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La chimie crée sa couleur sur la palette du peintre - Mediachimie.org

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<strong>chimie</strong><strong>La</strong><strong>crée</strong> <strong>sa</strong><strong>couleur</strong>…<strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Bernard Valeur <strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>L’homme peint depuis plusde 30 000 ans, motivé parson désir de repro<strong>du</strong>ire lesbeautés <strong>du</strong> monde qui l’entoure,d’exprimer ses penséesprofondes, de <strong>crée</strong>r dessymboles colorés et d’immortaliserle vécu. Les pigmentsemployés sont avant tout naturels,d’origine minérale, végétaleou animale. <strong>La</strong> Natureoffre en effet une <strong>palette</strong>de <strong>couleur</strong>s merveilleusementriche de teintes et denuances. Toutefois, bien dessubstances naturelles coloréesne résistent pas suffi<strong>sa</strong>mmentà l’épreuve <strong>du</strong>temps, en particulier cellesd’origine végétale qui s’affadissentprogressivement.Pour pallier cette difficulté et<strong>crée</strong>r de nouvelles matièrescolorantes, il fallut mettre enœuvre des synthèses de plusen plus é<strong>la</strong>borées.Ainsi, <strong>la</strong> diversité despigments dont disposent le<strong>sa</strong>rtistes <strong>peintre</strong>s (Figure 1)doit beaucoup aux progrèsde <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> au cours dessiècles, principalement àpartir de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> XVIII e siècle.Les avancées majeures dansle domaine de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> auXIX e siècle furent non seulementsources de nouveauxcolorants pour <strong>la</strong> teinture etde nouveaux pigments pour<strong>la</strong> peinture 34 , mais permirentégalement de ré<strong>du</strong>ire le coûtde matières colorantes naturellesen réali<strong>sa</strong>nt <strong>la</strong> synthèse<strong>du</strong> principe colorant ; le34. Le mot pigment vient <strong>du</strong> <strong>la</strong>tinpigmentum qui signifie matièrecolorante. <strong>La</strong> différence entreun pigment et un colorant est <strong>la</strong>suivante : un colorant est solubledans le milieu où il est dispersé,alors qu’un pigment ne l’est pas.


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artrarement, il juxtapose despoints de <strong>couleur</strong>s différentes,suffi<strong>sa</strong>mment petitspour que l’œil « mé<strong>la</strong>nge »les <strong>couleur</strong>s de ces points(technique <strong>du</strong> pointillisme).130Figure 1Les pigments dont dispose les<strong>peintre</strong>s sont d’une grandediversité de teintes. <strong>La</strong> <strong>palette</strong> s’estprogressivement enrichie grâceaux progrès de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong>.bleu outremer en est un belexemple. Enfin, le XX e siècleapportera son lot de découvertesremarquables : phtalocyanines,b<strong>la</strong>nc de titane,etc. C’est pourquoi, paraphra<strong>sa</strong>nt<strong>la</strong> célèbre expressionde Marcelin Berthelot« <strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> son objet » 35– formulée en 1860 –, nouspouvons dire que <strong>la</strong> <strong>chimie</strong><strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>.Les matières colorante<strong>sa</strong>bsorbent <strong>la</strong> lumière dansun domaine de longueurd’onde qui dépend étroitementde leur naturechimique. De là résulteleur <strong>couleur</strong>. À partir despigments de <strong>sa</strong> <strong>palette</strong>, l’artiste<strong>peintre</strong>, tel un musiciendes <strong>couleur</strong>s, <strong>crée</strong> uneinfinité de tonalités et denuances en mé<strong>la</strong>ngeant intimementdes pigments. Plus35. Cette citation se poursuit de<strong>la</strong> façon suivante : « Cette facultécréatrice, semb<strong>la</strong>ble à celle de l’artlui-même, <strong>la</strong> distingue essentiellementdes sciences naturelles ethistoriques ».Le <strong>peintre</strong> met à profit biend’autres pro<strong>du</strong>its et matériaux.Il se fait alchimiste de<strong>la</strong> <strong>couleur</strong> lorsqu’il broie lespigments dans un liant (huileou eau), ajoute un diluant etdivers ingrédients (résinespar exemple), dépose unecouche de vernis <strong>sur</strong> l’œuvreachevée. Dans ces conditions,<strong>la</strong> <strong>couleur</strong> perçue par l’œilne résulte pas seulement del’absorption de <strong>la</strong> lumière parles pigments : cette causechimique de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> estinévitablement associée àune cause physique, <strong>la</strong> diffusionde <strong>la</strong> lumière, et plusprécisément <strong>la</strong> réflexiondiffuse.Enfin, l’artiste se fait chercheurde lumière lorsqu’ilemploie des pigments dits« lumineux », parce quehautement diffu<strong>sa</strong>nts, ou bienquand il met à profit <strong>la</strong> technique<strong>du</strong> g<strong>la</strong>cis pour donnerl’impression que <strong>la</strong> lumièreprovient <strong>du</strong> fond <strong>du</strong> tableau.Parfois, il met en œuvre desparticules iridescentes oudes substances fluorescentespour <strong>crée</strong>r des effets lumineuxparticuliers.Après un rappel <strong>sur</strong> lesorigines de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>, <strong>la</strong>perception et les moyensd’en faire <strong>la</strong> synthèse,divers pigments particulièrementprisés des <strong>peintre</strong>sseront décrits en privilégiantceux qui illustrent l’apportde <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> et jouent unrôle important dans l’art.Mais <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> intervient


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art132Figure 3Perception de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> d’un objet.Un objet renvoie <strong>la</strong> lumière qu’ilreçoit en modifiant <strong>la</strong> compositionspectrale de cette lumièrepour des raisons chimiques(absorption sélective de <strong>la</strong>lumière par <strong>la</strong> matière à certaineslongueurs d’onde) et physiques(réflexion spécu<strong>la</strong>ire et diffuse,et éventuellement diffractionet interférences). Le cerveaureconstruit l’image avec ses<strong>couleur</strong>s à partir de <strong>la</strong> successionde potentiels d’actions déclenchéspar l’impact de photons <strong>sur</strong> lesphotorécepteurs de <strong>la</strong> rétine quisont de trois types (leurs domainesd’absorption sont indiqués par lescourbes bleue, verte et rouge.respondent d’au tres sen<strong>sa</strong>tionscolorées.Si à une longueur d’ondedonnée correspond une<strong>couleur</strong>, l’inverse n’est pastoujours vrai : <strong>la</strong> sen<strong>sa</strong>tion dejaune par exemple résulte de <strong>la</strong>perception d’une lumière dont<strong>la</strong> longueur d’onde se situeau voisinage de 580 nm, maiselle peut aussi avoir d’autresorigines, comme <strong>la</strong> perceptionsimultanée d’une lumièreà 700 nm et d’une lumière à530 nm qui donneraient séparémentdes sen<strong>sa</strong>tions derouge et de vert. Nous avonségalement une sen<strong>sa</strong>tion dejaune quand le spectre de <strong>la</strong>lumière visible est amputéedes longueurs d’onde correspondantau violet et au bleu.En revanche, tout le spectrevisible que pro<strong>du</strong>it le soleildonne une impression deb<strong>la</strong>nc (Figure 2). Mais il nefaut pas s’y tromper, car onvoit toutes les <strong>couleur</strong>s del’arc-en-ciel en regardant àtravers un prisme. L’œil estdonc <strong>la</strong> <strong>palette</strong> qui mé<strong>la</strong>ngeles <strong>couleur</strong>s, comme l’avaientdéjà compris les égyptiens àl’époque des pharaons.Plus précisément, dans <strong>la</strong>perception de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> d’unobjet, trois éléments entrenten jeu : non seulement l’observateur,mais aussi <strong>la</strong>source de lumière et l’objet luimême(Figure 3). <strong>La</strong> lumièreb<strong>la</strong>nche qui éc<strong>la</strong>ire l’objet aune composition spectraledifférente selon qu’il s’agit <strong>du</strong>soleil, d’une <strong>la</strong>mpe à halogèneou d’un tube fluorescent. Puisl’objet renvoie <strong>la</strong> lumière enmodifiant cette compositionspectrale : s’il paraît bleu parexemple, c’est parce qu’il


LES CAUSES CHIMIQUES DE LA COULEURComment expliquer qu’une substance de nature chimique bien définie absorbe sélectivement<strong>la</strong> lumière à certaines longueurs d’onde ? <strong>La</strong> physique c<strong>la</strong>ssique est impuis<strong>sa</strong>nte àl’expliquer, et c’est <strong>la</strong> mécanique quantique – dont <strong>la</strong> nais<strong>sa</strong>nce remonte aux années 1920-1930 – qui permit d’élucider les mécanismes de l’interaction de <strong>la</strong> lumière avec les atomes etles molécules. S’appuyant <strong>sur</strong> les concepts de niveaux d’énergie d’un atome ou d’une molécule,l’absorption de <strong>la</strong> lumière à certaines longueurs d’onde s’interprète alors en termes detransitions entre deux niveaux d’énergie in<strong>du</strong>ites par l’absorption d’un photon, dont l’énergiecorrespond précisément à <strong>la</strong> différence d’énergie entre les deux niveaux.Composés minérauxLes deux causes principales de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> des pigments minéraux employés en peinture sontles suivantes :• Présence d’impuretés sous forme d’ions isolés dans un cristal. Les ions qui absorbent dansle domaine visible sont peu nombreux. Il s’agit principalement des métaux de transition :chrome, manganèse, fer, cobalt, nickel, cuivre, etc. L’absorption dépend non seulementdes caractéristiques de l’ion (nature chimique, charge), mais aussi de son environnementmicroscopique (nature et nombre d’atomes liés, notamment). C’est pourquoi un même ionpeut être à l’origine de <strong>couleur</strong>s différentes. Par exemple <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> <strong>du</strong> bleu de cobalt est <strong>du</strong>eà l’ion Co 2+ (qui absorbe à 500-700 nm), mais cet ion dans un autre micro-environnement peutdonner une <strong>couleur</strong> violette (dans le violet de cobalt) ou rose.• Transfert de charge entre ions métalliques ou entre l’oxygène et un ion métallique. L’absorptiond’un photon peut faire passer un électron dans une orbitale d’un autre atome que celuidont il est issu. Par exemple, dans les ocres (hématite et goethite), un électron de valencedes ions O 2– ou OH – liés à l’ion Fe 3+ (voir le paragraphe 2.1) occupe temporairement une orbitalevide de cet ion.Le cas <strong>du</strong> bleu outremer est à mettre à part, car ce n’est pas un métal qui est à l’origine de <strong>la</strong><strong>couleur</strong> (voir l’encart « L’origine de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> <strong>du</strong> bleu outremer », paragraphe 2.3).<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Composés <strong>org</strong>aniquesLes électrons d’une molécule, comme ceux des atomes, peuvent passer dans des niveauxd’énergie supérieure lorsque <strong>la</strong> molécule absorbe de l’énergie. Il s’agit de niveaux électroniques,mais, à <strong>la</strong> différence des atomes, chacun de ces niveaux électroniques possèdedes sous-niveaux vibrationnels et rotationnels. Pour les molécules possédant des noyauxaromatiques, l’écart entre les niveaux d’énergie électroniques est tel qu’elles absorbentdans l’UV ou le visible. Si l’absorption se situe dans le visible, <strong>la</strong> substance est colorée. C’esten particulier le cas des colorants <strong>org</strong>aniques.absorbe toutes les longueursd’onde, <strong>sa</strong>uf celles correspondantau bleu, en raison de<strong>sa</strong> nature chimique (Encart« Les causes chimiques de <strong>la</strong><strong>couleur</strong> »), et il renvoie le<strong>sa</strong>utres par réflexion spécu<strong>la</strong>ireet réflexion diffuse, etéventuellement par diffractionet interférences (causesphysiques de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>). <strong>La</strong>lumière que l’objet renvoie estcaractérisée par le spectre deréflectance (variations de l’intensitéde <strong>la</strong> lumière renvoyéepar l’objet en fonction de <strong>la</strong>longueur d’onde). Enfin, <strong>la</strong>rétine de l’œil a une réponsespectrale trichromique : ellepossède trois types dephotorécepteurs (les cônes)sensibles dans le bleu, le vert133


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art134et le rouge 37 . Le cerveau reçoitainsi une suite de potentielsd’action à partir de <strong>la</strong>quelle ilreconstruit l’image de l’objetavec ses <strong>couleur</strong>s.1.2. Synthèse de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>Du fait de <strong>la</strong> trichromie visuelle,il est possible de pro<strong>du</strong>ire toutesles <strong>couleur</strong>s par synthèse additiveou soustractive à partir detrois <strong>couleur</strong>s convenablementchoisies. Le choix doit être telqu’aucune des trois <strong>couleur</strong>sne puisse être synthétisée parcombinaison (addition ou soustraction)des deux autres. Cestrois <strong>couleur</strong>s sont alors ditesprimaires.<strong>La</strong> synthèse additive d’une<strong>couleur</strong> s’effectue en superpo<strong>sa</strong>nttrois lumières coloréesprimaires en proportion<strong>sa</strong>déquates. Ce sont généralementles <strong>couleur</strong>s rouge, verteet bleue qui sont employées : ils’agit <strong>du</strong> système RVB (Rouge-Vert-Bleu) de <strong>la</strong> télévision<strong>couleur</strong>. C’est de cette façonqu’un vidéo-projecteur reconstitueles <strong>couleur</strong>s <strong>sur</strong> un écran.Un tube fluorescent pro<strong>du</strong>it de<strong>la</strong> lumière b<strong>la</strong>nche grâce à troisluminophores émettant dans lerouge, le vert et le bleu.<strong>La</strong> synthèse soustractived’une <strong>couleur</strong> repose <strong>sur</strong>l’élimination – c’est-à-dire <strong>la</strong>soustraction – de certaineslongueurs d’onde de <strong>la</strong> lumièreb<strong>la</strong>nche. Elle est réaliséepar exemple en mé<strong>la</strong>ngeant37. <strong>La</strong> réponse spectrale trichromiquede l’œil et le domaine desensibilité s’étendant de 400 à 700nm environ sont spécifiques del’œil humain. <strong>La</strong> perception de <strong>la</strong>lumière par les animaux est trèsdifférente : certains yeux d’animauxsont sensibles dans l’UV,d’autres dans l’infrarouge.des matières colorantes quidoivent leur <strong>couleur</strong> à uneabsorption partielle de <strong>la</strong>lumière b<strong>la</strong>nche. C’est <strong>sur</strong> ceprincipe que sont fondées enparticulier <strong>la</strong> photographie<strong>couleur</strong> argentique et l’impressionpapier en trichromie.Les trois <strong>couleur</strong>s primairessont en général bleu-cyan,rouge-magenta et jaune 38 .Dans le domaine de <strong>la</strong> peinture,c’est principalement <strong>la</strong>synthèse soustractive qui estmise en œuvre par mé<strong>la</strong>ngesde pigments : aquarelle,gouache, peinture à l’huile.Dans le tableau de Vermeer,Jeune fille li<strong>sa</strong>nt une lettre,présenté <strong>sur</strong> <strong>la</strong> Figure 4A,<strong>la</strong> <strong>couleur</strong> verte <strong>du</strong> rideau aété obtenue par un mé<strong>la</strong>nged’azurite (pigment bleu) etde jaune de plomb et d’étain.Selon un principe analogue,les verts ang<strong>la</strong>is sont préparésen mé<strong>la</strong>ngeant <strong>du</strong> bleu dePrusse et <strong>du</strong> jaune de chrome.<strong>La</strong> technique <strong>du</strong> pointillisme,dont Ge<strong>org</strong>es Seurat fut l’arti<strong>sa</strong>nmajeur, relève plutôt de<strong>la</strong> synthèse additive. En effet,des taches de <strong>couleur</strong>s sontjuxtaposées, et leur taille estsuffi<strong>sa</strong>mment petite pour quel’œil <strong>du</strong> spectateur ne puissepas les distinguer de loin(Figure 4B). <strong>La</strong> <strong>couleur</strong> perçuerésulte ainsi d’un mé<strong>la</strong>ngeoptique réalisé par l’œil.38. Pour des impressions de qualité,comme pour le présent ouvrage,le procédé d’imprimerieemploie en réalité quatre encres(tétrachromie), cyan, magenta,jaune, noir (CMJN), bien qu’enprincipe <strong>du</strong> noir puisse être obtenuen mé<strong>la</strong>ngeant des colorantsde <strong>couleur</strong> cyan, magenta etjaune. Les imprimantes <strong>couleur</strong>utilisent également ces quatreencres.


