490 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2011 15(3), 485-495 Moupela C., Vermeulen C., Daïnou K. et al.mesure où il détruit les graines en les écrasant entreses <strong>de</strong>nts avant <strong>de</strong> les avaler. Ce qui serait confirmépar Voorhoeve (1965) qui indique que la régénérationnaturelle par graine semble très rare chez cette espèce etpar le fait que <strong>de</strong>s plantules ont été rarement observéesen forêt, malgré une fructification abondante (Miquel,1987 ; Klerk, 1991).<strong>Les</strong> ongulés semblent jouer un rôle mineur dansla dispersion <strong>de</strong>s graines (White et al., 1996 ; Lazureet al., 2006). <strong>Les</strong> potamochères seraient, en revanche,les principaux prédateurs <strong>de</strong>s fruits <strong>de</strong> Coula edulisen s’attaquant aux graines au sol (White et al., 1996).Bonnéhin (2000) souligne que dans le Parc National <strong>de</strong>Taï et dans le Sud-Ouest <strong>de</strong> la Côte d’Ivoire, les noix<strong>de</strong> Coula edulis sont consommées par <strong>de</strong> nombreuxanimaux, dont les rongeurs et les chimpanzés (Pantroglodytes verus). Gautier-Hion et al. (1985) affirmentque les écureuils sont prédateurs <strong>de</strong> graines du noisetierd’Afrique.Germination <strong>de</strong> Coula edulis. <strong>Les</strong> auteurs (De LaMensbruge, 1966 ; Ng, 1978 ; Alexandre, 1979 ;Miquel, 1987 ; Bonnéhin, 2000) qui se sont intéressésà la propagation du noisetier d’Afrique signalent quesa germination est très lente et très échelonnée (3 à24 mois) avec un taux <strong>de</strong> germination jugé très faible (10à 20 %). Ceci s’expliquerait par le fait que l’endocarpeest extrêmement dur et épais (6 mm environ) et doncpar l’existence d’une dormance mécanique. <strong>Les</strong>travaux <strong>de</strong> Bonnéhin (2000) montrent que le traitement<strong>de</strong>s graines à l’eau chau<strong>de</strong>, pendant 15 minutes,puis refroidies n’apporte aucune amélioration. <strong>Les</strong>traitements à l’aci<strong>de</strong> testés se sont avérés inadaptés carils ont déclenché une lyse <strong>de</strong> l’aman<strong>de</strong>. La difficulté<strong>de</strong> germination serait l’une <strong>de</strong>s principales causes<strong>de</strong> son absence <strong>de</strong>s systèmes agroforestiers locaux(Bonnéhin, 2000). En fait, la germination Coula edulisest <strong>de</strong> type « Durian ». Celle-ci se caractérise par unesortie en crosse <strong>de</strong> l’hypocotyle après une ouverturepar 2 ou 3 fentes <strong>de</strong> la coque lignifiée. Pendant cetemps, l’apex <strong>de</strong> la plantule et les cotylédons foliacéssont encore enfermés dans l’albumen et n’en sortentqu’au bout <strong>de</strong> 2 à 3 mois (De La Mensbruge, 1966).Une telle germination a été qualifiée par Ng (1978)<strong>de</strong> suicidaire et <strong>de</strong> négativement sélective. En effet,les plantules sont fréquemment sujettes à la pourriture<strong>de</strong> la tigelle du fait que les cotylédons et l’épicotylerestent longtemps enveloppés dans l’albumen aprèsla germination (Miquel, 1987 ; Bonnéhin, 2000). Deplus, Bonnéhin (2000) a montré dans ses essais que lesboutures et les marcottes développaient <strong>de</strong>s cals sansjamais initier <strong>de</strong> racine, ce qui l’a amenée à considérerCoula edulis comme inapte à ce type <strong>de</strong> reproduction.Ces informations parfois contradictoires et lemanque <strong>de</strong> connaissances sur les exigences