, de quelquesnouvel<strong>le</strong>s compétences en matière d'autonomieet de la promesse d'investissements.Mais ce parti ne manque pas de faire <strong>le</strong> procèsde la nouvel<strong>le</strong> équipe du gouvernementbasque, conduite par <strong>le</strong> socialiste Lopez, luireprochant d'avoir recouru à l'emprunt defaçon inconsidérée et d'avoir ainsi multipliéla dette par cinq en un an. Un par<strong>le</strong>mentairedu PNV a ainsi déclaré que <strong>le</strong>s Basques«n'étaient responsab<strong>le</strong>s ni des finances nides dettes de l'Espagne. On ne peut pasnous rendre responsab<strong>le</strong>s de la mauvaisegestion des autres. La CAB doit être respon-1. La Communauté autonomeBasque (CAB), regroupanttrois provincesdu Pays Basque sud: Alava,Guipuzcoa, Bizkaia2. 4,6 millions, dont 40%sont des jeunes; plus de290000 personnes en unan ont perdu <strong>le</strong>ur emploi3. Il n'y a pas de systèmede Sécurité socia<strong>le</strong> propreau Pays Basque sud. Lecombat se mène, aussibien par <strong>le</strong>s syndicats quepar <strong>le</strong>s partis politiques,pour constituer un cadrebasque de protection socia<strong>le</strong>et pour pouvoir déciderdes politiquespubliques.4. Ce plan, destiné à ramener<strong>le</strong> déficit public de11,2% à moins de 3% en2013, soit une coupe de 50milliards d'euros dans <strong>le</strong>sdépenses publiques), n'apas été jugé crédib<strong>le</strong> nisuffisant par <strong>le</strong>s instancesfinancières européennes etmondia<strong>le</strong>s et Zapatero aajouté un tour de vis supplémentaireà ce plan derigueur en s'engageant àune réduction supplémentairedes dépenses publiquesd'environ 15 milliardsd'euros en 2010-2011.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201111


la crise dans l’État espagnol5. Union du Peup<strong>le</strong>Navarrais, parti politiquede «droite» actuel<strong>le</strong>mentau pouvoiren Navarre6. Les grèves généra<strong>le</strong>splus récentes auPays Basque sud onteu lieu <strong>le</strong> 21 mai et <strong>le</strong>29 juin 2010, anticipant<strong>le</strong>s mesuresd'austérité à venir. Le29 juin, <strong>le</strong>s CCOOavaient appelé à manifesterséparément,reprochant à LAB etELA <strong>le</strong>ur «sectarisme»,et l'UGTn'avait pas soutenu <strong>le</strong>mouvement.7. Il y aura grève aussien Galice.sab<strong>le</strong> de sa propre gestion, meil<strong>le</strong>ure car différentede cel<strong>le</strong> menée en Espagne»... Or <strong>le</strong>capital veut instrumentaliser la crise pourattaquer <strong>le</strong>s droits sociaux ; la banque tracela route et toutes <strong>le</strong>s institutions, que ce soitcel<strong>le</strong>s de Vitoria (CAB), Pampelune (Navarre)ou Madrid, qu'el<strong>le</strong>s soient dirigées par <strong>le</strong>PSOE-PSE, <strong>le</strong> PNV, l'UPN 5 , l'assument.Lopez a ainsi concocté un plan d'austéritéen accord avec <strong>le</strong> pouvoir central espagno<strong>le</strong>n exhortant <strong>le</strong>s Basques à «faire preuve decourage face aux sacrifices qui devront êtreconsentis devant la crise économique». S'ilveut maintenir coûte que coûte <strong>le</strong> financementdu TGV, dont <strong>le</strong> coût est pharaoniqueet ne cesse de croître, il envisage d'économiser5% de la masse salaria<strong>le</strong> (87 millionsd'euros). Il applique évidemment aussi <strong>le</strong>smesures espagno<strong>le</strong>s: la baisse de 5% dessalaires des fonctionnaires depuis juin2010, <strong>le</strong>ur gel pour 2011 et l'application decette même baisse de salaire aux employésnon fonctionnaires des entreprises publiques.Les subventions aux partis politiqueset aux syndicats seront diminuéesde 3%. Les prestations socia<strong>le</strong>s de type«aides aux enfants et aux parents» (laprime de 2500 euros à la naissance d'un enfanta été supprimée en Espagne <strong>le</strong> 31 décembre2010) seront maintenues mais neconnaîtront pas de hausse durant deux ans.La loi réformant <strong>le</strong> marché du travail approuvée<strong>le</strong> 9 septembre par <strong>le</strong>s députés espagnols,après avoir été imposée <strong>le</strong> 16 juinpar décret-loi, avec entrée en vigueur immédiatesous la pression du FMI, s'appliqueaussi au Pays Basque. El<strong>le</strong> généralise untype de contrat à durée indéterminée donnantdroit à moins d'indemnités de licenciement,introduit plus de f<strong>le</strong>xibilité horairedans <strong>le</strong>s entreprises et facilite <strong>le</strong>s licenciementséconomiques.Réformes du marché du travail, de la négociationcol<strong>le</strong>ctive pour limiter la réponse dumouvement syndical, aggravation desconditions de travail, réforme des retraitespour confier au capitalisme un énormemarché qu'il ne gère pas encore... C'est dansce contexte qu'est appelée, <strong>le</strong> 27 janvier, latroisième grève généra<strong>le</strong> en 16 mois6 dansla CAB et en Navarre 7 , convoquée par <strong>le</strong>ssyndicats basques ELA et LAB (majoritairesdans la CAB mais qui ne tiennent pas <strong>le</strong>haut du pavé en Navarre), à la veil<strong>le</strong> de l'approbationde la réforme du gouvernementZapatero sur <strong>le</strong>s retraites (la 8 e réforme en25 ans). A ce jour, <strong>le</strong>s syndicats Stee-Eilas(enseignants), EHNE (paysans), HIRU (transporteurs),ESK (gauche alternative), CNT sesont joints à l'appel, ainsi qu'un groupe féministe(Euskal Herriko Bilgune Feministak)et seize Col<strong>le</strong>ctifs d'immigrants.Comme en France avec la réforme des retraites,<strong>le</strong>s pensionnés futurs travail<strong>le</strong>rontplus et toucheront moins. Les conditionsd'accès à la retraite empireront et <strong>le</strong> tauxdes pensions diminuera. Le report de l'âgede départ se fera progressivement de 65 ansà 67 ans ; seront augmentées la durée decotisation pour avoir droit à la retraite etcel<strong>le</strong> du nombre d'années pour <strong>le</strong> calcul debase des retraites. Le montant alloué nesera pas indexé sur <strong>le</strong> coût de la vie. Cesmesures aboutiront à une réduction allantjusqu'à 20% de la pension moyenne et àdes durées de cotisation de 38 à 40 ans.Vu <strong>le</strong> taux de chômage des jeunes, la précaritégénéralisée des emplois, l'omniprésencedu temps partiel, <strong>le</strong> faib<strong>le</strong> taux d'emploi desplus de 55 ans, la réforme voulue par <strong>le</strong> gouvernementfera que beaucoup de gens nepourront toucher une pension décente etencore moins une pension complète.Comme dans <strong>le</strong>s autres pays, <strong>le</strong> but du gouvernementest de favoriser un système depension privatisé et d'en finir avec <strong>le</strong> systèmepublic des retraites.Il n'y a pas d'unité syndica<strong>le</strong> au Paysbasque entre <strong>le</strong>s syndicats basques et <strong>le</strong>ssyndicats majoritaires dans l'Etat espagnol,UGT et CCOO (Commissions ouvrières).Ceux-ci accusent <strong>le</strong>s syndicats basques devouloir «faire de la politique» avant de fairedu syndicalisme. Alors que <strong>le</strong>s uns appel<strong>le</strong>ntà la grève, <strong>le</strong>s autres jouent la carte du«dialogue social», vaine comédie propre àfaire croire à <strong>le</strong>ur utilité et à démobiliser <strong>le</strong>stravail<strong>le</strong>urs. En effet, CCOO et UGT (qui ontorganisé une grève généra<strong>le</strong> en Espagne <strong>le</strong>29 septembre contre la réforme du marchédu travail, mouvement qui a été suivi demanière inéga<strong>le</strong>) continuent à «négocier»avec <strong>le</strong> gouvernement sur <strong>le</strong> seul point dudépart à la retraite à 67 ans. Ils ont du malà rompre avec la complaisance qu'ils ontmontrée jusqu'ici à Zapatero, et évitent depar<strong>le</strong>r des raisons réel<strong>le</strong>s de la crise. La menacequ'ils avaient agitée en décembred'appe<strong>le</strong>r à nouveau en janvier à une grèvegénéra<strong>le</strong> dans l'Etat espagnol semb<strong>le</strong> bel etbien abandonnée. Ce qui réjouit <strong>le</strong> gouvernement,dont <strong>le</strong> seul objectif est de rétablirla confiance des marchés et qui est prêt àtout pour l'obtenir, mais qui craint <strong>le</strong>sconséquences de ses mesures sur la paixsocia<strong>le</strong>. Zapatero a besoin que <strong>le</strong>s syndicatsl'accompagnent dans ses réformes et quese maintienne un pacte avec <strong>le</strong>s CCOO etl'UGT, eux-mêmes soucieux de garantir <strong>le</strong>urconservation dans cette situation de crise.Les syndicats qui appel<strong>le</strong>nt à se mobiliser<strong>le</strong> 27 janvier ne se font pas d'illusions surl'efficacité d'une grève de 24h, même généra<strong>le</strong>,dans la CAB et en Navarre. Mais ilscomptent sur la vertu informative de cettejournée, qui pousse au débat aujourd'huiocculté, permet de dénoncer la caste politiqueet syndica<strong>le</strong> qui agit en connivenceavec <strong>le</strong> capital, montre au gouvernement etau patronat que quantité de gens s'opposentà <strong>le</strong>urs décisions, redonne confiancedans la mobilisation col<strong>le</strong>ctive. PaysBasque, <strong>le</strong> 23 janvier 201112courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


chronique du désastreAlors ces réacteurs EPR, ça vient?Bientôt Tchernobyl en Tricastin?Le 3 décembre dernier, l'ASN (Autorité deSûreté Nucléaire, parfois appelée «gendarmedu nucléaire» alors qu'el<strong>le</strong> n'a quepeu de pouvoir réel) a autorisé EDF à exploiter<strong>le</strong> réacteur n°1 de la centra<strong>le</strong> nucléairedu Tricastin pendant encore dixannées supplémentaires. Ce réacteur, misen service en 1980, et donc déjà vieux de 30ans, va donc pouvoir fonctionner jusqu'à40 ans. Enfin, 40 ans au minimum, puisqueEDF prévoit déjà de prolonger sa durée devie jusqu'à 50 ou 60 ans. Les réacteurs 900MW de la centra<strong>le</strong> de Tricastin font partiedes plus anciens de France, et sont doncparmi <strong>le</strong>s premiers pour <strong>le</strong>squels EDF demandeune «prolongation» de <strong>le</strong>ur duréede vie. On se souvient que ces réacteurssont prévus à l'origine pour fonctionner 25à 30 ans, mais aucune durée limite n'avaitété vraiment fixée. Tous <strong>le</strong>s dix ans, <strong>le</strong>sréacteurs français sont donc auscultéspour savoir si on <strong>le</strong>s autorise à continuer,moyennant quelques travaux de «remise àneuf». Evidemment la réponse est toujourspositive, et de là à penser que cette évaluationpar l'ASN est de pure forme, il n'y aqu'un pas vite franchi … Le réacteur n°1 deTricastin est en outre l'un des plus vétustesdu parc. La cuve en acier du réacteur est eneffet très fragilisée, bien plus que prévu àl'origine. El<strong>le</strong> comporte pas moins de 17 fissures,pudiquement dénommées «défautsous revêtement». A titre de comparaison,<strong>le</strong> plus vieux réacteur de France à Fessenheim,et deuxième plus fissuré, n'en comporte«que» 5... Par ail<strong>le</strong>urs, l'évolution del'acier de la cuve soumis aux rayonnementsintenses l'a rendu plus cassant, etpour cette raison par exemp<strong>le</strong> la températurede la cuve ne doit pas descendre endessous de 80°C. Un peu chaud pour <strong>le</strong>s trimardeursqui vont bosser à coté d'une cuved'eau presque bouillante! C'est d'autantplus stupide de prolonger un réacteur enLe démarrage du réacteurEPR d’EDF à Flamanvil<strong>le</strong>a d’ores et déjàun retard de 2 ans. Lecoût du chantier est revu àla hausse: 5 milliards d’euros contre3,3 millards initia<strong>le</strong>ment prévus. Maisce n’est rien comparé au réacteur EPRd’Olkiluoto en Finlande dont <strong>le</strong> lancementaccuse désormais 4 ans de retard.Financièrement cela a un coûtqui est estimé entre 300 et 500 millionsd’euros par année de retard. Quiva payer? Le consortium Areva-Siemensconcepteur du projet ou sonclient l’énergéticien finlandais TVO?Une apre procédure d’arbitrage est encours. Ces piètres résultats font jubi<strong>le</strong>r<strong>le</strong>s antinucléaires genre RéseauSortir du nucléaire, comme si l’énormitédes sommes dépensées pouvaitamener à remettre en cause laconstruction des réacteurs EPR. D’autantqu’il n’y a pas que de mauvaisesnouvel<strong>le</strong>s pour AREVA. Selon cet organisme,«<strong>le</strong>s autorités compétentesne remettront pas en cause l’architecturedu système de contrô<strong>le</strong>-commande»(c’est-à-dire <strong>le</strong> système depilotage) des réacteurs EPR. Pourtant<strong>le</strong>s autorités de sûreté nucléaire britannique,française et finlandaiseavaient émis d’importantes réservesconcernant <strong>le</strong> système de contrô<strong>le</strong>commande.Leur critique portait surla trop grande interconnexion entre<strong>le</strong> système de contrô<strong>le</strong> faisant fonctionner<strong>le</strong> réacteur et celui assurantsa sécurité. En effet, si l’indépendancedes deux systèmes n’est pasaussi mauvais état, que d'ici 2013 deuxréacteurs sur <strong>le</strong>s quatre que compte la centra<strong>le</strong>du Tricastin seront inuti<strong>le</strong>s : l'usined'enrichissement d'uranium qui prenait del'é<strong>le</strong>ctricité de 3 réacteurs ne consommeramême pas la production d'un seul. Pourquoiun tel acharnement à utiliser cesvieux réacteurs? Ce n'est pas que pour lagloire de l'énergie nucléaire: l'aspect financierest aussi très présent. Un nouveauréacteur, un EPR par exemp<strong>le</strong>, coûte au basmot 4 milliards d'euros. Or la remise à neuf(en changeant certains composants, en faisantdes améliorations, etc) d'un vieuxréacteur pour <strong>le</strong> faire durer 10 ou 20 ans deplus ne coûte que 400 millions d'euros. EDFréalise donc une économie énorme en prolongeantla durée de vie de ses réacteurs.Comme <strong>le</strong> disait en 2009 aux Echos un certainPatrice Lambert de Diesbach, analyste:«l'é<strong>le</strong>ctricien [EDF] peut augmenter de 30%<strong>le</strong> retour sur investissement de son parc»,en augmentant la durée d'utilisation. Onespère pour lui que <strong>le</strong> sieur Patrice possèdeun point de chute en Australie pour <strong>le</strong> momentoù <strong>le</strong> retour sur investissement feraexploser une cuve de réacteur ... Encoreune fois, mais là de façon particulièrementcriante, <strong>le</strong>s soi-disant impératifs économiquespassent avant <strong>le</strong>s vies humaines,pour des risques énormes qui concernentau minimum une région entière. Et ce n'estque <strong>le</strong> début: <strong>le</strong> 15 janvier, c'est la visite décenna<strong>le</strong>du réacteur n°2 de Tricastin quidébutait, pour <strong>le</strong> prolonger jusqu'à 40 ans.Les nucléocrates d'EDF peuvent dormirtranquil<strong>le</strong>: maintenant que <strong>le</strong>ur réacteur <strong>le</strong>plus pourri a été validé, <strong>le</strong>s autres suivrontsûrement! Les centra<strong>le</strong>s nucléaires ne s'arrêterontdécidément que <strong>le</strong> jour d'un accidentmajeur, et encore : après Tchernobyl,certains réacteurs de la centra<strong>le</strong> ont continuéà fonctionner dans des conditions catastrophiques!Piotrsuffisante il existe un risque que <strong>le</strong>système de contrô<strong>le</strong> destiné à prendre<strong>le</strong> relai de celui tombé en pannene puisse pas <strong>le</strong> faire. Eh bien apparemmenton prend <strong>le</strong> risque. Quandje dis «on», évidemment, c’est pasnous, parce que nous comme d’habitudey ferait beau voir qu’«on» nousdemande notre avis. Deux autresréacteurs EPR sont éga<strong>le</strong>ment enconstruction, mais en Chine cettefois, et là, pas de retard, <strong>le</strong>s délaissont respectés. Serait-ce ce qu’onnomme <strong>le</strong> mirac<strong>le</strong> chinois? Certes ily a <strong>le</strong> retour d’expérience de Flamanvil<strong>le</strong>et d’Olkiluoto et <strong>le</strong> génie civilchinois qui est particulièrement efficace,mais cela n’explique pas tout.Loin de là! La réussite est essentiel<strong>le</strong>mentdue au rô<strong>le</strong> de l’autorité de sûretéchinoise, la NHSA, douée d’unegrande soup<strong>le</strong>sse, alors qu’«en Europe,<strong>le</strong>s autorités de sûreté sontpuissantes et pointil<strong>le</strong>uses. La présencequotidienne de <strong>le</strong>urs représentantsà Flamanvil<strong>le</strong>, <strong>le</strong>ursinterventions incessantes et bureaucratiques,sont une cause de retardimportante» indique L. Taccoen*. Enoutre ajoute-t-il «<strong>le</strong>s chinois parviennentsans doute à faire la part deschoses, en séparant <strong>le</strong>s dispositionsde sûreté pertinentes de cel<strong>le</strong>s ajoutéespar <strong>le</strong>s Verts al<strong>le</strong>mands pourrendre l’EPR inconstructib<strong>le</strong>». C’estvrai, ça aide. Scylla* L. Taccoen, Le pari nucléaire français, L’harmattanDélibéré du jugement du GANVAPour ce délibéré du jugement des militants ayant bloqués <strong>le</strong>convoi de déchets nucléaires, <strong>le</strong>s forces de l'ordre étaient présentesen nombre : dix fourgons de gendarmes mobi<strong>le</strong>s étaientgarés sur l'esplanade de la mairie. Les gendarmes se relayaientà l'intérieur du tribunal, aux entrées de la sal<strong>le</strong> des pas perduset de la sal<strong>le</strong> d'audience. Avec un léger retard, <strong>le</strong> président dutribunal a rendu son verdict: 6 des 7 militants sont condamnésà un mois de prison avec sursis et 1000 euros d'amende, <strong>le</strong>dernier est condamné à un mois de sursis et 1500 eurosd'amende car il avait refusé de donner ses empreintes. Le tribunala accédé à la requête des avocats pour l'exclusion du casierjudiciaire, bul<strong>le</strong>tin n°2 pour la militante travaillant dansl'Education nationa<strong>le</strong>. En outre, <strong>le</strong>s militants doivent un eurochacun à Areva au titre de dommages et intérêts et col<strong>le</strong>ctivement<strong>207</strong>97,50 euros à la SNCF. Ils sont aussi condamnés àverser 1 000 euros à Areva et à la SNCF au titre des frais dejustice. Ces sommes sont prises sur la caution qu'ils avaientdu verser (16 500 euros) suivant la répartition suivante:15727,13 euros pour la SNCF et 772,87 pour Areva. Les scelléssont confisqués.A l'issu du délibéré, l'avocat des militants a insisté sur <strong>le</strong> faitque la condamnation était lourde car il y avait peine de prisonplus amende, ce qui n'était jamais arrivé pour une tel<strong>le</strong> action(généra<strong>le</strong>ment des amendes). Il a aussi indiqué que <strong>le</strong>s septmilitants ainsi que <strong>le</strong> réseau sortir du nucléaire avaient saisi <strong>le</strong>conseil d'Etat sur l'autorisation du convoi qui avait décidé deconfier l'instruction au tribunal administratif de Paris.Sur <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces policières, une requête est toujours en coursauprès de la CNDS (Commission Nationa<strong>le</strong> de Déontologie dela sécurité). Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s militants vont saisir dans <strong>le</strong>s prochainsjours <strong>le</strong> doyen des juges d'instruction afin que toute lalumière soit faite sur <strong>le</strong>s conditions de désincarcération.contact@resistances-caen.orgDERNIÈRE MINUTE : il y aura appel, et saisi du tribunaladministratif de Paris pour contester la légalité de lamise en circulation du convoi.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201113


notre mémoireRéf<strong>le</strong>xions sur <strong>le</strong> programme duConseil National de la RésistanceMAURICETHOREZ, LORSDU 1 ER MAI 1945DEPUIS CES DERNIERS MOIS, LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE, CNR, EST DEVENUUNE RÉFÉRENCE. REMIS AU GOÛT DU JOUR POUR LES BESOINS D’UNE GAUCHE EN MALDE REPÈRES IDÉOLOGIQUES, SON PROGRAMME SERAIT LA RÉFÉRENCE OBLIGÉE D’UN IDÉALRÉPUBLICAIN PASSÉ ET PERDU.DE GAULLE ET LE PCF:UNE UNION PATRIOTIQUE.1940: à Londres, sous l’autorité du Généra<strong>le</strong>st constitué <strong>le</strong> Conseil français de la libérationnationa<strong>le</strong> qui après <strong>le</strong> débarquementdeviendra <strong>le</strong> GPRF : gouvernement provisoirepour la république française. Dès <strong>le</strong>début deux membres du PCF y seront associés.D’ail<strong>le</strong>urs en janvier 1942 <strong>le</strong> général DeGaul<strong>le</strong> délègue à Jean Moulin la tâche d’unifier<strong>le</strong>s différents mouvements de résistancearmés contre l’occupant al<strong>le</strong>mand etses soutiens vichystes.Le Parti Communiste Français, n’entrera enrésistance officiel<strong>le</strong>ment qu’après l’invasionde l’URSS par <strong>le</strong>s troupes hitlériennes.Celui qui deviendra <strong>le</strong> «parti des fusillés»sera hégémonique dans la résistance. Cequi, au sortir de la guerre, lui permettrad’avoir des ministres au gouvernement DeGaul<strong>le</strong> et d’être la première force politiquefrançaise. Aux é<strong>le</strong>ctions législatives de novembre1946 il obtiendra 28,2% des voix etquelques 166 députés.Très tôt, dès 1941, des contacts sont nouésentre «l’homme de Londres» et <strong>le</strong>s dirigeantsdu PCF. Malgré <strong>le</strong>urs divergences politico-idéologiques,l’alliance des deuxforces sera toujours de mise. Association ausein du Conseil de la résistance, puis plustard, au sein des premiers gouvernementsde la France libérée. Face à Churchill méfiant,et Roosevelt hosti<strong>le</strong>, De Gaul<strong>le</strong> aurarapidement <strong>le</strong> soutien de l’URSS qui voit enlui un allié, pouvant servir sa diplomatie etfaire contrepoids à l’Ouest aux intérêtsanglo-américains pour l’après-guerre. Dès1942, Staline reconnaîtra officiel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>chef de la France libre. De cette situationdécou<strong>le</strong>ra la politique du PCF, ses allianceset plus tard ses mésalliances avec <strong>le</strong> pouvoirgaulliste.MAURICE THOREZ: LE RETOURDès son retour de Moscou fin 1944, où ilétait réfugié sur ordre du parti, <strong>le</strong> patron duPCF, Maurice Thorez, remet de l’ordre dans<strong>le</strong> parti et fait rentrer dans <strong>le</strong> rang la «base»aux velléités révolutionnaires et anti-capitalistes.Dès 1944 <strong>le</strong>s maquisards et résistantssont invités à s’enrô<strong>le</strong>r dans l’arméerégulière. Les milices patriotiques (organisationarmée de masse et de classe des travail<strong>le</strong>urs)prêtes à poursuivre <strong>le</strong> combatseront dissoutes, par décrets du gouvernementprovisoire auquel participent desmembres du PCF. Leur dissolution est promulguéepar <strong>le</strong> gouvernement de la Francelibérée. En janvier 1945, M. Thorez déclarera:«…Ces groupes armés ont eu <strong>le</strong>ur raisond’être avant et pendant l’insurrectioncontre l’occupant et ses complices… Maisla situation est maintenant différente… Lasécurité publique doit être assurée par <strong>le</strong>sforces régulières de police constituées à ceteffet… Les gardes civiques et tous <strong>le</strong>sgroupes armés irréguliers ne doivent plusêtre maintenus plus longtemps». Cette mesureprovoquera même des affrontementsarmés entre camarades. Ce qui permettrad’écarter, voire liquider physiquement, <strong>le</strong>sopposants à la ligne du Parti et de Moscou.Nombres de régions se sont libérées sansl’intervention directe des forces alliées etsont sous contrô<strong>le</strong> de maquis FTP soit par <strong>le</strong>biais de comités de libération, soit par <strong>le</strong>smilices patriotiques. Là encore l’appareil duParti saura rependre <strong>le</strong>s rênes très rapidementet mettre un terme aux aspirationsd’émancipation socia<strong>le</strong>. Dans une interview,bien des années après, Char<strong>le</strong>s Tillon(ancien chef des FTP et ancien ministrecommuniste du gouvernement De Gaul<strong>le</strong>)dira: «… ni Duclos, ni Frachon, ni moi,n’avons eu un mot pour préparer une tel<strong>le</strong>action. D’accord avec l’URSS, bien sûr, nousétions engagés aux côtés de De Gaul<strong>le</strong> etdes alliés et il n’était pas question de jouerdoub<strong>le</strong> jeu. D’ail<strong>le</strong>urs comment pensezvous que Staline, qui ne pensait qu’à Berlin,eût été assez fou pour nous laisser nousemparer de Paris?»LA GRÈVE C’EST L’ARME DES TRUSTSSous la direction de son <strong>le</strong>ader, <strong>le</strong> PCF prendsa part dans la reconstruction du capitalnational et la restauration de l’Etat bourgeois.En 1945, M. Thorez sera nommé ministreavec cinq autres de ses camaradesdans <strong>le</strong> deuxième gouvernement De Gaul<strong>le</strong>.Il sera ministre d’état, avec <strong>le</strong>s portefeuil<strong>le</strong>sdu travail, de la production et de l’économie.Ses mots d’ordre: produire, encore produire!Et, contre la classe ouvrière quirechigne et reprend <strong>le</strong> chemin de la lutte, iladresse son fameux: «La grève c’est l’armedes trusts». Ainsi <strong>le</strong> parti qui portait l’espoird’émancipation de la classe ouvrière n’a jamaiscessé de collaborer avec la bourgeoisie.D’ail<strong>le</strong>urs à sa mort, De Gaul<strong>le</strong> saluerasa mémoire: «…M. Thorez a, à mon appe<strong>le</strong>t comme membre du gouvernement,contribué à maintenir l’unité nationa<strong>le</strong>».LE CNR: UN INSTRUMENT AU SERVICEDE LA BOURGEOISIEC’est en mai 1943 sous l’autorité du Généra<strong>le</strong>t du comité de libération nationa<strong>le</strong>, queprend forme <strong>le</strong> CNR. Son objectif: réunifieren France l’ensemb<strong>le</strong> des mouvements derésistances armés contre l’occupant et sessoutiens vichystes. Groupes et mouvementsdivers, sans liens entre eux pour certainssont dispersés sur tout <strong>le</strong> territoire. Le CNRsera composé de représentants des grandsmouvements de résistance, mais aussi dereprésentants des deux syndicats CGT etCFTC, ainsi que des représentants des principauxpartis politiques ralliés au Général:l’Alliance démocratique (droite modérée etlaïque), la Fédération Républicaine (conservatriceet catholique), <strong>le</strong>s démocrates chrétiens,<strong>le</strong>s Radicaux, la SFIO et <strong>le</strong> PCF.Jean Moulin sera <strong>le</strong> premier responsab<strong>le</strong> duCNR. À sa mort, lui succédera G. Bidault:chrétien démocrate, qui sera bien plus tardbanni de France pour s’être opposé à DeGaul<strong>le</strong> en prenant fait et cause pour l’Algériefrançaise et l’OAS. Il est à noter que pourréussir cette réunification de l’ensemb<strong>le</strong>des mouvements de résistance, la stratégiede De Gaul<strong>le</strong> fut de convaincre Jean Moulinde rallier puis d’unifier, auprès des anglo-14 courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