AB<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Figure 4A) Le tableau de Vermeer, Jeune fille li<strong>sa</strong>nt une lettre (1657-1659), illustre<strong>la</strong> synthèse soustractive de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> verte <strong>du</strong> rideau par mé<strong>la</strong>nge d’unpigment bleu (azurite) et d’un pigment jaune (jaune de plomb et d’étain).B) Le tableau de Seurat, Le cirque (1891), donne un exemple de <strong>la</strong>technique <strong>du</strong> pointillisme ; <strong>la</strong> juxtaposition de taches colorées (voir détailsà droite) con<strong>du</strong>it, dans une vision de loin, à une perception des <strong>couleur</strong>spar mé<strong>la</strong>nge optique dans l’œil.Figure 5Couleurs primaires (bleu-cyan,rouge-magenta et jaune, marquéesde <strong>la</strong> lettre P) et <strong>couleur</strong>ssecondaires ou complémentairesqui leur correspondent (vert,orangé et violet, situées defaçon diamétralement opposée).Ces dernières s’obtiennentpar mé<strong>la</strong>nge de deux <strong>couleur</strong>sprimaires adjacentes.135


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art136Quant aux <strong>couleur</strong>s que j’emploie, est-cesi intéres<strong>sa</strong>nt que ce<strong>la</strong> ?C<strong>la</strong>ude MonetComme mentionné ci-dessus,trois <strong>couleur</strong>s primairessuffisent pour <strong>la</strong> synthèsesoustractive d’une <strong>couleur</strong>.Les <strong>couleur</strong>s secondaires oucomplémentaires sont obtenuespar mé<strong>la</strong>nge de deux<strong>couleur</strong>s primaires (exemple :jaune + bleu ⇒ vert) (Figure 5).Les <strong>couleur</strong>s primaires etsecondaires jouent un grandrôle dans <strong>la</strong> perception des<strong>couleur</strong>s, et celui qui, lepremier, l’a bien compris,c’est le chimiste MichelEugène Chevreul (1786-1889).Nommé en 1824 directeur de<strong>la</strong> Manufacture des Gobelins,il s’intéres<strong>sa</strong> au problème de<strong>la</strong> teinture, donc aux <strong>couleur</strong>s.Il observa l’influence mutuelleque des échantillons de tissusde <strong>couleur</strong>s différentes exerçaient<strong>sur</strong> <strong>la</strong> perception quel’expérimentateur avait de leur<strong>couleur</strong>. Chevreul comprit alorsl’effet physiologique selonlequel chaque <strong>couleur</strong> perçuepar notre œil suscite <strong>la</strong> perceptionde <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong> complémentaire.Dans un rapport àl’Académie des sciences, en1839, il écrivit : « Mettre de <strong>la</strong><strong>couleur</strong> <strong>sur</strong> une toile, ce n’estpas seulement colorer de cette<strong>couleur</strong> <strong>la</strong> partie de <strong>la</strong> toile <strong>sur</strong><strong>la</strong>quelle le pinceau est appliqué,c’est encore colorer de <strong>la</strong>complémentaire l’espace qui luiest contigu. ». <strong>La</strong> même année,il énonça <strong>la</strong> loi <strong>du</strong> contrastesimultané des <strong>couleur</strong>s selon<strong>la</strong>quelle, lorsqu’on juxtaposedeux <strong>couleur</strong>s complémentaires,elles acquièrent plusd’éc<strong>la</strong>t.L’influence de Chevreul <strong>sur</strong>les <strong>peintre</strong>s sera grande : lesimpressionnistes (Monet enparticulier), les post-impressionnistes(Seurat, Signac),Robert De<strong>la</strong>unay, etc.2Les pigments<strong>du</strong> <strong>peintre</strong> :entre science et artIl est bien sûr utile de connaître<strong>la</strong> nature des pigments qu’employaientles <strong>peintre</strong>s. Monet,justement, y prêtait bien plu<strong>sa</strong>ttention qu’il ne le <strong>la</strong>is<strong>sa</strong>itentendre, comme le prouventses re<strong>la</strong>tions étroites avec lesmarchands de <strong>couleur</strong>s. Intéres<strong>sa</strong>nte,à propos, cette vieilleexpression de « marchandde <strong>couleur</strong>s » : si l’originedes <strong>couleur</strong>s était seulementphysique, on ne pourrait pasvendre des <strong>couleur</strong>s !Depuis l’Antiquité jusqu’ànos jours, <strong>la</strong> <strong>palette</strong> des<strong>peintre</strong>s s’est progressivementenrichie. Le XIX e siècleconstitue un tournant importanten raison des avancéesmajeures en <strong>chimie</strong> consécutivesà <strong>la</strong> révolution chimiquede <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> XVIII e siècle. Denouveaux pigments minérauxsont synthétisés (àbase de cobalt, de chrome,de cadmium, notamment).Parallèlement, divers travauxfournissent à <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> <strong>org</strong>aniqueles bases conceptuellesqui lui manquaient. Des colorantssynthétiques pour <strong>la</strong>teinture sont ainsi fabriquéset certains donnent lieu à despigments <strong>la</strong>qués.<strong>La</strong> liste des pigments estlongue et il serait fastidieuxde les passer tous en revue.C’est pourquoi une attentionparticulière sera portée dans<strong>la</strong> suite de ce chapitre à ceuxqui offrent le plus d’intérêt auregard à <strong>la</strong> fois de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> etde l’art. Le tableau 1 recenseles principaux pigmentsemployés par les <strong>peintre</strong>sdepuis l’Antiquité.


Tableau 1Principaux pigments d’origine naturelle et/ou synthétique employés en peinture. Les pigments contenant del’arsénic, <strong>du</strong> plomb, <strong>du</strong> cadmium ou <strong>du</strong> chrome présentent une toxicité plus ou moins grande.NOMOcre jaune*Orpiment (jaune) *Jaune de plombd’étainJaune de Naples*Jaune de cadmiumOcre rouge*Vermillon (rouge) *Minium (rougeorangé) *Rouge de cadmium<strong>La</strong>que de garance*Carmin decochenille*Ma<strong>la</strong>chite *Vert-de-gris*Vert VéronèseVert oxyde de chromeVert émeraudeVert de chromeFe 2O 3As 2S 3FORMULECHIMIQUEPb 2SnO 4Pb 2Sb 2O 7CdS.ZnSFeOOHHgSPb 3O 4CdS.CdSeColorant <strong>org</strong>anique: alizarineColorant <strong>org</strong>anique: acidecarminiqueNat. Synth. COMMENTAIRESXXXXXXCu(OH) 2.CuCO 3XCu(CH 3COO) 2·[Cu(OH) 2] 3·2H 2O3 Cu(AsO 2).Cu(CH 3CO 2) 2Cr 2O 3XCr 2O 3.2H 2OFe 4[Fe(CN) 6] 3+ PbCrO 4.PbSO 4XXXXXXXXXXXXXXXXOxyde ferrique ou gœthite.Employé par les Égyptiens.Fabriqué au Moyen Âge enfondant <strong>du</strong> réalgar (AsS) et <strong>du</strong>soufre.Préparé en chauffant un mé<strong>la</strong>ngede PbO et SnO 2. Deux variétés cristallinesdifférentes : type I et II.Employé par les verriers égyptiens.Préparé en chauffant unmé<strong>la</strong>nge de PbO et Sb 2O 3.Existe en quatre nuances : citron,c<strong>la</strong>ir, moyen, foncé.Oxyhydroxyde de fer ou hématite.Naturel ou préparé par chauffagede <strong>la</strong> gœthite.Nom <strong>du</strong> minerai : cinabre.Synthétisé dès le VIII e siècle enPerse.Obtenu dans l’Antiquité (appelérouge de <strong>sa</strong>turne) en chauffant<strong>du</strong> b<strong>la</strong>nc de plomb.Surtout employé pour <strong>la</strong> peinture<strong>sur</strong> porce<strong>la</strong>ine.Extrait des racines de <strong>la</strong> garance.Fixation <strong>sur</strong> une poudre minéraleb<strong>la</strong>nche : pigment <strong>la</strong>qué.Extrait d’un insecte. Pigment<strong>la</strong>qué. Passe à <strong>la</strong> lumière.Pierre semi précieuse. Nepas confondre avec le vert dema<strong>la</strong>chite qui est un composé<strong>org</strong>anique.Acétate basique de cuivre. Nepas confondre avec le carbonatehydraté de cuivre qui se forme<strong>sur</strong> le cuivre en milieu humide.Du nom <strong>du</strong> <strong>peintre</strong> italien Véronèse(Paolo Caliari) né à Véroneen 1528.Préparé par réaction de l’acideborique avec le bichromate depotassium. Différent <strong>du</strong> vert dechrome.Obtenu par hydratation <strong>du</strong> vertoxyde de chrome.Mé<strong>la</strong>nge de bleu de Prusse et dejaune de chrome. Principe desverts ang<strong>la</strong>is.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>137


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artNOMAzurite (bleu azur)*Outremer (bleu)*Bleu de prusseBleu de cobaltBleu de céruléumViolet de cobalt- foncé- c<strong>la</strong>irB<strong>la</strong>nc de plomb*B<strong>la</strong>nc de zincB<strong>la</strong>nc de titaneNoir de carbone*Oxyde de manganèse*Noir de Mars**Connu depuis l’AntiquitéFORMULECHIMIQUECu(OH) 2.2CuCO 3(Na,Ca) 8[Al 6Si 6O 24](SO 4,S,Cl)Fe 4[Fe(CN) 6] 3CoO.Al 2O 3Co 2SnO 4Co 3(PO 4) 2Co 3(AsO 4) 2Nat. Synth. COMMENTAIRESXXXXXXXX2 PbCO 3.Pb(OH) 2X XTiO 2XZnOXCMnO 2À base de FeOXXXXXXOrigine naturelle (gisements decuivre).Constituant essentiel <strong>du</strong> <strong>la</strong>pis<strong>la</strong>zuli: <strong>la</strong>zurite. Outremer desynthèse obtenu par J.-B. Guimeten 1828.Découvert par ha<strong>sa</strong>rd par Dippelà Berlin en 1710.Procédé mis au point par lechimiste français Thénard en1802.Existe depuis les années 1860.Les violets de cobalt sont lesseuls pigments violets solides de<strong>la</strong> <strong>palette</strong>.Appelé également b<strong>la</strong>nc decéruse.Extrait d’un minerai (blende).Pigment très lumineux (indice deréfraction élevé).Obtenu par calcination. D’origineanimale (noir d’os, noir d’ivoire)ou végétale (noir de suie).2.1. <strong>La</strong> nais<strong>sa</strong>nce de l’artpictural et les premierspigmentsJ.-C. environ. Quels pigmentsces artistes de l’ère paléolithiqueemployaient-ils ?138Figure 6Les peintures pariétalesdécouvertes dans <strong>la</strong> grotte de<strong>La</strong>scaux I révèlent une granderichesse de pigments : charbon,oxyde de manganèse, ocres dediverses teintes (composés à basede fer).Une grotte découverte enseptembre 1940 par quatrejeunes périgourdins en ba<strong>la</strong>defut c<strong>la</strong>ssée monument historiquequelques mois après,sous le nom de grotte de<strong>La</strong>scaux. Le préhistorien HenriBreuil l’avait baptisée <strong>La</strong>chapelle Sixtine <strong>du</strong> Périgordien.Elle le mérite bien, car les peinturespariétales qui l’ornentsont des merveilles de beautéet d’élégance (Figure 6). Elledate d’environ 17 000 av. J.-C.Encore plus ancienne est <strong>la</strong>grotte Chauvet : 32 000 av.Il n’est pas difficile dedeviner que le noir provenait<strong>du</strong> charbon minéral. Maisle charbon d’origine végétaleou animale (obtenu parcalcination <strong>du</strong> bois ou desos par exemple) était égalementemployé, ainsi que ledioxyde de manganèse. Et <strong>la</strong><strong>palette</strong> des jaunes, orangéset rouges ? Il s’agit des ocresdont l’élément essentiel estle fer (Encart « Les ocres : unebelle <strong>palette</strong> de <strong>couleur</strong>s »).<strong>La</strong> gœthite (nom choisi pourhonorer Gœthe, poète alle-


mand passionné de minéralogie),de <strong>couleur</strong> jaune,est de l’oxyde de fer hydraté.L’hématite, de <strong>couleur</strong> rouge,est de l’oxyde ferrique. Le<strong>sa</strong>rtistes de l’époque avaientdécouvert qu’en chauffant <strong>la</strong>gœthite, <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> devenaitrouge. Ils avaient ainsi, <strong>sa</strong>ns le<strong>sa</strong>voir, transformé <strong>la</strong> gœthiteen hématite. Des chercheurs<strong>du</strong> Centre de recherche etde restauration des muséesde France (C2RMF, voir leChapitre de P. Walter) ontprouvé que 25 % des blocsd’hématite découverts <strong>sur</strong> lesite de Troubat (11 000-6 500av. J.-C.) provenaient de<strong>la</strong> gœthite chauffée. Enrevanche, l’hématite retrouvéedans <strong>la</strong> grotte de <strong>La</strong>scaux estnaturelle. C’est l’analyse pardiffraction des rayons X quipermet de faire <strong>la</strong> distinction :les cristaux d’hématite naturellesont plus réguliers queceux de l’hématite artificielle.<strong>La</strong> température de chauffagede <strong>la</strong> gœthite doit atteindre950 °C pour <strong>la</strong> transformationcomplète en hématite,<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>LES OCRES : UNE BELLE PALETTE DE COULEURS<strong>La</strong> goethite est l’oxyhydroxyde de fer (FeOOH) de <strong>couleur</strong> jaune, et l’hématite l’oxyde ferrique(Fe 2O 3) de <strong>couleur</strong> rouge. Leur point commun est <strong>la</strong> présence d’un ion ferrique Fe 3+ au centred’un octaèdre dont les sommets sont occupés par six ions O 2– dans le cas de l’hématite, maispar trois ions O 2– et trois ions OH – pour <strong>la</strong> gœthite (Figure 7). Une telle différence d’environnementde l’ion ferrique est respon<strong>sa</strong>ble de <strong>la</strong> différence de <strong>couleur</strong> des deux composés, carles longueurs d’onde auxquelles ces derniers absorbent ne sont pas les mêmes.<strong>La</strong> déshydratation de <strong>la</strong> gœthite par chauffage con<strong>du</strong>it à l’hématite selon <strong>la</strong> réaction :2 FeOOH → Fe 2O 3+ H 2O<strong>La</strong> température de cuisson a un effet crucial <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> : orange à 300 °C, rouge à 950 °C.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> orangée provient <strong>du</strong> mé<strong>la</strong>nge de gœthite et d’hématite.Les ocres commerciales offrent ainsi toute une <strong>palette</strong> de <strong>couleur</strong>s fort appréciée. L’ajout decharges minérales b<strong>la</strong>nches (kaolinite, quartz, ou calcite), éc<strong>la</strong>ircit les <strong>couleur</strong>s.Les carrières d’ocres <strong>du</strong> Roussillon (Provence) sont exploitées depuis 1785 et demeurentl’une des principales sources d’ocres françaises. Leur utili<strong>sa</strong>tion dépasse le domaine de l’artpuisqu’elles sont également mises en œuvre dans les peintures en bâtiment, les revêtements,les matériaux de construction, etc.Figure 7<strong>La</strong> différence de <strong>couleur</strong> entre <strong>la</strong>gœthite et l’hématite s’expliquepar <strong>la</strong> différence des nombresd’ions O 2– et OH – entourant l’ionferrique central.139