écologiques<strong>de</strong> Coula edulis montrent l’importance <strong>de</strong> déterminerles facteurs externes qui conditionnent sa régénérationvégétative et sexuée.4.4. Coula edulis, un aliment <strong>de</strong> qualitéLe noisetier d’Afrique est un arbre à usages multiplesqui, pour les qualités nutritives <strong>de</strong> ses graines, figureparmi les plantes alimentaires <strong>de</strong>s populations locales.Quelle que soit l’ethnie considérée, Coula edulisest une espèce fruitière <strong>de</strong>s plus importantes, ce queconfirment les enquêtes ethnobotaniques menées dansla réserve du Dja (Cameroun) auprès <strong>de</strong> trois ethnies(Badjoué, Bulu et les Pygmées Baka) par Betti et al.(1998), celles <strong>de</strong> Kouamé et al. (2008) chez les Bété<strong>de</strong> la région du Fromager (Centre-Ouest <strong>de</strong> la Côted’Ivoire) et celles <strong>de</strong> Kimpouni (2001) chez les Mboko,Kota et Mongon <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong> Lossi du Congo.<strong>Les</strong> graines contiennent une aman<strong>de</strong> qui donneune huile jaune, inodore, <strong>de</strong> saveur suave (Louis et al.,1948 ; Adraiens, 1951 ; Busson, 1965 ; Tchiegang et al.,1998). Sa teneur en aci<strong>de</strong> oléique oscille entre 87,1 et88,7 % <strong>de</strong> la teneur totale en aci<strong>de</strong>s gras. L’aman<strong>de</strong>fournit <strong>de</strong>s protéines, du calcium et <strong>de</strong>s vitamines.Cependant, Adriaens (1951) indique que la productiond’une telle huile n’est pas économiquement rentable,puisque la graine ne fournit qu’environ 7 % d’huile(Tableau 1). Vivien et al. (1996) signalent que lestourteaux sont d’excellente qualité pour l’alimentationdu bétail et renferment <strong>de</strong> 12 à 17 % <strong>de</strong> protéines.Pendant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chute <strong>de</strong>s fruits, les Pygméesdu sud-ouest du Cameroun (Baka, Bakola et Medzan)effectuent <strong>de</strong>s tournées quotidiennes pour en ramasseraux alentours du campement rési<strong>de</strong>ntiel ou <strong>de</strong>scampements <strong>de</strong> chasse (Loung, 1996). Le même auteurajoute qu’en 1984, chacun <strong>de</strong>s cinq ménages Pygméesenquêtés pendant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fructification a rapportéen moyenne 190 kg <strong>de</strong> fruits <strong>de</strong> Coula edulis. Une partie<strong>de</strong>s aman<strong>de</strong>s rapportées au campement se consommecrue ; l’autre se prépare en « bumbo », à savoir grillée,écrasée et cuite après empaquetage dans les feuilles<strong>de</strong> Marantacées ou <strong>de</strong> bananier. Cette pâte se mangeplus aisément que les aman<strong>de</strong>s crues et constitue unecollation consistante.Vivien et al. (1996) rapportent qu’en pays Bassa auCameroun, une recette traditionnelle appelée « kogakomol » est concoctée à partir <strong>de</strong> Coula edulis : lesfruits sont dépulpés, les noix sont mises à bouillir pourfaciliter l’extraction <strong>de</strong> l’aman<strong>de</strong> ou mises à sécher àl’extérieur au soleil ou à l’intérieur sur sol cimenté etdès que l’aman<strong>de</strong> se rétracte dans la noix, on l’extrait.L’aman<strong>de</strong> est ensuite trempée dans l’eau froi<strong>de</strong> puisécrasée en rajoutant un peu d’eau et d’huile <strong>de</strong> palmepour ramollir la pâte. Cette <strong>de</strong>rnière est enveloppéedans <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> bananier (Musa sp.) passées au feu.<strong>Les</strong> « boules » <strong>de</strong> pâte sont cuites à l’eau pendant 20 à30 minutes, puis mises sur claies dans la cuisine. Elles