notre mémoireaméricains, <strong>le</strong>s groupes de résistance déjàacquis au Général: l’Armée secrète, <strong>le</strong>s réseauxnon communistes et <strong>le</strong>s FFI. Cetteréunification sera ensuite étendue aux réseauxcommunistes, FTPF ou ceux sous soninfluence, <strong>le</strong> Front patriotique. Ce n’estqu’une fois cette tâche achevée en Francemais aussi dans <strong>le</strong>s colonies -qui se rallièrentà lui- que De Gaul<strong>le</strong> put s’affirmercomme unique représentant de la France«libre et indépendante». Il a dû s’imposerface à Roosevelt et à Churchill. Son nationalismeet sa vision de la France future :grande puissance indépendante, ne peutadmettre qu’une fois libérée, cel<strong>le</strong>-ci ne devienneune enclave américanisée. Cette visiond’indépendance nationa<strong>le</strong> seraappuyée par <strong>le</strong>s dirigeants du PCF car bienappréciée à Moscou. Vision dans laquel<strong>le</strong>Staline trouve en De Gaul<strong>le</strong>, un allié objectifcontre l’impérialisme anglo-américain.C’est dans cet esprit, que se fera <strong>le</strong> programmedu CNR, dès mars 1944, alors que<strong>le</strong> débarquement en Normandie se prépare.Ses premières mesures seront d’ordremilitaire. El<strong>le</strong>s s’adressent à l’ensemb<strong>le</strong>de la résistance unifiée, mais aussi au peup<strong>le</strong>de France.LE PROGRAMME DU CNRC’est dans <strong>le</strong> cadre de cette indépendancenationa<strong>le</strong> à venir, que <strong>le</strong> CNR fixe <strong>le</strong>s tâcheset <strong>le</strong>s structures étatiques qui se mettronten place, au fur et à mesure que <strong>le</strong>s régionsseront libérées. Les comités de libération semettront en place rapidement, pour restaurer<strong>le</strong> pouvoir d’état, dans l’incertitude de lapériode et face à une classe ouvrière encorearmée. Evidemment, <strong>le</strong>s choses seront comp<strong>le</strong>xessur <strong>le</strong> terrain en fonction des zonesde résistance, de <strong>le</strong>ur histoire et de <strong>le</strong>urforce. Nombre de chefs charismatiques,communistes ou communisants n’admettentpas, après des années de lutte armée,ces directives, ce nouvel ordre social et politique,ordonné ail<strong>le</strong>urs sans eux et contre<strong>le</strong>ur idéal de classe. Avec ces mesures derestauration de l’Etat, <strong>le</strong> programme du CNRfixe aussi <strong>le</strong> cadre prospectif du redressementéconomique de la France d’aprèsguerreafin qu’el<strong>le</strong> retrouve <strong>le</strong> plusrapidement possib<strong>le</strong> sa place parmi <strong>le</strong>sgrandes nations. Ce redressement se fera aunom de l’union nationa<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s gaullisteset <strong>le</strong> Parti communiste. Ces réformesessentiel<strong>le</strong>s, qui redonneront force au capitalfrançais, seront la planification et <strong>le</strong>mouvement des grandes nationalisationsde tous <strong>le</strong>s secteurs-c<strong>le</strong>fs de l’économie:mines, transports, assurances, banques etc.Bref tout secteur indispensab<strong>le</strong> et vital à laFrance pour qu’el<strong>le</strong> redevienne concurrenteet conquérante sur <strong>le</strong> plan international.À ces mesures économiques s’ajouteront<strong>le</strong>s vo<strong>le</strong>ts : garantie des libertés démocratiques,liberté de la presse, de penser et deconscience etc.Et bien sûr, rapport de force oblige, l’ensemb<strong>le</strong>des lois socia<strong>le</strong>s sera renforcé et étenduà chacun : retraites, sécurité socia<strong>le</strong>…: «Unplan comp<strong>le</strong>t de sécurité socia<strong>le</strong> visant à assurerà tous <strong>le</strong>s citoyens des moyens d’existencedans tous <strong>le</strong>s cas où ils sontincapab<strong>le</strong>s de se <strong>le</strong> procurer par <strong>le</strong> travail,avec gestion appartenant aux représentantsdes intéressés et de l’Etat». De fait <strong>le</strong> programmedu CNR n’est que la résultante ducompromis entre une bourgeoisie républicaine,nationaliste et catholique et <strong>le</strong>sforces de gauche (où, rappelons <strong>le</strong>, <strong>le</strong> PCF esthégémonique) contre <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs et paysansen armes mêlant à la liesse de la libérationdes revendications socia<strong>le</strong>s etpolitiques. Compromis d’un rassemb<strong>le</strong>mentdu peup<strong>le</strong> français dans l’unité, derrière lapatrie et sous la hou<strong>le</strong>tte du chef historique.Une union nationa<strong>le</strong> où tout particularismeet division ne serviraient que l’ennemi de laFrance. La classe ouvrière n’est donc plusqu’une composante de ce peup<strong>le</strong> français.Si <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs y trouvent une place, lamain mise du parti stalinien a rayé toutenotion et référence à un quelconque projetanti-capitaliste entretenu avant guerre etdurant <strong>le</strong>s années de maquis. La participationannoncée des travail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong> programmedu CNR s’est traduite parl’association des bureaucraties syndica<strong>le</strong>sdans nombre d’organismes consultatifs sociauxet par la présence de ministres communistesdans <strong>le</strong>s gouvernements d’aprèsguerre jusqu’en 1947.Dans cette alliance capital/travail, l’Etat restaurédevient <strong>le</strong> garant de l’indépendancenationa<strong>le</strong>, et <strong>le</strong> protecteur du peup<strong>le</strong> français.Notons enfin, l’unanimité sans fail<strong>le</strong>entre tous ces démocrates et républicains,qui prévaudra contre <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s des colonies.Massacre à Sétif et Guelma dès <strong>le</strong> 8mai 1945 (jour de l’armistice) ou plus tard àMadagascar en 1947 1 . Pourtant une des dispositionsdu CNR prévoyait l’extension desdroits politiques sociaux et économiquesaux populations colonia<strong>le</strong>s…MZ Caen <strong>le</strong> 24 01 20111. voir CA n° 205 sur <strong>le</strong>site de l’<strong>OCL</strong> ou la brochure: <strong>le</strong>s bel<strong>le</strong>sheures de la républiquefrançaise.Film de lutte: Remue-ménage dans la sous traitanceCe film revient sur la lutte des femmes deménage de la sous-traitance du groupehôtelier ACCOR. Commencée à 35, pourrapidement se retrouver à 21, quelquesfemmes de ménage de la société ARCADEtravaillant pour <strong>le</strong> nettoyage des chambresdes hôtels, vont engager une grèvede quasiment un an, jour pour jour, à partirde mars 2002. Leurs slogans «nettoyage- esclavage c'est fini», «Arcadepourri, Accor complice»…Leurs revendications, la requalificationdes contrats à temps partiel en contrat àtemps comp<strong>le</strong>t, <strong>le</strong> paiement intégral desheures de travail effectuées réel<strong>le</strong>ment, enexigeant la baisse des cadences imposées,car el<strong>le</strong>s étaient payées à la tâche en fonctiondu nombre de chambres nettoyées.La défaite semblait annoncée- En effet, très peu de grévistes dans lasociété Arcade, où à l'époque travaillaient1800 salariés (environ 800 dans <strong>le</strong>secteur du nettoyage et 1 000 dans <strong>le</strong>secteur de la sécurité),- un patronat de combat (1) qui très rapidementlicenciera 8 femmes de ménagegrévistes,- et un mouvement syndical très faib<strong>le</strong>.... Et pourtant,La détermination des grévistes d'abord, <strong>le</strong>soutien au départ de syndicats de lutte(Sud, CNT et des col<strong>le</strong>ctifs CGT opposésà la fédération du nettoyage), puis rapidement<strong>le</strong> relais pris par un col<strong>le</strong>ctif de soutiencomposé d'individus, vont permettrede changer <strong>le</strong> rapport de force et gagneren partie sur <strong>le</strong>s revendications initia<strong>le</strong>s,la réintégration des licenciées, l'abandondes poursuites et <strong>le</strong> paiement d'un tiersenviron des jours de grève.Les patrons, n'acceptant pas cette claqueinfligée par <strong>le</strong>s grévistes, vont licencier àpartir de mai 2004 la déléguée syndica<strong>le</strong>qui faisait respecter l'application des accordsde fin de grève. Rapidement lâchéepar son syndicat, la lutte va durer 18mois, avec quasiment <strong>le</strong> seul soutien ducol<strong>le</strong>ctif rapidement reconstitué. Et si laréintégration ne fut pas obtenue, là encore,<strong>le</strong> rapport de force créé au cours dela lutte a permis qu'un compromis soitobtenu sous forme d'une indemnitésubstantiel<strong>le</strong>.Qui était ce comité de soutien et commentfonctionnait-il?Ce n'était pas un cartel d'organisation, <strong>le</strong>sindividus pouvaient être syndiquéscomme non syndiqués, des salariéscomme des chômeurs, en provenanced'organisations politiques et associativesou pas (la pa<strong>le</strong>tte des organisations allaitde LO, aux organisations libertaires enpassant par ATTAC, AC…) . Certainsavaient déjà eu une pratique dans <strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctifde soutien lors de la grève des MACDO. Mais tous ces individus se rejoignaientsur un point:Donner du temps et de l'énergie pourfaire gagner la lutte en inversant <strong>le</strong> rapportde force dans un contexte a prioridéfavorab<strong>le</strong>, et motivés par <strong>le</strong> fait quenous n'acceptions pas <strong>le</strong> sort fait à cesfemmes qui avaient eu <strong>le</strong> courage de re<strong>le</strong>verla tête. Leur courage, c'était aussinotre détermination!Les individus composant <strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctif seréunissaient au moins une fois par semaineen lien avec <strong>le</strong>s grévistes puis avecMayan Fati pour proposer des actions - tenantcompte des forces que nous représentionset du contexte - afin de porterdes coups là où ça fait mal aux patrons,sous-traitant comme donneurs d'ordres.Le but étant toujours d'inverser <strong>le</strong> rapportde force en faveur des femmes deménage. Un compte-rendu hebdomadaireétait fait pour permettre à ceux et cel<strong>le</strong>squi n'étaient pas régulièrement de ne pasperdre <strong>le</strong> fil de la lutte.Le film d'Ivora montre très bien <strong>le</strong>s diverstypes d'actions au cours du temps,comme <strong>le</strong>s invasions bruyantes et "péchues"dans <strong>le</strong>s hôtels ou <strong>le</strong> siège d'AR-CADE, jusqu'aux piques-niquesorganisés chaque semaine dans <strong>le</strong>s hallsd'accueil des hôtels Accor, mêlant souventlutte et convivialité et parfois defranches rigolades.Dans la période actuel<strong>le</strong> après <strong>le</strong> «conflitdes retraites» où la question se pose de«comment faire gagner des luttes?», cefilm peut inspirer de nombreuses personnesayant envie de lutter, en démontrantqu'avec parfois peu de moyens maisbeaucoup de volonté et d'opiniâtreté, enn’oubliant surtout pas la réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>saspects tactiques et stratégiques des actionsque l'on mène, on peut gagner...Christian du col<strong>le</strong>ctif de soutien(1) Le secteur du nettoyage c'est 450.000 salariéesoù la peur règne face à des patronsvoyous, un taux de syndicalisation des plusbas de l'ordre de 3%, des syndicats -quand ilsexistent- souvent corrompus, et une exploitationdes travail<strong>le</strong>urs tel<strong>le</strong> que nous pouvonsdire que <strong>le</strong> secteur du nettoyage est une formede délocalisation sur place.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011 15


chroniquesdu contrô<strong>le</strong>et de la répressionBigBig BrotherQuand la Croix Rouge mène au tribunalpour refus de prélèvement ADNDans différents pays du monde,la Croix Rouge participe au tri, àl’enfermement et à l’expulsiondes personnes décrétées indésirab<strong>le</strong>spar <strong>le</strong>s Etats. Que ce soit enre<strong>le</strong>vant <strong>le</strong>s empreintes desRroms pour <strong>le</strong>s fichiers en Italie,en gérant des centres de rétentiondans différents pays dumonde, en participant à descharters qui déportent des dizainesde sans-papiers, <strong>le</strong>sexemp<strong>le</strong>s de cette collaborationaux politiques de contrô<strong>le</strong> despersonnes sont nombreux.Cette collaboration, la CroixRouge n’aime pas qu’el<strong>le</strong> soit dévoiléeau grand jour, et, dès queson image est quelque peu bousculée,el<strong>le</strong> porte plainte contrecel<strong>le</strong>s et ceux qui osent égratignerson vernis humanitaire.Du journal militant CQFD à l’association«Survivre au Sida», dela journaliste qui a écrit «Bienvenueen France», un livre où estévoqué <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la Croix Rougedans la zone d’attente de Roissy,à un usager mécontent distribuantun tract contre un centrede santé géré par la Croix Rouge,beaucoup de gens ont été la cib<strong>le</strong>des velléités justiciaires de l’organismehumanitaire.En juin dernier, plusieurs personnesqui, pendant la semainede quête nationa<strong>le</strong>, diffusaienttracts et affiches informant <strong>le</strong>spassants et passantes des activitésmoins connues de la CroixRouge ont ainsi été pourchasséeset filmées par des membres del’antenne de la rue Albert Thomasdans <strong>le</strong> X e arrondissementde Paris.Après une véritab<strong>le</strong> traque aucours de laquel<strong>le</strong> une voiture dela Croix Rouge aidera la police àpister <strong>le</strong>s quelques grains desab<strong>le</strong> qui s’étaient invités dans sacampagne de dons, 4 personnessont interpellées. El<strong>le</strong>s passent24h en garde à vue et héritentd’un rappel à la loi sur plainte dela Croix Rouge et de la mairie socialistedu X e arrondissement etd’une convocation au tribunalpour refus de prélèvement ADNet de signalétique. Au-delà de cesquelques péripéties et de la nécessitéde s’opposer au fichageADN, et autres, en refusant de s’ysoumettre, il s’agit bel et bien decontinuer à lutter contre la machineà trier, enfermer et expulser<strong>le</strong>s êtres humains et dedénoncer cel<strong>le</strong>s et ceux qui y participenten lui servant de cautionhumanitaire. Un repas de solidaritéa été organisé <strong>le</strong> 11 janvier àParis pour contribuer aux fraisengagés pour ce procès.Fichage généralisé en IndeL’Etat indien est en train de mettre en place un registre national dela population (NPR). A terme chaque indien aura un <strong>numéro</strong> d’identificationunique à douze chiffres.Ce <strong>numéro</strong> donnera accès aux empreintes digita<strong>le</strong>s ainsi qu’à unscanner de l’iris de la personne identifiée. Pour <strong>le</strong> gouvernement, ceprogramme plus qu’ambitieux doit ainsi permettre aux plus pauvresun meil<strong>le</strong>ur accès aux aides socia<strong>le</strong>s et au système bancaire. En effet,comme au Brésil aux Philippines et au Mexique, <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s nécessiteusesauront obligatoirement un compte bancaire <strong>le</strong>ur permettant derecevoir <strong>le</strong>ur petite allocation mensuel<strong>le</strong>, supprimant ainsi <strong>le</strong> systèmepublic de distribution des denrées de base à des prix subventionnés.L’Etat indien, affirme comme tout autre Etat que <strong>le</strong>s données serontconfidentiel<strong>le</strong>s… même si <strong>le</strong>s services de renseignements et n’importequel autre ministère y auront accès.Le processus d’inscription à cet énorme fichier biométrique a commence<strong>le</strong> 29 septembre 2010 et l’Autorité indienne chargée de l’identificationunique (UIDAI) espère inscrire 100 millions d’indiens d’ici mars2011 et 600 millions d’ici 4 ans, soit environ la moitié de la populationindienne. Le tout devrait être bouclé en 10 ans; quant à la fiabilité,el<strong>le</strong> est loin d’être garantie si l’on se réfère au nombre incroyab<strong>le</strong> d’erreursdans <strong>le</strong> recensement de la population qui a eu lieu début 2010.L’UIDAI assure que l’inscription à ce fichier biométrique n’est pasobligatoire alors que toute aide alimentaire en dépendra et quechaque citoyen devra fournir son <strong>numéro</strong> pour obtenir un emploi!Ce fichier sera un outil de surveillance et de contrô<strong>le</strong> des indienspar l’Etat, c’est, à n’en pas douter, sa fonction essentiel<strong>le</strong>.Nouveau fichier social « SIAO »Nous avions déjà évoqué cenouveau fichier social danscette rubrique en novembre2010.Les Services Intégrés de l’Accueil etde l’Orientation (SIAO) sont actuel<strong>le</strong>mentmis en place danstous <strong>le</strong>s départements français.L’objectif est de regrouper dansune «plate-forme unique»toutes <strong>le</strong>s demandes d’hébergementen établissement d’accueild’urgence ou d’insertion. Ils’agit de répartir au mieux <strong>le</strong>spersonnes sans logement enfonction des places disponib<strong>le</strong>s.A noter qu’il n’est pas prévud’augmenter <strong>le</strong> nombre de cesplaces disponib<strong>le</strong>s bien insuffisantes,situation dénoncée pardes travail<strong>le</strong>urs sociaux du 115,du Samu social, des Comitéscommunaux d’action socia<strong>le</strong>, …Mais si <strong>le</strong> secrétaire d’Etat aulogement a monté ce projet enlien avec <strong>le</strong>s Préfets, c’est toutsimp<strong>le</strong>ment parce que l’Etattient à connaître précisément<strong>le</strong>s personnes qu’il aide. Eneffet, si l’aide socia<strong>le</strong> est engrande partie gérée par <strong>le</strong>sConseils généraux des départements,en revanche lorsqu’ils’agit de sans domici<strong>le</strong> fixe,c’est l’Etat qui prend <strong>le</strong> relais.C’est donc, tout naturel<strong>le</strong>mentque <strong>le</strong> ministère a créé pour cenouveau service un «outil informatiquesimplifié» géré par <strong>le</strong>spréfets et la Direction Généra<strong>le</strong>de la Cohésion Socia<strong>le</strong>.Dans <strong>le</strong>s items à cocher par <strong>le</strong>stravail<strong>le</strong>urs sociaux, il y a celuide la nationalité où 3 choix sontpossib<strong>le</strong>s: Français/ Union européenne/Hors U. E. Dans cedernier cas, <strong>le</strong> pays d’originedoit être donné. Ensuite, <strong>le</strong> migrantHors U. E. doit donner ladurée de validité et la nature deson titre de séjour. Comme <strong>le</strong>rappel<strong>le</strong> la Fédération Nationa<strong>le</strong>des associations d’accueil et deréinsertion socia<strong>le</strong> (FNARS), aucunecondition quant à la régularitédu séjour des personnesn’est exigée par <strong>le</strong>s textes. Lesétrangers sans domici<strong>le</strong>, quel<strong>le</strong>que soit <strong>le</strong>ur situation administrativedoivent ainsi être accueillis.L’exclusion desétrangers en situation irrégulièred’un accueil et d’uneorientation via <strong>le</strong>s SIAO estcontraire au code de l’action socia<strong>le</strong>et des famil<strong>le</strong>s. Jusqu’àquand? De toute façon, un sanspapier s’adressant à cette plateformesera vite repéré dans unfichier contrôlé par <strong>le</strong>s petitssoldats de la guerre aux sanspapiers que sont <strong>le</strong>s Préfets.Dans la circulaire de créationdu SIAO, il était précisé que «<strong>le</strong>sporteurs de SIAO qui disposentde <strong>le</strong>urs propres outils, peuventcontinuer à <strong>le</strong>s utiliser», mêmesi «<strong>le</strong>s outils de ces porteurs devrontprésenter des fonctionnalitéssimilaires…». C’est ainsique la FNARS a créé son proprefichier dépourvu des champs litigieux.El<strong>le</strong> a déposé une demanded’autorisation auprès dela Commission Nationa<strong>le</strong> del’Informatique et des Libertésqui a émis un avis favorab<strong>le</strong>.Quant au fichier de l’Etat, il n’apas à demander une quelconqueautorisation, il doit seu<strong>le</strong>mentêtre déclaré et la CNILpeut émettre des réservesqu’el<strong>le</strong> ne fait pas en général. LaCNIL serait débordée par <strong>le</strong>nombre de déclarations de fichiersde l’Etat, à moins qu’el<strong>le</strong>n’ait intégré son rô<strong>le</strong> négligeab<strong>le</strong>pour l’Etat. Par expérience,nous pouvons nous apercevoirque lorsque la CNIL ose apporterdes critiques vis-à-vis d’unfichier de l’Etat c’est à caused’interventions tapageuses destructures militantes.Il y a donc un conflit car certainesassociations de terrainrefusent <strong>le</strong> logiciel de l’Etat imposépar <strong>le</strong>s Préfets. C’est ce quise passe en Haute Garonne(Toulouse). Quant au départementdu Nord (Lil<strong>le</strong>), la Préfecturea demandé auxassociations de décliner <strong>le</strong>sidentités, <strong>le</strong>s origines et <strong>le</strong>sdates d’entrée sur <strong>le</strong> territoiredes famil<strong>le</strong>s Roms demandantun hébergement d’urgence <strong>le</strong>snuits de grand froid… Ce logicielSIAO de l’Etat a pour conséquencede faire fuir <strong>le</strong>sétrangers sans papiers… ce quisemb<strong>le</strong> être aussi <strong>le</strong> but!16courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