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art140Figure 8Les pigments bleu et vert égyptienssont très présents <strong>sur</strong> <strong>la</strong> tombe deTanethéréret (18 e dynastie, 1 552-1 306 av. J.-C.).mais à des températuresinférieures, <strong>la</strong> transformationpartielle con<strong>du</strong>it à une gammede <strong>couleur</strong>s s’étendant del’orangé au rouge sombre.Parmi les pigments anciensexistant à l’état naturel,l’orpiment a tenu une p<strong>la</strong>ceimportante : il s’agit desulfure d’arsenic (As 2S 3)dont le succès s’explique par<strong>sa</strong> <strong>couleur</strong> jaune vif imitantl’or. Son nom vient précisément<strong>du</strong> <strong>la</strong>tin, auripigmentum,qui signifie pigmentd’or. Employé dans l’Égypteancienne dès le Moyen-Empire (2 000 av. J.-C.), onle fabriqua au Moyen Âgeen fondant <strong>du</strong> réalgar (AsS)et <strong>du</strong> soufre. <strong>La</strong> toxicité dece pigment fut rapidementreconnue : Cennino Cennini(1360-1440) écrivit « ... gardetoid’en souiller ta bouche, depeur que ta personne n’enpâtisse. ». Néanmoins, il futemployé jusqu’au XVIII e siècle.Un autre pigment nature<strong>la</strong>ncien très prisé et trèstoxique est le vermillonprovenant d’un minerai appelécinabre. Ce sulfure de mercure(HgS), d’un rouge éc<strong>la</strong>tant,apparut en Égypte à <strong>la</strong> BasseÉpoque (700 av. J.-C.). Il existedes preuves de <strong>sa</strong> synthèse auVIII e siècle en Perse.Quels sont les premierspigments exclusivement synthétiques? Mise à part l’hématiteobtenue à partir degœthite chauffée, ce sont lesfameux bleu et vert égyptiens,apparus environ en 2 500av. J.-C. (Figure 8), dont <strong>la</strong>synthèse n’a été élucidée querécemment (Encart « Le bleuet le vert égyptiens : premierspigments synthétiques »).C’est sous le nom de bleud’Alexandrie que le bleu égyptiensera exporté dans toutl’Empire romain. Les Romainsqui considéraient initialementle bleu comme une <strong>couleur</strong>dévalori<strong>sa</strong>nte réhabilitèrentainsi cette <strong>couleur</strong>. Certainespeintures murales contiennent<strong>du</strong> bleu égyptien à l’état broyé.2.2. Des pigmentssynthétiques d’un jaunelumineuxLes pigments jaunes onttoujours tenu une p<strong>la</strong>ce importanteen peinture pour imiterl’or et <strong>crée</strong>r des effets delumière (voir le paragraphe 4).Après l’orpiment, précédemmentévoqué, les <strong>peintre</strong>semployèrent le jaune deplomb et d’étain <strong>du</strong> XIV e siècleau XVIII e siècle, et le jaune deNaples <strong>du</strong> XVI e au XIX e siècle.Le jaune de plomb et d’étainest plus précisément <strong>du</strong> stannatede plomb (PbSnO 4). <strong>La</strong>première investigation scientifiquesérieuse de ce pigmentest <strong>du</strong>e à Richard Jacobi en1941 [3] qui en fit <strong>la</strong> synthèseen chauffant à 740-800 °C unmé<strong>la</strong>nge d’oxyde de plombPbO et d’oxyde d’étain SnO 2broyé finement. Puis il fit <strong>la</strong>comparaison par analyse


LE BLEU ET LE VERT ÉGYPTIENS : PREMIERS PIGMENTS SYNTHÉTIQUESLes textes égyptiens ne donnent aucune information <strong>sur</strong> le procédé de préparation de cespigments dont des pains ont été retrouvés (Figure 9). Les recherches menées au Centrede recherche et de restauration des musées de France ont permis d’élucider ce procédéen mettant en œuvre diverses analyses physico-chimiques [1, 2]. Il s’avère qu’un mé<strong>la</strong>ngede composés calcaires, siliceux et cuivreux en certaines proportions est chauffé entre 870et 1 100 °C pendant plusieurs heures, ce qui con<strong>du</strong>it à une masse compacte et hétérogènecomportant des cristaux bleus de cuprorivaïte (CaO.CuO.4SiO 2) ainsi que de <strong>la</strong> silice sousforme de cristaux de quartz et de tridymite. <strong>La</strong> <strong>couleur</strong> bleue varie <strong>du</strong> bleu foncé au bleupâle selon les conditions de chauffage. En outre, un broyage modéré est effectué ; il rend <strong>la</strong><strong>couleur</strong> bleue plus c<strong>la</strong>ire si <strong>la</strong> taille des grains devient inférieure à 20 micromètres.Quant au vert égyptien, il se prépare avec les mêmes ingrédients que ceux <strong>du</strong> bleu, mais dansdes proportions différentes, et le chauffage doit se faire sous atmosphère oxydante entre 900et 1 150 °C. Le vert égyptien est plus riche en sodium et plus pauvre en cuivre que le bleuégyptien. Dans <strong>la</strong> phase amorphe sont dispersés des cristaux de parawol<strong>la</strong>stonite (CaSiO 3) etde silice (quartz et/ou tridymite ou cristobalite).AB<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Figure 9A) Coupe stratigraphique de bleu égyptien synthétisé au Centre de recherche et de restauration des muséesde France montrant encore, avant broyage, les restes de quartz cernés par une couronne colorée mê<strong>la</strong>ntamorphe et cuprorivaïte donnant <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong> au matériau. B) Pains bruts de bleu égyptien <strong>du</strong> Départementdes Antiquités Égyptiennes <strong>du</strong> Musée <strong>du</strong> Louvre.spectrale 39 de ses échantillonsde synthèse avec desfragments prélevés <strong>sur</strong> destableaux de divers <strong>peintre</strong>s.Lorsque le rapport des intensitésde <strong>la</strong> raie de longueurd’onde 283,3 nm, caractéristique<strong>du</strong> plomb, et de <strong>la</strong> raiede longueur d’onde 284,0 nm,caractéristique de l’étain,était le même, il concluait39. L’analyse spectrale consiste àidentifier <strong>la</strong> nature d’un composégrâce aux raies caractéristiques<strong>du</strong> spectre de <strong>la</strong> lumière émisepar une f<strong>la</strong>mme dans <strong>la</strong>quelle lecomposé est intro<strong>du</strong>it.avec certitude <strong>la</strong> présence dejaune de plomb et d’étain dansl’œuvre.Des études postérieurespar diffraction des rayons Xdémontrèrent l’existence dedeux variétés de structurescristallines différentes : <strong>la</strong>première, dite de type I, estobtenue selon le procédé deJacobi, et <strong>la</strong> seconde, dite detype II, se prépare en ajoutantde <strong>la</strong> silice et en chauffantà plus haute température(900-950 °C) ; <strong>la</strong> formule dece second type est PbSn Si O 1-. À titre d’exemple, unex x 3141


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artFigure 10Le Baptême <strong>du</strong> Christ, LeGreco, 1567. Parmi les pigmentsemployés, figure le jaune de plombet d’étain (voir Figure 11).Figure 11Vue de dessus sous microscope d’un échantillon prélevé dansle ciel <strong>du</strong> tableau Le Baptême <strong>du</strong> Christ, présenté <strong>sur</strong> <strong>la</strong>Figure 10. Le spectre Raman montre les raies caractéristiques<strong>du</strong> jaune de plomb et d’étain de type II. <strong>La</strong> vue en coupe (aucentre) montre également <strong>la</strong> présence de cristaux de <strong>la</strong>pis<strong>la</strong>zuliet un fond de b<strong>la</strong>nc de plomb.277322138142200400600 800Nombre d’onde (cm –1 )


investigation récente [4] arévélé que, dans le tableau Lebaptême <strong>du</strong> Christ (Figure 10),le Greco a employé le jaunede plomb et d’étain pour deseffets de lumière dans le ciel,en association avec <strong>du</strong> <strong>la</strong>pis<strong>la</strong>zuliet <strong>du</strong> b<strong>la</strong>nc de plomb(voir le paragraphe 2.7) pourle fond. Il s’agit de jaune deplomb et d’étain de type II,comme le montre le spectreRaman (Figure 11).Pour quelle raison ce pigmentjaune est-il si lumineux ?Pour le comprendre, rappelonsque l’origine de <strong>la</strong>bril<strong>la</strong>nce <strong>du</strong> diamant est sonindice de réfraction élevé(2,4). Ainsi, un rayon lumineuxpénétrant dans un cristal a defortes chances d’être réfléchipar réflexion totale interne etressortir par <strong>la</strong> face avant. Ilen est de même <strong>du</strong> jaune deplomb et d’étain dont l’indicede réfraction est à peine inférieur(2,3). En outre, dans letableau présenté ci-dessus, <strong>la</strong>lumière qui toutefois traverseles cristaux est renvoyée par<strong>la</strong> sous-couche de b<strong>la</strong>nc deplomb par réflexion diffuse.L’antimoniate de plomb(Pb 2Sb 2O 7) est un pigmentjaune que les verriers égyptiens(vers 1 450 av. J.-C.)préparaient en calcinant<strong>du</strong> plomb en présence d’unminerai à base d’antimoine.Il était également connu enMésopotamie. Ce n’est qu’auXVI e siècle qu’il réapparut chezles <strong>peintre</strong>s de <strong>la</strong> Renais<strong>sa</strong>nceitalienne sous le nom de Giallorino.Fut-il redécouvert parces <strong>peintre</strong>s ? Les historienspenchent plutôt vers l’hypothèsed’une importation<strong>du</strong> procédé par des verriersvenant <strong>du</strong> Moyen-Orient.Ce pigment fut baptisé jaunede Naples en France au XVIII esiècle, car il était préparé àpartir d’un minerai récolté<strong>sur</strong> les pentes <strong>du</strong> Vésuve.En 1758, le chimiste françaisFougeroux de Bondaroy(1732-1789) rapporta unéchantillon d’Italie. Plusieur<strong>sa</strong>nnées lui furent néces<strong>sa</strong>irespour retrouver le procédé depréparation à base d’oxydeplomb (PbO), d’oxyde d’antimoine(Sb 2O 3) et de tartratede potassium. Une étuderécente a permis de préciserles conditions expérimentalesrequises pour obtenir unebelle <strong>couleur</strong> jaune [5].Ce pigment connut un francsuccès jusque vers les années1850, puis il fut progressivementremp<strong>la</strong>cé par le jaunede chrome (voir le paragraphe2.5) et <strong>sur</strong>tout le jaunede cadmium existant sousdiverses nuances (citron,c<strong>la</strong>ir, moyen, foncé).2.3. Le bleu outremer :une remarquable conquêtede <strong>la</strong> <strong>chimie</strong>De tous les pigments bleus,c’est <strong>sa</strong>ns aucun doute lebleu outremer dont l’histoireest <strong>la</strong> plus riche et passionnante.Rarement <strong>la</strong> <strong>sa</strong>gacitédes chimistes aura étémise autant à rude épreuveaussi bien pour <strong>sa</strong> synthèseque pour <strong>la</strong> compréhensionde l’origine de <strong>sa</strong> superbe<strong>couleur</strong> : il a fallu attendreles années 1960-1970 pourque cette origine soit parfaitementcomprise, car <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>ne provient pas d’un élémentmétallique, contrairementaux autres pigments minéraux(Encart « L’origine de <strong>la</strong><strong>couleur</strong> <strong>du</strong> bleu outremer »).<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>143


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artFigure 12Le <strong>la</strong>pis-<strong>la</strong>zuli est une pierresemi-précieuse d’où était extrait lebleu outremer par un procédé trèsonéreux.Figure 13Le bleu outremer, extrait <strong>du</strong><strong>la</strong>pis-<strong>la</strong>zuli, figurait en bonnep<strong>la</strong>ce <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong> <strong>du</strong>Moyen Âge pour <strong>la</strong> réali<strong>sa</strong>tion desenluminures. À droite : Misselà l’u<strong>sa</strong>ge de Nantes (milieu <strong>du</strong>XV e siècle).144Jusqu’au premier quart<strong>du</strong> XIX e siècle, on extrayaitle pigment bleu outremerà grand frais d’une pierresemi-précieuse : le <strong>la</strong>pis<strong>la</strong>zuli(<strong>du</strong> <strong>la</strong>tin <strong>la</strong>pis = pierre,et <strong>du</strong> per<strong>sa</strong>n <strong>la</strong>zur = bleu),également dénommée pierred’azur (Figure 12) 40 . Cettepierre était importée d’unlointain pays, l’Afghanistan,– d’où le nom d’outremer quisignifie au-delà des mers –,et le procédé d’extraction,comportant de nombreusesétapes, était long et difficile.D’où un coût exorbitant : plusélevé que l’or ! On dit mêmeque Michel-Ange n’avait pasles moyens de se le procurer.Un tel coût justifie pourquoice pigment était principalementdestiné à <strong>la</strong> peinture descènes religieuses dans les40. Les Égyptiens connais<strong>sa</strong>ientle <strong>la</strong>pis-<strong>la</strong>zuli dont ils fai<strong>sa</strong>ientdes bijoux, des statuettes, etc.,mais ils n’en extrayaient pas unpigment, préférant leur fameuxbleu égyptien.enluminures <strong>du</strong> Moyen Âge(Figure 13) et les peintures àpartir <strong>du</strong> XVI e siècle.Les progrès de l’analyse et de<strong>la</strong> synthèse chimique à <strong>la</strong> fin<strong>du</strong> XVIII e siècle et au début <strong>du</strong>XIX e siècle incitaient à préparerun bleu outremer artificiel.Ainsi, <strong>la</strong> Société d’encouragementpour l’in<strong>du</strong>strie nationaleouvrit un concours en1824 pour <strong>la</strong> synthèse d’unbleu outremer à moindre coût.Le <strong>la</strong>uréat fut Jean-BaptisteGuimet en 1828. C’est le plusbel exemple de substitutiond’un pigment naturel par unpigment synthétique grâceaux progrès de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong>.Nous <strong>sa</strong>vons aujourd’hui quele constituant essentiel <strong>du</strong>bleu d’outremer est <strong>la</strong> <strong>la</strong>zurite(Na 8[Al 6Si 6O 24][SO 4,S,Cl] x).L’origine de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>,complètement élucidée vers1970, est le radical aniontrisulfure (voir l’encart « L’originede <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> <strong>du</strong> bleuoutremer »).