Tableau 1. Données analytiques <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> l’huile <strong>de</strong> Coula edulis suivant les sources, adaptées d’Adriaens (1951)et <strong>de</strong> Busson (1965) — Chemical composition of Coula edulis nuts oil according to Adraiens (1951) and Busson (1965).Caractéristiques Adriaens (1951) Busson (1965)Congo Brazzaville R.D.C. Côte d’IvoireComposition <strong>de</strong> la graine (produit sec, en g par 100g)Cellulose - - 2,4Extrait éthéré - - 25,8Gluci<strong>de</strong>s - - 60,4Insolubilité formique - - 9,6Proti<strong>de</strong>s - - 9,3Cendres - - 2,1Minéraux : Ca et P - - 0,18 et 0,27Teneur en huile <strong>de</strong> la graine 7,05 7,2 -Caractères physiques et chimiques <strong>de</strong> l’huilePoids spécifique à 15, 16, 78°C 0,913 0,8979 0,912Indice <strong>de</strong> réfraction à 20 °C - 1,4683 1,4683Indice d’io<strong>de</strong> - 86 85Indice d’acidité - 20,3 -Indice <strong>de</strong> saponification - 189,5 187Indice d’acétyle - 11 -Aci<strong>de</strong>s gras (en % <strong>de</strong>s aci<strong>de</strong>s gras totaux)Aci<strong>de</strong> palmitique (aci<strong>de</strong> hexadécanoïque 16:0) - 1,6 2,5Aci<strong>de</strong> oléique (aci<strong>de</strong> octadécène 9c oïque-18:19c) - 87,1 88,7Aci<strong>de</strong> linoléique (aci<strong>de</strong> octadécadien 9c, 12c oïque-18:29c, 12c) - 6,7 8,8Composition du tourteau d’aman<strong>de</strong> (produit sec, en g par 100g)Matières minérales 2,36 - -Matières azotées 16,25 - -Sucres 10,19 - -Matières amylacées 22,34 - -Cellulose 52,42 - -491peuvent être conservées 1 à 2 semaines. <strong>Les</strong> grainesmériteraient d’être utilisées en confiserie, chocolaterieou pâtisserie (Vivien et al., 1996).4.5. <strong>Les</strong> autres usages <strong>de</strong> Coula edulisIl convient <strong>de</strong> mentionner ici que divers auteurs n’ontfait que répertorier les propriétés <strong>de</strong> Coula edulis, sanspréciser auprès <strong>de</strong> quelles populations autochtonesl’information a été recueillie. Dans la pharmacopéetraditionnelle en Côte d’Ivoire, l’écorce <strong>de</strong> Coula sp.est utilisée en décoction pour la purgation ou commelavement et contre les douleurs lombaires ou maux <strong>de</strong>reins (Téké et al., 2005). Au Gabon, Coula edulis estutilisé en mé<strong>de</strong>cine traditionnelle pour les pratiquesreligieuses et pour son bois (Walker et al., 1995).Comme plante médicinale, Coula edulis intervientdans le traitement <strong>de</strong>s maladies « du sang », <strong>de</strong>sorganes génito-urinaires, <strong>de</strong> l’appareil digestif et contre<strong>de</strong>s lésions traumatiques. Il est aussi utilisé contrel’anémie, la stérilité, les diarrhées, les ulcères, lesblessures et les plaies. Bukola et al. (2008) ont montréque les extraits éthanoliques <strong>de</strong>s feuilles, <strong>de</strong> l’écorce,<strong>de</strong>s racines et <strong>de</strong>s fruits ont <strong>de</strong>s effets inhibiteurs sur lesmicroorganismes comme Pseudomonas aeruginosa,Staphylococcus aureus et Candida albicans. Sur leplan religieux, Le Roy, en 1944, affirmait que la noix<strong>de</strong> nkula (Coula) joue un rôle rituel chez les Pygmées(ethnie non précisée). Téké et al. (2005) avancent quedans les coutumes <strong>de</strong> certaines ethnies (non précisées)