BrotherVers la marchandisation des embryonsUne recherche publiée <strong>le</strong> 18 novembre2010 doit attirer toutenotre attention. Des chercheurscatalans ont réussi à implanterdes codes-barres à l’intérieurdes cellu<strong>le</strong>s d’embryons de souriset s’attaquent maintenant àfaire la même chose sur des embryonshumains. Ils en ont d’ail<strong>le</strong>ursreçu l’autorisation (cartout ce qui touche aux embryonsest extrêmement rég<strong>le</strong>menté)du ministère de la santéde la Catalogne. Il s’agit d’unerecherche commune de biologisteset d’é<strong>le</strong>ctroniciens spécialisésdans la micro- é<strong>le</strong>ctronique.Ils ont donc réussi à implanterdans chaque cellu<strong>le</strong>d’un embryon un dispositif siliciumpouvant faire office de«code-barres» selon <strong>le</strong>s termesemployés par ces chercheurs. Cecode est lisib<strong>le</strong> sous microscopeet disparaît avec une forte probabilitéune fois l’embryon implanté.C’est pour tous <strong>le</strong>sscientistes un exploit!Cette recherche a paraît-il pourbut d’obtenir un meil<strong>le</strong>ur taux deDepuis juil<strong>le</strong>t 2010,<strong>le</strong>s é<strong>le</strong>veurs sontdans l’obligation d’identifier<strong>le</strong>urs brebis et <strong>le</strong>urs chèvresé<strong>le</strong>ctroniquement, la bouc<strong>le</strong> mise àl’oreil<strong>le</strong> contient maintenant une puce RFID.On avait déjà abordé ce sujet (voir CA n°177)et divers col<strong>le</strong>ctifs de refus de ce puçage duvivant s’étaient constitués en 2007 où desé<strong>le</strong>veurs avait lancé un appel.Cette nouvel<strong>le</strong> obligation qui frappe <strong>le</strong>monde de l’é<strong>le</strong>vage a poussé quelques personnesà se questionner au sujet de sa pertinence,de sa raison d’être et bien sûr de lamanière d’y échapper.Pour essayer d’échapper à cette obligation,des é<strong>le</strong>veurs du Cantal ont demandé unedérogation qui <strong>le</strong>ur permette de continuer àidentifier <strong>le</strong>urs animaux avec des bouc<strong>le</strong>snon pucées. Le col<strong>le</strong>ctif de paysans et denon paysans «faut pas pucer» qui s’estconstitué dans <strong>le</strong> Tarn pour dénoncer cettenouvel<strong>le</strong> obligation n’est pas du tout d’accordavec cette demande. Il <strong>le</strong> fait savoirdans un communiqué dont nous publionsci-dessous de larges extraits:(…) Malgré notre ferme opposition au puçage,nous ne nous reconnaissons pas danscette initiative et nous souhaitons nous enexpliquer. Si dans la situation actuel<strong>le</strong> unedérogation peut apparaître comme un moindremal, el<strong>le</strong> implique pourtant de lourdesconséquences à l’avenir. El<strong>le</strong> suppose en effetl’établissement de critères permettantsuccès des fécondations in vitro.Ne soyons pas dupes, mettre un«code-barres» sur un embryoninduit une autre approche quel’aide aux coup<strong>le</strong>s inferti<strong>le</strong>s.C’est effectivement ce qui devraitpermettre à terme la marchandisationdes embryons. Eneffet, ce «code-barres», sorted’identifiant génétique sur certainsaspects, appliqué à desembryons congelés va permettretout simp<strong>le</strong>ment à ces embryonsde devenir une matière premièrepouvant se vendre suivant l’offreet la demande dans certainescliniques pour des demandeursfortunés. Cette découvertescientifique va nécessairemental<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> sens d’une fécondationin vitro (FIV) «choisie»destinée à éviter <strong>le</strong> hasard inhérentà la reproduction de l’humain.L’eugénisme ferait doncun grand pas en avant dans laFIV grâce à cette découverte.Comme <strong>le</strong> dit l’universitaireHervé Le Crosnier: «Nous entronsdans une période où <strong>le</strong>splus riches sur la planète vontavoir recours aux cliniques pourchoisir <strong>le</strong>s caractéristiques de<strong>le</strong>ur descendance. On commenceà par<strong>le</strong>r de «bébé-design».C’est ainsi que dèsaujourd’hui des cliniques auxEtats-Unis proposent <strong>le</strong> choix dusexe dans <strong>le</strong>s FIV! Avec <strong>le</strong>s récentesdécouvertes sur <strong>le</strong>s liensentre certaines zones de l’ADNet <strong>le</strong>s traits physiques (cou<strong>le</strong>ursdes yeux, des cheveux, tail<strong>le</strong>,etc.), on devine ce que vont proposercertaines cliniques! Alors,on s’achemine vers une banquede données indiquant <strong>le</strong>s traitsrepérés derrière cet identifiantsous forme de «code barres».La résistance au puçage é<strong>le</strong>ctronique,des brebis et des chèvres en débatd’identifier <strong>le</strong>s troupeaux qui en seront bénéficiaires.Dans <strong>le</strong> souci, sans doute, de restermaîtres de <strong>le</strong>urs activités, <strong>le</strong>s initiateursde la campagne pro-dérogation définissenteux-mêmes <strong>le</strong>s conditions permettant d’êtredispensés de l’obligation de puçage: pratiquede méthodes traditionnel<strong>le</strong>s d’é<strong>le</strong>vage, bonneautonomie du renouvel<strong>le</strong>ment du cheptel,faib<strong>le</strong> taux de réforme du cheptel, faib<strong>le</strong>mouvement d’animaux. Or, la vérification deces critères vient entériner l’ensemb<strong>le</strong> desobligations déjà imposées aux é<strong>le</strong>veurs (registresd’é<strong>le</strong>vage, déclaration des naissances,des ventes et morts d’animaux sous septjours à l’administration, prophylaxie obligatoire,enregistrement des soins vétérinaires,localisation des terres sur photos aériennes,etc…). El<strong>le</strong> implique en outre la création parl’administration d’une nouvel<strong>le</strong> définition,cel<strong>le</strong> des méthodes traditionnel<strong>le</strong>s d’é<strong>le</strong>vage,qui ne tardera pas à s’accompagner de nouvel<strong>le</strong>srèg<strong>le</strong>s et contraintes. Il s’agit donc ànotre sens d’un pas de plus vers la dépossessionde nos savoir-faire, remplacés <strong>le</strong> plussouvent par <strong>le</strong>s schémas raisonnés par unebureaucratie qui, grâce à ses experts, définit<strong>le</strong>s «bonnes pratiques».Si aujourd’hui nous nous opposons au puçage,c’est que ce dernier nous fait sentirencore une fois <strong>le</strong> poids d’une administrationqui se veut toujours plus englobante ettota<strong>le</strong>...Jadis l’identification des animaux n’étaitrien d’autre que <strong>le</strong> moyen choisi par l’é<strong>le</strong>veurde reconnaître ses bêtes (…). Ce quiComme <strong>le</strong> dit Hervé Le Crosnier:«Pourtant, tous ces chercheursaffirmeront avoir fait cela “pourla science”, en toute “indépendancescientifique”. Ils aurontreçu des financements et desautorisations. On peut mêmeprévoir que <strong>le</strong>s informaticiensqui écriront <strong>le</strong>s algorithmesd’exploitation des banques dedonnées à venir permettant defaire coïncider <strong>le</strong>s désirs des parents,<strong>le</strong>ur propre morphologieet <strong>le</strong>s caractéristiques des embryonsdisponib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> marchéne seront intéressés que par<strong>le</strong> chal<strong>le</strong>nge technique que celareprésente».était un geste propre à un métier devient un<strong>numéro</strong>, puis un code barre, puis une puce,qui vont être assimilés à d’autres <strong>numéro</strong>spour créer des statistiques, gérer et labelliserde la marchandise, et en retour pour définirdes nouvel<strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s de conduites, desnouvel<strong>le</strong>s normes, des nouvel<strong>le</strong>s attitudesqui servent à gouverner des millions de brebiset <strong>le</strong>urs bergers.Comme il est dit dans la demande de dérogation«nous ne voulons pas devenir dessous-traitants de l’industrie et des nanotechnologies».Nous ajoutons pour notrepart: nous ne voulons pas nous résigner àdevenir <strong>le</strong>s simp<strong>le</strong>s exécutants de l’administration(...). Or, n’y a-t-il pas un peu decette résignation dans la dérogation? (…)Nous nous méfions de solutions qui prétendentcontourner <strong>le</strong>s problèmes et qui fina<strong>le</strong>ment<strong>le</strong>s aggravent. Ce que nousrecherchons par ce communiqué, c’est lapossibilité d’ouvrir une vraie discussion politiqueau terme de laquel<strong>le</strong> nous pourronspeut-être envisager des stratégies communesavec cel<strong>le</strong>s et ceux qui <strong>le</strong> souhaitent.La demande de dérogation fait l’économiede cette discussion, qui nous paraît incontournab<strong>le</strong>sous la pluie de rég<strong>le</strong>mentationsqui semb<strong>le</strong> ne pas cesser».CONTACTFaut pas pucer, Le Batz, 81140 Saint MichelDe Vax- fautpaspucer@laposte.netBig Brothercourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201117


LOPPSI‘tion sécuritaireLOPPSI 2 … fois plus de saloperiesADOPTÉE EN SECONDE LECTURE AU SÉNAT COURANT JANVIER, LA LOILOPPSI 2 VIENT RENFORCER L’ÉDIFICE SÉCURITAIRE QUI SECONSTRUIT TEXTE APRÈS TEXTE DEPUIS PLUS DE 20 ANS, AVEC UNESINGULIÈRE ACCÉLÉRATION AU TOURNANT DU SIÈCLE DEPUIS LES AT-TENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001.1. Selon J.M.Manach surhttp://owni.fr/2011/01/19/lois-securitaires-42-vla-<strong>le</strong>s-flics2. Claude Guillon,La Terrorisationdémocratique,éditions libertalia,2009, 154 p., 7euros.Loi d’orientation et de programmationpour la performance de la sécuritéintérieure ! Ce nom même est unprogramme, puisque qu’il s’agit de viser la«performance» de la sécurité, assénant unefois de plus <strong>le</strong> discours de la compétition, dutoujours plus et plus fort, <strong>le</strong> culte du chiffreen soi, sur fond d’impératif de rentabilitépolitique et économique, et dans une optiquede contrô<strong>le</strong> total des populations.RENTABILITÉ POLITIQUECette loi, qui n’est que la 42 e sur <strong>le</strong> mêmethème depuis 10 ans 1 , vise en premier lieuà flatter <strong>le</strong>s instincts sécuritaires d’une sociétéqui se délite, en confortant l’idéed’une multitude de dangers qui menacentpartout et en permanence la Nation et l’intégritéde Monsieur et Madame Tou<strong>le</strong>monde.Instituant des mesures annoncéessuite à des faits-divers surmédiatisés, cetteloi prétend «offrir la sécurité partout, pourtous, (…) et renforcer la tranquillité nationa<strong>le</strong>».Ainsi ce qui est généra<strong>le</strong>ment présentécomme un arsenal législatifhétéroclite, trouve en fait sa cohésion dans<strong>le</strong>s ressorts idéologiques du national chauvinismeparanoïaque, et son objet dans lafabrication d’un ennemi intérieur aux multip<strong>le</strong>svisages: pauvre, jeune, délinquant,étranger, subversif, terroriste, marginal,pervers, criminel… Ennemi d’autant plusredoutab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s technologiesde l’information et de la communicationdécup<strong>le</strong>nt ses pouvoirs de nuisance et <strong>le</strong>rendent omniprésent et insaisissab<strong>le</strong>!Une fois fabriquées et inventoriées ces populationsdangereuses, il devient nécessairede <strong>le</strong>s maîtriser par un contrô<strong>le</strong>permanent et total, qui utilise <strong>le</strong> fichage, lavidéo-surveillance, renforce <strong>le</strong>s possibilitésd’enfermement administratif ou médicalisé,réinstaure <strong>le</strong>s conditions de bannissementou d’exclusion par la déchéance denationalité…La mise en œuvre de ce contrô<strong>le</strong> est facilitéepar <strong>le</strong> développement d’un arsenal juridiquetoujours plus répressif, mais aussi parune mise sous tutel<strong>le</strong> du pouvoir juridiquequi s’estompe au profit d’une toute puissanceadministrative et policière. L’Etat créeainsi des régimes d’exception qui deviennentprogressivement la règ<strong>le</strong> (il n’est qu’àpenser à la permanence de Vigipirate), dontl’impunité pour ses agents de contrô<strong>le</strong>. Cetébran<strong>le</strong>ment de la séparation des pouvoirsatteint <strong>le</strong>s principes de l’Etat de droit, soidisantfondateur des Etats démocratiques,et instaure <strong>le</strong>s conditions d’une «Terrorisationdémocratique» 2 du corps social, ébauchant,si ce n’est encore vraiment un Etatpolicier, au moins <strong>le</strong>s contours d’un «totalitarismesoft», qui place chacun sous <strong>le</strong>contrô<strong>le</strong> permanent de tous.RENTABILITÉ ÉCONOMIQUEUn des vo<strong>le</strong>ts de LOPPSI 2 consacre la privatisationdes missions de surveillance etde gestion de l’ordre public, attentant ainsiau «monopo<strong>le</strong> de la vio<strong>le</strong>nce légitime»jusqu’ici spécifique aux fonctions régaliennesde l’Etat. Car la sécurité est aussi unmarché, une dynamique économique quistimu<strong>le</strong> la recherche, et rentabilise <strong>le</strong>s applicationsdes technologies de pointes: nanotechnologieet géo-localisation, informatisationet croisement des données, imagesnumérisées et identifications intelligentes,décryptage du génome et fichage génétiqueou biométrique…Ainsi <strong>le</strong> budget alloué à LOPPSI 2 se monteà 2,15 milliards d’euros d’ici à 2013, dont631 millions dédiés au seul saut technologique,selon un alibi qui serait de compenserla baisse du nombre de postes dansl’appareil répressif d’Etat consécutif à la politiquede résorption des déficits publics !Mais <strong>le</strong> partage de ce gâteau n’est pas dévoluaux seu<strong>le</strong>s technologies, mais tout autantaux entreprises privées de sécurité,selon un principe d’externalisation de lagestion de l’ordre public qui favorise <strong>le</strong> partenariatpublic-privé en matière de surveillance,et de gestion du contrô<strong>le</strong> del’information et du renseignement. Au-delàde l’émergence de nouveaux agents rémunérés,c’est éga<strong>le</strong>ment toute la populationqui est invitée au contrô<strong>le</strong>, que ce soit par lacollaboration des services sociaux, l’extensionde la Réserve civi<strong>le</strong> de la police nationa<strong>le</strong>,la dénonciation sur internet, et autresmesures incitant à une délation généralisée.ELIMINER LES ALTERNATIVESDans la même logique de contrô<strong>le</strong> total, denormalisation des individus et des comportementscette loi décup<strong>le</strong> l’arsenal juridiqueafin d’éliminer certaines formesd’organisation socia<strong>le</strong> échappant encore aucontrô<strong>le</strong> de l’Etat. Les exemp<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s pluscommentés concernent l’habitat choisi, ounomade, ou encore <strong>le</strong>s squats. Mais <strong>le</strong>s aspectsconcernant <strong>le</strong>s vendeurs à la sauvettesont tout autant significatifs de la volontéd’empêcher toute débrouil<strong>le</strong> ou organisationde fait, pourtant de plus en plus indispensab<strong>le</strong>sà la survie d’une populationpaupérisée. A ce titre, il est intéressant desouligner comment l’immolation d’uncommerçant ambulant tunisien qui s’étaitvu confisqué son échoppe par la police a puêtre commentée dans <strong>le</strong>s médias nationaux,sans qu’à aucun moment il ne soit ditque l’Etat français créait au même momentdes conditions législatives similaires. Laconnivence entre Alliot-Marie et Ben Ali nes’arrête pas à l’entraide en matière de gestionde l’ordre: c’est bien une même visiondes conditions de perpétuation de l’ordreéconomique et social qui domine de part etd’autre de la Méditerranée, en toute légitimitédémocratique…QUELLES PERSPECTIVES?Il y a une floraison d’initiatives contre cetteloi LOPSSI 2, moins massives certes, maistout aussi diversifiées que cel<strong>le</strong>s à l’œuvrecet automne contre la réforme des retraites.Ce sont cependant <strong>le</strong>s mêmes écueils quimenacent ces mouvements. En premierlieu la segmentation de cette loi, secteurspar secteurs, sorte de corporatisme depréoccupation qui consisterait à aborder <strong>le</strong>sdéclinaisons de LOPPSI isolément: contre <strong>le</strong>fichage par ci, contre <strong>le</strong>s technologies desurveillances par là, pour l’habitat nomadeail<strong>le</strong>urs, par solidarité avec <strong>le</strong>s migrants unpeu partout… Il convient de montrer la cohérencede la répression dans sa finalitépolitique pour espérer inverser la tendancesécuritaire, et ne pas considérer LOPPSIcomme une aberration du sarkozysme,mais comme un élément de l’évolution sécuritairedes sociétés occidenta<strong>le</strong>s.Il ne faut non pas plus tomber de Charybdeen Scylla et considérer qu’une lutte politiquegloba<strong>le</strong> ne trouvera qu’une issue politicienneet que la fin du sécuritaires’annoncerait avec une alternance à la têtede l’Etat en 2012! Qu’el<strong>le</strong> soit tenue par lamain gauche ou la main droite de la bourgeoisie,une matraque reste une matraque,et <strong>le</strong> Parti socialiste et ses satellites ont largementcontribué à l’instauration de cetteère sécuritaire. Ils ne feront que continuer às’inscrire dans cette logique répressive quiest une des conditions de survie du désordrecapitaliste qu’ils ont rallié.La loi LOPPSI 2 est passée, et plutôt qued’espérer son abrogation ou son adoucissementdans une prochaine législature, ilconvient de poursuivre pied à pied la luttecontre la répression sous toutes ses formeset l’ordre social qui l’instaure. La journée du19 mars initiée par des col<strong>le</strong>ctifs anti-répressionspeut y contribuer. Le petit dossierqui suit aussi..A. Lombre18courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


LOPPSI‘tion sécuritaireAppel de Poitierspour une Journée nationa<strong>le</strong> d’actionscontre la répression et <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>ncespolicières <strong>le</strong> 19 mars 2011Le Forum antirépression organisé à Poitiers par <strong>le</strong> Comitépoitevin contre la répression des mouvements sociaux,<strong>le</strong>s 13 et 14 novembre, a réuni des membres de différentscol<strong>le</strong>ctifs existant à Toulouse, Bordeaux, Périgueux, Saint-Nazaire, Tours, Blois, Poitiers et Paris.Face à la multiplication des intimidations, vio<strong>le</strong>nces policières,interpellations, condamnations de toutes sortesqui dessinent un peu partout un ordre policier généralisé,est sortie des discussions l’idée d’une journée de mobilisationen France contre <strong>le</strong>s politiques sécuritaires encours ou à venir.Les participants au forum de Poitiers appel<strong>le</strong>nt donc tous<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctifs et <strong>le</strong>s personnes luttant contre la répressionà faire du samedi 19 mars 2011 une Journée nationa<strong>le</strong>d’actions contre <strong>le</strong>s politiques sécuritaires, au traversd’initiatives qu’ils auront décidées loca<strong>le</strong>ment, afin defaire connaître et de développer <strong>le</strong>s diverses luttes existantesen favorisant <strong>le</strong>ur coordination, et de construireune mobilisation contre toutes <strong>le</strong>s formes de répression.Merci de diffuser cet appel massivement autour de vous. Nous avonscréé un groupe de discussion afin de donner suite à cet appel et de coordonnercol<strong>le</strong>ctivement cette journée. contacter si vous souhaitez des renseignementscomplémentaires). contact : antirep86@free.frAperçus du contenu de LOPPSI 2Cette loi décline 46 artic<strong>le</strong>sarticulés en 9 chapitresparmi <strong>le</strong>squels toute unesérie de mesures vientconforter et renforcer destendances préexistantesdans l’ensemb<strong>le</strong> des lois répressivesde ces dernièresannées. Citons entre autres:- La lutte contre la cyber-criminalitépar <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> d’internet- L’utilisation des nouvel<strong>le</strong>stechnologies, depuis <strong>le</strong> développementdu fichage génétique etnumérique, au développementde la vidéo surveillance qui devient«vidéo protection», enpassant par <strong>le</strong>s interceptions téléphoniqueset informatiquessystématisées- De nouvel<strong>le</strong>s incriminationsqui sanctionnent la révélation,même involontaire, de l'identitédes agents de renseignement,de <strong>le</strong>urs sources et de <strong>le</strong>urs collaborateurs.Les agents de renseignementne peuventd'ail<strong>le</strong>urs être tenus pour péna<strong>le</strong>mentresponsab<strong>le</strong>s de l'usaged'une identité d'emprunt.- Les préfets ont <strong>le</strong> pouvoir d'instaurerun couvre-feu pour <strong>le</strong>s mineursde moins de 13 ans.- Les parents des mineurs enfreignantla mesure préfectora<strong>le</strong>peuvent être sanctionnés parune contravention de 3 e classeet il peut <strong>le</strong>ur être demandé designer un «contrat de responsabilitéparenta<strong>le</strong>». L'usage de cetype de contrat est d'ail<strong>le</strong>ursétendu.- Les sanctions encourues pourcambriolage et «vol commis àl'encontre d'une personne vulnérab<strong>le</strong>»sont alourdies.- Est désormais puni d'un an deprison et de 15000 eurosd'amende <strong>le</strong> fait «d’entraver <strong>le</strong>dérou<strong>le</strong>ment des débats d’uneassemblée par<strong>le</strong>mentaire oud’un organe délibérant d’unecol<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong>».- Les sanctions encourues pour«vente à la sauvette» sont alourdies(jusque-là une contraventionde 4 e classe, désormais sixmois de prison, 3 750 eurosd'amende, et la confiscation dumatériel saisi)- Une nouvel<strong>le</strong> incrimination«d'exploitation de la vente à lasauvette» est créée sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong>de l'incrimination «d'exploitationde la mendicité» oude «proxénétisme».- Une contravention de 5 e classesanctionne <strong>le</strong>s rassemb<strong>le</strong>mentsdans <strong>le</strong>s halls d'immeub<strong>le</strong>s.- Une peine complémentaire deconfiscation obligatoire de <strong>le</strong>urvéhicu<strong>le</strong> peut être prononcée àl'encontre de conducteurs danscertaines circonstances.- Les policiers municipaux sonthabilités à procéder à descontrô<strong>le</strong>s d'identité.- L'Etat peut sous-traiter à desentreprises privées <strong>le</strong> transportde personnes sans-papiers versdes centres de rétention.- La loi accroît <strong>le</strong>s possibilitésde recourir à la visioconférencepour <strong>le</strong>s auditions et <strong>le</strong>s interrogatoiresde personnes incarcéréesou détenues en centre derétention.- La réserve civi<strong>le</strong> de la policenationa<strong>le</strong> créée en 2003 voit sonrecrutement élargi à tout volontaire,y compris étudiant, alorsqu'el<strong>le</strong> était jusque-là constituéede retraités de la police.- Au nom du «risque grave d’atteinteà la salubrité, à la sécurité,à la tranquillité publiques»,<strong>le</strong>s habitants de logements nonconformes au code de l'urbanisme(camions aménagés,tentes, yourtes...) peuvent êtreexpulsés sous 48 heures sur décisiondu préfet et sans passerpar un juge.- Les mineurs récidivistes gardésà vue peuvent être envoyésdevant <strong>le</strong> tribunal pour enfantssans passer par <strong>le</strong> bureau dujuge pour enfants.- L'échange d'informations entreservices de l'Etat et organismesde protection socia<strong>le</strong> est accruau nom de la lutte contre lafraude aux aides socia<strong>le</strong>s.- Les personnes naturalisées depuismoins de dix ans ayantcausé la mort d’un dépositairede l’autorité publique peuventse voir déchues de la nationalitéfrançaise.- Les jurys d'assises peuventprononcer une interdiction deterritoire pour <strong>le</strong>s étrangerscoupab<strong>le</strong>s de crime (réinstaurationde la doub<strong>le</strong> peine abolie en2003).- Des peines-plancher sont instauréespour <strong>le</strong>s primo délinquantsauteurs de vio<strong>le</strong>ncesaggravées.- Le port du brace<strong>le</strong>t é<strong>le</strong>ctroniquepeut être imposé sur décisionadministrative auxétrangers en voie d'expulsion.- Le suivi socio judiciaire estétendu aux récidivistes ayantété condamnés à cinq ans deprison et l'usage du brace<strong>le</strong>té<strong>le</strong>ctronique est systématisé.- Les auteurs de crimes sur desreprésentants de l'autorité publiquesont condamnés à despeines incompressib<strong>le</strong>s.SOURCESDes commentaires détaillésde la loi sur <strong>le</strong>site du Syndicat de lamagistrature, ou duCECIL Centre d’ÉtudesCitoyenneté, Informatisationet Liberté. Unsite d’analyse et d’étatdes luttes : http://antiloppsi2.netcourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201119