L’ORIGINE DE LA COULEUR DU BLEU OUTREMER : LE PARADIGME DU MÉTALJusque vers 1760, on pen<strong>sa</strong>it que <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> bleue <strong>du</strong> <strong>la</strong>pis-<strong>la</strong>zuli était <strong>du</strong>e à <strong>la</strong> présenced’oxyde de cuivre. Cependant, les progrès de l’analyse chimique permirent à Margraaf en1768 et à K<strong>la</strong>proth en 1795 de montrer l’absence de ce composé, mais <strong>la</strong> présence d’oxydede fer, de carbonate de calcium, de sulfate de calcium, de silice, d’alumine et d’eau. En 1800,Guyton de Morveau suggéra alors que <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> est <strong>du</strong>e au sulfure de fer, car aucun oxyde defer n’est bleu. Pourtant, en 1806, Charles Bernard Désormes et Nico<strong>la</strong>s Clément, après unepurification draconienne <strong>du</strong> pigment, prouvèrent l’absence de fer, mais <strong>la</strong> présence de silice,d’alumine, de soude, de soufre et de carbonate de calcium.En 1814, Tas<strong>sa</strong>ert, directeur d’une usine de <strong>la</strong> Compagnie des G<strong>la</strong>ces de Saint-Gobain,découvrit par ha<strong>sa</strong>rd un échantillon de <strong>couleur</strong> bleue en démontant un four à soude (anciennom donné au carbonate de sodium). Intrigué, il envoya l’échantillon au célèbre chimisteVauquelin pour analyse. Il s’avéra que <strong>la</strong> composition était voisine de celle <strong>du</strong> bleu outremerextrait <strong>du</strong> <strong>la</strong>pis-<strong>la</strong>zuli. Malgré les résultats obtenus par Désormes et Clément, Vauquelinpen<strong>sa</strong>, comme Guyton de Morveau, que <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> était <strong>du</strong>e au sulfure de fer.En 1815, Döbereiner émit pour <strong>la</strong> première fois l’hypothèse que <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> était uniquement<strong>du</strong>e au soufre, ce qui se révèlera exact. Toutefois, le paradigme <strong>du</strong> métal pour expliquer<strong>la</strong> <strong>couleur</strong> des métaux est tellement ancré dans les esprits que Döbereiner suppo<strong>sa</strong> quele soufre provenait d’une substance métallique « sulfogène » (c’est-à-dire génératrice desoufre), le métal en question n’ayant pas encore été isolé. C’est finalement Richard Phillipsqui, en 1823, mena des expériences qui le con<strong>du</strong>isirent à l’hypothèse que <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> était <strong>du</strong>eà une substance non métallique.Toutes ces considérations incitèrent <strong>la</strong> Société d’encouragement pour l’in<strong>du</strong>strie nationale àouvrir en 1824 un concours dont le prix récompenserait celui qui réussira <strong>la</strong> synthèse d’unbleu outremer bon marché. Le prix fut décerné à Jean-Baptiste Guimet en 1828.Mais quelle est donc <strong>la</strong> nature exacte de cette substance bleue à base de soufre ? Ce sontdes expériences de résonance paramagnétique électronique qui ont montré, en 1970, que• –<strong>la</strong> <strong>couleur</strong> est <strong>du</strong>e au radical anion trisulfure S 3dans une cage d’aluminosilicate de typezéolithe (Figure 14). Cette espèce absorbe vers 600-610 nm c’est-à-dire dans le rouge, cequi explique <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong> bleue. Pas étonnant qu’il ait fallu deux siècles pour arriver à cetteinterprétation peu évidente a priori !<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Figure 14<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> <strong>du</strong> bleu outremern’est pas <strong>du</strong>e à une substancemétallique, contrairement àcelle de <strong>la</strong> plupart des pigmentsminéraux, mais au soufre. Plusprécisément, c’est le radical anionS3 • – , constitué de trois atomes desoufre et emprisonné dans unecage d’aluminosilicate, qui est àl’origine de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>.145


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artFigure 15Le bleu monastral et le vertmonastral sont des phtalocyaninesde cuivre possédant d’excellentespropriétés.2.4. Et bien d’autres pigmentsbleus synthétiques…Avant d’examiner d’autrespigments bleus synthétiques,un pigment naturel bleumérite d’être cité : l’azurite,un carbonate basique decuivre 2CuCO 3.Cu(OH) 2quel’on trouve sous forme deminerai dans les mines decuivre. Il fut souvent employépar les <strong>peintre</strong>s jusqu’auXVII e siècle.Un pigment bleu synthétique<strong>la</strong>rgement mis en œuvredans <strong>la</strong> peinture à l’huile dèsle XV e siècle (sous le nomd’Azur d’Allemagne) est lebleu de cobalt (CoO.Al 2O 3).En 1802, Thénard mit au pointun procédé de synthèse àpartir de phosphate de cobalt.Lorsqu’il est broyé à l’huile,ce pigment est d’un bleu peulumineux. Néanmoins, lesmé<strong>la</strong>nges avec des pigmentsb<strong>la</strong>ncs donnent de très belles<strong>couleur</strong>s.Le bleu de Prusse est uncolorant minéral synthétique(ferrocyanure ferrique :Fe 4[Fe(CN) 6] 3) découvert parha<strong>sa</strong>rd à Berlin en 1710 etsouvent utilisé pour <strong>la</strong> teinture.Sa fixation <strong>sur</strong> un oxydemétallique comme l’alumineen fait un pigment pour<strong>la</strong> peinture. Toutefois, il neFigure pas parmi les grandspigments bleus. Certains letrouvent trop « envahis<strong>sa</strong>nt ».Le bleu phtalo est un trèsbeau pigment <strong>du</strong> XX e siècle.Il fut découvert accidentellementen 1938 dans l’entrepriseécos<strong>sa</strong>ise ScottishDyes Ltd. (qui deviendra ICI,Imperial Chemical In<strong>du</strong>stries).Il s’agit d’une phtalocyaninedont ce n’était pas <strong>la</strong> premièreobservation, mais c’était <strong>la</strong>première fois qu’on envi<strong>sa</strong>geaitson emploi commepigment. Les recherche<strong>sa</strong>boutirent à <strong>la</strong> mise <strong>sur</strong> lemarché en 1934 <strong>du</strong> bleu phtaloou bleu monastral qui estune phtalocyanine de cuivre(Figure 15). <strong>La</strong> chlorationcon<strong>du</strong>it à un pigment vert, levert monastral. Ces pigmentsde nature <strong>org</strong>anométallique(c’est-à-dire constitués d’union métallique auquel sontliés des ligands <strong>org</strong>aniques)sont très résistants à <strong>la</strong>lumière, ainsi qu’aux variationsde température et d’humidité.Ils offrent <strong>la</strong> possibilitéd’imiter les pigments anciens,notamment en vue de réaliserdes g<strong>la</strong>cis.Une question que l’on se poseen admirant les tableaux dePablo Picasso peints lors de<strong>sa</strong> « période bleue » : quelspigments employait-il ? Ils’agit <strong>du</strong> bleu de cobalt et <strong>du</strong>bleu de Prusse. Ce dernierétait peu prisé des <strong>peintre</strong>s, cequi en fait une caractéristiquede ces œuvres de Picasso.Le <strong>peintre</strong> français Yves Klein(1928-1962) « traver<strong>sa</strong> » égalementune période bleue.Il peignit des œuvres monochromesdans les années1950-1960 avec son pigment146


IKB (International Klein Blue),le fameux bleu Klein, qui l’aren<strong>du</strong> célèbre (Figure 16). <strong>La</strong>formule de ce bleu, mise aupoint avec l’aide d’un jeunechimiste, Édouard Adam, a étéenregistrée en 1960 à l’Institutnational de <strong>la</strong> propriétéin<strong>du</strong>strielle. Le liant n’est nide l’huile, ni de l’eau, maisune pâte fluide originale <strong>sur</strong><strong>la</strong>quelle <strong>du</strong> pigment bleuoutremer est fixé.2.5. Les pigments à base dechrome : une belle variété de<strong>couleur</strong>sLe chrome est un métal qui futisolé pour <strong>la</strong> première fois parVauquelin en 1797, à partir d’unminerai découvert dans l’Ouralen 1765 (<strong>la</strong> crocoïte). Il doit sonnom à <strong>la</strong> diversité des <strong>couleur</strong>sde ses sels : rouge, jaune, vert(le mot chrome vient en effet<strong>du</strong> grec χρομα/chroma quisignifie « <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> »).Le vert oxyde de chrome(Cr 2O 3) est un pigment important,apparu en 1809 (remarquon<strong>sa</strong>u pas<strong>sa</strong>ge que les« billets verts », les dol<strong>la</strong>rs,lui doivent leur <strong>couleur</strong>).Il s’obtient en chauffant à500 °C de l’acide borique et <strong>du</strong>chromate de potassium. L’hydratationde cet oxyde con<strong>du</strong>itau vert émeraude (ou vertviridien) Cr 2O 3, 2H 2O. Il ne fautpas confondre le vert oxyde dechrome et le vert de chrome.Ce dernier, fabriqué auXIX e siècle, est un co-précipitéde jaune de chrome (PbCrO 4.PbSO 4) et de bleu de Prusse(voir ci-dessus). C’est leconstituant principal des vert<strong>sa</strong>ng<strong>la</strong>is. En 1840, un fabricantparisien créa les verts Miloriassociant le jaune de chrome,le bleu de Prusse et le sulfatede baryum (b<strong>la</strong>nc). Toutefois,ces mé<strong>la</strong>nges se sont souventrévélés instables.Contrairement au vert oxydede chrome, le jaune de chromen’est pas recommandablecomme pigment : il est peustable à <strong>la</strong> lumière et noircit aucontact <strong>du</strong> soufre (formationde sulfure de plomb).2.6. Les pigments <strong>la</strong>quésCes pigments sont à base decolorants <strong>org</strong>aniques. Pourrendre ces colorants insolubles,et ainsi les transformeren pigments, on peutles fixer <strong>sur</strong> une poudre minéraleb<strong>la</strong>nche (argile, alumineou calcite) si le colorantpossède une affinité pour lescations métalliques présentsdans <strong>la</strong> poudre. Les colorantsservant à <strong>la</strong> fabricationdes <strong>la</strong>ques 41 sont d’origine41. <strong>La</strong> <strong>la</strong>que est un mot qui ad’autres sens. Il désigne en premierlieu le vernis noir ou rouge,préparé en Chine ou au Japonavec une gomme-résine issuede p<strong>la</strong>ntes orientales. Par extension,certaines peintures particulièrementbril<strong>la</strong>ntes et lissessont qualifiées de <strong>la</strong>ques. Le mot<strong>la</strong>que au masculin désigne unobjet d’Extrême-Orient revêtu denombreuses couches de <strong>la</strong>que.Figure 16Anthropométrie de l’époque bleue(1960), Yves Klein.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>147


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artvégétale ou animale, ou biensont synthétiques. Voyonsquelques exemples.<strong>La</strong> <strong>la</strong>que de garance, pigment<strong>la</strong>qué de <strong>couleur</strong> rouge ourose, fut employée dès l’Antiquité,non seulement à des fin<strong>sa</strong>rtistiques, notamment parles <strong>peintre</strong>s grecs [6], mai<strong>sa</strong>ussi en tant que fard rose. <strong>La</strong>garance est une p<strong>la</strong>nte méridionale; on extrayait de sesracines une matière colorante<strong>org</strong>anique d’un beau rougevif, principalement constituéed’alizarine. <strong>La</strong> culturefut longtemps intensive, carce colorant était très employépour <strong>la</strong> teinture 42 , jusqu’aujour où des chercheurs allemands,Graebe et Libermann,en réalisèrent <strong>la</strong> synthèse en1868 (brevet BASF), mettantainsi fin à <strong>la</strong> culture de <strong>la</strong>garance. Autre bel exempledes progrès de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> auXIX e siècle.<strong>La</strong> gaude est une p<strong>la</strong>nte quia fourni longtemps un colorantjaune très employé pour<strong>la</strong> teinture, <strong>sur</strong>tout au MoyenÂge. <strong>La</strong> <strong>la</strong>que de gaude qui endérive a eu en revanche peu desuccès en tant que pigment,car elle est peu stable à <strong>la</strong>lumière.Le carmin de cochenille(encore appelé rouge cochenille,ou cramoisi) est uncolorant <strong>org</strong>anique extrait de<strong>la</strong> cochenille, un insecte serepro<strong>du</strong>i<strong>sa</strong>nt <strong>sur</strong> les figuiersde barbarie. Sous forme de<strong>la</strong>que, il fut employé en pein-ture, notamment par Michel-Ange 43 .Enfin, citons <strong>la</strong> <strong>la</strong>que géraniumqui doit son nom à <strong>sa</strong><strong>couleur</strong> et non pas à uneextraction <strong>du</strong> géranium. Elleest en effet préparée avecun colorant <strong>org</strong>anique desynthèse (l’éosine) inventédans les années 1870.L’inconvénient de <strong>la</strong> plupartdes colorants <strong>org</strong>aniques estleur manque de stabilité à <strong>la</strong>lumière. Dans son ouvrage,<strong>La</strong> science de <strong>la</strong> peinture, paruen 1891, le <strong>peintre</strong> Jehan-Ge<strong>org</strong>es Vibert recense « les<strong>couleur</strong>s bonnes et les <strong>couleur</strong>smauvaises ». Il note : « lesseules <strong>la</strong>ques de garance sontre<strong>la</strong>tivement solides ». Toutesles autres, d’origine végétaleou animale, ou bien synthétiques« passent à <strong>la</strong> lumière ».C’est le cas de <strong>la</strong> <strong>la</strong>que géraniumemployé par Vincent VanGogh au début des années1890. <strong>La</strong> Figure 17 montre<strong>la</strong> décoloration de certaineszones de son tableau MademoiselleGachet au jardin : <strong>la</strong><strong>couleur</strong> de <strong>la</strong> robe, <strong>du</strong> vi<strong>sa</strong>geet des fleurs s’est affadie [7].2.7. Les pigments b<strong>la</strong>ncset noirsLes pigments b<strong>la</strong>ncs onttoujours tenu une p<strong>la</strong>cede choix <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> des<strong>peintre</strong>s, aussi bien pourréaliser un fond que pouréc<strong>la</strong>ircir les <strong>couleur</strong>s (ondit que ces dernières sont14842. <strong>La</strong> garance était employée enparticulier pour <strong>la</strong> teinture despantalons des fantassins et descavaliers de l’armée française de1835 à 1905.43. Le rouge cochenille est égalementun colorant alimentaire trèsrépan<strong>du</strong> encore de nos jours, toutparticulièrement en charcuterie.