LOPPSI‘tion sécuritaireÉducation nationa<strong>le</strong>Du fichage et des compétences…LE REPÉRAGE, LE FORMATAGE, LE CLASSEMENT DES INDIVIDUS SONTINDISPENSABLES AU FONCTIONNEMENT DES SOCIÉTÉS DE CONTRÔLE.SOUS COUVERT DE MODERNISATION ET D’EFFICACITÉ, L’EDUCATIONNATIONALE APPORTE SA PIERRE À L’ÉDIFICE SÉCURITAIRE, AVECL’AVANTAGE REDOUTABLE QUE L’ÉCOLE OBLIGATOIRE PERMET DE TOU-CHER L’ENSEMBLE DE LA POPULATION, DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE.[1] Sur <strong>le</strong> refus desévaluations de CM2voir http://resistancepedagogique.blog4ever.com/[2] Sconet (scolaritésur <strong>le</strong> net), est labase de donnéesdes élèves du seconddegré (collègeet lycée), l’équiva<strong>le</strong>ntde «Baseélèves», <strong>le</strong> fichiercontre <strong>le</strong>quel desenseignants du primaireet des parentsd’élèves sonten lutte depuismaintenant plus de3 ans. Cf. <strong>le</strong> site duCol<strong>le</strong>ctif nationalde résistance àbase élève (CNRBE): http://retraitbasee<strong>le</strong>ves.wordpress.com/,ou larubrique Big Brotherde Courant Alternatifqui faitrégulièrement étatdes résistances aufichage à l’éco<strong>le</strong>.[3] Notanet, est unedes applicationsdérivées de la basede données Sconet,qui permet <strong>le</strong> recensementdesnotes, l’éditionsdes bul<strong>le</strong>tins trimestriels,desfiches brevets, …[4] ESPADON : Espacede partagedes données… projetactuel<strong>le</strong>ment endélicatesse avec laCNIL…Dans l’Education, la loi Fillon de2005, institue un «soc<strong>le</strong> communde connaissances et de compétences»calquées sur une matrice européennede compétences-clés. Le systèmefrançais défini ainsi 7 champs de compétencesà acquérir à l’issue de la scolaritéobligatoire. Ces «compétences» recouvrentce que l’Etat juge nécessaire à la sociabilité,et <strong>le</strong> patronat indispensab<strong>le</strong> à «l’employabilité»: la langue nationa<strong>le</strong>, une langueétrangère, <strong>le</strong>s mathématiques, l’informatique(logiciels de base), <strong>le</strong> tout agrémentéde normes de comportement. En clair, lireet écrire (avec un peu en d’anglais), compter,savoir pianoter sur un clavier d’ordinateuret comprendre qu’il est opportun desavoir se taire dans nombre de circonstances…La validation de ces 7 compétences devientindispensab<strong>le</strong> pour l’obtention du Brevetdes Collèges à cette session 2011. Le Ministèrede l’éducation a ainsi défini à partir ducollège un Livret personnel de compétencespropre à chaque élève, qui <strong>le</strong> suivra dans sascolarité. Mais sans doute au-delà, puisqueces compétences clés sont établies dans <strong>le</strong>«cadre européen des certifications pourl’éducation et la formation tout au long dela vie» ...Un certain nombre de critiques de ces nouvel<strong>le</strong>sformes d’évaluations n’hésitent pasde ce fait à par<strong>le</strong>r ainsi du retour du «Livretouvrier». Rappelons que <strong>le</strong> livret ouvrier duXIXème sièc<strong>le</strong> visait à assurer un contrô<strong>le</strong>social, à limiter <strong>le</strong>s salaires versés, et à empêcher<strong>le</strong> départ des ouvriers vers d’autresemployeurs dans un contexte de pénurie demain d’œuvre, tout en évitant <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>ssociaux. Actuel<strong>le</strong>ment, il s’agirait plutôt defavoriser la mobilité professionnel<strong>le</strong> et géographiqued’une main d’œuvre en concurrencesur <strong>le</strong> marché de l’emploi. Le rêve desemployeurs – savoir qui ils embauchentpour pouvoir choisir ceux qui sont à la foisdoci<strong>le</strong>s et imaginatifs, costaux et minutieux,etc... est en train de se réaliser.UN LIVRET DURABLESelon <strong>le</strong>s différentes directives de l’Educationnationa<strong>le</strong> parues sur <strong>le</strong> sujet, <strong>le</strong> «Livretde compétences» recouvre en fait selon <strong>le</strong>sétapes de la scolarité :1) <strong>le</strong> livret personnel de compétences évoquéci-dessus, qui prendra à terme uneforme numérique2) <strong>le</strong> livret scolaire du lycée destiné au jurydu baccalauréat et aux études post-bac3) <strong>le</strong> passeport orientation-formation, <strong>le</strong>futur livret d’employabilitéCe livret doit être renseigné par l’élève, avecl’appui de l’équipe éducative. Y figurent,outre <strong>le</strong>s «compétences acquises dans <strong>le</strong>cadre de l’éducation formel<strong>le</strong>», «<strong>le</strong>s expériencesd’ouverture européenne et internationa<strong>le</strong>et de mobilité, individuel<strong>le</strong> oucol<strong>le</strong>ctive», «<strong>le</strong>s compétences acquises horsdu cadre scolaire» dont «<strong>le</strong>s connaissances,capacités et attitudes acquises dans <strong>le</strong>cadre associatif ou privé, notamment familial»,«<strong>le</strong>s expériences de découverte dumonde professionnel et de découverte desvoies de formation», «<strong>le</strong>s éléments quiconcourent à la connaissance de soi et alimententla réf<strong>le</strong>xion du jeune sur sonorientation». Ainsi ce livret fera l’objetd’une «construction» par <strong>le</strong> jeune qui sera«accompagné» par une fou<strong>le</strong> : la famil<strong>le</strong>, <strong>le</strong>sprofesseurs, <strong>le</strong>s conseil<strong>le</strong>rs d’orientation,«<strong>le</strong>s associations de jeunesse et d’éducationpopulaire», <strong>le</strong> «conseil de la vie lycéenne»,<strong>le</strong>s «délégués des élèves», <strong>le</strong>s«acteurs jeunesse» sans oublier bien évidemment<strong>le</strong>s incontournab<strong>le</strong>s «acteurs dumonde professionnel».On comprend mieux pourquoi, <strong>le</strong>s enseignants,transformés en contremaîtres defabrication de ressources humaines, qui ontordre d’évaluer <strong>le</strong>urs élèves en cochant descases d’acquisition ou non d’une liste decompétences et sous- compétences, depuisla grande section de maternel<strong>le</strong>, appel<strong>le</strong>ntpour un certain nombre à boycotter <strong>le</strong>s évaluationsde CM2, qui une fois transmises aucollège constitueront une première couchedu futur livret [1].UN SUIVI NUMÉRIQUE À LA TRACEUne tel<strong>le</strong> base de renseignements surl’élève ou <strong>le</strong> futur salarié, ne peut décemment,au XXIème sièc<strong>le</strong>, demeurer sur unsupport papier et l’application numériqueappelée «Livret personnel de compétences»permettra de parachever la mise enœuvre du soc<strong>le</strong> commun au collège et l’évaluationpar compétences.À la rentrée 2010, tous <strong>le</strong>s établissementsdisposeront, via <strong>le</strong>urs serveurs académiques,d’une application numérique, appelée«Livret personnel de compétences»,développée sous environnement SCONET[2]. El<strong>le</strong> permet de renseigner <strong>le</strong>s compétencesvalidées, d’éditer <strong>le</strong>s attestationspour <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s et d’assurer la transmissiondes données vers l’application NOTA-NET [3]. L’application «Livret personnel decompétences» sera mise en relation avec<strong>le</strong>s applications privées ainsi que <strong>le</strong>s applicationsdéveloppées loca<strong>le</strong>ment pour <strong>le</strong>suivi des acquisitions du soc<strong>le</strong> commun.On peut donc considérer <strong>le</strong> livret de compétencescomme un super CV numérique,dans <strong>le</strong>quel sont enregistrées toutes sortesde compétences validées par l’élève. Ce quiexplique que la CNIL ait été interpellée sur<strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s compétences d’une personneconstituent une donnée sensib<strong>le</strong> au mêmetitre que <strong>le</strong>s opinions – religieuses, politiques,etc. – ou la santé.À titre d’illustration sur <strong>le</strong>s dangers inhérents,on peut citer <strong>le</strong> cas de cette lycéennede Seine-St-Denis postulant pour une placeen IUT par alternance qui n’a pu avoir accèsà la fiche informatique de pré inscription,et s’est ainsi vue répondre par <strong>le</strong> logicielAPB (affectation post bac) que cette formationétait réservée aux élèves de nationalitéfrançaise, sous prétexte de lutte contre <strong>le</strong>travail des sans-papiers ! Chaque élèveétant doté d’un INE (identifiant nationalélève) dans <strong>le</strong> secondaire la simp<strong>le</strong> saisie decet identifiant permet aux programmes informatiquesd’analyser un certain nombrede données sur <strong>le</strong> jeune disponib<strong>le</strong>s dansSCONET.Quant au devenir de ce livret numérique,l’artic<strong>le</strong> 11 de la loi du 24 novembre 2009précise : «lorsque l’élève entre dans la vieactive, il peut, s’il <strong>le</strong> souhaite, intégrer <strong>le</strong>séléments du livret de compétences au passeportorientation et formation prévu à l’artic<strong>le</strong>L. 6315-2 du code du travail». On peutdonc s’attendre à ce que, une fois terminéela phase d’expérimentation, l’applicationnumérique LPC soit connectée avec <strong>le</strong>s servicesde «Pô<strong>le</strong> emploi».Certaines académies, comme cel<strong>le</strong> deNantes, expérimentent déjà ESPADON, unprogramme de partage des données numériques[4]. Sous couvert de travail à l’insertiondes jeunes sortants du systèmescolaire, un certain nombre d’informations(identité, domici<strong>le</strong>, cursus scolaire…) sontd’ores et déjà partageab<strong>le</strong>s avec <strong>le</strong> Ministèrede l’agriculture (enseignement agrico<strong>le</strong>),Pô<strong>le</strong> emploi, <strong>le</strong>s missions loca<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivitésterritoria<strong>le</strong>s, mais aussi <strong>le</strong> Ministèrede la justice dans <strong>le</strong> cadre de la préventionde la délinquance... Y ajouter <strong>le</strong> futur Livretpersonnel de compétences ne posera aucunproblème… technique !SAVOIR SE VENDREPuisque <strong>le</strong> transfert du livret entre <strong>le</strong> sco-20courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


LOPPSI‘tion sécuritairelaire et <strong>le</strong> salariat est déjà anticipé, commentpourra-t-on alors empêcher que <strong>le</strong>s[in]compétences soient utilisées pour sé<strong>le</strong>ctionner<strong>le</strong>s futurs salariés, y comprisavec <strong>le</strong>ur assentiment? Car en période dechômage faib<strong>le</strong>, de garanties col<strong>le</strong>ctives etd’espoir raisonnab<strong>le</strong> de voir sa situations’améliorer avec <strong>le</strong> temps et l’expérience,obliger <strong>le</strong>s personnes à se vendre, et pourcela, à remplir des livrets de «compétences»présentant <strong>le</strong>ur «traçabilité», ne pouvaitguère marcher. Mais, grâce au chômage demasse et à la crise, l’introduction progressivede marges de manœuvre pour <strong>le</strong>s employeurs[6] a peu à peu mis <strong>le</strong>s salariésdans une situation d’acceptation de la luttepour l’emploi et d’intégration du discoursmanagerial.[5] Changementdes gril<strong>le</strong>s de classificationdans <strong>le</strong>sconventions col<strong>le</strong>ctivesdès <strong>le</strong>s années90, avec desgril<strong>le</strong>s floues oùdes «nouvel<strong>le</strong>scompétences» font<strong>le</strong>ur apparition, diminutiondesavantages liés àl’ancienneté,contrats d’objectifs,entretiens individuelsd’évaluation... etcDeux réactions-types face au chômage fontainsi la puissance du nouveau discours patronal:1° «Je suis nul...» Donc c’est la faute du salariéqui «inemployab<strong>le</strong> ou à faib<strong>le</strong> employabilité»,accepte de passer par tous <strong>le</strong>saffres humiliants des stages d’«insertion»ou de «réinsertion», des «bilans de compétences»,des «portefeuil<strong>le</strong>s de compétences»,des livrets, des «passeportsorientation et formation», des «tests àl’embauche», des contrats divers et variés,qu’il faut inventorier pour attester de samotivation et de sa qualification «tout aulong de la vie».2° «Ma va<strong>le</strong>ur n’est pas reconnue à sonjuste niveau» Et ici pour alimenter <strong>le</strong>s faib<strong>le</strong>sespoirs de voir sa va<strong>le</strong>ur, ses «compétencesou performances» reconnues, alorspourquoi pas <strong>le</strong> «livret» si cela peut aider oula «Valorisation des Acquis de l’Expérience»qui pourront y être consignés.De surcroît ces attitudes de soumission etrésignation face à l’emploi, se combinentavec l’acceptation de l’individualisation dessalaires et autres primes au mérite, au détrimentdes rémunérations fondées sur <strong>le</strong>diplôme professionnel selon des gril<strong>le</strong>s desalaires col<strong>le</strong>ctives. Le rapport salarial s’individualise,réduisant d’autant <strong>le</strong>s possibilitésde lutte col<strong>le</strong>ctive. Le diviser pourmieux régner est une vieil<strong>le</strong> tactique.À ceci s’ajoute l’engouement pour <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>stechnologies, et l’exposition publiquede son profil, de sa personnalité, de son histoire,de ses convictions, via <strong>le</strong>s fameux réseauxsociaux numériques. Et petit à petit<strong>le</strong> plus grand nombre intègre que la vie privéepeut s’exhiber publiquement, sansconscience de ce que cela peut comporterde risques pour <strong>le</strong>s libertés individuel<strong>le</strong>s.Progressivement s’institue la transparencetota<strong>le</strong>, immédiate et permanente des individusdont ont toujours rêvé <strong>le</strong>s régimes totalitaires.Avant même d’en arriver là, <strong>le</strong>s employeursont déjà tout à gagner dans la mise enconcurrence économique et socia<strong>le</strong> généralisée,de voir arriver des outils à même de<strong>le</strong>ur permettre de faire un tri sur des basesplus fines et fiab<strong>le</strong>s que précédemment, etsurtout toujours plus conformer <strong>le</strong>s salariésaux exigences du salariat : la baisse du coûtdu travail et l’acceptation de l’exploitationet de l’aliénation généralisée.PhilippeSOURCES- Du marché du travailau marché destravail<strong>le</strong>urs, RichardABAUZIT- Du livret personnelde compétences àl’application numériqueLPC, sur <strong>le</strong> sitede la LDH Toulon :www.ldh-toulon.netCompétences et segmentation de l’individu !Dans son roman d’anticipationintitulé La Zone du dehors, Éditionsla Volte, ré-édition 2007,Alain Damasio dépeint une sociétéoù la surveillance et <strong>le</strong>contrô<strong>le</strong> des individus n’ontmême plus besoin de lacontrainte directe par <strong>le</strong> pouvoir:chacun a été amené à désirerce mode de contrô<strong>le</strong> pour sasécurité et son bien-être.Dans cette société, <strong>le</strong> Clastreest un gigantesque programmede classement des individus,qui va organiser la hiérarchiesocia<strong>le</strong> sur une multitude decritères.«(…) Le dividuel, c’est l’individueldivisé, l’individu fragmentéen plusieurs morceaux, mis enpièce. Ou plus exactement : <strong>le</strong>dividuel, c’est <strong>le</strong> produit decette fragmentation, c’est-àdire,si vous vou<strong>le</strong>z, <strong>le</strong> morceau,la pièce» (…).«Le Clastre est un traitementrégulé qui intervient sur cettefragmentation, la prend rationnel<strong>le</strong>menten charge et l’accélère.Il déconstruit, mais pourremode<strong>le</strong>r ensuite. (…) Il déconstruitla façon dont notreconscience cherche à se saisirdans sa vérité. (…) Il faut comprendreque <strong>le</strong> Je n’est pasdonné d’avance. Il est l’effetd’une production de soi. L’individualitéest une composition.Il faut entendre composition,non comme un résultat figé,mais comme un processus enperpétuel devenir.»Alain Damasio fait alors appel àla conception de Michel Foucaultqui voit dans toute sociététrois types de forces : <strong>le</strong>s pouvoirs,<strong>le</strong>s savoirs et <strong>le</strong>s processusde subjectivation. C’est autroisième type qu’une organisationsocia<strong>le</strong> par fichiers numériquesva s’attaquer pour être laplus efficace.«La technique du Clastreconsiste par conséquent à :1. Déconstruire l’individualitéque s’est constituée <strong>le</strong> sujet,donc.2. Fragmenter la personnalité.D’abord en quatre pièces distinctes: biologie, comportementsocial, aptitudes etperformances.3. Affiner la fragmentation, ensubdivisant <strong>le</strong>s dividuels obtenusen sous-dividuels, puis ensous-sous-dividuels, etc.jusqu’à la plus petite unité dividuel<strong>le</strong>politiquement uti<strong>le</strong>.Nous appel<strong>le</strong>rons «trait» cetteunité minima<strong>le</strong>. Nous avons vuque <strong>le</strong> Clastre nous découpe enplus de quatre cents traits decaractères.4. Iso<strong>le</strong>r chacun de ces traits.Défaire <strong>le</strong>s liens qui <strong>le</strong>s unifiaientau sein de la personnalité.Cette étape est crucia<strong>le</strong>puisqu’el<strong>le</strong> assure, pour <strong>le</strong>spouvoirs, l’éparpil<strong>le</strong>ment despièces qui, liées dans notrecorps, nous faisaient nous produirecomme une personnalité«personnel<strong>le</strong>», si je puis dire.5. Soumettre chacun de cestraits à une évaluation qualitativeet quantitative : examiner,mesurer, noter. Homogénéiser<strong>le</strong>s notes ainsi obtenues. Corriger<strong>le</strong>s écarts. Lisser <strong>le</strong>s anomalies.6. Hiérarchiser <strong>le</strong>s notes lissées.Les distinguer en poids eten importance afin de valoriserspécia<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s traits <strong>le</strong>s plusuti<strong>le</strong>s à la société : amabilité,docilité, conformisme, respectdes normes, etc.À partir du point 7 commencela reconstruction de la personnalité.(…)»Quand cesse-t-on d’être un individu,pour n’être plus qu’unerecomposition artificiel<strong>le</strong> etfonctionnel<strong>le</strong> de dividuels façonnéepar différents organismes?d'après Sébastien Mal<strong>le</strong>thttp://sur-la-rive.over-blog.comcourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201121


LOPPSI‘tion sécuritaireHabitat choisi“Toutes <strong>le</strong>s dispositions nécessairespour faire la coupe à ras!”LE PROJET DE LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA PER-FORMANCE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE (LOPPSI 2) DANS LE DOMAINEDE L'HABITAT ET DU LOGEMENT VISE PARTICULIÈREMENT LES PAUVRES,LES PRÉCAIRES, CELLES ET CEUX QUI VEULENT VIVRE DIFFÉREMMENTSANS ENTRER DANS LES NORMES ADMINISTRATIVES D'HABITATION.1. En 2009, <strong>le</strong> maire deBussière Boffy avaitessayé de faire expulsercinq yourtes habitéesen permanence etinstallées sur un terraindans un hameaude la commune. Face àune mobilisation assezforte, il avait dû renoncerà son projet (cf. CA190, mai 2009 ou sur <strong>le</strong>site <strong>OCL</strong>). Il avait alorsdéclaré publiquementqu'il en "régularisait"quatre. Mais par lasuite il s'est focalisésur la cinquième enharcelant ses habitantsavec des procédures(huissiers,gendarmes). Ceux-ciont fini par quitter lacommune. Interrogépar la presse sur sesintentions, dans <strong>le</strong>nouveau contexte dela loi LOPPSI, une foisqu'el<strong>le</strong> sera adoptée, ila répondu qu'il examineraittoutes <strong>le</strong>s situations"au cas par cas".2. Sur sollicitation des"RG", Paulo a été reçupar un représentantdu préfetTout occupant d'habitat hors norme(tente, cabane, yourte, mobi<strong>le</strong> home,maison auto construite, "bidonvil<strong>le</strong>",bus ou camion aménagé…) pourra être expulséde son logement, sous 48 heures, dans <strong>le</strong> cadred'une procédure administrative, sans contrô<strong>le</strong>judiciaire. L'habitat pourra ensuite être détruit.Il faut que rien n'échappe au contrô<strong>le</strong> del'administration. L'ennemi est partout et nul<strong>le</strong>part... Paulo nous donne sa position sur cetteloi, du point de vue de ceux qui ont choisi devivre à l'écart de certaines normes. Il vit à BussièreBoffy, une petite commune du nord-ouestde la Haute Vienne Il est investi depuis des annéessur <strong>le</strong> terrain de la défense du droit au logementet du droit à l'habitat choisi en général,de la défense des yourtes de sa commune et desdroits des gens du voyage en particulier. Nousl'avons rencontré dans un tipi sur un campementimprovisé, Place de Stalingrad, devant lapréfecture de Limoges. Il nous donne son pointde vue sur la loi LOPPSI à partir des différentesréalités dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il est investi, en partantdu droit à choisir son mode d'habitat...Paulo: "Pour moi, la loi LOPPSI 2 est la réponseau mouvement qu’il y a eu à BussièreBoffy 1 , il y a deux ans, qui permet à l’administrationd’intervenir très rapidement, àun maire de saisir <strong>le</strong> préfet en douce et delui dire: «Expulsez-moi ces gens là parcequ’ils me dérangent...» À Bussière Boffy, <strong>le</strong>maire avait envoyé l’huissier aux habitantsdes yourtes pour <strong>le</strong>ur signifier de dégageren p<strong>le</strong>in hiver. Du coup <strong>le</strong>s gens étaient préparés.Le comité de défense avait écrit auxélus et au préfet, en disant qu'il y avait untype qui était fou, qu'il avait un discoursd’exclusion et ça risquait de se gâter. Onavait donc prévenu des élus pour <strong>le</strong>ur direqu'ils ne pourraient pas dire qu'ils ne savaientpas. On avait préparé <strong>le</strong> terrain.En plus dans la période où l’huissier estarrivé, il y a des choses qui se sont enc<strong>le</strong>nchées,notamment une conférenceà Limoges avec <strong>le</strong>s DonQuichotte où Tanya, une des habitantesdes yourtes, a pris la paro<strong>le</strong> eta exposé ce qui se passait. Toute lapresse est arrivée à Bussière. Alorsd’une part il y a eu la presse qui s’estfocalisée dessus en p<strong>le</strong>in hiver parceque quelque part il y avait une imageidyllique et il y avait une thématique quiintéressait tout <strong>le</strong> monde. C’était porteur. Lapresse a relayé. Et d’autre part sur place, il ya eu un mouvement de solidarité très important,dans la campagne et bien au-delà:des pétitions de personnes, d’élus. Toutessortes de manifestations de solidarité quiont fait qu’à un moment donné, ça a été intenab<strong>le</strong>pour l’administration de laisser apparaîtreun maire qui tenait des propospresque fascistes et en face des gens qui enappelaient à la raison. Le maire a ainsiéchoué dans sa tentative. La préfète l’a appelépour lui dire: «Vous passez très mal à latélé. Vous al<strong>le</strong>z rég<strong>le</strong>r ça rapidement. On neveut pas de bordel!» C’est exactementl’exemp<strong>le</strong> d’un Préfet qui substitue l’autoritéde l’Etat à cel<strong>le</strong> d’un maire défaillant.Quand <strong>le</strong> Préfet dit qu’il n’a pas <strong>le</strong> pouvoird’intervenir directement, qu’il est aux ordresd’un Etat, d’un gouvernement élu démocratiquement,qu'il n’a pas non plus <strong>le</strong>pouvoir d’intervenir dans une commune,sauf que voilà, à Bussière, il l'a fait... MaisLOPPSI 2 ne laisse pas <strong>le</strong> temps, en cas demenace d’expulsion, de médiatiser ou trèspeu de temps. Ça renforce <strong>le</strong> pouvoir del’administration et des élus.Il y a aussi un aspect plus immédiat: il nefaut pas non plus ignorer qu’il y a <strong>le</strong> G20 et<strong>le</strong> G8 en France cette année, et qu’il y aurades regroupements de militants qui se ferontà cette occasion, qu’il y aura des villagesqui seront montés, en général avecdes autorisations mais qu'il y en aura aussiqui resteront en marge. Ils pourront faireintervenir <strong>le</strong>s forces de l’ordre illico, fairedétruire <strong>le</strong>s installations. Ils auront <strong>le</strong>s outilsjuridiques alors qu’auparavant, c’étaitau même niveau que <strong>le</strong> squat: si tu te poseset si tu fais une résistance... Ils n’avaientpas vraiment <strong>le</strong>s outils juridiques, notammentpar rapport à un propriétaire privépour expulser <strong>le</strong>s gens qui faisaient uncampement tandis que demain, dans <strong>le</strong> casde figure où tu accueil<strong>le</strong>s des gens en détresse,par exemp<strong>le</strong> et que <strong>le</strong> maire ne veutpas voir ça chez lui ou encore que <strong>le</strong> préfettrouve que ça fait tache, ils peuvent <strong>le</strong>s virertrès vite. C’est aussi une volonté de rég<strong>le</strong>rcertaines problématiques qu’ils ne veu<strong>le</strong>ntpas assumer, notamment cel<strong>le</strong> des Roms.Ils mélangent tout. Il y a beaucoup de propagande,à l’heure actuel<strong>le</strong>.Dans cette loi LOPPSI 2, il y a toutes <strong>le</strong>s dispositionsnécessaires pour faire la coupe àras, pour éviter qu’il y ait quoi que ce soitd’original. C’est vraiment <strong>le</strong> conditionnementau système de logement qu’onconnaît actuel<strong>le</strong>ment et qui est un mauvaissystème, et en plus un système en perdition.C’est rare que <strong>le</strong>s gens qui ont peu demoyens accèdent à des logements de qualité.Les programmes écologiques sont plutôtréservés à des gens qui en ont <strong>le</strong>smoyens. De tout ce qu’on pourrait par<strong>le</strong>rqui représente un progrès dans <strong>le</strong>s conceptionsd’habiter ensemb<strong>le</strong>, de mieux vivreavec la planète, de mieux vivre ensemb<strong>le</strong>,d’habitat partagé, d’habitat écologique, enfait, ça n’est pas un fer de lance du gouvernementactuel, <strong>le</strong>s investissements vonttoujours plus au béton même s’il y a desprojets "Haute qualité environnementa<strong>le</strong>"(HQE). Mais qui peut accéder à des projetsHQE? C’est exceptionnel qu’il y ait du logementsocial HQE.Pour l’habitat choisi, <strong>le</strong> directeur de cabinetdu préfet 2 s’est montré très mitigé. Il ditqu'il ne peut rien faire là-dessus si <strong>le</strong> mairen’en veut pas. Et après il va dire qu’il y a desrég<strong>le</strong>mentations. Mais dans la réalité, jepense qu’il faudrait faire de l’informationaux communes, demander <strong>le</strong> droit à l’expérimentation.Il y a des textes de loi quipeuvent être saisis par <strong>le</strong>s maires et qui<strong>le</strong>ur permettent de dire: «Moi, je veux pouvoiraccueillir <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s qui veu<strong>le</strong>nt seloger sur ce mode-là, sans avoir nécessairementà faire du terrain constructib<strong>le</strong> parcequ’il y a un choix de ces gens là d’habiterde manière écologique, équilibrée, sans êtrenécessairement raccordés à l’eau. Alors s’ilsfont <strong>le</strong> choix de s’alimenter différemmenten eau ou en énergie, du moment qu’ilstraitent <strong>le</strong>urs fluides, il n’y a pas de problèmes».Depuis une semaine qu'on campedevant la préfecture, on a vu p<strong>le</strong>in de gensintéressants. Il y a eu du passage régulier.Des gens s'arrêtent pour prendre <strong>le</strong>s tracts.Ils discutent. Je pense que dans l'alternative,il y a une action à mener à l'heure actuel<strong>le</strong>par la symbolique, par l'activisme,par l'information qui permette à un momentdonné de débloquer des choses. Parceque de l'autre côté il y a p<strong>le</strong>in d'espèces demanipulateurs qui vont se mettre en routeet il faut occuper <strong>le</strong> terrain dès maintenantsur des choses précises, claires, nettes, sur<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on ne transige pas: <strong>le</strong> droit et ladéfense de l'habitat choisi, léger, <strong>le</strong> respectde tous. Le risque, c'est qu'avec ces lois, ilsentrent dans une logique où ils peuvent <strong>le</strong>sappliquer rien que pour montrer <strong>le</strong>ur force.Le Conseil constitutionnel sera saisi sur deschoses précises, sur la question des droitsconstitutionnels, notamment <strong>le</strong> droit au logement.Et si ça passe quand même, ça iraen Conseil de l'Europe."Propos recueillis par Christophe22courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


LOPPSI‘tion sécuritaireToulouseCampd'occupationcontreLoppsi 2Après une semaine d'occupation, l'actionse modifie et nous entrons en résistancecontre l'ensemb<strong>le</strong> des loissécuritaires du gouvernement et desgouvernements qui se sont succédéprécédemment.Nous sommes une centaine à occuperl'espace public à la Prairie, des filtresnuit et jour (6 tipis, une yourte, unzome, 15 camions, 5 caravanes dontune sur la Garonne arrimée à un radeau,un chapiteau...) Nous vivons avecdes enfants, des famil<strong>le</strong>s, des sdf, desteufeurs, des travel<strong>le</strong>rs, bref un joyeuxmélange culturel et ethnique!Nous sommes 150 à y vivre en journée(plus accueil de la population), <strong>le</strong> campest autogéré (pas de drogue, pas d'alcool,<strong>le</strong>s chiens en nombre limité)Bref du jamais vu à Toulouse et on sentbien qu'il se passe quelque chose, <strong>le</strong>sgens qui passent ici bien souvent y restent(…) l'AG de dimanche (qui réunissait150 personnes) a décidé cetteentrée en résistance, nous allons faireune action avec <strong>le</strong> conseil national dela résistance, <strong>le</strong>s réseaux nous rejoignentet <strong>le</strong>s pouvoirs publics commencentà s'agiter...La répression à Saint-Nazairevue par un inculpéLors du mouvement social contre la réforme des retraites, unerépression féroce s'est abattue à Saint-Nazaire. Résultat,pour cinq manifestations, 60 gardes à vue et 17 peines de prisonferme prononcées. La présence bien apparente des forces del'ordre en fin de manifestation provoque inlassab<strong>le</strong>ment des affrontementsdébouchant sur des arrestations. L'ordre sécuritaireprend un malin plaisir à attiser <strong>le</strong> feu de la contestation. Le <strong>le</strong>ndemain,une poignée de manifestants passent en comparution immédiateet sont condamnés à des peines de prison ferme. Letribunal embastil<strong>le</strong>, il faut des sanctions à caractère exemplaire.Pourquoi une tel<strong>le</strong> justice de classe exemplaire?C'est habituel<strong>le</strong>ment entre <strong>le</strong> centre commercial du Ruban b<strong>le</strong>u etla sous-préfecture que surviennent <strong>le</strong>s heurts entre forces de l'ordreet manifestants. La fou<strong>le</strong> arrête sa marche au niveau de l'esplanadede l'Amérique latine. A une centaine de mètres de là, <strong>le</strong>sgendarmes mobi<strong>le</strong>s font face pour barrer la route de la sous-préfecture.Une partie des manifestants est tentée alors de s'approcherdu cordon policier. Il s'ensuit des tirs de gaz lacrymogènespour <strong>le</strong>s repousser auxquels répondent des jets de projecti<strong>le</strong>s. Lesgaz n'épargnent personne, pas même ceux restés en arrière ou <strong>le</strong>quidam venu faire son shopping. Les forces de l'ordre laissent«jouer» <strong>le</strong>s manifestants <strong>le</strong>s plus énervés. On filme, on photograhie,on repère, ce qui a <strong>le</strong> don d'attiser un peu plus la colère. Puis vientla charge des gardes mobi<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s gaz lacrymogènes pour vider laplace de ses manifestants. La traque s'organise avec la BAC dans <strong>le</strong>centre-vil<strong>le</strong> ou au Ruban b<strong>le</strong>u. Les raflés sont gardés à vue entre 24et 48 heures au commissariat. Pour, <strong>le</strong>s plus malchanceux, c'est uneprocédure de comparution immédiate qui <strong>le</strong>s attendent <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemainau tribunal correctionnel.La quasi-totalité des inculpés ont accepté la comparution immédiate,pensant que la tactique du profil bas et de la bonne volonté susciteral'indulgence du tribunal. Vous êtes jugé «à chaud» et vous disposezde maigres moyens pour vous défendre. Imaginez une interpellationmusclée, une absence de sommeil, des pressions policières pour vousfaire «avouer», un commis d'office qui a eu accès au dossier cinq minutesavant <strong>le</strong> procès, aucune pièce de la défense, et vous pourrezjauger de votre capacité à vous défendre en ce moment crucial. Detoute façon, vous n'avez rien à dire. On vous demande de baisser <strong>le</strong>syeux et d'écouter <strong>le</strong> pouvoir vous sermonner. Excel<strong>le</strong>nte mise enscène pour <strong>le</strong>s journa<strong>le</strong>ux et <strong>le</strong> public venus assister à cette parodiede justice. Une dizaine de policiers, au fond de la sal<strong>le</strong>, font face aujuge. La sonnerie retentit et <strong>le</strong>s jeux sont déjà faits.Dans quelques heures, quelques joursnous allons entrer dans un rapport deforce avec <strong>le</strong> pouvoir en place maisplus motivés que jamais. Nous ne bougeronspas!Nous avons besoin de relais dansTOUS <strong>le</strong>s réseaux, que <strong>le</strong>s gens viennentnous rejoindre (afin de résisteraux bulldozers et aux CRS qui ne tarderontpas à venir nous déloger!), quedes camps se montent un peu partout(Montpellier est en train de se bougerpour ça, une occupation à Limoges depuisune semaine, ils ne sont que 5,mais ils tiennent!) Bref si vous croyezun tant soin peu à la révolution ouvrezvos yeux et venez voir ce qui se passeà Toulouse!!!Les faits rapportés et vos propos déformés par la police sont toutd'abord relatés. Il y a des films et des photos à l'appui. Puis, c'est autour du procureur: comportements intolérab<strong>le</strong>s pour une démocratie,mauvaise image de la vil<strong>le</strong>, agissements imbéci<strong>le</strong>s d'une minoritéd'énervés. On essaie de stigmatiser une minorité de manifestantsivres et irresponsab<strong>le</strong>s en marge du cortège des syndicats. Lesavocats soulignent <strong>le</strong> manque de preuves (simp<strong>le</strong> déclaration de flic),<strong>le</strong>s pressions subies par <strong>le</strong>s gardés à vue et <strong>le</strong>urs droits bafoués (notificationdu droit au si<strong>le</strong>nce), des condamnations lourdes qui n'ontaucune efficacité, la tradition nazairienne de lutte. Le délibéré estcourt, la condamnation s'ensuit. Vous quittez la sal<strong>le</strong> d'audiencepour la maison d'arrêt de Nantes sous <strong>le</strong>s cris indignés de vos camarades.Le même tribunal, qui mit quatre ans pour relaxer <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>sde l'effondrement de la passerel<strong>le</strong> du Queen Mary II (16morts), emprisonne cette fois-ci sans tergiverser.Les profils des inculpés sont variés : lycéens, précaires, contractuelde la fonction publique, docker, agent de sécurité, ouvriers du bâtimentet de la construction nava<strong>le</strong>, cheminot. On est loin de l'imageque <strong>le</strong>s médias locaux s'acharnent tant à véhicu<strong>le</strong>r : cel<strong>le</strong> du du«casseur» venu en manif pour en découdre avec <strong>le</strong>s forces de l'ordre.Les motifs d'inculpation sont dérisoires comparés aux peinesprononcées : jets de canettes vides sur une voiture ou en directiondes forces de l'ordre, renvoi de goupil<strong>le</strong> de grenade, participation àun attroupement «armé», etc. Les flics n'hésitent pas à se porterpartie civi<strong>le</strong> pour «choc psychique et traumatisme moral» afin depercevoir des indemnités. De toutes <strong>le</strong>s «vio<strong>le</strong>nces» subies par <strong>le</strong>sforces l'ordre, pas une seu<strong>le</strong> n'a entraînée d'interruption temporairedu travail. Bien souvent des cannettes vides à opposer à unimpressionnant arsenal policier: grenades offensives, gaz lacrymogène,flash-ball, tonfa.Inversement, l'exercice de la vio<strong>le</strong>nce par <strong>le</strong>s flics eurent des conséquencesplus douloureuses: poignets cassés pour une passante, tabassageslors des interpellations, pressions mora<strong>le</strong>s lors des gardesà vue. Sans par<strong>le</strong>r de la vio<strong>le</strong>nce de l'incarcération pour <strong>le</strong>s inculpésplacés en mandat de dépôt. Pas un mot dans <strong>le</strong>s médias locauxà ce sujet, mais des paragraphes entiers sur la «casse» en centrevil<strong>le</strong> et au Ruban b<strong>le</strong>u, des petits groupes prêts à l'affrontement,voire des engins incendiaires, une pluie de pavés s'abattant sur <strong>le</strong>sforces de l'ordre (!), <strong>le</strong> tout illustré par des images de jeunes encagouléslançant des projecti<strong>le</strong>s. Malgré la volonté des autorités etdes médias de scinder <strong>le</strong> mouvement social entre <strong>le</strong>s «casseurs»et <strong>le</strong>s manifestants, des actions de soutien se sont organisées enfaveur des inculpés : rassemb<strong>le</strong>ments devant <strong>le</strong> commissariat et <strong>le</strong>tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, col<strong>le</strong>ctes et caisses de soutien,appui moral en prison. Une solidarité face à un abattage judiciairetraduisant une volonté politique de mettre au pas une classeouvrière nazairienne tentée parfois de répondre à la vio<strong>le</strong>nce économiquepar la révolte.Je milite depuis 20 ans et <strong>le</strong>s personnesqui viennent, prennent la paro<strong>le</strong> en AG,s'éveil<strong>le</strong>nt à la conscience politique,ceux qui se réapproprient l'espace publicet la paro<strong>le</strong> on ne <strong>le</strong>s a jamais vuavant dans <strong>le</strong>s cerc<strong>le</strong>s militants! C'estun gros ras <strong>le</strong> bol et ils savent qu'il esttemps d'agir! Oui décidément ici il sepasse quelque chose!Vous pouvez al<strong>le</strong>r voir nos actions: soutienaux biffins (vendeurs à la sauvette),journée contre la vidéosurveillance, actionavec <strong>le</strong> CNR, soutien aux tunisiens,aux chibanis, aux expulsions encours.... (bref on est partout!) surhttp://antiloppsi2.net col<strong>le</strong>ctifs locaux.Anne nomade et citoyenne en mouvement! 26/01/2001-courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201123


LOPPSI‘tion sécuritairePsychiatrieUne politique de soins sécuritaireLA FRANCE COMPTE PARMI LES PAYS EUROPÉENS QUI PRÉSENTENT LE NOMBRE LE PLUS ÉLEVÉ D’HOSPITALISATIONS SOUSCONTRAINTE AINSI QUE LA DURÉE DE SÉJOUR LA PLUS LONGUE. LA LOI DU 27 JUIN 1990 QUI RÉGIT LA PSYCHIATRIE,N’EST QU’UN SIMPLE TOILETTAGE DE LA LOI DU 30 JUIN 1838, ET MÉRITERAIT D’ÊTRE ABROGÉE EN FAVEUR D’UNE LOI DEDROIT COMMUN. MAIS LE NOUVEAU PROJET DE LOI RELATIF «AUX DROITS ET À LA PROTECTION DES PERSONNES FAISANTL'OBJET DE SOINS PSYCHIATRIQUES ET À LEURS MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE», PRÉTEXTE À ENRICHIR L’ARSENAL «SÉ-CURITAIRE» DU POUVOIR, PROFILE UNE SOCIÉTÉ DE SURVEILLANCE, UNE PSYCHIATRIE RÉPRESSIVE ET UNE POLITIQUE DE LAPEUR. ELLE MENACE D’INSTITUER DES MESURES D’EXCEPTION CONTRE LES MALADES MENTAUX: «GARDE-À-VUE PSYCHIA-TRIQUE DE 72 H», «CASIER PSYCHIATRIQUE», SOINS SOUS CONTRAINTE, Y COMPRIS EN DEHORS DE L’HÔPITAL, ASSORTISDE MENACES D’INTERNEMENT EN CAS DE REFUS ET TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX OBLIGATOIRES.Une décision du conseil constitutionnelconstitue peut-être un camouf<strong>le</strong>taux politiques poussées par <strong>le</strong> chefde l'état depuis son discours du 2 décembre2008, relatif aux obligations de soins psychiatriquesen ambulatoire (hors hospitalisation).LOGIQUE DE PEUR ETCRIMINALISATION DE LA FOLIELe 13 novembre 2008, un patient en fugued’un hôpital psychiatrique, poignarde mortel<strong>le</strong>mentun étudiant à Grenob<strong>le</strong>. En réaction,<strong>le</strong> président de la République réclameun fichier national des hospitalisationsd’office, puis une réforme de l’hospitalisationpsychiatrique consistant à mieux encadrer<strong>le</strong>s sorties des établissements et àaméliorer la surveillance des patients susceptib<strong>le</strong>sde représenter un danger pour autrui.L’UMP, quant à el<strong>le</strong>, ressort la détectionprécoce des comportements vio<strong>le</strong>nts,consistant à col<strong>le</strong>r dès l’enfance à un individul’étiquette de «fou dangereux», pour<strong>le</strong> maintenir aux marges de la société.Un premier pas avait été franchi avec la loide février 2008 sur la rétention de sûreté.Une mesure visant à maintenir enfermés <strong>le</strong>sprisonniers en fin de peine qui présententun risque très é<strong>le</strong>vé de récidive parce qu'ilssouffrent d'un troub<strong>le</strong> grave de la personnalité,lorsqu'ils ont été condamnés pour <strong>le</strong>scrimes <strong>le</strong>s plus graves, en particulier sexuels.Quand <strong>le</strong> chef de l’État annonce un plan desécurisation des hôpitaux psychiatriquesd'un montant de 30 millions d'euros, en2008, ce n’est pas pour mieux soigner. Sécurisationcela signifie: caméras de surveillance,dispositif d’a<strong>le</strong>rte avec PTI(Protection des travail<strong>le</strong>urs isolés), un meil<strong>le</strong>urcontrô<strong>le</strong> des entrées et des sorties desétablissements et à la prévention desfugues : certains patients hospitalisés sans<strong>le</strong>ur consentement pourraient être équipésd’un dispositif de géolocalisation qui, encas de fugue, déc<strong>le</strong>nchera une a<strong>le</strong>rte permettantd’informer immédiatementl’équipe soignante. La psychiatrie publiquemanque de moyens, non pas en caméras etenfermement mais en personnel qualifié,soignants, travail<strong>le</strong>urs sociaux, accompagnantsdans la cité… en capacité de soinset de suivis extra-hospitaliers, en préventionde la souffrance psychosocia<strong>le</strong>.En décembre 2008, à Antony, N. Sarkozy déclare:«La décision d'autoriser une personnehospitalisée d'office à sortir de son établissementne doit pas être prise à la légère… Jesouhaite que désormais <strong>le</strong> préfet décide dela sortie, que ce soit une sortie d'essai ou unesortie définitive, sur la base d'un avis rendupar un collège de trois soignants: <strong>le</strong> psychiatreet un infirmier qui connaissent lapersonne et ses habitudes et un psychiatrequi ne suit pas <strong>le</strong> patient. Le préfet reste librede sa décision naturel<strong>le</strong>ment, mais l'avis ducollège de santé sur la situation du patientlui permettra d'être informé et éclairé…».Plus d'un an après <strong>le</strong> discours sécuritaire deSarkozy, une circulaire envoyée en interneaux préfets, <strong>le</strong>ur demandait de vérifier <strong>le</strong>santécédents des personnes hospitaliséesd'office (HO). La ministre de la Santé, RoselyneBachelot, et <strong>le</strong> ministre de l'Intérieur,Brice Hortefeux, ont conjointement signéun document qui autorise officiel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>spréfets à outrepasser l'avis des médecins età mettre <strong>le</strong>ur veto à une sortie d'essai s'ilsestiment <strong>le</strong> patient potentiel<strong>le</strong>ment dangereux; ceci en contradiction avec la Cour européennedes droits de l’homme qui stipu<strong>le</strong>que «si la privation de liberté n’est pas justifiéepar l’aliénation, el<strong>le</strong> est alors arbitraire»et que «l’internement ne peut seprolonger sans la persistance d’un troub<strong>le</strong>mental médica<strong>le</strong>ment constaté».PROJET DE LOI SÉCURITAIREET DISCRIMINATOIREPuis à l'automne 2010 <strong>le</strong> projet de réformede la loi du 27 Juin 1990 est débattu au Par<strong>le</strong>ment.Sous <strong>le</strong> prétexte «d'améliorer l'accèsaux soins et de garantir la continuitédes soins», ce projet met en place une logiquede contrô<strong>le</strong> et de surveillance. Il estarticulé essentiel<strong>le</strong>ment autour de la dangerosité.Il est aux antipodes d'une approchequi permette de tisser une relationthérapeutique! En effet, pas un artic<strong>le</strong> neconcerne <strong>le</strong>s hospitalisations libres ou dessoins sans contraintes, alors que ceux-ci représentent80% des situations.La notion de soins sans consentement, remplacecel<strong>le</strong> d'hospitalisation, il instaure une«garde à vue psychiatrique» de 72h. quipourra passer à 6 jours avec <strong>le</strong> délai dontdisposerait <strong>le</strong> Préfet pour rendre son avis.Cette loi renforce l'hospitalocentrisme, avecla mise en place systématique d'une hospitalisationà p<strong>le</strong>in temps inaugura<strong>le</strong>, des assouplissementspour <strong>le</strong>s entrées à l’hôpitalpsychiatrique et un durcissement des procéduresde sortie.«Les soins sans consentement en ambulatoire»,donc à domici<strong>le</strong>, sont assortis d'uneobligation à accepter visites et consultations.Ils sont sous-tendus par une menaced’hospitalisation par la force publique, encas de refus.El<strong>le</strong> instaure sans <strong>le</strong> dire un fichier nationalpsychiatrique (équiva<strong>le</strong>nt du casier judiciaire):<strong>le</strong> médecin demandant que <strong>le</strong> patientbénéficie du droit commun devrasystématiquement rappe<strong>le</strong>r tous <strong>le</strong>s antécédentsd'hospitalisation sous contrainte."C'EST UN MONDE POLICIER QUI SE DES-SINE. IL FAUT SAVOIR DIRE NON!"L'Appel des 1000: lors d’un meeting à Vil<strong>le</strong>juif<strong>le</strong> 25 septembre 2010, mil<strong>le</strong> citoyens,soignants en psychiatrie, parents, patients,artistes, sociologues, psychanalystes avec laparticipation de nombreux représentantssyndicaux politiques et associatifs ont largementdébattu du projet de loi sur la psychiatrieadopté en conseil des ministres.Ces 1000 déclarent ce projet liberticide etexigent son retrait immédiat et définitif. Ils’agit en effet d’un enjeu de civilisation: <strong>le</strong>souci sécuritaire s’opposerait au soin et désigneraitdes populations à la vindicte. Lacontinuité de la contrainte remplaçant lacontinuité des soins serait non seu<strong>le</strong>mentune insulte à la souffrance des patients etde <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s mais éga<strong>le</strong>ment une insulteà la culture. Le choix serait la piqûreou l’enfermement qui plus est sous la menace;<strong>le</strong> sécuritaire s’opposant ainsi au sanitaire.La confiance dans la relation étantla condition absolue du soin, enfermer <strong>le</strong>spatients dehors sous contrainte léga<strong>le</strong> etchimique serait une caricature de la psychiatrieet témoignerait du démembrementdes conditions d’hospitalité pour la folie.Tous <strong>le</strong>s partis politiques de gauche, maisaussi tous <strong>le</strong>s syndicats de psychiatres, seprononcent pour <strong>le</strong> retrait pure et simp<strong>le</strong>du projet de loi sur l'hospitalisation en psychiatrie,qui vise à instaurer, entre autres,<strong>le</strong>s soins ambulatoires, sous contrainte.A l'issue d’un colloque tenu lundi 4 octobre2010 à l'Assemblée nationa<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong> thème«Continuité des soins ou continuité de lacontrainte?», <strong>le</strong> Col<strong>le</strong>ctif des 39 contre lanuit sécuritaire lance un appel so<strong>le</strong>nnel auxpréfets, au Conseil d’Etat, au Conseil constitutionnel,à la magistrature, au médiateur dela République, ainsi qu’à tous <strong>le</strong>s grandscorps d’Etat. … «Les soignants en psychiatrieregroupés au sein de notre col<strong>le</strong>ctif, soutenuspar 30000 signatures, vous a<strong>le</strong>rtent de24courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