A« <strong>la</strong>vées de b<strong>la</strong>nc »). Les troispigments b<strong>la</strong>ncs majeurs sontle b<strong>la</strong>nc de plomb, le b<strong>la</strong>nc dezinc et le b<strong>la</strong>nc de titane.Le b<strong>la</strong>nc de plomb fut le pigmentb<strong>la</strong>nc employé presqueexclusivement depuis l’Antiquitéjusqu’au milieu <strong>du</strong> XIX e siècle(Figure 18). Son u<strong>sa</strong>ge n’étaitpas réservé à <strong>la</strong> peinture ; ilétait en effet couramment utilisécomme fard dans <strong>la</strong> GrèceAntique ainsi qu’en France <strong>du</strong>XIV e au XVIII e siècle. Sous l’AncienRégime, <strong>la</strong> b<strong>la</strong>ncheur <strong>du</strong> vi<strong>sa</strong>geétait un symbole de distinction.Le b<strong>la</strong>nc de plomb est uncarbonate basique de plomb(2PbCO 3.Pb(OH) 2). Le carbonatede plomb sous <strong>sa</strong> forme neutreexiste à l’état naturel et portele nom de céruse (souvent enmé<strong>la</strong>nge avec de <strong>la</strong> craie). Lepremier procédé de fabrication<strong>du</strong> b<strong>la</strong>nc de plomb remonte àl’époque romaine et prévaudrajusqu’à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> XVIII e siècle :des feuilles de plomb étaientexposées pendant plusieurssemaines à des vapeurs devinaigre (acide acétique) dansun récipient en argile. L’acétatede plomb ainsi obtenu étaittransformé en carbonate parréaction avec <strong>du</strong> dioxyde decarbone (CO 2) provenant parexemple <strong>du</strong> fumier. <strong>La</strong> croûteBde b<strong>la</strong>nc de plomb était séparée<strong>du</strong> métal qui n’a pas réagi, puisbroyée et <strong>la</strong>vée. En France, unnouveau procédé mis au pointpar Thénard en 1801 facilita <strong>la</strong>pro<strong>du</strong>ction in<strong>du</strong>strielle.Le b<strong>la</strong>nc de plomb présentede réelles qualités : sonindice de réfraction élevé(2,1) lui donne un aspectlumineux et lui confère unfort pouvoir couvrant ; enoutre, il augmente <strong>la</strong> vitessede séchage de l’huile en tantqu’agent siccatif (voir le paragraphe3.3). En revanche,il noircit en présence depolluants in<strong>du</strong>striels, car ilse transforme en sulfure deplomb noir. Les vernis sonttoutefois des protecteursefficaces. Mais le plus gravedéfaut de ce pigment est <strong>sa</strong>toxicité. Les effets néfastes <strong>du</strong>b<strong>la</strong>nc de plomb <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>sa</strong>ntédes ouvriers chargés de lefabriquer furent reconnusdès le Moyen Âge, mais desme<strong>sur</strong>es de protection nefurent prises qu’au XVIII e siècle.C’est cette toxicité quicon<strong>du</strong>isit à proposer de substituerce pigment par le b<strong>la</strong>ncde zinc à partir de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong>XVIII e siècle, sous l’influence <strong>du</strong>chimiste Guyton de Morveau.Figure 17A) Tableau de Van Gogh,Mademoiselle Gachet au jardin(1890). B) L’analyse chimique demicroprélèvements a permis derepérer les zones qui se sontdécolorées au cours <strong>du</strong> temps, enraison de <strong>la</strong> mauvaise stabilité à<strong>la</strong> lumière de <strong>la</strong> <strong>la</strong>que géranium(Travaux de Jean-Paul Riouxréalisés au C2RMF).<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>149


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artdans ses œuvres, alors queles impressionnistes l’employèrentplutôt pour éc<strong>la</strong>ircirles <strong>couleur</strong>s.Enfin, le b<strong>la</strong>nc de titane aemporté tous les suffragesdès son apparition en 1919en raison de ses propriétésremarquables. Ce pigmentest constitué de dioxyde detitane TiO 2pouvant existersous deux formes cristallinesdifférentes : le rutile et l’anatase.Il est préparé selon deuxméthodes : procédé au chloreet procédé au sulfate. Enraison de son indice de réfractionexceptionnellement élevé(~2,6), ce pigment est le plusdiffu<strong>sa</strong>nt de tous les pigmentsb<strong>la</strong>ncs, c’est-à-dire celui quidonne le b<strong>la</strong>nc le plus lumineux.Précisons que c’est<strong>la</strong> différence entre l’indicede réfraction <strong>du</strong> pigment etcelui <strong>du</strong> liant qui conditionnel’importance <strong>du</strong> phénomènede diffusion de <strong>la</strong> lumière. Sil’huile est employée commeliant, son indice étant de 1,5,<strong>la</strong> différence d’indice estgrande : 1,1.En conséquence, le pouvoircouvrant <strong>du</strong> b<strong>la</strong>nc de titaneest très grand. En outre, ilest utili<strong>sa</strong>ble avec des liantsà base d’huile ou d’eau, ycompris en peinture acrylique(voir le paragraphe 3.4), alorsque le b<strong>la</strong>nc de plomb et leb<strong>la</strong>nc de zinc ne sont passtables dans les émulsion<strong>sa</strong>cryliques.Le b<strong>la</strong>nc de titane a été identifiénotamment dans lesœuvres de Picasso, Poliakoff,Pollock, Newman, Miro ouDubuffet (Figure 19), conservée<strong>sa</strong>u Musée national d’artmoderne de Paris.150Figure 18Dans le tableau de Watteau,Pierrot (1718-1719), le b<strong>la</strong>nc deplomb est présent en abondance.Après avoir réalisé des es<strong>sa</strong>isen 1782, ce dernier insista<strong>sur</strong> l’absence de toxicité del’oxyde de zinc (ZnO) dont cepigment est constitué. Pourtant,l’emploi <strong>du</strong> b<strong>la</strong>nc de zincse fit attendre en raison de sesinconvénients : coût quatrefois plus élevé que celui <strong>du</strong>b<strong>la</strong>nc de plomb à l’époque,pouvoir couvrant peu élevé,absence de propriétés siccatives.En revanche, <strong>la</strong> transformationde l’oxyde dezinc en sulfure de zinc sousl’influence des polluantsin<strong>du</strong>striels n’altère pas <strong>la</strong>b<strong>la</strong>ncheur, car le sulfure dezinc est b<strong>la</strong>nc. <strong>La</strong> pro<strong>du</strong>ctionin<strong>du</strong>strielle ne commençaqu’en 1845. Van Gogh utili<strong>sa</strong>abondamment le b<strong>la</strong>nc de zinc


Notons au pas<strong>sa</strong>ge que ledioxyde de titane est employédans bien d’autres domainesque <strong>la</strong> peinture : il entre dans<strong>la</strong> composition de cosmétiques,matières p<strong>la</strong>stiques,caoutchoucs, fibres synthétiques,papiers, matériaux deconstruction, ciments, etc.Par ailleurs, ses propriétésphotocatalytiques ont permisde mettre au point des verre<strong>sa</strong>utonettoyants et des revêtementspour <strong>la</strong> dépollutionatmosphérique (ces derniers,à base de mé<strong>la</strong>nges de TiO 2et de ciment, sont capablesde détruire les oxydes d’azoteprovenant de <strong>la</strong> pollutionautomobile). Mais cette réactivitéphotochimique est uninconvénient en peinture, carelle peut in<strong>du</strong>ire des réactionsde dégradation <strong>du</strong> liant (farinage,craquèlement, jaunissement).Pour ré<strong>du</strong>ire ceseffets, un procédé d’enrobaged’alumine ou de silice a étémis au point dans les années1950.Enfin, le noir, indispen<strong>sa</strong>blepour le dessin, est beaucoupmoins employé en peinture.Il était même considéré parDe<strong>la</strong>croix comme « l’ennemide toute peinture ». Ilexiste cependant des exceptionsnotoires : le grand<strong>peintre</strong> contemporain PierreSou<strong>la</strong>ges, par exemple.Les pigments noirs sont principalementle noir de carboned’origine animale (noir d’os,noir d’ivoire) ou végétale (noirde suie), le dioxyde manganèse(déjà employé dans lespeintures pariétales), le noirde Mars (à base d’oxyde defer) et le noir d’aniline. Enraison de leur intérêt limité aup<strong>la</strong>n chimique, on ne s’y attarderapas davantage.3Le <strong>peintre</strong>alchimistede <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>Le terme al<strong>chimie</strong> tra<strong>du</strong>itici <strong>la</strong> suite complexe d’opérationsmettant en œuvrediverses substances pourréaliser une œuvre picturale,depuis le broyage <strong>du</strong>pigment brut jusqu’à l’œuvreachevée. Les procédésont un point commun : lespigments broyés sont toujoursdispersés dans un liant (leplus souvent à base d’eau oud’huile). Au mé<strong>la</strong>nge obtenusont ajoutées d’autres substancesdont dépend <strong>la</strong> diversitédes procédés : résines,essences, gomme arabique,colle, œuf, cire, etc. [8].Admirez les peintures à l’huiledes <strong>peintre</strong>s f<strong>la</strong>mands <strong>du</strong>XV e siècle dont <strong>la</strong> beauté doitbeaucoup à <strong>la</strong> technique desg<strong>la</strong>cis qu’ils mirent au point !Contemplez l’étonnante fraîcheurdes <strong>couleur</strong>s dans lestableaux des primitifs italiens,peints il y a plus de six cent<strong>sa</strong>ns par un procédé à based’œuf ! Un tel <strong>sa</strong>voir-faire deFigure 19Tableau de Jean Dubuffet, Vacheb<strong>la</strong>nche, fond vert (1954) illustrantl’emploi fréquent par les <strong>peintre</strong>smodernes d’un pigment b<strong>la</strong>nc trèslumineux, le b<strong>la</strong>nc de titane.Il s’était persuadé que, de même qu’onpeut pro<strong>du</strong>ire de l’or à partir des métauxles plus ordinaires, de même on peuttransmuter les <strong>couleur</strong>s – ces minérauxde l’esprit – en l’équivalent de l’or,<strong>la</strong> lumière.Yves Bonnefoy<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>151


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artFigure 20Les techniques de peinture sedistinguent par <strong>la</strong> nature <strong>du</strong>liant (eau ou huile) et des diversingrédients qui sont ajoutés.ces artistes, en absence deconnais<strong>sa</strong>nces scientifiques,suscite en effet étonnementet admiration. Ces procédésempiriques et leur optimi<strong>sa</strong>tiontrouvent aujourd’hui leurjustification par <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> et <strong>la</strong>physico-<strong>chimie</strong>.3.1. <strong>La</strong> néces<strong>sa</strong>ire dispersiondes pigments dans un liant<strong>La</strong> poudre de pigment n’estpas applicable directement<strong>sur</strong> un support. Pour as<strong>sur</strong>erl’adhérence <strong>sur</strong> ce dernier,les particules de pigmentsdoivent être au préa<strong>la</strong>bledispersées dans une substanceappelée liant, terme quel’on retrouve d’ailleurs dans levocabu<strong>la</strong>ire culinaire avec lemême objectif : maintenir ensuspension des particules enévitant toute agglomération.Commençons par les artistesde l’ère paléolithique. Quelsliants employaient-ils ? Leshypothèses ne manquentpas : huile végétale, graisseanimale, <strong>sa</strong>ng, urine, crachats,etc. <strong>La</strong> difficulté à les identifieraujourd’hui vient <strong>du</strong> faitque, lorsque le liant était d’origine<strong>org</strong>anique, il constituaitune nourriture pour les <strong>org</strong>anismesvivants, raison pour<strong>la</strong>quelle on n’en a guère déceléde traces. Toutefois, des liantsà base d’huile ont été retrouvéspar exemple dans certainesgrottes des Pyrénées ariégeoises.Et si l’eau avait été toutsimplement le liant ? Dans lesgrottes dont l’eau est riche encarbonate de calcium (CaCO 3),on a constaté que des cristauxde calcite emprisonnaient desoxydes de fer et de manganèse<strong>sur</strong> les parois. C’est ainsi quel’on explique l’excellent état deconservation des peintures de<strong>la</strong> grotte de <strong>La</strong>scaux.Cet emprisonnement despigments était-il alors volontaire? En tout cas, il l’étaitdans <strong>la</strong> technique de <strong>la</strong> fresque(de l’italien fresco qui signifiefrais) employée dès l’Antiquité :le mur est en<strong>du</strong>it d’un mortierde chaux, puis d’une couche depigments. <strong>La</strong> réaction de l’hydroxydede calcium (Ca(OH) 2),qui migre à <strong>la</strong> <strong>sur</strong>face, avecle dioxyde de carbone de l’aircon<strong>du</strong>it à <strong>la</strong> formation decarbonate de calcium sous <strong>la</strong>forme d’une croûte de cristauxde calcite. Ainsi les pigmentssont-ils fixés, et de <strong>sur</strong>croîtprotégés par cette couchede cristaux qui confère aux<strong>couleur</strong>s une belle vivacité.Examinons maintenant defaçon générale les diversprocédés employant l’eau oul’huile comme liant. D’unefaçon générale, on distingue<strong>la</strong> peinture à l’eau et <strong>la</strong> peintureà l’huile (Figure 20), <strong>sa</strong>nspour autant pouvoir dire,comme le prétend <strong>la</strong> chanson,que <strong>la</strong> peinture à l’huile, c’estbien plus difficile !Le vocable peinture à l’eaurecouvre divers procédés.L’aquarelle et <strong>la</strong> gouache sont lestechniques les plus familières.Leur point commun est l’ajoutde gomme arabique (constituéede molécules de sucressolubles dans l’eau) qui as<strong>sur</strong>e152


<strong>la</strong> dispersion des pigments etfacilite l’adhérence au support.<strong>La</strong> différence réside dans <strong>la</strong>quantité de gomme ajoutée :faible pour l’aquarelle qui offredes effets de transparence, etbeaucoup plus importante pour<strong>la</strong> gouache qui donne de belles<strong>couleur</strong>s mates et <strong>sa</strong>tinées.L’aquarelle fut initialement unesimple esquisse préparatoired’œuvres picturales. Puis elledevint, vers <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> XVIII e siècle,un procédé à part entière. Dansles enluminures des manuscrit<strong>sa</strong>u Moyen Âge, c’est principalement<strong>la</strong> technique de<strong>la</strong> gouache qui était mise enœuvre. En plus de <strong>la</strong> gommearabique, les artistes ajoutaientempiriquement divers ingrédients: b<strong>la</strong>nc d’œuf, vinaigre,sucre candi, etc. De nos jours,on emploie rationnellementdivers composés synthétiques,notamment <strong>la</strong> glycérine pour <strong>la</strong>souplesse, et <strong>la</strong> dextrine pourl’apport de sucre jouant le rôlede disper<strong>sa</strong>nt.Lorsque de <strong>la</strong> colle ou de l’œufsont ajoutés à l’eau, les procédésse nomment détrempe(procédé a tempera lorsque del’œuf est ajouté). Au XX e siècle,un nouveau procédé à l’eau estinventé : il s’agit de <strong>la</strong> peintureacrylique à base d’émulsionsde résines acryliques dansl’eau. Ces procédés serontdécrits plus en détail dans<strong>la</strong> suite de ce chapitre (paragraphes3.3 et 3.5). De même,une attention toute particulièresera portée à <strong>la</strong> peinture àl’huile (paragraphe 3.4).(Figure 21), ce qui étaitpénible et fastidieux. Les pigmentsnoirs étaient particulièrementdifficiles à broyer,d’où l’expression « broyer <strong>du</strong>noir ». Opération égalementdangereuse en raison de <strong>la</strong>toxicité de certains pigments.Le broyage avait lieu dans leliant et les forces de ci<strong>sa</strong>illementas<strong>sur</strong>aient une bonnedispersion des particules depigments, ainsi qu’un bonmouil<strong>la</strong>ge, en évitant l’occlusionde bulles d’air, ce quen’aurait pas permis un simplema<strong>la</strong>xage avec une spatule.Remarquons que le broyages’accompagne d’un éc<strong>la</strong>ircissementdes <strong>couleur</strong>s lorsqueles grains de pigmentsdeviennent très fins. En effet,à <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> intrinsèque <strong>du</strong>pigment se superpose uneffet de diffusion de <strong>la</strong> lumièreb<strong>la</strong>nche par les grains depigments (Figure 22).Figure 21Tableau de David III RyckaertAtelier <strong>du</strong> <strong>peintre</strong> (1638) montrantle broyage de pigments.Figure 22Le broyage de pigments con<strong>du</strong>it àun éc<strong>la</strong>ircissement de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>quand les grains deviennent trèsfins en raison de l’importancecrois<strong>sa</strong>nte de <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong>lumière par ces derniers. <strong>La</strong>démonstration est faite ici avecdes cristaux de sulfate de cuivrehydraté.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>3.2. Le pénible broyage despigmentsAu Moyen Âge et jusqu’auXVII e siècle, les <strong>peintre</strong>s fai<strong>sa</strong>ientbroyer leurs pigments153