LOPPSI‘tion sécuritairel’atteinte aux droits fondamentaux concomitantede la dégradation des soins…. Leprojet de réforme adopté en Conseil des ministresinstituerait «une garde à vue psychiatriquede 72 h», «un casierpsychiatrique», des soins sous contrainte assortisde menaces d’internement et voudraitfaire croire qu’une camiso<strong>le</strong> chimique administréechaque mois suffirait à la prise encharge de situations comp<strong>le</strong>xes…Une tel<strong>le</strong>politique de soins, si peu soucieuse des libertésindividuel<strong>le</strong>s, si el<strong>le</strong> devait être adoptée,ne serait pas sanitaire maissécuritaire…Les soignants que noussommes ne peuvent accepter et légitimerdes thérapeutiques régressives. Les citoyensque nous sommes ne peuvent accepter sansrien dire <strong>le</strong> démembrement de toutes <strong>le</strong>sfonctions régaliennes de l’Etat alors quel’Etat est la condition de la démocratie » (sic).L’INTERVENTION DU JUGE FAIT DÉBATLe Conseil d’Etat (n°2010-71 QPC du 26 novembre2010) frappe d’inconstitutionnalité<strong>le</strong>s artic<strong>le</strong>s du Code de la Santé Publique relatifsau régime d’hospitalisation sansconsentement à la demande d’un tiers enpsychiatrie. A l’avenir, cette hospitalisationsous contrainte ne pourra donc être prolongéeau-delà de quinze jours sans l’interventionsystématique d’un juge.En outre, la décision du Conseil Constitutionnelprécipite la question d’une loi sur <strong>le</strong>«soin sans consentement». La loi régissant<strong>le</strong>s hospitalisations contraintes (27 juin1990), et son projet de réforme déposé àl’Assemblée Nationa<strong>le</strong> <strong>le</strong> 5 mai 2010, doiventêtre révisés, avant <strong>le</strong> 1er août 2011.Cette décision fait débat dans <strong>le</strong> monde de lapsychiatrie : la crainte d'une "judiciarisationdes soins en psychiatrie" se confronte à uneforme de victoire du droit pour <strong>le</strong>s patients.Pour SUD Santé c’est une avancée en matièrede sauvegarde des libertés individuel<strong>le</strong>s.Mais, <strong>le</strong> délai de 15 jours constitueune exception en Europe, en n’imposantcette intervention qu’à posteriori. Il estcontraire à la propre jurisprudence duConseil en matière de garde à vue ou dudroit des migrants irréguliers qui prévoitcette garantie au terme de 48H.«Schizo-oui», une association d’usagers ensanté menta<strong>le</strong> est en désaccord avec ceuxqui demandent que tout soin sans consentementrelève de l’autorisation d’un jugejudiciaire. Que diab<strong>le</strong> un juge a-t-il à voiravec la nécessité de soins? Il ne pourraitque demander l’avis d’un psychiatre et celara<strong>le</strong>ntirait de façon drastique <strong>le</strong>s soins urgentset indispensab<strong>le</strong>s à l’hôpital et horshôpital dont des centaines de milliers demalades ont besoin pour recouvrer une libertéque la maladie <strong>le</strong>ur interdit. Sanscompter que la justice n’arrive pas à faireson travail ordinaire.Pour «Mais c’est un Homme. L’appel contre<strong>le</strong>s soins sécuritaires»:«Le Conseil constitutionnel introduit que laloi de 1990 est partiel<strong>le</strong>ment contraire à laconstitution et exige l’obligation de contrô<strong>le</strong>effectif d’un juge judiciaire. Cependant, <strong>le</strong>«psychiatrique» demeure toujours dansune exception… Nous considérons toujourspour notre part que la loi du 27 juin 1990n’est qu’un simp<strong>le</strong> toi<strong>le</strong>ttage de la loi du 30juin 1838, et en tant que tel<strong>le</strong> doit être abrogéeen faveur d’une loi de droit commun. Il«constitutionnalise» l’internement psychiatriqueà la française, puisqu’il rejette <strong>le</strong> placementde l’intégralité de la procédured’hospitalisation sous contrainte sous l’autorisationet <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> du juge de l’ordrejudiciaire en raison des garanties existantes…Ce camouf<strong>le</strong>t à la loi de 1990 maiséga<strong>le</strong>ment au projet sarkozyste de sa révisionne donne aucune garantie sur <strong>le</strong> retraitde ce projet pas davantage que celui de lacirculaire du 11 janvier 2010 à l’attentiondes préfets. Nous nous devons d’accentuernotre lutte contre ce projet de loi qui profi<strong>le</strong>la société de surveillance, une psychiatrieinstrumentalisée par la nouvel<strong>le</strong> gouvernanceet la politique de la peur.»LA PRISE EN CHARGE EN PSYCHIATRIE,MALADE DES COUPES BUDGÉTAIRESL’ambition des législateurs est de résoudresimultanément 2 problèmes: faire accéderaux soins <strong>le</strong>s malades incapab<strong>le</strong>s deconsentir et rendre impossib<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s «hospitalisationsabusives». Mais une loi spécifiqueà la psychiatrie, loin de favoriserl’accès aux soins, ne fait que <strong>le</strong> compliquer,l’empêcher et de toute façon <strong>le</strong> retarder.Quantité de suicides, d’accidents, de délitsauraient pu être évités si l’on avait cessé degêner l’accès des malades mentaux auxsoins <strong>le</strong>s plus précoces possib<strong>le</strong>s. Il faut parfoisattendre <strong>le</strong> troub<strong>le</strong> à l’ordre public etl’admission du patient en p<strong>le</strong>ine crise auxurgences psychiatriques pour que se pose laquestion des soins nécessaires, demandésdepuis longtemps mais resté sans réponsefaute de rendez-vous possib<strong>le</strong> avec un psychiatre,ou de place d’hospitalisation.Cette loi s'inscrit dans une stratégie de démantè<strong>le</strong>mentdu service public des soinspsychiatriques et de la santé.La fin de l'internat en psychiatrie, en 1985,a divisé par dix <strong>le</strong> nombre de psychiatres.Quelques années plus tard <strong>le</strong> diplôme d’infirmieren psychiatrie a été supprimé. Lesréformes gouvernementa<strong>le</strong>s de démantè<strong>le</strong>mentde la politique de secteur et la loi HôpitalPatient Santé et Territoire: conceptionmanagéria<strong>le</strong> de l'hôpital, ont abouti à unediminution de l’offre de soins, dans <strong>le</strong> domainede la psychiatrie publique. Il en résulteun manque général de moyensfinanciers et de professionnels dans <strong>le</strong>s établissementset un éloignement des lieux desoins pour la population. On est passé deprès de 80000 lits en 1989 à 40000 aujourd'hui.Alors que <strong>le</strong> nombre de patientssuivis en psychiatrie a été multiplié pardeux, dans la même période. Les établissementssont amenés à réduire la durée deséjour des patients, ou ont ponctuel<strong>le</strong>mentrecours à des lits supplémentaires pouraugmenter <strong>le</strong>s possibilités d’accueil. Il y adonc augmentation de la rotation des patientset diminution du taux d’encadrementpersonnel par patient.En même temps, de nombreuses structuresextra hospitalières ferment; <strong>le</strong>s alternativesà l’hospitalisation se réduisent. A cela,s’ajoute la pression gouvernementa<strong>le</strong> faiteaux établissements en matière de dispositionssécuritaires, entraînant des atteintesaux droits et libertés des patients. Les différentesstructures de soins doivent suivredes patients dont ils n’ont pas la charge habituel<strong>le</strong>ment:hors secteur géographique,mineurs en secteur adulte, détenus… Lesmoyens sont plus que limités face à l’augmentationdes malades à la rue, en prison(80% des détenus présentent un troub<strong>le</strong>mental) et ceux qui naviguent entre <strong>le</strong>s 2.DES CONDITIONS DE TRAVAIL DESSALARIÉS EN PSYCHIATRIE DÉGRADÉESComme dans <strong>le</strong> reste des fonctions publiques,une personne qui part en retraitesur deux n’est pas remplacée. Le manquede personnel soignant ou éducatif oblige àtravail<strong>le</strong>r dans des conditions extrêmementdégradées, en sous-effectifs, entraînant uneaugmentation des charges de travail. Laf<strong>le</strong>xibilité constante des horaires de travailainsi que la mobilité dans différents lieuxd’exercice favorisent l’usure professionnel<strong>le</strong>.Les tentatives de déstructuration deséquipes de soins iso<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s soignants dans<strong>le</strong>ur pratique au quotidien, <strong>le</strong>s mettantainsi en difficulté.Une formation initia<strong>le</strong> et continue ne répondantpas aux exigences des pratiquesen psychiatrie et une dérive sécuritaire audétriment de la réf<strong>le</strong>xion et des propositionsdes acteurs de terrain qui prennent encharge au quotidien <strong>le</strong>s patients complètece triste tab<strong>le</strong>au.Ce projet de loi organise l'exception psychiatriqueet cela est inacceptab<strong>le</strong>.La psychiatrie gagnerait en légitimité, en dignitéet en éthique si l’autorité judiciaireremplissait son rô<strong>le</strong> de «gardienne de la libertéindividuel<strong>le</strong>». Les projets de garde àvue psychiatrique de 72 heures (et encoreplus de 15 jours), et de «soins sans consentement»en ambulatoire, ne font que renforcerl’arsenal sécuritaire du pouvoir.L’enfermement ne doit pas être <strong>le</strong> modè<strong>le</strong>de soins psychiatriques, quand bien mêmeil s’agirait d’un enfermement dehors avectraitement chimiothérapique contraint,voire géolocalisation. Le patient psychiatriquedoit conserver ses droits; il doit bénéficierd’un droit de recours périodique eteffectif (y compris sur <strong>le</strong>s traitements).Cette décision du Conseil constitutionnel a<strong>le</strong> mérite d’ouvrir une brèche. Il y a urgenceà entamer un large débat public sur <strong>le</strong>s modalitésd’accès aux soins et l’organisationdu dispositif de psychiatrie publique, quiprenne en compte l’ensemb<strong>le</strong> de la questiondu soin psychique. Psyk’Ocourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201125


LOPPSI‘tion sécuritaireAu printempsNouveau procès pour Yvan ColonnaLA COUR DE CASSATION AYANT INVALIDÉ L’ARRÊT DE LA COUR D’AP-PEL RENDU LE 27 MARS 2009, LE MILITANT CORSE YVAN COLONNA,ACCUSÉ D’AVOIR ASSASSINÉ LE PRÉFET ERIGNAC À AJACCIO EN 1998,VA ÊTRE REJUGÉ ENTRE LE 2 MAI ET LE 1ER JUILLET DE CETTE ANNÉE 1 .SI LES DÉLAIS SONT TENUS : LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL N’ESTCONNU QUE DEPUIS QUELQUES SEMAINES, LES AVOCATS GÉNÉRAUXN’ONT PAS ENCORE ÉTÉ DÉSIGNÉS, ET ON NE SE BOUSCULE SEMBLE-T-IL PAS POUR SE PENCHER SUR CE VOLUMINEUX DOSSIER.1. Concernant l’«affaireColonna», voirnotamment CA n os 176et 189.Sitôt que la décision de la Cour de cassationa été connue, <strong>le</strong>s avocats de Colonna ont déposéune demande de remise en liberté ;mais cel<strong>le</strong>-ci a été rejetée <strong>le</strong> 30 juil<strong>le</strong>t par lacour d’appel de Paris, faisant dire à l’un deses avocats : «Dans cette affaire, décidément,la justice a du mal à prendre <strong>le</strong> passur <strong>le</strong> politique (…). Le cas Colonna est traitéde manière particulière, compte tenu du climatet des différents acteurs de ce procès.»QUELQUES ÉLÉMENTS SUR LE PROCHAINRENDEZ-VOUS JUDICIAIRELa cour d’appel qui va rejuger Colonna sera– comme cel<strong>le</strong> d’avant – «spécia<strong>le</strong>mentcomposée» : <strong>le</strong> jury, constitué de neuf jugesprofessionnels, sera – comme <strong>le</strong> présidentStephan l’a été – nommé par <strong>le</strong> premier présidentde la cour d’appel de Paris… qui a étémis en place par décret du président de laRépublique. Le verdict sera arrêté à la majoritésimp<strong>le</strong>, et, contrairement aux exigencesde la Cour européenne des droits del’homme, il ne sera pas motivé.Cependant, <strong>le</strong>s précédents procès de Colonna,en 2007 et 2009, ont suscité un fortcourant d’opinion – entre un certain malaiseet une forte indignation –, en Corse maisaussi sur <strong>le</strong> continent, par <strong>le</strong>s incidents dontils ont été émaillés comme par <strong>le</strong> refus deprocéder à une reconstitution des événementssur place ou de mener <strong>le</strong>s complémentsd’enquête que des faits nouveauxrendaient nécessaires. Les rapports réaliséspar <strong>le</strong>s deux délégations de la Fédération internationa<strong>le</strong>des droits de l’homme (FIDH)qui y ont assisté ont fait clairement ressortir<strong>le</strong> parti pris de la «Justice» : non seu<strong>le</strong>mentaucun fait tangib<strong>le</strong> n’est venu étayerl’accusation, mais encore de nouveaux élémentsen ont montré la fragilité. Et pourtant,la cour d’appel a alourdi lacondamnation de Colonna à la perpétuitépar la peine de sûreté de 22 ans – la sanctionla plus lourde prévue par <strong>le</strong> code pénal.La décision de la Cour de cassation d’invaliderl’arrêt de cette cour d’appel renforce <strong>le</strong>doute sur son impartialité. Et contrairementaux déclarations (largement reprises dans<strong>le</strong>s médias) des parties civi<strong>le</strong>s et d’Alliot-Marie, garde des Sceaux à l’époque, cette décisionne porte pas sur un infime détail deprocédure, mais sur la façon dont cette coura traité <strong>le</strong>s témoins à décharge. Car el<strong>le</strong> <strong>le</strong>sa empêchés de s’exprimer norma<strong>le</strong>ment, eta cherché à <strong>le</strong>s déstabiliser ou à porter atteinteà <strong>le</strong>ur crédibilité – en particulierconcernant Aurè<strong>le</strong> Mannarini, expert en balistique.La Cour de cassation a de plussanctionné une certaine façon de mener <strong>le</strong>sdébats, <strong>le</strong> président n’ayant rien à demanderau principal témoin oculaire mais multipliant<strong>le</strong>s questions à quelqu’un quin’avait rien vu…Il sera diffici<strong>le</strong> de refuser une fois de plus lareconstitution sur place. De même qu’il seradiffici<strong>le</strong> d’ignorer <strong>le</strong>s éléments nouveauxsur <strong>le</strong> dossier de la téléphonie, qui montrentque <strong>le</strong> «scénario» officiel sur <strong>le</strong>quel reposel’accusation ne correspond pas à la façondont <strong>le</strong>s choses peuvent s’être passées àAjaccio <strong>le</strong> 6 février 1998. La défense est résolueà arracher ce complément d’information,«avec notamment un transport et unereconstitution à Ajaccio», ainsi qu’une expertisebalistique.LA MEILLEURE DES DÉFENSES :UNE GROSSE MOBILISATIONLes interférences entre <strong>le</strong>s pouvoirs exécutifet judiciaire ont joué à l’évidence. Mais, àl’approche de la nouvel<strong>le</strong> présidentiel<strong>le</strong>, Sarkozy– qui a allègrement violé <strong>le</strong> droit à laprésomption d’innocence en 2003, en déclarantcoupab<strong>le</strong> Colonna lors de son arrestation– va devoir compter ses voix s’il veutêtre réélu.Or, l’affaire Colonna a provoqué en Corse unmouvement qui en ébran<strong>le</strong> <strong>le</strong>s structurespolitiques traditionnel<strong>le</strong>s : aux dernièresé<strong>le</strong>ctions territoria<strong>le</strong>s, la liste autonomisteFemu a Corsica conduite par Gil<strong>le</strong>s Simeoni,l’un des avocats de Colonna, est arrivée entête avec 26% des voix ; et si on ajoute à cescore celui des indépendantistes, <strong>le</strong>s listesnationalistes ont totalisé 35%. A Cargèse, <strong>le</strong>village des Colonna, el<strong>le</strong>s frô<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s 65%…tandis que l’UMP atteint pénib<strong>le</strong>ment 22%.De même, <strong>le</strong> nouveau quotidien d’information(numérique) insulaire 24 ore vient defaire voter son <strong>le</strong>ctorat afin de déterminerla personnalité insulaire qui a <strong>le</strong> plus marqué2010… et <strong>le</strong>s trois avocats d’Yvan Colonnaarrivent, ensemb<strong>le</strong>, à près de 40 % desvoix ! Simeoni vient même en tête du classement(25 %), suivi par Sollacaro (9 %) –tandis que <strong>le</strong> président de l’Assemblée territoria<strong>le</strong>D. Bucchini se place en troisièmeposition (8 %) et que la représentante del’UMP dépasse à peine 6 %. Bref, <strong>le</strong>s enjeuxpolitiques autour de l’affaire Colonna deviennentconsidérab<strong>le</strong>s – une donne que <strong>le</strong>candidat Sarkozy aura du mal à ignorer indéfiniment.Le procureur général Nadal, premier magistratdu parquet, a quant à lui demandé, dansson discours prononcé <strong>le</strong> 7 janvier à l’audiencede rentrée de la Cour de cassation,que la séparation entre pouvoir exécutif etpouvoir judiciaire soit effective. Or donc, el<strong>le</strong>ne l’était pas? Cette prise de position décou<strong>le</strong>du scanda<strong>le</strong> qui a agité <strong>le</strong> monde politico-judiciairependant des mois, et dans<strong>le</strong>quel <strong>le</strong> procureur de Nanterre PhilippeCourroye a si bien joué son rô<strong>le</strong> d’affidé del’Elysée. La volonté du politique d’instrumentaliser<strong>le</strong> judiciaire au service d’intérêtsprivés est une fois de plus ressortie.Alors, avec cette redistribution des cartespoliticiennes et judiciaires, <strong>le</strong> jeu sera peutêtremoins verrouillé, lors du nouveau procèsqui attend Yvan Colonna. Mais il fautaussi, et surtout, tab<strong>le</strong>r sur une forte mobilisationen sa faveur pour que s’inverse <strong>le</strong>cours des choses. Vanina26courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


LOPPSI‘tion sécuritairePour 2012 une LOPPSI 3 de gauche?LE PS VIENT DE PUBLIER SES PROJETS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ. TANDIS QUE SE MULTIPLIENT LESPROTESTATIONS ET LES ACTIONS CONTRE LA LOPPSI 2 DU GOUVERNEMENT SARKOZY, IL N’ESTPAS INUTILE DE VOIR COMMENT NOS PRÉTENDANTS AU TRÔNE ENTENDENT ABORDER CETTEQUESTION. OR, AU DELÀ D’UNE DÉCLARATION D’INTENTION IDÉOLOGIQUE, ATTAQUER LES INÉGA-LITÉS PAR LA RACINE (CHÔMAGE ET INÉGALITÉS SALARIALES, GHETTOÏSATION URBAINE, ÉCHECSCOLAIRE, DÉLITEMENT DE LA FAMILLE, DURETÉ DES RELATIONS AU TRAVAIL), CE NE SONT QUEMESURES CLAIREMENT RÉPRESSIVES DANS LE DROIT FIL DE 20 ANNÉES D’EMBELLIE SÉCURITAIRELA SÉCURITÉ AVANT LA LIBERTÉEn 1981, Pierre Mauroy avait déclaré (pendantla campagne é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>!): «La droitedit: la première liberté, c’est la sécurité.Nous disons au contraire: la première sécurité,c’est la liberté» En janvier 1995, avec lapremière loi d’orientation et de programmationrelative à la sécurité (LOPS) deChar<strong>le</strong>s Pasqua (gouvernement Balladur), <strong>le</strong>propos est retourné dans l’affirmation quifonde la philosophie des quinze années quisuivront en matière de sécurité: «la sécuritéest un droit fondamental et l’une des conditionsde l’exercice des libertés individuel<strong>le</strong>set col<strong>le</strong>ctives». Lorsque Jospin arrive au pouvoiren 1997, on aurait pu s’attendre à cequ’il remette <strong>le</strong> propos de son camaradeMauroy sur ses pieds en plaçant de nouveaula liberté au-dessus de la sécurité. Eh biennon!, il assume sa préférence pour la philosophiepasquaienne: «Il n’y a pas de choixentre la liberté et la sécurité. Il n’y a pas deliberté possib<strong>le</strong> sans la sécurité.». La voie estouverte par l’ex-trotskyste, et l’ex-dirigeantde la gauche socialiste J.-P. Chevènement vas’y précipiter. Le ministre de l’intérieur qualifie<strong>le</strong>s jeunes délinquants de banlieue de«petits sauvageons qui vivent dans <strong>le</strong> virtuel»qu’il faut enfermer dans des «centresde retenue» en supprimant <strong>le</strong>s prestationsfamilia<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>urs parents. C’est en 2001qu’est adoptée la Loi sécurité quotidienne(LSQ) – prétextée par <strong>le</strong>s attentats du 11 septembre–, qui, entre autres, faisait de tout citoyenun «présumé suspect». Sarkozyn’aura plus, un peu plus tard qu’à en préciser<strong>le</strong>s contours, par exemp<strong>le</strong> en remplaçant«indice faisant présumer» par «une ou plusieursraisons plausib<strong>le</strong>s de soupçonner».Avec cette LSQ de l’Union de la gauche (avecDominique Voynet, M.-G. Buffet, Gayssot,etc.) qui, la première met <strong>le</strong>s cages d’escalierà l’index, organise <strong>le</strong> flicage d’internet,instaure <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>s d’identité préventifset j’en passe, Sarkozy n’aura plus qu’à sebaisser pour ramasser des fruits bien mûrset jouir d’un consensus parfait. Le résultatde cette frénésie sécuritaire de gauche ne sefit pas attendre: quelques mois plus tard,Jospin était éliminé au premier tour des présidentiel<strong>le</strong>sau profit de Le Pen. Ce qui n’empêchapas <strong>le</strong>s composantes de l’Union de lagauche d’accuser cel<strong>le</strong>s et ceux qui refusaientde choisir entre <strong>le</strong> facho et l’escroc,de faire <strong>le</strong> jeu… du FN. Avec l’é<strong>le</strong>ction deChirac puis cel<strong>le</strong> de Sarkozy il ne restait plusaucun obstac<strong>le</strong> au dérou<strong>le</strong>ment régulier duprocessus sécuritaire. La liberté était oubliéepour longtemps.LA FIDÉLITÉ DES CAMARADESQuinze ans plus tard, <strong>le</strong> PS s’apprête à reveniraux affaires et pour l’y aider, il vient depublier ses 22 propositions pour apporter <strong>le</strong>sréponses justes et efficaces à la délinquance:Pour un pacte national de protectionet de sécurité publique, qui débutetoujours de la même manière: «la sécuritéest un droit fondamental… Il n’y a pas dedroits de l’Homme sans sécurité.» La libertéest remplacée par <strong>le</strong>s Droits de l’Hommemais c’est quand même la sécurité quiprime. Le tournant Jospinien est confirmé et<strong>le</strong>s propos trentenaires du prédécesseurd’Aubry à la mairie de Lil<strong>le</strong> oubliés encore.Que dit ce texte dont, surprise!, LaurentMucchielli nous affirme qu’il représente«une avancé une indéniab<strong>le</strong> et importante»et représente une rupture avec la périodeJospin qui «avait voulu jouer <strong>le</strong>s durs» en reprenantà son compte <strong>le</strong>s thèmes de ladroite? Tout d’abord que <strong>le</strong> nombre de policierset de gendarmes a diminué depuis Jospinet <strong>le</strong>s crédits avec… et <strong>le</strong> texte du PS s’enplaint. Drô<strong>le</strong> de rupture! L’objectif d’unegauche au pouvoir sera d’atteindre 100000gendarmes et 105000 policiers qui permettrontune présence quotidienne des forcesde sécurité et de justice. On créera en outredes zones de sécurité prioritaires et on remettrasur la tab<strong>le</strong> la police de quartier. Decela aussi Mucchielli se félicite, lui qui déploraitque policiers et gendarmes n’étaientplus sur <strong>le</strong> terrain! On aimerait bien quenotre sociologue ail<strong>le</strong> vivre quelques tempsà la lisière de certaines cités où qu’il participeà certaines manifestations ou encorefasse acte de présence aux mil<strong>le</strong> et un procèsqui se succèdent depuis deux ans. Ilverra si <strong>le</strong>s forces de l’ordre ne sont plus sur<strong>le</strong> terrain! Dans <strong>le</strong>s 22 propositions ontrouve une série de mesures qui sont uneparfaite langue de bois. La vidéosurveillance?Ce n’est pas une solution-mirac<strong>le</strong>.OK. «El<strong>le</strong> ne sera utilisée que lorsqu’el<strong>le</strong> serauti<strong>le</strong>» (une «avancée considérab<strong>le</strong>» nous ditencore Mucchielli), mais qui décidera del’utilité? El<strong>le</strong> ne sera utilisée que dans desendroits clos précise <strong>le</strong> programme PS; trèsbien mais quand on voit <strong>le</strong> nombre demaires PS qui <strong>le</strong>s utilisent dans <strong>le</strong>ur vil<strong>le</strong> etqui ont même été à la pointe de la mise enplace de ce système totalitaire on voit bienque <strong>le</strong> programme du PS n’est que poudreaux yeux. Sur <strong>le</strong> plan des sanctions, el<strong>le</strong>s devrontêtre appliquées très rapidement, <strong>le</strong>smaires pourront saisir la justice au nomd’un col<strong>le</strong>ctif, <strong>le</strong>s TIG se multiplieront et certainsrécidivistes seront interdits d’accès àcertains quartiers. Quant à l’éco<strong>le</strong>, là nonplus pas de ruptures avec <strong>le</strong>s philosophiesprécédentes : enfermement, encadrement,répression. Internats pédagogiques pour <strong>le</strong>sélèves en situation de rupture, encadrementpar un tuteur référent pour chaque élèveexclu définitivement, cellu<strong>le</strong>s de veil<strong>le</strong> éducativepour repérer très tôt <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s ducomportement. Évidemment on ne nous ditni ce que seront ces internats et ces encadrements,ni <strong>le</strong>s méthodes utilisées pour repérer<strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s (on peut craindre <strong>le</strong> pire!)Quant aux propositions sur l’urbanisme ontouche à la fois <strong>le</strong> sommet des politiques sécuritaireet <strong>le</strong> puit sans fond de la langue debois politicienne. Le programme des socialistess’appuie sur <strong>le</strong> développement de la«prévention situationnel<strong>le</strong> des vio<strong>le</strong>nces urbaines»,ce qui revient à s’aligner sur la doctrinede l’ancien préfet de Paris, Jean-PierreDuport qui préconise la notion d’espace défendab<strong>le</strong>comparant la prévention de la délinquancecontre <strong>le</strong>s «sauvageons» à cel<strong>le</strong> del’incendie ! (Duport fut <strong>le</strong> chef de cabinet deJ.-P. Chevènement). Aménager <strong>le</strong>s lieux pourexclure <strong>le</strong> crime de certaines zones estchose ancienne. Le PS appel<strong>le</strong> cela «rapprocherau lieu d’iso<strong>le</strong>r…» Encore une fois <strong>le</strong>smaires PS l’entendent d’une toute autre manière: éparpil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s pauvres, <strong>le</strong>s rendremoins visib<strong>le</strong>s et quadril<strong>le</strong>r l’espace et préservant<strong>le</strong>s centres vil<strong>le</strong>s bobo-commerçants,<strong>le</strong> cœur de son é<strong>le</strong>ctorat. Gageonstoutefois que dans <strong>le</strong>s mois qui vont suivreil en est au PS qui trouveront que ce texteest trop… libéral. Langardcourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201127