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artL’ÉLÉMENT CLÉ DE LA TECHNIQUE A TEMPERA : LA LÉCITHINE D’ŒUFLe jaune d’œuf contient une proportion importante (∼30 %) de lécithine (nom venant <strong>du</strong> grecancien λεκιθος/lekithos qui signifie jaune d’œuf) dont le constituant principal est <strong>la</strong> phosphatidylcholine. Cette molécule appartient à <strong>la</strong> famille des phospholipides, constituant majeurdes membranes biologiques. Elle possède deux chaînes hydrocarbonées (ou paraffiniques)constituées d’un enchaînement de groupes –CH 2– , mais l’une des deux contient une doubleliaison entre deux atomes de carbone (Figure 23). Ces chaînes sont « attachées » à une têtedite po<strong>la</strong>ire comportant en particulier un motif glycérol, un groupe phosphate chargé négativementet un groupe choline chargé positivement.Figure 23<strong>La</strong> phosphatidylcholine est présente en forte proportion dans le jaune d’œuf. <strong>La</strong>composition des chaînes hydrocarbonées varie d’une molécule à l’autre. Cettemolécule stabilise des émulsions H/E (gouttelettes d’huile dans eau) en se p<strong>la</strong>çantà l’interface eau/huile.<strong>La</strong> tête po<strong>la</strong>ire est hydrophile (elle possède une grande affinité pour l’eau), tandis que leschaînes paraffiniques sont hydrophobes (elles sont insolubles dans l’eau mais solubles dansl’huile). Alors, en présence de gouttelettes d’huile dispersées dans l’eau (émulsion huiledans-eau,symbolisée par H/E), les molécules de lécithine viennent tout naturellementtapisser l’interface eau /huile avec leur tête po<strong>la</strong>ire au contact de l’eau et leurs chaînes dansl’huile. <strong>La</strong> lécithine est qualifiée d’émulsifiant car ses molécules stabilisent les émulsions enré<strong>du</strong>i<strong>sa</strong>nt considérablement les risques de coalescence (fusion des gouttelettes). <strong>La</strong> stabilitéde <strong>la</strong> mayonnaise s’explique de cette façon. De <strong>la</strong> même façon, nombre de crèmes cosmétiquessont des émulsions stabilisées par des phospholipides (liposomes).Les particules de pigments qui ont une affinité pour les têtes po<strong>la</strong>ires se trouvent ainsidispersés au sein de l’émulsion <strong>sa</strong>ns aucune tendance à s’agglomérer.1543.3. Le procédé a tempera ou<strong>la</strong> technique à l’œufCe procédé – dont le nomvient <strong>du</strong> mot <strong>la</strong>tin temperarequi signifie détremper– sera <strong>la</strong>rgement employéjusqu’au XV e siècle avant d’êtresupp<strong>la</strong>nté par <strong>la</strong> peinture àl’huile (paragraphe 3.4). Ilexiste diverses variantes de ceprocédé, mais le point communest <strong>la</strong> présence d’œuf, etcomme en gastronomie, ilexiste une grande variété derecettes ! Selon les cas, onemploie le jaune d’œuf avecle b<strong>la</strong>nc ou non, et on ajoutebien d’autres ingrédients : unehuile et/ou un vernis en émulsiondans l’œuf, parfois un peude cire, <strong>du</strong> vinaigre, etc. [9].Pourquoi l’œuf ? Encore uneraison physico-chimique :l’œuf contient en particulierde <strong>la</strong> lécithine qui permet


de stabiliser des émulsionsdans lesquelles les pigmentssont dispersés (Encart« L’élément clé de <strong>la</strong> techniquea tempera : <strong>la</strong> lécithined’œuf »), tout comme ellestabilise une mayonnaise.Le procédé a tempera offredivers avantages. Les tonssont d’une superbe fraîcheur(Figure 24). <strong>La</strong> conservationen atmosphère sèche estexcellente et le vieillissementne s’accompagne pas d’unjaunissement. <strong>La</strong> rapidité deséchage offre <strong>la</strong> possibilitéde superposer des couchesen un temps raisonnable. Enrevanche, il n’est pas possiblede travailler longtemps « dansle frais », comme disent les<strong>peintre</strong>s. Enfin, <strong>la</strong> grandefragilité en atmosphèrehumide exige une protectionpar un vernis.<strong>La</strong> beauté des <strong>couleur</strong><strong>sa</strong> tempera a con<strong>du</strong>it des<strong>peintre</strong>s modernes, commeSerge Poliakoff et Gi<strong>org</strong>ioDe Chirico, par exemple, àrenouer avec cette technique.3.4. L’essor spectacu<strong>la</strong>irede <strong>la</strong> peinture à l’huile auXV e siècleLes frères Van Eyck ont révolutionné<strong>la</strong> peinture à l’huilevers 1410, mais ils n’en sontpas les inventeurs, contrairementà ce que l’on voit écritparfois. Dans son ouvragede référence, <strong>La</strong> techniquede <strong>la</strong> peinture à l’huile [10],le <strong>peintre</strong> Xavier de <strong>La</strong>ng<strong>la</strong>ismentionne qu’au X e siècle ,Héraclius décrivait des huilesrésineuses pour le broyage des<strong>couleur</strong>s, et qu’au XI e siècle, lemoine Théophile qualifiait leprocédé à l’huile de « trop longet trop ennuyeux ». En effet,l’huile est longue à sécher 44 , etc’est un inconvénient majeur.Xavier de <strong>La</strong>ng<strong>la</strong>is <strong>la</strong> qualifiede « grande paresseuse auxextraordinaires ressources ».Nous allons voir pourquoi.D’où vient le succès des frèresVan Eyck ? Ils ont choisi toutd’abord <strong>la</strong> plus siccative deshuiles : l’huile de lin. Et selonune coutume répan<strong>du</strong>e, ils <strong>la</strong>rendaient encore plus siccativeen <strong>la</strong> cui<strong>sa</strong>nt pendantplusieurs heures. Comme elleavait tendance à jaunir, ilsl’éc<strong>la</strong>ircis<strong>sa</strong>ient en l’expo<strong>sa</strong>ntau soleil pendant plusieurssemaines, voire davantage.Leur secret résidait dans lemédium qu’ils ajoutaient, etdont ils gardèrent jalousement<strong>la</strong> composition, secretqui n’a toujours pas été percé.Le médium joue un rôle particulièrementimportant : ilcontient non seulement undiluant (une essence vo<strong>la</strong>tilecomme l’essence de térébenthine,par exemple) pourajuster <strong>la</strong> consistance de <strong>la</strong>pâte en vue de l’application<strong>sur</strong> un support, mais aussides résines apportant de <strong>la</strong>solidité à <strong>la</strong> couche colorée etlui conférant des propriétésoptiques particulières. Certainspensent que c’est lebaume de térébenthine deVenise que le frères Van Eyckemployaient. Ils réalisèrentainsi des g<strong>la</strong>cis (Figure 25)qui ont fait <strong>la</strong> gloire de ces44. Contrairement à ce que pourrait<strong>la</strong>isser entendre le mot sécher,il ne s’agit pas d’un séchagepar évaporation d’une substance(comme l’eau dans le cas de <strong>la</strong>peinture à l’eau), mais de <strong>la</strong> formationd’un film souple par réticu<strong>la</strong>tionen présence de dioxygène.Figure 24Exemple de peinture réalisée <strong>sur</strong>bois par le procédé a tempera :tableau de Liberale da Verona,Vierge à l’enfant (vers 1470).<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>155


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artmétaux jouent en effet le rôlede catalyseur de certainesréactions se pro<strong>du</strong>i<strong>sa</strong>nt lors<strong>du</strong> séchage.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> jaune de l’huileest <strong>du</strong>e aux rési<strong>du</strong>s végétauxqui absorbent dans le violetet le bleu. L’éc<strong>la</strong>ircissementde l’huile par ensoleillementrésulte de <strong>la</strong> destruction parles UV de ces rési<strong>du</strong>s (photob<strong>la</strong>nchiment).Examinons plus précisément<strong>la</strong> composition des médiumsemployés pour <strong>la</strong> peinture àl’huile. Ils contiennent d’unepart un diluant qui est uneessence pauvre en résine(l’essence de térébenthineprovenant de <strong>la</strong> distil<strong>la</strong>tiond’aiguilles de pin, ou l’essenced’aspic obtenue par distil<strong>la</strong>tionde grandes <strong>la</strong>vandes) etd’autre part une essence richeen résine (baume de térébenthine« de Venise » issu de<strong>la</strong> distil<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> mélèze, ouCopal, nom aztèque signifiantrésine d’arbres). Voiciun exemple de compositiond’un médium à peindre. Pour100 parts de térébenthine :10 parts de baume (térébenthinede Venise ou copal) et15 à 20 d’huile de lin cuite etb<strong>la</strong>nchie.Les vernis à retoucher contiennentles mêmes ingrédients<strong>sa</strong>uf l’huile de lin. À partir <strong>du</strong>XII e siècle, les vernis de finitionétaient à base de résinesnaturelles (Dammar, Mastic,Sandaraque) dissoutes dansdes essences. Ces vernis onttendance à jaunir en vieillis<strong>sa</strong>ntcar <strong>la</strong> dégradation chimiquecon<strong>du</strong>it à des espèces quiabsorbent dans le violet et lebleu. Pour raviver les <strong>couleur</strong>sd’un tableau ancien, il fautle « nettoyer », c’est-à-direéliminer <strong>sa</strong> couche de vernis,156Figure 25Tableau de Jan Van Eyck, <strong>La</strong> Vierge<strong>du</strong> chancelier Rolin (vers 1390-1431). Les frères Van Eyck ontrévolutionné <strong>la</strong> peinture à l’huilenon seulement par le choix del’huile de lin cuite et éc<strong>la</strong>ircie, mai<strong>sa</strong>ussi par l’addition d’essences etde résines pour réaliser des g<strong>la</strong>cis.<strong>peintre</strong>s f<strong>la</strong>mands (voir leparagraphe 4.2).Qu’est-ce que l’huile de linpour un chimiste ? C’est unmé<strong>la</strong>nge de triglycérides possédanttrois longues chaîneshydrocarbonées. Ces dernièrespossèdent des doublesliaisons qui sont respon<strong>sa</strong>blesde <strong>la</strong> polyméri<strong>sa</strong>tion et de <strong>la</strong>réticu<strong>la</strong>tion en présence del’oxygène de l’air, con<strong>du</strong>i<strong>sa</strong>ntà <strong>la</strong> formation d’un film résistantet souple (Encart « Lessecrets de l’huile de lin »). <strong>La</strong>réticu<strong>la</strong>tion est favorisée parune élévation de température.On comprend donc pourquoi<strong>la</strong> méthode ancienne consistaità cuire l’huile de lin enprésence d’air.Il est possible de rendre l’huileencore plus siccative en ajoutantdes sels de plomb, demanganèse ou de cobalt. Ces


LES SECRETS DE L’HUILE DE LINLe lin est une p<strong>la</strong>nte cultivée depuis des milliers d’années, qui donne de jolies fleurs bleues.On en extrait une huile dont l’emploi en peinture débuta au XV e siècle. Cette huile est principalementconstituée d’un mé<strong>la</strong>nge de triglycérides, c’est-à-dire de triesters d’un trialcoolunique, le glycérol, et d’acides à longue chaîne hydrocarbonée dits « gras » (principalementl’acide linolénique, l’acide linoléique, et l’acide oléique). Les chaînes hydrocarbonées deces triglycérides sont très majoritairement in<strong>sa</strong>turées, c’est-à-dire qu’elles possèdent une,deux ou trois doubles liaisons entre deux atomes de carbone (Figure 26). Le nombre élevéde doubles liaisons, par rapport aux autres huiles, font de l’huile de lin <strong>la</strong> plus siccative deshuiles, c’est-à-dire celle dont le séchage con<strong>du</strong>it à un film le plus rapidement.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Figure 26L’huile de lin est constituée d’un mé<strong>la</strong>ngede triglycérides dont les chaînes peuventposséder jusqu’à trois doubles liaisons.Ces dernières jouent un rôle importantdans le processus de séchage.Les mécanismes réactionnels impliqués lors <strong>du</strong> séchage sont complexes [11, 12]. <strong>La</strong>présence de doubles liaisons est propice à <strong>la</strong> formation de radicaux par abstraction d’unatome d’hydrogène appartenant à un groupe méthylène (CH 2) au voisinage d’une doubleliaison. Du fait de <strong>la</strong> présence d’oxygène, il se forme des hydroperoxydes (comportant desgroupes –OOH) (Figure 27). Ces derniers fournissent eux-mêmes des radicaux donnantnotamment des aldéhydes et des cétones (respon<strong>sa</strong>bles de l’odeur de rancissement deshuiles en général), ainsi que des acides carboxyliques. <strong>La</strong> recombinaison de radicaux con<strong>du</strong>ità <strong>la</strong> formation de ponts entre les chaînes. Les radicaux sont également impliqués dans desréactions de polyméri<strong>sa</strong>tion dites radica<strong>la</strong>ires. Tous ces processus contribuent à <strong>la</strong> formationd’un réseau tridimensionnel (réticu<strong>la</strong>tion) qui constitue un film résistant et souple.Figure 27Le séchage de l’huile delin met en jeu une grandediversité de réactionsimpliquant des radicaux. Cesderniers sont respon<strong>sa</strong>blesde <strong>la</strong> formation de ponts entrechaînes et des réactions depolyméri<strong>sa</strong>tion. C’est ainsipar réticu<strong>la</strong>tion, c’est-à-direpar création d’un réseautridimensionnel, que se formeun film résistant et souple.157


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art158Figure 28L’Américain J. Goffe Rand inventele tube de peinture en 1841 dontl’enveloppe était une feuille d’étain.puis appliquer une nouvellecouche.<strong>La</strong> pâte contenant lespigments dispersés dansl’huile était habituellementconservée dans un récipienten vessie de porc. Puis en1841, <strong>sur</strong>vient ce que nou<strong>sa</strong>ppellerions aujourd’hui uneinnovation technologique :l’Américain J. Goffe Randinvente le tube de peinturedont l’enveloppe est unefeuille d’étain (Figure 28).C’est vers 1850 que ces tubesdeviennent disponibles enFrance. Ils offrent <strong>la</strong> possibilitéde peindre hors ateliers :une véritable révolution !Les impressionnistes enparticulier ne s’en sont pasprivés. Toutefois, <strong>la</strong> conservationde l’huile de lin dansles tubes pose alors deuxproblèmes : <strong>sa</strong> siccativitéinterdit une conservationlongue <strong>du</strong>rée, et elle jaunità l’abri de <strong>la</strong> lumière. C’estpourquoi il fallut employerd’autres huiles, comme l’huiled’œillette (extraite de <strong>la</strong>graine de pavot) qui est moinssiccative et jaunit beaucoupmoins. Toutefois, un siccatifdoit ensuite être ajouté.3.5. Une révolution :les peintures acryliquesLes peintures acryliquesconstituent une révolutiondans le domaine de <strong>la</strong> peintureen général, et <strong>la</strong> peintureartistique en particulier – quecertains comparent en importanceà celle de <strong>la</strong> peintureà l’huile –, car le liant n’estplus de l’huile, mais de l’eau.Ces peintures ont été inventée<strong>sa</strong>u Mexique au milieu <strong>du</strong>XX e siècle par des chimistesde l’Institut national polytechniquede Mexico et mises <strong>sur</strong>le marché depuis <strong>la</strong> fin de<strong>sa</strong>nnées 1950.Les résines acryliques sontobtenues par polyméri<strong>sa</strong>tionen émulsion d’acry<strong>la</strong>tes, oud’autres monomères contenantle groupe acrylique :De telles émulsions dans l’eauprésentent de fortes analogie<strong>sa</strong>vec l’ancien procédé a tempera(voir le paragraphe 3.2).Lorsqu’il peint à l’acrylique,l’artiste dispose de pro<strong>du</strong>itscommerciaux lui offrant <strong>la</strong>possibilité d’agir <strong>sur</strong> <strong>la</strong> transparence,<strong>la</strong> viscosité et lefini en <strong>sur</strong>face. En outre, lespropriétés d’application et deséchage de <strong>la</strong> peinture sontmo<strong>du</strong><strong>la</strong>bles par des additifs.Le <strong>peintre</strong> pourra parexemple réaliser un g<strong>la</strong>cis parle choix judicieux d’une résineacrylique qui, par séchage,donne un film transparent trèsbril<strong>la</strong>nt de rigidité moyenne.Les couches de peinture<strong>sa</strong>cryliques ont une trèsgrande é<strong>la</strong>sticité. Leurscaractéristiques de bril<strong>la</strong>ncesont assez proches de cellesde <strong>la</strong> peinture à l’huile ; ellespeuvent être atténuées paradjonction de médiums.Selon les pigments utilisés,l’artiste réalise des couchescouvrantes, semi-transparentesou transparentes, avecdes teintes très nuancées, des<strong>couleur</strong>s très pures et inaltérables.Outre <strong>la</strong> facilité de <strong>la</strong> dilution àl’eau, les peintures acryliquesprésentent les avantagesd’un séchage rapide et d’unebonne résistance au vieillissement.Elles autorisent de


Figure 29Le tableau <strong>du</strong> <strong>peintre</strong> françaisBernard Rancil<strong>la</strong>c (1934-), Horlogeindienne (1966), a été réalisé avecdes peintures acryliques.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>plus l’utili<strong>sa</strong>tion des diversestechniques c<strong>la</strong>ssiques oumodernes (Figure 29).4Le <strong>peintre</strong>,chercheurde lumièreLes artistes ont de tout tempscherché à rendre les <strong>couleur</strong>sde leurs œuvres plus lumineuses.En effet, les <strong>couleur</strong>srésultant de l’absorptionsélective de <strong>la</strong> lumière pardes pigments – c’est-à-direperçues grâce à <strong>la</strong> réflexiondiffuse de ce qui n’a pas étéabsorbé – sont loin d’avoir <strong>la</strong>luminosité des <strong>couleur</strong>s deréelles sources lumineuses.Les enlumineurs, c’est-à-direles <strong>peintre</strong>s des enluminures– termes qui ont <strong>la</strong> mêmeorigine que le mot lumière(<strong>du</strong> <strong>la</strong>tin lumen) – ouvrent<strong>la</strong> voie à cette recherche.Les premières miniatures 45gothiques <strong>sur</strong> parcheminoffrent en effet un caractèrelumineux grâce à l’emploi defeuilles d’or et d’argent. Dansles enluminures <strong>du</strong> MoyenÂge, des pigments « lumineux» jaunes et b<strong>la</strong>ncs sontmis en œuvre. En outre, <strong>la</strong>c<strong>la</strong>rté de l’image est accentuéepar l’application minutieusede <strong>couleur</strong>s puresen motifs rapprochés. C’estpourquoi, vers le XIII e siècle, unartiste était indifféremment45. Le mot miniature a <strong>la</strong> mêmeorigine que minium (<strong>du</strong> <strong>la</strong>tin miniatura).Ce pigment de <strong>couleur</strong>rouge était en effet employé pourpeindre les lettrines des manuscrits,puis les bor<strong>du</strong>res , et enfinles scènes figuratives. Les miniaturesqui, à l’origine, participaientà l’origine à l’enluminure des manuscrits,désignent d’une façongénérale des peintures de petitedimension.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> est <strong>la</strong> gloire de <strong>la</strong> lumière.Jean Guitton159


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artFigure 30Pour caractériser une <strong>couleur</strong>opaque, il faut trois paramètres :teinte, <strong>sa</strong>turation, c<strong>la</strong>rté. Lesteintes pures correspondent à des<strong>couleur</strong>s dites <strong>sa</strong>turées (périphérie<strong>du</strong> disque). <strong>La</strong> <strong>sa</strong>turation diminuequand on se rapproche <strong>du</strong> centre.<strong>La</strong> c<strong>la</strong>rté est portée <strong>sur</strong> l’axevertical.appelé <strong>peintre</strong>, enlumineur,<strong>peintre</strong> enlumineur, miniaturiste,miniaturiste enlumineur.À partir de <strong>la</strong> Renais<strong>sa</strong>nce,les artistes mettent égalementà profit des pigmentslumineux jaunes et b<strong>la</strong>nc<strong>sa</strong>fin de conjuguer les effets delumière et d’ombre aux loisde <strong>la</strong> perspective, et renforcerainsi le réalisme de leursœuvres. Cette technique <strong>du</strong>c<strong>la</strong>ir-obscur, initiée par l’artisteitalien Caravage (v.1573-1610), aura de nombreuxadeptes : Rembrandt, Ge<strong>org</strong>esde <strong>La</strong> Tour, etc.<strong>La</strong> lumière est égalementune préoccupation majeuredes impressionnistes. Ilsne cherchent pas à peindredes objets, mais <strong>la</strong> lumièreque ceux-ci nous renvoient.Aussi ces objets n’ont-ilspas de contours définis, carc’est l’impression visuellequi re<strong>crée</strong> leur forme. C’estpourquoi les impressionnistesutilisent instinctivement des<strong>couleur</strong>s pures par touchesdivisées, <strong>sa</strong>ns contour précis.Cette technique a été rationaliséeet employée de façonsystématique par Ge<strong>org</strong>esSeurat, chef de file <strong>du</strong> pointillisme: de très petitestouches de <strong>couleur</strong>s puressont juxtaposées, de façonrégulière cette fois, selon lesrègles de <strong>la</strong> complémentaritéchromatique (voir le paragraphe1.2). À l’exaltation de<strong>la</strong> luminosité s’ajoute ainsi<strong>la</strong> synthèse de <strong>couleur</strong>s parmé<strong>la</strong>nge optique réalisé dansl’œil <strong>du</strong> spectateur.Ce rôle omniprésent de <strong>la</strong>lumière apparaît même dansles œuvres de Sou<strong>la</strong>ges : bienque le noir envahisse nombrede ses tableaux, ce grand<strong>peintre</strong> déc<strong>la</strong>rait en 1990 :« […] mon outil n’[est] pasle noir, mais <strong>la</strong> lumière. Lestableaux que je fais avec le noirainsi utilisé ne vivent que par <strong>la</strong>lumière qu’ils reçoivent. »Outre l’emploi de pigmentsspécifiques, des effets delumière sont obtenus enmettant à profit <strong>la</strong> diffusionde <strong>la</strong> lumière, l’iridescenceet l’émission de lumière parfluorescence. Avant de décrireces effets et leur cause, ilest néces<strong>sa</strong>ire de préciser <strong>la</strong>façon dont on caractérise une<strong>couleur</strong> et en particulier <strong>sa</strong>c<strong>la</strong>rté.4.1. Caractériser une<strong>couleur</strong> : une tâche difficile160Une <strong>couleur</strong> est caractériséepar trois paramètres me<strong>sur</strong>ables: teinte, <strong>sa</strong>turation,c<strong>la</strong>rté. <strong>La</strong> Figure 30 montre<strong>la</strong> représentation spatiale deces paramètres fondée <strong>sur</strong>l’at<strong>la</strong>s de Munsell. <strong>La</strong> teinte


CARACTÉRISATION D’UNE COULEUR OPAQUE : LE DIAGRAMME *a*b*<strong>La</strong> Compagnie internationale de l’éc<strong>la</strong>irage (CIE) a proposé, en 1976, un nouveau systèmefai<strong>sa</strong>nt intervenir <strong>la</strong> teinte, <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté et <strong>la</strong> <strong>sa</strong>turation d’une <strong>couleur</strong>. Ce système est particulièrementbien adapté à <strong>la</strong> caractéri<strong>sa</strong>tion des <strong>couleur</strong>s des objets opaques, et en particuliercelles des œuvres d’art, notamment les peintures, et particulièrement les g<strong>la</strong>cis (paragraphe4.2).<strong>La</strong> c<strong>la</strong>rté désignée par L* (initiale <strong>du</strong> mot ang<strong>la</strong>is lightness) est portée <strong>sur</strong> un axe verticalde 0 (noir) à 100 (b<strong>la</strong>nc) vers le haut. Les points représentatifs des <strong>couleur</strong>s ayant <strong>la</strong> mêmec<strong>la</strong>rté sont <strong>sur</strong> un p<strong>la</strong>n horizontal. Le paramètre a* est porté <strong>sur</strong> l’axe des abscisses : ils’étend <strong>du</strong> vert (a* < 0) au rouge (a* > 0). Le paramètre b* est porté <strong>sur</strong> l’axe des ordonnées: il varie <strong>du</strong> bleu (b* < 0) au jaune (b* > 0) (Figure 31). <strong>La</strong> chroma C* (mot grec quisignifie <strong>couleur</strong>) exprime le degré de <strong>sa</strong>turation. Numériquement, c’est <strong>la</strong> distance <strong>du</strong> pointreprésentatif d’une <strong>couleur</strong> à l’axe vertical : .Enfin, <strong>la</strong> teinte est définie parh* (initiale <strong>du</strong> mot ang<strong>la</strong>is hue = teinte) : h* = arctg(b*/a*).<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Figure 31Diagramme L*a*b* proposé par<strong>la</strong> Compagnie internationalede l’éc<strong>la</strong>irage (CIE) en 1976pour caractériser une <strong>couleur</strong>opaque. Les trois paramètressont <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté L*, <strong>la</strong> teinte h*et le chroma C* (degré de<strong>sa</strong>turation).distingue les sen<strong>sa</strong>tions colorées,rouge, bleu, vert, etc. Lesteintes pures – c’est-à-direcorrespondant à une seulelongueur d’onde – sont réparties<strong>sur</strong> <strong>la</strong> circonférence <strong>du</strong>cercle horizontal et on dit queles <strong>couleur</strong>s sont <strong>sa</strong>turées.Quand on s’éloigne de <strong>la</strong> périphérievers le centre, le degréde <strong>sa</strong>turation diminue : on ditque <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> est de plus enplus <strong>la</strong>vée de b<strong>la</strong>nc. <strong>La</strong> <strong>sa</strong>turationexprime <strong>la</strong> pureté d’une<strong>couleur</strong>. Quant à <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté,c’est l’intensité lumineuseperçue. On <strong>la</strong> porte <strong>sur</strong> unaxe vertical qui va <strong>du</strong> noir aub<strong>la</strong>nc (Encart « Caractéri<strong>sa</strong>tiond’une <strong>couleur</strong> opaque »).Pour caractériser <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>des œuvres d’art, il commodede disposer d’un appareilmobile. Un goniospectrophotomètrea été mis au pointdans ce but au Centre derecherche et de restaurationdes musée de France [13].4.2. <strong>La</strong> c<strong>la</strong>rté : une apparencetrompeusePrécisons tout d’abord que <strong>la</strong>perception de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté 46 d’une<strong>couleur</strong> est parfois trompeuse,et il faut se méfier des effets46. Le terme c<strong>la</strong>rté n’est en faitpas employé par les <strong>peintre</strong>s, quipréfèrent parler de valeur .161


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art162Figure 32Tableau de C<strong>la</strong>ude Monet,Impression Soleil levant (1873). LeSoleil et ses reflets n’apparaissentplus <strong>sur</strong> <strong>la</strong> photographie en noiret b<strong>la</strong>nc, ce qui montre que,contrairement aux apparences, <strong>la</strong>c<strong>la</strong>rté de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> <strong>du</strong> Soleil est <strong>la</strong>même que celle <strong>du</strong> fond.Figure 33<strong>La</strong> lumière pénétrant dans <strong>la</strong>couche picturale très diluéeen pigment est partiellementabsorbée par ces derniers. Cetteabsorption est respon<strong>sa</strong>ble de<strong>la</strong> teinte. <strong>La</strong> partie non absorbéeest diffusée par les particules depigments et par <strong>la</strong> couche de fond.<strong>La</strong> diffusion de <strong>la</strong> lumière influe<strong>sur</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté et <strong>la</strong> <strong>sa</strong>turation.subjectifs. Dans le célèbretableau de Monet, ImpressionSoleil levant (Figure 32) –dont le titre est à l’origine <strong>du</strong>terme impressionnisme –, ona <strong>la</strong> sen<strong>sa</strong>tion que <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rtéde <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> <strong>du</strong> soleil estplus grande que celle <strong>du</strong> fond.En fait, il n’en est rien. <strong>La</strong>preuve : <strong>sur</strong> <strong>la</strong> photographieen noir et b<strong>la</strong>nc de l’œuvre, lesoleil et ses reflets dans l’eaun’apparaissent plus, ce quiprouve bien que l’intensité de<strong>la</strong> lumière – que perçoit l’observateur– provenant d’une<strong>sur</strong>face élémentaire dans <strong>la</strong>partie Soleil et dans <strong>la</strong> partieciel, c’est-à-dire <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté, est<strong>la</strong> même. Il s’agit typiquementd’un contraste chromatiquepur où <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté ne joue aucunrôle.Comment modifier <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rtéd’une <strong>couleur</strong> ? <strong>La</strong> méthode<strong>la</strong> plus simple consiste àajouter simplement despigments b<strong>la</strong>ncs ou noirs enquantité adéquate. C’est ainsique procédaient les <strong>peintre</strong>sitaliens <strong>du</strong> XV e siècle. Uneautre technique, inventée parles <strong>peintre</strong>s f<strong>la</strong>mands (VanEyck, Van der Weyden, etc.) à<strong>la</strong> même époque, mérite uneattention particulière : c’est<strong>la</strong> technique <strong>du</strong> g<strong>la</strong>cis. Il s’agitde déposer une couche picturaletranslucide constituéed’un pigment unique en faiblequantité dans un liant (huilede lin par exemple) auquel unmédium est ajouté (essence detérébenthine, copal ou baumede térébenthine de Venise).Cette couche est déposée <strong>sur</strong>un fond b<strong>la</strong>nc. Une partie de<strong>la</strong> lumière est absorbée parles pigments qui sont respon<strong>sa</strong>blesde <strong>la</strong> teinte. L’autrepartie est diffusée, c’est-àdireré-émise dans une autredirection <strong>sa</strong>ns changement delongueur d’onde (Figure 33).Lorsque <strong>la</strong> lumière subitsuccessivement une diffusionpar plusieurs particules, onparle de diffusion multiple.<strong>La</strong> lumière ainsi diffusée estrenvoyée par le fond b<strong>la</strong>nc


diffu<strong>sa</strong>nt si <strong>la</strong> couche picturaleest suffi<strong>sa</strong>mment transparente.Pour diminuer <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté d’une<strong>couleur</strong>, l’artiste dépose defines couches successives depigment dilué. Cette diminutionde <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté s’accompagnedans un premier temps d’uneaugmentation de <strong>la</strong> <strong>sa</strong>turation: <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> devient plusprofonde car <strong>la</strong> sélection spectraleprogressive – via <strong>la</strong> diffusionmultiple par plusieurspigments au sein des couches– « purifie » en quelquesorte <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>. <strong>La</strong> <strong>sa</strong>turationpasse par un maximum,puis diminue lorsque lenombre de couches augmente(Figure 34). <strong>La</strong> <strong>sa</strong>turation queles g<strong>la</strong>cis confèrent ainsi aux<strong>couleur</strong>s est exceptionnelle.Elle ne peut être atteinte parles mé<strong>la</strong>nges de pigments.En outre, <strong>la</strong> réflexion diffusepar le fond b<strong>la</strong>nc de <strong>la</strong> couchede préparation contribue àdonner l’impression que les<strong>couleur</strong>s émanent des profondeursde <strong>la</strong> couche picturale.Ainsi s’explique <strong>la</strong> beauté<strong>sa</strong>isis<strong>sa</strong>nte des tableaux des<strong>peintre</strong>s f<strong>la</strong>mands (Figure 35).Il est donc important de soulignerque notre perceptiondes <strong>couleur</strong>s d’un tableaune résulte pas seulement del’absorption sélective de <strong>la</strong>lumière par les pigments àcertaines longueurs d’onde.<strong>La</strong> diffusion de <strong>la</strong> lumièrejoue également un rôlecrucial.4.3. Les peintures acryliquesiridescentesDes effets lumineux coloréssont obtenus avec des peinture<strong>sa</strong>cryliques contenant,outre des pigments, desFigure 34Dans <strong>la</strong> technique <strong>du</strong> g<strong>la</strong>cis consistant à superposer successivementdes couches diluées de pigments, le degré de <strong>sa</strong>turation de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>(chroma) passe par un maximum. Un simple mé<strong>la</strong>nge d’un pigment coloréet d’un pigment b<strong>la</strong>nc ne permet pas d’atteindre une telle <strong>sa</strong>turation(courbe rouge). (Résultats obtenus au C2RMF, M. Menu et coll.).Figure 35Détail <strong>du</strong> tableau de Van Eyckprésenté <strong>sur</strong> <strong>la</strong> Figure 24. Les<strong>couleur</strong>s les plus foncées des plisrouges de <strong>la</strong> robe sont obtenuesen superpo<strong>sa</strong>nt plusieurs couchesd’un pigment unique, et nonpas en mé<strong>la</strong>ngeant un pigmentrouge et un pigment noir. C’estle principe de <strong>la</strong> technique desg<strong>la</strong>cis employée par les <strong>peintre</strong>sf<strong>la</strong>mands au XV e siècle.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>163