sans frontière28Tunisie Des événements quin’étaient pas censés se produireLA RÉVOLTE TUNISIENNE C’EST L’ÉMERGENCE DU BAS DE LA SOCIÉTÉ AUNEZ ET À LA BARBE DU TYRAN MAIS AUSSI DE TOUS CEUX QUI ŒU-VRAIENT À LE DÉCHOIR PAR DES MOYENS DITS DÉMOCRATIQUES ET LÉ-GAUX POUR PRENDRE SA PLACE. L’ENJEU DES MOIS À VENIR EST DESAVOIR SI «CEUX D’EN BAS» PARVIENDRONT À SORTIR PLUS FORTS ETMIEUX ARMÉS POUR AFFRONTER LA NOUVELLE FORME DE POUVOIR QUINE MANQUERA PAS DE SE METTRE EN PLACE. ET SI CE RAPPORT DEFORCE S’APPUIERA ET SE RENFORCERA GRÂCE À UN EFFET DE DOMINOS,TANT CRAINT DES CLASSES DOMINANTES, DANS LE MONDE ARABE.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011BEN ALI ET LA CLASSE POLITIQUEFRANÇAISE, DES AMIS DE VINGT-CINQ ANS!Le 11 janvier dernier, devant l’Assembléenationa<strong>le</strong>, Mme Alliot-Marie proposait unecollaboration policière au régime qui venaitde zigouil<strong>le</strong>r par bal<strong>le</strong>s une soixantaine decivils. La France entendait faire bénéficier laTunisie du «savoir-faire de [ses] forces de sécurité»afin de «rég<strong>le</strong>r des situations sécuritairesde ce type», expliquait-el<strong>le</strong>, pour que«<strong>le</strong> droit de manifester soit assuré, de mêmeque la sécurité». L’«apaisement peut reposersur des techniques de maintien de l’ordre».L’interprétation de la situationtunisienne par la diplomatie française étaitdonc qu’il s’agissait d’un dérapage desforces de l’ordre par manque de professionnalisme!Les causes réel<strong>le</strong>s des troub<strong>le</strong>s, Alliot-Mariene <strong>le</strong>s évoquait pas: «Plutôt quede lancer des anathèmes, notre devoir estde faire une analyse sereine et objective dela situation» et de «ne pas s’ériger en donneurde <strong>le</strong>çons». Le 13 janvier, alors que BenAli se préparait à annoncer qu’il ne se représenteraitpas… en 2014, <strong>le</strong> Quai d’Orsayremettait <strong>le</strong> couvert, estimant : «La Francedispose d’un savoir-faire reconnu en matièrede maintien de l’ordre dans <strong>le</strong> respectde l’usage proportionné de la force afind’éviter des victimes ». Le <strong>le</strong>ndemain matin,une autre note jugeait «positivement» <strong>le</strong>smesures annoncées par <strong>le</strong> gouvernementtunisien. Toutes ces déclarations ne sont enfait que la continuation d’une bel<strong>le</strong> histoired’amour entre la droite gaulliste et la dictaturetunisienne. En vacances en Tunisie en1998, <strong>le</strong> président de la République JacquesChirac déclarait: «Le premier des droits del’homme c’est manger, être soigné, recevoirune éducation et avoir un habitat», ajoutant:«De ce point de vue, il faut bien reconnaîtreque la Tunisie est très en avance surbeaucoup de pays». En avril 2008, Sarkozyétait fait citoyen d’honneur de la vil<strong>le</strong> deTunis: «Il m’arrive de penser que certainsdes observateurs sont bien sévères avec laTunisie, qui développe sur tant de pointsl’ouverture et la tolérance», déclarait-il àcette occasion. Au même moment, FadelaAmara, ni pute ni soumise mais secrétaired’Etat chargée de la politique de la Vil<strong>le</strong>, déclaraitque la «France doit soutenir <strong>le</strong> régimetunisien au nom de la lutte contrel’islamisme». Sitôt <strong>le</strong>s premiers si<strong>le</strong>ncespuis <strong>le</strong>s premiers communiqués de la ministredes Affaires étrangères, MartineAubry, dans son rô<strong>le</strong> d’opposante, a dénoncé<strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce assourdissant du gouvernementfrançais pendant <strong>le</strong>s émeutes et est ensuiteallée jusqu’à réclamer la démission d’Alliot-Marie. Mais là, <strong>le</strong> moins qu’on puisse dire,c’est qu’el<strong>le</strong> ne manque pas d’air –et pourtant,aucune voix au PS ne s’est é<strong>le</strong>véecontre l’outrecuidance, la démagogie etl’amnésie dont a ainsi fait preuve la secrétairedu PS. En juin 1989, deux ans aprèsl’accession de Ben Ali à la présidence de laTunisie, François Mitterrand, alors présidentde la République française, faisait état desprogrès de la démocratie dans ce pays. En1997, <strong>le</strong> ministre des Affaires étrangères deJospin, Hubert Védrine, que l’on a vu enguest star du mitterrandisme lors du 15 e anniversairede la mort du sphinx, assuraitBen Ali du soutien de la France «au modè<strong>le</strong>démocratique tunisien», et lui «confirmait»«<strong>le</strong>s orientations du Président Chirac», prédécesseurde Mitterrand. Au même moment,Amnesty international rappelait quela Tunisie comptait 2000 prisonniers politiqueset que la répression était en train des’y étendre aux famil<strong>le</strong>s des détenus. Beaucoupplus récemment, <strong>le</strong> 24 mars 2010, <strong>le</strong>maire socialiste de Paris Bertrand Delanoëestimait: «[La Tunisie] est non seu<strong>le</strong>mentsur la bonne voie, mais el<strong>le</strong> réussit mieuxque <strong>le</strong>s pays comparab<strong>le</strong>s, et parfois mêmemieux que des pays dits développés, entermes de croissance.» Il ajoutait: «Le PrésidentBen Ali, en 1987, a permis qu’il y aitune évolution, une transition sans ruptureet sans qu’il y ait de heurts entre <strong>le</strong>s Tunisienseux-mêmes.» Mais, au fond, rien debien étonnant à ce concert de louanges: <strong>le</strong>parti de Ben Ali, <strong>le</strong> Rassemb<strong>le</strong>ment constitutionneldémocratique, est un membre,déjà ancien, de l’Internationa<strong>le</strong> socialiste…(Non, c’est plus vrai : il en a été exclu <strong>le</strong>… 17janvier 2011!) … tout comme, en Côted’Ivoire, <strong>le</strong> Front populaire ivoirien de LaurentGbagbo (menacé d’exclusion… fin décembre2010!). Un parti frère, quoi! UneInternationaaa<strong>le</strong>uuu présidée par <strong>le</strong> très socialisteGeorges Papandréou, chargé par <strong>le</strong>FMI de son camarade Strauss-Kahn d’étrang<strong>le</strong>r<strong>le</strong> peup<strong>le</strong> grec. Détail! Le genre humainn’est plus ce qu’il était!UNE RÉVOLUTION PARTIE D’EN BAS…Les interprétations «conspirationnistes» nemanqueront pas pour expliquer <strong>le</strong>s événementsde Tunisie. Qui a tiré <strong>le</strong>s ficel<strong>le</strong>s? LesEtats-Unis? Les islamistes? L’Iran? L’Arabiesaoudite? Le Mossad? Bien entendu, onpeut se poser ces questions et examiner ceshypothèses, mais il est quand même à noterqu’el<strong>le</strong>s sont d’autant plus nombreuses àêtre émises que <strong>le</strong>s événements n’étaientpas attendus et semblaient «sortis de nul<strong>le</strong>part». Si de tel<strong>le</strong>s explications et hypothèsesprennent une tel<strong>le</strong> importance, c’est bienque, aux yeux de cel<strong>le</strong>s et ceux qui s’en dé<strong>le</strong>ctent,il n’est pas envisageab<strong>le</strong> que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>(ou ses composantes, si on se refuse à <strong>le</strong>considérer comme un tout) puisse agir parlui-même. Il faut trouver une cause extérieure!Et pourtant, cette révolution, quoiqu’el<strong>le</strong> puisse devenir, est partie de l’intérieurde la société tunisienne, des villages etdes régions <strong>le</strong>s plus pauvres, sans qu’aucunparti, même d’opposition, ne s’en soit mêlé,du moins au début. Les classes moyennesintel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s ou techniciennes sont arrivéesel<strong>le</strong>s aussi après, en rappelant qu’el<strong>le</strong>sétaient opposantes au régime. Mais el<strong>le</strong>sn’ont été pour rien dans <strong>le</strong> déc<strong>le</strong>nchementdes manifestations. El<strong>le</strong>s non plus ne pensaientpas que <strong>le</strong> «peup<strong>le</strong>» pouvait agir parlui-même – et de même <strong>le</strong>s gouvernementseuropéens ou la classe politique française.Pour tous ces gens, il s’agit là d’une incongruité! Comment la peur a-t-el<strong>le</strong> pu «changerde camp» sans que nul<strong>le</strong> avant-garde yait été pour quelque chose, comment des«inorganisés» ont-il pu s’organiser a minimapour renverser un régime? Incompréhensib<strong>le</strong>pour qui pense que desmouvements col<strong>le</strong>ctifs ne peuvent êtrequ’instrumentalisés en fonction de logiquesindividualistes et conspirationnistes del’Histoire. Evidemment, il est probab<strong>le</strong> quece que veut la majorité des Tunisiens, cen’est pas l’avènement d’une société sansclasses! Pas besoin de rêver pour être ensuitedéçu et aigri. Pas besoin d’exalterl’émeute en lui donnant un sens qu’el<strong>le</strong> n’apas. La majorité veut sans doute un gouvernementplus juste, moins corrompu; un capitalismesans excès… comme fina<strong>le</strong>mentla majorité des manifestants en France récemment.La situation économique de cesdernières années a en effet complètementdégradé la situation des plus modestes.Dans la concurrence mondia<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>spays à bas coûts de main-d’œuvre et à hauteproductivité, la Tunisie a été détrônée par laTurquie, la Pologne et la Roumanie –pour cequi est de la productivité– et par la Chine,l’Inde, l’Indonésie et <strong>le</strong> Bangladesh –pour cequi est des coûts de main-d’œuvre. En 2009,la croissance s’est fortement réduite ; <strong>le</strong>s récoltesde 2010 ont été mauvaises; <strong>le</strong> tourismea stagné et <strong>le</strong>s entreprises étrangèresont cessé d’investir – tant et si bien que lamoitié de chaque classe d’âge s’est retrouvéesans emploi, contre un tiers auparavant.Les emplois proposés privilégient la maind’œuvrenon qualifiée, laissant de côté <strong>le</strong>sdiplômés chômeurs dont <strong>le</strong> nombre a exploséces dernières années. La société tunisiennea formé des bac + en pagail<strong>le</strong> (d’unniveau assez bas, selon <strong>le</strong>s évaluations com-


paratives, ce qui montre bien que l’objectifde la scolarisation est autant d’assurer une«garderie» permettant <strong>le</strong> maintien de l’ordresocial, et de faire recu<strong>le</strong>r l’âge de l’inscriptionau chômage, que d’é<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> niveaude compétence). Pour autant, il ne faut pasperdre de vue que c’est dans <strong>le</strong>s mouvementsque <strong>le</strong>s objectifs se modifient, que <strong>le</strong>sgens changent, que <strong>le</strong>s langues se délient etque <strong>le</strong>s désirs s’expriment…ET QUI TENTE DE RESTER EN BASMais alors, que s’est-il passé? L’élémentsupposé déc<strong>le</strong>ncheur –<strong>le</strong> suicide d’un jeunehomme de 26 ans, Mohammed Bouazizi, <strong>le</strong>17 décembre 2010–, est riche de sens. Cevendeur ambulant s’était fait confisquer samarchandise par la police municipa<strong>le</strong>, pourn’avoir pas obtenu <strong>le</strong>s autorisations nécessaires.Il est devenu par son acte <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong>d’une économie rackettée par <strong>le</strong> clan Ben Aliet par toute une hiérarchie bureaucratiquene tolérant aucune entorse au nécessaireversement des pots-de-vin. Le jeunehomme était en outre un bac +, image forte,là encore, d’une réalité de la société tunisienne(la plus «éduquée» du monde arabe,comme aiment à <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s médias etl’intelligentsia française). S’en tenir auxtermes d’«émeutes de la faim», comme lapresse <strong>le</strong> fit généra<strong>le</strong>ment au début des événements,est trompeur car cela évacued’autres types de conflictualité –commecel<strong>le</strong>, en 2008 dans <strong>le</strong> bassin minier deGafsa, où la population s’est sou<strong>le</strong>vée contre<strong>le</strong> chômage et l’opacité des procéduresd’embauche, et a été durement réprimée. Ilne s’agit pas que d’emploi et de pouvoird’achat, mais aussi d’une volonté de re<strong>le</strong>verla tête dans un pays qui compte plus de 60%de jeunes. Certes, cette dimension de lafaim existe, mais el<strong>le</strong> renvoie davantage auxémeutes de 1984 en Tunisie qu’au divorceactuel entre <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> et l’appareil d’Etat,dans une société où manquent <strong>le</strong>s corps intermédiairescapab<strong>le</strong>s de canaliser <strong>le</strong>s révolteset de crédibiliser une démocratie àl’occidenta<strong>le</strong>. Mais, surtout, cela cache lacoupure bien réel<strong>le</strong> entre la petite et jeunebourgeoisie citadine et <strong>le</strong>s jeunes «laisséspour-compte»de l’intérieur du pays, quiajoutent à la revendication de démocratie etde liberté <strong>le</strong> refus de la précarité et du chômage.La première a joué son rô<strong>le</strong> de postulanteau poste de future classe dominante,plus en maîtrisant internet qu’en manifestant,plus en alimentant <strong>le</strong>s réseaux sociauxet en relayant l’info sur Al-Jazira ou France24 qu’en se mettant en grève; bref, el<strong>le</strong> a étéun média citoyen et, pour l’instant, a réussià être sur <strong>le</strong> devant de la scène. Mais <strong>le</strong>s secondsn’ont pas dit à ce jour <strong>le</strong>ur derniermot. En témoigne la manifestation du 24janvier dernier, qui a vu cette classemoyenne se faire conspuer dans la rue.Comme <strong>le</strong> dit Fatma Benmosbah de manièreun peu lapidaire mais évocatrice, ladeuxième manche c’est «bobo contreprolo». A noter que, dans un cas commedans l’autre, cette jeunesse a <strong>le</strong> même niveauscolaire ; la différence est bien entrevil<strong>le</strong>s et campagne, dans un pays où <strong>le</strong>s retombéessonnantes et trébuchantes de l’industrietouristique n’ont guère dépassé <strong>le</strong>squelques kilomètres autour des Clubs Méditerranée!UNE NÉCESSAIRE REMISE EN CAUSE DURÉGIME DEPUIS L’INDÉPENDANCELa plupart des opposants officiels et des «observateursétrangers» mettent l’accent surla corruption érigée en système administratif,sur une économie de prédation et un systèmemafieux mis en place par <strong>le</strong> clanfamilial au pouvoir qui décourageraient l’investissementdans des activités productrices,<strong>le</strong>s détenteurs de capitaux préférantmettre <strong>le</strong>ur argent dans la spéculation, enpremier lieu immobilière, qui ne crée pasd’emplois. Or, se fonder uniquement sur ladénonciation du système mafieux de la famil<strong>le</strong>Ben Ali pour tout expliquer cache <strong>le</strong>fond du problème, qui est la continuationd’un même régime depuis l’indépendance.S’en tenir là présente <strong>le</strong> danger que l’on assistebientôt à une sorte de revival du bouguibisme,une sorte de nostalgie d’un âged’or revisité. On l’a bien vu ces derniers joursà Monastir, où des cérémonies à la gloire du«père de la patrie» se sont déroulées dans savil<strong>le</strong> nata<strong>le</strong> sans que personne ne bronche.On voit même réapparaître des néo-destouriensdans <strong>le</strong> nouveau gouvernement, ettrois anciennes personnalités destouriennesse proposer de former une sorte de comitéde salut public. Or si <strong>le</strong> système de prédationpar un clan familial, <strong>le</strong>s Ben Ali et Trabelsi,est bel et bien né après <strong>le</strong> départ de Bourguibaen 1987, tous <strong>le</strong>s éléments d’une dictaturepermettant ce système étaient déjàen place, et c’est donc bien plutôt sur l’origineet <strong>le</strong>s fondements du régime qu’il fautse pencher. Depuis 1956, indépendance etaccession au pouvoir de Bourguiba –un régimetrès personnalisé puisqu’il est <strong>le</strong> «pèrede la nation»–, il y a eu la mise en place d’unparti unique, une répression continuel<strong>le</strong> dessyndicats (voir l’encadré) et de la gauche engénéral, qui s’est encore accentuée à la findes années 60. Le 28 janvier 1978, une grèvegénéra<strong>le</strong> est sauvagement réprimée: c’est <strong>le</strong>«jeudi noir», avec des centaines de morts.Autres révoltes en 1983… Mais la petitebourgeoisie intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> française (dont <strong>le</strong>ssocialistes) est séduite par l’idéologie modernisteproclamée, qui consiste à vouloirouvrir des ponts entre l’Orient et l’Occident.Bourguiba par<strong>le</strong> parfaitement <strong>le</strong> français, quiest la langue officiel<strong>le</strong> jusqu’en 1967 et à lacampagne d’arabisation; sa femme est française…On laisse ainsi penser qu’il a «libéréla femme tunisienne» (et c’est sans doute cequi a motivé Amara à dire des conneries). Or,pour une bonne part, il s’agit là de pure propagande.L’interdiction de la polygamie?Avant Bourguiba el<strong>le</strong> avait déjà pratiquementdisparu en Tunisie. L’avortement? Trèsbien, mais il faut savoir que cela s’intégraitdans une politique de planning plus quedans une perspective de libre choix. Le bourguibismeest apparu éga<strong>le</strong>ment comme unrempart contre l’intégrisme musulman: ilprônait un «islam modéré» et <strong>le</strong> faisait savoirpar quelques images choc (Bourguiba abu un jus d’orange à la télé en p<strong>le</strong>ine périodede jeûne). Bref, la chute de Ben Ali a dû raviverquelques angoisses du côté de la «rivegauche»! Nous allons bientôt avoir droit au«danger islamiste»! Alors, <strong>le</strong>s derniers événementsen Tunisie sont-ils une simp<strong>le</strong> révolutionde palais ou vont-ils conduire à uneprofonde transformation du pays? S’agit-ild’un nouvel épisode comme il s’en est déjàpassé beaucoup ou de l’ouverture d’un nouveaucyc<strong>le</strong> – comme cela s’est produit en1952 en Egypte lorsque Nasser renversa <strong>le</strong> roiFarouk, ou en Iran avec l’arrivée des ayatollahset <strong>le</strong> départ du Chah? Si c’est un nouveaucyc<strong>le</strong> qui se dessine –donc si l’onde dechoc se propage en partie sur <strong>le</strong> reste dumonde arabe–, cela confirmera que seu<strong>le</strong>s<strong>le</strong>s «révolutions», seuls <strong>le</strong>s soulèvementspopulaires sont à même d’obtenir des réformes,même démocratiques, qui bou<strong>le</strong>versentune société. Et que <strong>le</strong>s «démocrates»,<strong>le</strong>s sociaux-démocrates et <strong>le</strong>s politiciens légalistesqui <strong>le</strong>s promettent, pour peu qu’on<strong>le</strong>s suive, sont condamnés à l’impuissance.JPD, <strong>le</strong> 27.01.2011UGTTAprès avoir été répriméedurement sousBourguiba, l’Union généra<strong>le</strong>tunisienne dutravail (UGTT) collaboredepuis longtemps avec<strong>le</strong> régime Ben Ali. Sa directionfonctionnecomme lui : c’est uneaffaire de famil<strong>le</strong>, la famil<strong>le</strong>Jerad – du nom deson secrétaire depuisdix ans. Il s’agit d’unsyndicalisme carriériste,qui fait pressionsur <strong>le</strong>s entreprises pouren tirer des avantagespersonnels au sein del’appareil. L’UGTTmène depuis des annéesune chasse vigoureuseaux syndicalistesopposants, de l’intérieurcomme de l’extérieur.Si<strong>le</strong>ncieusependant la premièrepartie des événements,la pression et l’engagementd’une partie de sabase l’a obligée à semontrer davantage opposante; et maintenantel<strong>le</strong> fait feu detout bois pour tenter dejouer un rô<strong>le</strong> déterminantdans l’avenir etd’obtenir des postesministériels. El<strong>le</strong> tentedonc d’encadrer <strong>le</strong>mouvement de protestationen appelant àdes grèves généra<strong>le</strong>s…loca<strong>le</strong>s et séparées.L’UGTT fait partie de laConfédération syndica<strong>le</strong>internationa<strong>le</strong>(CSI), comme son homologuefrançaiseForce ouvrière.courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201129


sans frontièreAlgérieL'émeute pour <strong>le</strong> direL'ESPOIR SUSCITÉ PAR LA RÉVOLTE TUNISIENNE TRAVERSE TOUT LE BASSIN MÉDITERRANÉEN, MAIS CHACUN DES PAYSDU MAGHREB S'IL PARTAGE LES TRAITS COMMUNS DES RÉGIMES AUTORITAIRES ARABES, COMPORTE SES PROPRESCARACTÉRISTIQUES. AINSI DANS L’ALGÉRIE DES ANNÉES 2010 IL N’EST PAS DIT QUE LA VAGUE D’ÉMEUTES QUI VIENTDE SECOUER LE PAYS SOIT LE SIGNE DE LA FIN DU POUVOIR DES GÉNÉRAUX.1- il fut d’ail<strong>le</strong>urs gracieusementhospitaliséen 2005 à l’hôpitaldu Val de Grâce2- <strong>le</strong> <strong>le</strong>ader, <strong>le</strong> chef enarabe, la culture politiquearabe entretienttout un vocabulairespécifique(rais,zaim…)3- <strong>le</strong>s chaebol sont enCorée des ensemb<strong>le</strong>sd'entreprises, de domainesvariés, entretenantentre el<strong>le</strong>s desparticipations croisées.4- la hogra, c’est <strong>le</strong>mépris des autoritésalgériennes vis-à-visde sa population parextension c’est <strong>le</strong> sentimentd’exclusionqu’éprouve la jeunessealgérienne. La hagrac’est la fuite, <strong>le</strong>s harragas(<strong>le</strong>s brû<strong>le</strong>urs defrontières) ce sont cesjeunes maghrébins quitentent <strong>le</strong> tout pour <strong>le</strong>tout pour franchir laMéditerranée.FFS : Front des forcessocialistes d’HusseinAït AhmedRCD : Rassemb<strong>le</strong>mentpour la culture et ladémocratieUGTA : Union généra<strong>le</strong>des travail<strong>le</strong>urs algériensQUE SE PASSE-T-IL À LA TÊTEDE L'ETAT ALGÉRIEN?Il faut toujours rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong> pouvoir enAlgérie est en réalité aux mains des générauxqui contrô<strong>le</strong>nt l'armée et <strong>le</strong>s servicessecrets (et plus particulièrement la SécuritéMilitaire devenue Direction des Renseignementset des Services, dirigée, depuis 1990par «Tewfik» de son vrai nom Mohamed Médiène)et que <strong>le</strong> président et <strong>le</strong>s politiquesne constituent qu'une façade.Les militaires membres de cette «coupo<strong>le</strong>»sont affiliés à différents clans aux contoursplus ou moins déterminés par des intérêtséconomiques et/ou territoriaux (l'identité régiona<strong>le</strong>est forte, en Algérie «on» est d'Oran,de Constantine ou d'ail<strong>le</strong>urs) ces clans s'opposentparfois de manière très vio<strong>le</strong>ntes,pour <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> des richesses du pays, maisils n'ont jamais remis en cause son unité.Une odeur de fin de règne flotte donc surAlger, l'état de santé de Bouteflika, quicombat un cancer de la prostate depuisbientôt cinq ans (1), ses absences longueset répétées de la scène publique, l'absencede stratégie et discours d'un pouvoir centralqui attend plus qu'il n'agit ; <strong>le</strong> retoursur la scène de l'armée (nomination d'ungénéral à la tête de la police nationa<strong>le</strong>) et<strong>le</strong> départ de membres éminents du premiercerc<strong>le</strong> présidentiel lors du remaniementministériel de mai 2010 (YazidZerhouni, Chakib Khelil). Tout cela laisse àcroire que l'après Bouteflika se prépare. Leproblème c'est que <strong>le</strong> zaim (2) se croit éterne<strong>le</strong>t refuse de préparer sa succession. Orsi cel<strong>le</strong>-ci devait advenir pour cause de disparitionsubite, el<strong>le</strong> ne pourrait être quevio<strong>le</strong>nte ce qui rendrait alors l'interventionde l'armée quasi inévitab<strong>le</strong>.Il est donc important de saisir <strong>le</strong> contextedans <strong>le</strong>quel cette lutte de clans se dérou<strong>le</strong> :- remise en cause de l'alliance stratégiqueet économique avec <strong>le</strong>s USA (échec de lamise en place de la base militaire américaineAfricom) liée aux bou<strong>le</strong>versementsgéopolitiques mondiaux (enlisement des arméescoalisées en Afghanistan et <strong>le</strong> semiéchec de l’invasion de l'Irak)- rapprochement avec la Russie et la Chine,matérialisé par une collaboration techniqueet commercia<strong>le</strong> entre Sonatrach (la compagnienationa<strong>le</strong> de gaz) et <strong>le</strong>s grandes compagniesrusses (Gazprom, Lukoil, etc, )- hausse des prix des hydrocarbures- projet de la construction d'une «OPEP»du gaz- profonde crise socia<strong>le</strong> qui ravage <strong>le</strong> paysTous <strong>le</strong>s acteurs du pouvoir algérien (du FFSaux généraux) essayent donc de se positionnersur la ligne de départ d’une coursequi ne devrait plus tarder à démarrer.De nombreux indices démontrent que labatail<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s différentes factions aupouvoir a déjà commencé : attentats contrela firme algéro-améicaine Brown and RootsCondor en décembre 2006, attentat sur <strong>le</strong>palais présidentiel et <strong>le</strong> siège de la police àAlger en avril 2007, assassinat dans sonpropre bureau du chef de la police nationa<strong>le</strong>Ali Tounsi en juil<strong>le</strong>t 2010, multiplicationdes attaques contre <strong>le</strong>s civils (il ne sepasse pas une seu<strong>le</strong> journée sans qu'onrapporte une de ces attaques), on peut imaginer<strong>le</strong> climat de tension qui règne en cemoment en Algérie.UNE ÉCONOMIE EN FAILLITE...MAIS PAS POUR TOUT LE MONDELe 18 juil<strong>le</strong>t 2009 entrait en vigueur la Loi deFinance Complémentaire (LFC). Après dixans d'ouverture tous azimuts et de privatisationsà tour de bras, la politique de libéralisationencouragée par l'OMC, <strong>le</strong> FMI etl'Union Européenne et incarnée par <strong>le</strong>s Programmesd'ajustement structurel, semb<strong>le</strong>aujourd’hui terminée.L’État algérien a décidé de revoir sa copie.Après <strong>le</strong> «socialisme» et <strong>le</strong> libéralisme, <strong>le</strong>smaîtres de l'Algérie s'orientent vers un «patriotismeéconomique» tel qu’ils <strong>le</strong> définissenteux-mêmes. Symbo<strong>le</strong> de cettepolitique, l'autoroute est/ouest entre Algeret Oran, mélange grands travaux et idéologiedu progrès. Structurel<strong>le</strong>ment l'économiereste droguée au pétro<strong>le</strong>, 98% des exportationsconcernent <strong>le</strong>s hydrocarbures et l'Algérieimporte 70% de ce qu'el<strong>le</strong> consomme; 90% des produits vendus en Algérie sontcontrefaits et l'économie informel<strong>le</strong> (jolinom pour <strong>le</strong> marché noir) représenterait 60à 70% du PIB.En réalité il faut chercher dans <strong>le</strong>s privatisationsdes années 1990/2000, et plus particulièrementdans cel<strong>le</strong>s du secteur bancaire etdes hydrocarbures, <strong>le</strong>s vraies raisons de lacrise algérienne. L'entreprise c'est l'argent etl'argent c'est <strong>le</strong> pouvoir. Dans ces circonstancesil n'est donc pas question que l'argentacquiert une quelconque autonomie.Pour <strong>le</strong>s généraux algériens, <strong>le</strong> seul secteurprivé acceptab<strong>le</strong> est celui que l'on connaît,que l'on contrô<strong>le</strong>, celui où <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s nonécrites de l'allégeance priment sur toutes <strong>le</strong>sautres. Très bien conseillés par des banquierssuisses et asiatiques, <strong>le</strong>s rentiers del'armée ont su créer des montages financierscomp<strong>le</strong>xes un peu à l'images des chaebols(3) coréens. Il <strong>le</strong>ur suffisait ensuite de sedébarrasser ou de sacrifier <strong>le</strong>s intermédiairespour toucher <strong>le</strong> pot (symbo<strong>le</strong> de cettestratégie : l'affaire de la banque Khalifa).Le problème de cette stratégie est qu'el<strong>le</strong> estdépendante de l'entrée de devises or la volatilitédes cours du pétro<strong>le</strong> et la crise bancaireinternationa<strong>le</strong> ont provoqué unaffo<strong>le</strong>ment des dirigeants qui ont eu vite faitde revenir avec la LFC à un protectionnismeet à un dirigisme bien plus traditionnel enAlgérie. Les mesures phares comme <strong>le</strong> rétablissementdu crédit documentaire quioblige l'importateur à consigner en banque<strong>le</strong> montant de ce qu'il achète, la suppressiondu crédit à la consommation et l'interdictionde payer par chèque <strong>le</strong>s transactions inférieuresà 500 000 dinars ont permis dera<strong>le</strong>ntir <strong>le</strong>s importations mais par conséquentde renchérir <strong>le</strong>s produits importés.Résultat : au début de l'année comptab<strong>le</strong> etfinancière (<strong>le</strong> 1er janvier), <strong>le</strong> prix des produitsde base a explosé, <strong>le</strong> kilo de sucrepasse de 90 à 125 dinars, <strong>le</strong>s 5 litres d'hui<strong>le</strong>de 600 à 780 dinars, <strong>le</strong> salaire minimum luine bougeant pas 15 000 dinars (150 euros).Pour <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> algérien c'est l'étincel<strong>le</strong> qui amis <strong>le</strong> feu à la plaine.LA JEUNESSE ALGÉRIENNE ENTREHAGRA ET HOGRA (4)L'Algérie est un pays de jacqueries, l'émeuteest un vecteur politique fréquemment utilisé,se révolter, casser, brû<strong>le</strong>r l'hôtel des impôts,<strong>le</strong> commissariat et <strong>le</strong> palais de justicefont partie des modes d'expression du peup<strong>le</strong>algérien. Le pays est donc régulièrementsecoué d'émeutes sporadiques qui s'apaisentaussi vite qu'el<strong>le</strong>s naissent, parfoisliées à des revendications culturel<strong>le</strong>s et/ouidentitaires (comme en 2001 en Kabylie)el<strong>le</strong>s peuvent représenter des possibilités detransformations politiques et socia<strong>le</strong>s.Une des premières particularités de cettevague-ci, outre <strong>le</strong> caractère politique affiché,c’est la localisation des affrontements, Babel-Oued,c’est LE quartier d'Alger, celui oùvit un sixième de la population algéroise.Bab-el-Oued la rebel<strong>le</strong> fut <strong>le</strong> lieu de départdes émeutes de 1988, où <strong>le</strong> souvenir deschaouhadas d'octobre (martyrs) est demeurévivant. Dans la foulée de cesémeutes, la mosquée Es-Sunna, située aucœur du quartier et son imam, Ali Benhadj,30courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011


livres, revuesdevint l'un des foyers de l'islamisme.Comme à l'époque <strong>le</strong>s chiffres sont implacab<strong>le</strong>s,75% de la population algérienne amoins de 30 ans et 70% de cette jeunesse estau chômage : misère socia<strong>le</strong>, misère humaine,misère sexuel<strong>le</strong>, promiscuité dansdes logements insalubres. Le cadre de vieest infect et l'opprobre permanent : impossib<strong>le</strong>de trouver un job sans maarifa (piston),impossib<strong>le</strong> d'obtenir quoi que ce soit sanstchipa (pot de vin). L'ANSEJ (ANPE pour <strong>le</strong>sjeunes) est un machin bureaucratique quine fonctionne pas.Pourtant <strong>le</strong>s efforts de dépenses dans l'éducationont abouti à une alphabétisationconséquente et à une jeunesse diplômée.C'est cela la hogra. Avoir l'impression de necompter pour rien. Aujourd'hui plus de 80%de la population algérienne est née après <strong>le</strong>19 mars 1962 alors que l'écrasante majoritéde la classe gouvernante au pouvoir estissue de la guerre d'indépendance. Face àcette hogra, <strong>le</strong> choix de partir à tout prix apparaîtcomme la seu<strong>le</strong> alternative possib<strong>le</strong>.C'est près de 30 000 harragas (<strong>le</strong>s brû<strong>le</strong>ursde frontières) qui ont été arrêtés l'annéedernière lors de <strong>le</strong>urs tentatives illéga<strong>le</strong>sd’émigration.C'est donc cela <strong>le</strong> revers de la médail<strong>le</strong> desémeutes algériennes, une profonde désespéranceet un manque de perspectives tota<strong>le</strong>dans l'avenir. Les gestes désespérés desimmolations en sont l’image la plus spectaculaire,car la première vio<strong>le</strong>nce c’estd’abord contre el<strong>le</strong>-même que la jeunessealgérienne l’exerce : on décompte de sourcegouvernementa<strong>le</strong> 10 000 tentatives de suicidespar an en Algérie.Les émeutes de la jeunesse algérienne sontpour une fois l'expression de la rage habituel<strong>le</strong>mentcontenue et enfin retournéecontre <strong>le</strong>s véritab<strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s. La quinzainede journées d'émeutes débouchera t-el<strong>le</strong> sur autre chose qu'une protestationvaine ou une récupération politique de l'oppositionhabituel<strong>le</strong> (FFS et RCD) et des courroiesde transmission du pouvoir (UGTA etautres) ? Ou une généralisation des émeutespourrait-el<strong>le</strong> faire vacil<strong>le</strong>r <strong>le</strong> pouvoir ? Quel<strong>le</strong>sera l'attitude de la diaspora ? À l'image destunisiens appuiera t-el<strong>le</strong> ses concitoyens ?Le pouvoir, lui, semb<strong>le</strong> avoir prévu <strong>le</strong> coup. Ilse prépare à l’affrontement. Déjà en 2009 <strong>le</strong>ssalaires des flics ont augmenté de 50% avecrétroactivité sur 2 ans - soit près de 390euros : quasiment <strong>le</strong> salaire d'un toubib. Depuisdeux ans l'espace public de la capita<strong>le</strong>a été « sécurisé » et truffé de caméras de vidéosurveillance.La partie ne sera donc pasfaci<strong>le</strong> à gagner!Jean Mouloud, 29 janvier 2011Le Monde comme il va!Anthologie 199-2010, Analyses, coups de gueu<strong>le</strong>s et méchancetésradiophoniques. Editions ni patrie ni frontière, 12 euros.Patsy, camarade nantais s’il en est, participe à Courant Alternatif, en nousfaisant régulièrement partager ses <strong>le</strong>ctures. Il Anime depuis 1999 une émissionde Radio sur Alternantes, une des dernière radio associative issue dumouvement des radios libres des années 80. Chacune de ses émissions estintroduite par un éditorial incisif, pertinent, et dérangeant nos prêts à penser,parfois méchant. Il vient d’avoir la bonne idée de regrouper ses chroniquesdans une anthologie publiée par Ni patrie ni frontière. La somme,c’est un pavé de près de 400 pages, est organisée par thématiques: travail,altermondialisme, ordre social, é<strong>le</strong>ctions, et questions internationa<strong>le</strong> etgéopolitique…A lire pour un voyage dans l’espace et <strong>le</strong> temps, qui vous laissera pour bagagesune furieuse envie de se révolter, et quelques armes pour y arriver !Un aperçu du contenu sur http:// patsy.blog.freeÀ commander : Y. Co<strong>le</strong>man – 10 rue Jean Do<strong>le</strong>nt – 75014 ParisSalon des éditeurs libertairesLyon 14 et 15 mai 2011Maison des associations, 28 rue Denfert-Rochereau – LyonLe CDL (Centre de Documentation Libertaire), <strong>le</strong>s Amis de laGryffe et la librairie libertaire la Gryffe organisent à Lyon <strong>le</strong> «Salondes éditions libertaires». L'effervescence éditoria<strong>le</strong>, en particulierlibertaire, de ces dix dernières années exprime et nourrit <strong>le</strong>s lutteset <strong>le</strong>s analyses de cel<strong>le</strong>s et ceux qui combattent au quotidien l'ordrecapitaliste et patriarcal. Face à la vio<strong>le</strong>nce du contexte social etpolitique actuel, il est urgent de rappe<strong>le</strong>r combien sont importants<strong>le</strong> développement et la diffusion d’une pensée et de pratiques critiques,réfractaires et libertaires.Ce salon sera donc l’occasion pour <strong>le</strong>s éditeurs-trices, auteur-e-s,<strong>le</strong>cteurs-trices, militant-e-s, passant-e-s de se rencontrer et de débattrependant deux jours sur <strong>le</strong>s réf<strong>le</strong>xions et <strong>le</strong>s pratiques pourabattre ce monde en vue de construire une société libertaire.Livres, revues, CD, DVD, sites, brochures, zines, affiches, expressionsartistiques... seront au menu.Librairie la Gryffe : 04 78 61 02 25 salonzedlib@lagryffe.netHors-série de Courant AlternatifL’Eco<strong>le</strong> entre dominationet émancipationA paraître mi-février44 pages, 4 eurosLes abonnés à Courant alternatif<strong>le</strong> recevront, mais étantdonné que nous ne sommesplus distribués par Prestalys, <strong>le</strong>mieux, pour <strong>le</strong>s autres, est de <strong>le</strong>commander (4 euros port compris)à <strong>OCL</strong>/Égrégore, B.P.1213, 51058 Reims Cedex.Les chèques sont à établir àl’ordre de « La Galère »AU SOMMAIRE. Education: moyen d’intégrationou émancipation?. L’éco<strong>le</strong> de la citoyenneté etvice versa. L’éducation populaire, unehistoire en contradiction avecce qu’el<strong>le</strong> énonceErratum CA n°205Dans <strong>le</strong> Courant Alternatif de novembre 2010 l’artic<strong>le</strong> «Une campagnede verre cassé» sur <strong>le</strong>s sabotages de distributeurs automatiquesde bil<strong>le</strong>ts comportait une fâcheuse erreur. Il indiquaitque <strong>le</strong> Réseau éducation sans frontière (RESF) s’était dissocié del’une de ses membres lors de son arrestation par la police. Certesun communiqué signé par 22 «personnalités» de RESF s’est distinguéde toute pratique d’action directe offensive, mais, aucontraire de ce qui était écrit, son col<strong>le</strong>ctif local de Paris NordOuest a bien fait preuve d’une solidarité sans réserve vis-à-visd’el<strong>le</strong>, quel<strong>le</strong> que soit sa responsabilité dans l’affaire: «Nous affirmonsnotre solidarité avec Hélène et avec toutes cel<strong>le</strong>s et ceuxinterpellés pour <strong>le</strong>ur engagement dans la lutte contre la chasse. Le fichage de toute une jeunessepasse par l’education nationa<strong>le</strong>. Éco<strong>le</strong>, langue et citoyenneté. Analyse des réformes de l’enseignement. L’entreprise comme nouveaumodè<strong>le</strong> éducatif. Les compétences. L’évolution sociologique dumilieu enseignant. Opposition entre scolaristeset professionnalistesPanorama des expériencesd’éducation libertaire. Le lycée expérimental deSaint-Nazaire. L’éco<strong>le</strong> émancipée, une histoire. Le « pédagogisme ». Etc...Artic<strong>le</strong> 11Un pari un peu fou dansune période de crise dela presse écrite, vientd’être lancé par <strong>le</strong>s animateursdu site Artic<strong>le</strong>11: passer de l’informationnumérique au bonvieux journal papier. Lepremier <strong>numéro</strong> est sortien novembre. Si <strong>le</strong> formatet la maquette sontun peu déroutants, <strong>le</strong>contenu est du meil<strong>le</strong>urcru, pour qui s’intéresseà la critique des armes etaux armes de la critique:militarisation du maintiende l’ordre, technopolisgrenobloise, enfercarcéral, subversion dunégatif et du rock’n’rollsont au sommaire.Artic<strong>le</strong> 11,3 allée Gambetta,92110 CLICHY.2,50 ¥, abonnement 6<strong>numéro</strong>s, 13Echangeset mouvementCette revue trimestriel<strong>le</strong>,dont on ne vantera jamaisassez l’intérêt,vient de publier un <strong>numéro</strong>spécial «Index desartic<strong>le</strong>s parus dansEchanges du n°1 (1975)au n°133 (été 2010)» Ase procurer de toutes urgence,pour commander<strong>le</strong>s textes qui vous intéresseet toujours disponib<strong>le</strong>s,au moins enphotocopie. Le même réseauédite <strong>le</strong> bul<strong>le</strong>tin diffuségratuitement «Dans<strong>le</strong> monde une classe enlutte». Un problème deduplication du bul<strong>le</strong>tinfait qu’el<strong>le</strong> devient aujourd’huipayante, n’hésitezpas a envoyerquelques euros pour quecette diffusion puissecontinuer.Numéros disponib<strong>le</strong>ssur <strong>le</strong> sitemondialisme.org.Echanges et mouvement– BP 241 –75866 Paris Cedex 18.aux personnes dites sans-papiers. Nous dénonçons <strong>le</strong>s conditionsd’arrestation et de garde à vue humiliantes et dégradantesauxquel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s personnes arrêtées sont ou ont été soumises. Etmalgré <strong>le</strong>s intimidations, nous poursuivrons notre engagementsolidaire aux côtés des personnes dites sans-papiers.» Cetteconfusion pose la question du fonctionnement de RESF: s’il fonctionnebien comme un réseau horizontal où <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctifs locauxont une tota<strong>le</strong> autonomie, il n’en demeure pas moins quequelques figures médiatiques se sont accaparées une sorte d’autoritémora<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> mouvement, en décidant des actions et comportementsméritants <strong>le</strong>ur cautions ou pas. Nous y reviendronsdans <strong>le</strong> CA de mars. La commission journal de Pariscourant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 201131


livres, revuesInfinitifPrésentJann-Marc Rouillan,La Différence,2010, 18 euros.Sur la jaquette de couverture,un collage du peintre Dado renvoieau mode du récit: l’histoirede la lutte armée, en Europeaprès 68, remonte en bul<strong>le</strong>s àl’esprit du narrateur et se greffeà son quotidien carcéral. En aiguillon, <strong>le</strong> téléphone distil<strong>le</strong>l’angoisse du compte à rebours des jours précédant la séparationdéfinitive d’avec Joël<strong>le</strong> Aubron.Cel<strong>le</strong> qu’il surnomme Be<strong>le</strong>tte retrace son chemin, de larévolte autonome à son engagement dans l’anti-impérialismecombattant, pour <strong>le</strong> film de Pierre Car<strong>le</strong>s «Ni vieux,ni traîtres». Lui, Jean-Marc, doit raconter la pratiqueréel<strong>le</strong> de ce front international auxquels ils participèrenten un groupe parmi d’autres. Un impératif de «mémoireoppositionnel<strong>le</strong>» destiné à contrarier la caricature des«tueurs par plaisir», <strong>le</strong>s clichés sexistes et autres bonssentiments mâtinés de haine, dont on gave l’opinion.Apeurer s’inclue dans <strong>le</strong> divertir.Sans dénaturer son sujet afin de <strong>le</strong> rendre compréhensib<strong>le</strong>,dans un monde où <strong>le</strong> culte de l’argent ridiculise toutes<strong>le</strong>s autres va<strong>le</strong>urs, Rouillan restitue <strong>le</strong> climat des années1980 et livre des c<strong>le</strong>fs. Cel<strong>le</strong> du choix de ramener la guerresur nos territoires policés afin de démontrer <strong>le</strong> lien existantentre <strong>le</strong>s populations pillées et opprimées, au loin, et<strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s bien de chez nous: «<strong>le</strong>s génocidaires denotre temps sont <strong>le</strong>s héros “innocents et généreux” degrandes sagas industriel<strong>le</strong>s et politiques».Mais laisser crever n’est pas un crime aux yeux de la mora<strong>le</strong>capitaliste. Les militants n’ignorent pas que <strong>le</strong>ur révoltecontre l’injustice socia<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur reviendra en boomerangde mort et d’enfermement sans briser l’omerta. Cedi<strong>le</strong>mme posé à tous <strong>le</strong>s résistants ne <strong>le</strong>s dispense pasd’agir et d’assumer <strong>le</strong>urs responsabilités de minoritésconscientes.Formée fin 1978, <strong>le</strong>ur organisation connaît sa première répressionen avril 1980. Sous Mitterrand, l’humaniste aux45 guillotinés Algériens dans <strong>le</strong> placard, la guérilla de l’ombrejouit encore de la sympathie du milieu artistique et intel<strong>le</strong>ctuel:«Pour eux, nous n’en faisons jamais assez. »Plus sérieusement, des contacts avec <strong>le</strong>s camarades al<strong>le</strong>mandset italiens (Fraction Armée Rouge et BrigadesRouges) se nouent sur des objectifs de campagnes politico-militaireset, parfois, d’impétueuses parties de pétanquesou de foot, RAF contre AD. Chez l’auteur, <strong>le</strong>désespoir de l’homme qui survit à la vérité de sa conditionhumaine se tempère toujours d’humanisme et d’allégresselatine, en particulier pour <strong>le</strong>s portraits dans <strong>le</strong>vif des âmes croisées en détention, ou jadis, à l’extérieur.Croire ce livre réservé aux exégètes de la pensée d’extrêmegauche validerait <strong>le</strong> dessein des falsificateurs qui, pourmieux <strong>le</strong>s exclure de l’histoire des luttes populaires, onteffacé <strong>le</strong> passé ouvrier trop éloquent d’un des condamnésde Vitry-aux-Loges. Quant à l’existence à «l’infinitif présent»des détenus, el<strong>le</strong> diffère peu de cel<strong>le</strong>s des exclus despays riches: «banni de <strong>le</strong>ur intimité de privilégiés, ils nete connaissent plus, tu crèves en si<strong>le</strong>nce, de solitude, dedésoeuvrement, de faim, de froid, de maladie, l’importantréside dans une agonie discrète, car l’important est de débarrasser<strong>le</strong> plancher sans se faire remarquer.»Face à cette élimination, par la misère et la prison, promiseen avenir à la jeunesse turbu<strong>le</strong>nte et aux vieux endéshérence, <strong>le</strong>s barricades de papier de Jann-Marc Rouillancommencent à concerner beaucoup de gueux anonymes.LouiseAvant larévolutionOffensive n° 28, décembre 2010Le trimestriel de d’Offensive libertaire et socia<strong>le</strong>consacre son dernier dossier aux révoltespopulaires de l’an Mil à la Révolutionfrançaise. Interrogeant <strong>le</strong>s insurrectionspopulaires pré-existantes aux mouvementsouvriers moderne comme à l’universalismedes Lumières, ce <strong>numéro</strong> interroge une histoirepopulaire souvent ignorée, et restitueque <strong>le</strong>s luttes des classes traverse <strong>le</strong>sépoques et <strong>le</strong>s sociétés, indépendammentdu mode de production et des dynamiquesdu capital. Signalons éga<strong>le</strong>ment une interviewde Hafed BENOTMAN, co-fondateur dela revue anticarcéra<strong>le</strong> l’Envolée sur <strong>le</strong> quotidienet la lutte dans <strong>le</strong>s prisons.52 pages, 4 euros. En kiosque ou OLSc/o Mil<strong>le</strong> Bâbords, 61 rue du Consolat,13001 Marseil<strong>le</strong>.« Courant alternatif » n’est plus diffusé en kiosque,Abonnez-vous, diffusez-<strong>le</strong> !ABONNEZ-VOUS À C.A.AVANT DE VOUS FAIRE EMBARQUERmême si c’est gratuit pour <strong>le</strong>s prisonniers!En 1990 nous avions décidé de recourir aux NMPP(devenues depuis Presstalis), afin d’être présentsdans des kiosques et des librairies. Depuis cettedate, on s’était maintenu bon an mal an. En octobre2009, nous avons augmenté <strong>le</strong> tirage du journal– en fonction des ventes du <strong>numéro</strong> d’été diffuséen plus grand nombre –, avec l’espoir d’augmenter<strong>le</strong>s ventes proportionnel<strong>le</strong>ment au nombred’exemplaires déposés. Il n’en fut rien: «CA» a étédiffusé dans des lieux où <strong>le</strong>s touristes sont nombreuxen période estiva<strong>le</strong>, au détriment des lieuxoù <strong>le</strong>s gens vivent! Malgré nos efforts, nousn’avons pas réussi à avoir la moindre prise surcette diffusion aberrante.Une possibilité subsistait: cel<strong>le</strong> de lancer une nouvel<strong>le</strong>formu<strong>le</strong> pour obtenir un redéploiement despoints de ventes. Alors que nous travaillions à ceprojet, Presstalis et <strong>le</strong>s patrons de presse ontchangé <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s du jeu sous prétexte de restructurationet de rentabilité du groupe. D’une diffusionqui ne nous rapportait rien, ou très peu, maiss’équilibrait bon an mal an, nous avons appris enseptembre 2010 que <strong>le</strong>s nouveaux tarifs feraientque nous serions déficitaires. Nous ne sommespas <strong>le</strong>s seuls: toute la presse n’ayant pas une vocationcommercia<strong>le</strong> est concernée, et progressivement<strong>le</strong>s titres de la presse d’opiniondisparaissent des kiosques et librairies alimentéspar Presstalis –sauf quelques-uns qui auront acceptéune compensation sous forme de (toute petite)subvention par l’Etat. Bref, c’est la vieil<strong>le</strong>péréquation mise en place à la Libération, et censéepermettre à toutes <strong>le</strong>s publications, même <strong>le</strong>splus modestes, d’être distribuées, qui disparaît.C’est dans la logique du système. Nous avons doncquitté donc ce réseau commercial en novembre,sans regret, pour revenir à une diffusion militante.Merci à toutes cel<strong>le</strong>s et tous ceux qui se sont abonnésou ont souscrit pour soutenir Courant Alternatif.Nous avons pu ainsi continuer à travail<strong>le</strong>r <strong>le</strong>projet d’une nouvel<strong>le</strong> formu<strong>le</strong> du mensuel, et vousdécouvrez aujourd’hui <strong>le</strong> premier <strong>numéro</strong>, dansune maquette que nous espérons plus attrayante,afin de continuer à élargir notre <strong>le</strong>ctorat.Cependant <strong>le</strong> réseau de librairies ou kiosques «alternatif»est trop faib<strong>le</strong>; et, à quelques exceptionsprès, c’est la «croix et la bannière» pour que ceslieux nous paient <strong>le</strong>s exemplaires vendus! La plupartdu temps, il faut qu’une personne, militanteou sympathisante ou simp<strong>le</strong>ment abonnée, suivece type de dépôt, bien sympathique par ail<strong>le</strong>urs.C’est pourquoi nous lançons un appel à notre <strong>le</strong>ctoratpour nous aider à la diffusion de Courant Alternatif.Si vous êtes prêt à prendre en charge unou plusieurs points de vente près de chez vouspour y déposer <strong>le</strong> journal chaque mois, et obtenir<strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment des <strong>numéro</strong>s vendus une ou deux foispar an, ce serait un sacré coup de main! Vous pouvezéga<strong>le</strong>ment choisir un abonnement en nombre,et vous conservez <strong>le</strong> produit des ventes. Ou encoreabonner une personne (ou plusieurs…) de votrechoix pour 18 euros.Vous pouvez éga<strong>le</strong>ment aider«CA» en nous signalant des librairies ou des lieuxprès de chez vous qui accepteraient de <strong>le</strong> diffuserdirectement, par envois chaque mois. Bref <strong>le</strong>smoyens de soutenir une expression anarchistecommunisteancré au cœur des luttes, et qui privilégiel’expression des mouvements et <strong>le</strong>squestionnements politiques plutôt que <strong>le</strong>s litaniespropagandistes sont nombreux.Pour vous abonner, toutes <strong>le</strong>s informations sonten PAGE 232courant alternatif - n°<strong>207</strong> - février 2011

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