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artLES TRILOGIES DE LA COULEURIl est remarquable que le chiffre 3 apparaisse de façon récurrente dans toutes les considérations<strong>sur</strong> les <strong>couleur</strong>s, de <strong>la</strong> perception à l’expression artistique. Il existe en effet diversestrilogies :• Trilogie de <strong>la</strong> perception de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> : <strong>la</strong> rétine de l’oeil possède trois types de cônes(sensibles au bleu, au vert et au rouge) ; trois <strong>couleur</strong>s suffisent pour réaliser une synthèseadditive ou soustractive de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> ; trois éléments interviennent dans <strong>la</strong> perception de<strong>la</strong> <strong>couleur</strong> d’un objet : source, objet, observateur.• Trilogie de <strong>la</strong> caractéri<strong>sa</strong>tion d’une <strong>couleur</strong> : trois paramètres caractérisent une <strong>couleur</strong> :teinte, c<strong>la</strong>rté, <strong>sa</strong>turation.• Trilogie des causes des <strong>couleur</strong>s : les <strong>couleur</strong>s sont d’origine chimique, physique etphysiologique (selon <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification proposée pour <strong>la</strong> première fois par Gœthe).• Trilogie des effets physiologiques : contraste de teinte, contraste de c<strong>la</strong>rté, contraste de<strong>sa</strong>turation.• Trilogie de <strong>la</strong> réali<strong>sa</strong>tion d’une œuvre picturale : les trois <strong>couleur</strong>s primaires et les trois<strong>couleur</strong>s secondaires jouent un rôle essentiel ; <strong>la</strong> réali<strong>sa</strong>tion d’une œuvre nécessite troistypes d’éléments : pigments, liant et médium.particules de mica et demétal pro<strong>du</strong>i<strong>sa</strong>nt des refletsnacrés et l’iridescence. Lesreflets nacrés <strong>du</strong> mica sont<strong>du</strong>s aux interférences de <strong>la</strong>lumière <strong>sur</strong> des multicouchesconstituées de silicates). Les<strong>couleur</strong>s interférentielle<strong>sa</strong>insi observées varient selonl’angle d’observation.Dans <strong>sa</strong> dernière œuvre,Hommage à Ro<strong>sa</strong> Luxemburg(1992), le <strong>peintre</strong> canadienJean-Paul Riopelle a employédes feuillets de micas <strong>sur</strong>lesquels une mince couched’oxyde métallique a étédéposée (Figure 36).4.4. Les pigmentsfluorescentsDes pigments fluorescents enpoudre destinés spécialementà <strong>la</strong> peinture artistique sontcommercialisés par diversessociétés. Il existe égalementdes peintures acryliquescontenant des pigments fluorescents,prêts à l’emploi.Il s’agit le plus souvent decolorants <strong>org</strong>aniques : rhodamines,coumarines, acridines,naphtalimide, etc.Rappelons que <strong>la</strong> fluorescenceest une émission delumière consécutive à une164Figure 36Extrait <strong>du</strong> tableau de Jean-PaulRiopelle, Hommage à Ro<strong>sa</strong>Luxemburg (1992). Des <strong>couleur</strong>sinterférentielles sont <strong>du</strong>es àl’emploi de feuillets de micarecouverts d’une mince couched’oxyde métallique.


Figure 37Tableau de François Glineur,Repas de fête pendant une criseéconomique (2008). Le bras vertet <strong>la</strong> jambe rouge ont été peints àl’aide de pigments fluorescents envue d’attirer le regard.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>absorption de lumière et sesitue à des longueurs d’ondeplus élevées que celles del’absorption. C’est en quelquesorte une émission de lumièrenée de <strong>la</strong> lumière.Certains <strong>peintre</strong>s emploientexclusivement des pigmentsfluorescents et éc<strong>la</strong>irent leurstableaux avec des <strong>la</strong>mpes UV.D’autres mettent en œuvreà <strong>la</strong> fois des pigments c<strong>la</strong>ssiqueset des pigments fluorescents.Ainsi, à <strong>la</strong> lumière<strong>du</strong> jour, ces derniers apparaissentcomme particulièrementlumineux pour réaliserdes effets particuliers et pourattirer le regard <strong>du</strong> spectateurvers certaines parties <strong>du</strong>tableau (Figure 37).Les <strong>couleur</strong>s par émissionsont évidemment beaucoupplus « lumineuses » queles <strong>couleur</strong>s par absorption.En outre, les pigmentsfluorescents offrent <strong>la</strong>possibilité de réaliser unevéritable synthèse additivedes <strong>couleur</strong>s et devraient dansl’avenir être davantage mis àprofit dans ce but. Toutefois, ilconvient de porter attention àun éventuel manque de stabilitédes colorants <strong>org</strong>aniquesfluorescents à <strong>la</strong> lumière. Lespigments minéraux fluorescentssont à cet égard préférables.Conclusion<strong>La</strong> diversité des matières colorantes dontdispose l’artiste <strong>peintre</strong> est redevable auxprogrès de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> qui « <strong>crée</strong> » ses <strong>couleur</strong>s.Toutefois, <strong>la</strong> réali<strong>sa</strong>tion d’une œuvre picturalenécessite non seulement des pigments,165


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’art166mais aussi un liant et diverses substancesdont le choix est resté longtemps empirique.Non seulement les chimistes sont parvenusà comprendre les raisons <strong>du</strong> succès de cesformu<strong>la</strong>tions, mais ils en ont proposé d’autres ;les émulsions acryliques en offrent un belexemple. <strong>La</strong> mise au point de siccatifs (pour <strong>la</strong>peinture à l’huile) et de vernis sont égalementdes objectifs relevant de <strong>la</strong> <strong>chimie</strong>.Le rôle <strong>du</strong> chimiste ne se limite pas à <strong>la</strong> synthèsede pigments et de composés auxiliaires. Ilintervient également dans l’analyse des œuvresd’art pour identifier les pigments et les vernisdans les peintures, et pour élucider les procédésde synthèse d’anciens pigments. Les chimistesenrichissent ainsi le dialogue entre science etart.Les <strong>couleur</strong>s sont redevables non seulement à <strong>la</strong><strong>chimie</strong> – <strong>chimie</strong> des pigments et des techniquesde peinture –, mais aussi à <strong>la</strong> physique : « les<strong>couleur</strong>s sont filles de <strong>la</strong> lumière » comme di<strong>sa</strong>itJohannes Itten, <strong>peintre</strong> et enseignant de <strong>la</strong><strong>couleur</strong>. En effet, <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> lumière par<strong>la</strong> couche picturale, et tout particulièrementdans les g<strong>la</strong>cis, joue un rôle essentiel. <strong>La</strong>compréhension des phénomènes fait appel àdes théories physiques é<strong>la</strong>borées. D’autreseffets physiques, comme l’iridescence, sont misà profit par certains artistes.Enfin, <strong>la</strong> sen<strong>sa</strong>tion colorée relève de <strong>la</strong>physiologie, comme le montrent en particulierles contrastes de teinte, de c<strong>la</strong>rté et de <strong>sa</strong>turationque nous percevons de façon subjective.Physique, <strong>chimie</strong> et physiologie sont lestrois sciences majeures impliquées dans <strong>la</strong>compréhension des <strong>couleur</strong>s. Ces dernièresjouent également un rôle en sociologie,psychologie et philosophie. Ainsi, sciencesexactes et sciences humaines se conjuguentdans <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction de chefs d’œuvre hauts


en <strong>couleur</strong>s, pièces essentielles de l’héritagehumain, et précieux témoignages des artisteset de leurs époques.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> est le plus beau trait d’unionentre <strong>la</strong> science et l’art, et en particulierentre <strong>la</strong> <strong>chimie</strong> et l’art.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>crée</strong> <strong>sa</strong> <strong>couleur</strong>… <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>palette</strong> <strong>du</strong> <strong>peintre</strong>Bibliographie[1] Pagès-Camagna S. (1998).Pigments bleu et verts égyptiensen question : vocabu<strong>la</strong>ire etanalyses. Dans : <strong>La</strong> <strong>couleur</strong>dans <strong>la</strong> peinture et l’émail<strong>la</strong>gede l’Égypte ancienne, Edipuglia,163-175.[2] Pagès-Camagna S., ColinartS., Coupry C. (1999). Fabricationprocesses of archaeologicalegyptian blue and greenPigments enlightened by Ramanmicroscopy and scanningelectron microscopy. J. RamanSpectrosc., 30 : 313–317.[3] Jacobi R. (1941). Uber den inder Malerei verwendeten gelbenFarbstoff der alten Meister.Angewandte Chemie, 54 : 28-29.[4] Daniilia S. et al. (2008).Analytical study into El Greco’sbaptism of Christ: clues to thegenius of his <strong>palette</strong>. AppliedPhysics A, 90 : 565-575.[5] Dik J. et al. (2005). Earlypro<strong>du</strong>ction recipes for leadantimonate yellow in italian art.Archaeometry, 47 : 593-607.[6] Brecou<strong>la</strong>ki H. (2006). <strong>La</strong>peinture funéraire de Macédoine.Emplois et fonctions de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>.IV e -II e siècle avant J.-C., Athènes.[7] Rioux J.-P. (1999). Les<strong>couleur</strong>s fanées de van Gogh.Dossier de l’Art, n°55H, mars1999, 66-68.[8] Rudel J. et al. Peinture.Les techniques, EncyclopædiaUniver<strong>sa</strong>lis.[9] Rudel J. Techniques picturales- Tempera, EncyclopædiaUniver<strong>sa</strong>lis.[10] De <strong>La</strong>ng<strong>la</strong>is X. (1959). <strong>La</strong>technique de <strong>la</strong> peinture à l’huile,F<strong>la</strong>mmarion.[11] Wexler H. (1964). Polymerizationof drying oils. ChemicalReviews, 64 : 591-611.[12] Mallégol J., Lemaire J.,Gardette J.-L. (2000). Drierinfluence on the curing of linseedoil. Progress in Organic Coating,39 : 107-113.[13] Chiron A., Menu M., <strong>La</strong> <strong>couleur</strong>des œuvres d’art. Caractéri<strong>sa</strong>tionspectro colorimétriquede l’œuvre d’art : objectifs,contraintes, perspectives, Couleuret perception, TECHNEn° 9-10, 1999, 161-171.De <strong>La</strong>ng<strong>la</strong>is X. (1959). <strong>La</strong>technique de <strong>la</strong> peinture à l’huile.F<strong>la</strong>mmarion.De<strong>la</strong>mare F., Guineau B. (1999).Les matériaux de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>.Découvertes Gallimard, Scienceset Techniques, Gallimard.Elias M., <strong>La</strong>fait J. (sous <strong>la</strong>direction de) (2006). <strong>La</strong> <strong>couleur</strong>.Lumière, vision et matériaux.Belin.Elias M. (2007). <strong>La</strong> lumière pourune meilleure connais<strong>sa</strong>ncedes œuvres d’art. L’Act. Chim.,308-309 : 113-117.Gage J. (2008). Couleur etculture. U<strong>sa</strong>ges et significationsde <strong>la</strong> <strong>couleur</strong> de l’Antiquité àl’abstraction. Thames et Hudson.Gage J. (2009). <strong>La</strong> <strong>couleur</strong> dansl’art. Thames et Hudson.Itten J. (2004), Art de <strong>la</strong> <strong>couleur</strong>.Des<strong>sa</strong>in Et Tolra.Valeur B. (2005). Lumière etluminescence. Belin – Pour <strong>la</strong>Science.Zuppiroli L., Bus<strong>sa</strong>c M.-N. (2001).Traité des <strong>couleur</strong>s. Pressespolytechniques et universitairesromandes, <strong>La</strong>u<strong>sa</strong>nne.Chimie et patrimoine culturel II.Matières picturales, pigments,colorants et substances<strong>org</strong>aniques, numéro spécial deL’Actualité Chimique, avril 2008.Couleur et perception, RevueTECHNE n° 9-10, 1999.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong>, Dossier Pour <strong>la</strong>Science, Belin, avril 2000.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> des <strong>peintre</strong>s, RevueTECHNE n° 26, 2006.<strong>La</strong> <strong>couleur</strong> et ses pigments, RevueTECHNE n°4, 1996.Pigments et colorants del’Antiquité au Moyen Âge, Teinture,peinture, enluminure, étudeshistoriques et physicochimiques,Colloque international <strong>du</strong> CNRS,CNRS Éditions, Paris, 2002.167


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’artCréditsphotographiquesFig. 4A : BPK, Berlin, Dist. RMN/Elke Estel/Hans-Peter Kluth.Fig.4B : Musée d’Or<strong>sa</strong>y, Dist.RMN/Patrice Schmidt.Fig. 9A : CNRS Photothèque/Pages – C. Sandrine, UMR171 – <strong>La</strong>boratoire <strong>du</strong> centre derecherche et de restauration desmusées de France – Paris.Fig. 9B : CNRS Photothèque/Département des AntiquitésÉgyptiennes <strong>du</strong> Musée <strong>du</strong>Louvre, UMR 171 – <strong>La</strong>boratoire<strong>du</strong> centre de recherche et derestauration des musées deFrance – Paris.Fig. 10 : With kind permissionfrom Springer Science + Businessedia : Applied Physics A, DaniiliaS. (2008) 90 (3).Fig. 16 : ADAGP. Paris, muséenational d’Art moderne – CentreGe<strong>org</strong>es Pompidou, Dist. RMN/A.Rzepka.Fig. 18 : RMN/Jean-Gilles Berizzi.Fig. 19 et 29 : ADAGP. Paris,musée national d’Art moderne –Centre Ge<strong>org</strong>es Pompidou, Dist.RMN/P. Migeat.Fig. 21 : Erich Lessing/akg-images.Fig. 24 : Lindenau-Museum.Figs. 25,35 : RMN/Christian Jean.Fig. 36 : ADAGP/photographesKedl.

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