Rechercheà l’IRSSTdes milieux de travail dans cette sphèred’intervention.En 2005, Jean-François Godin et descol<strong>la</strong>borateurs publient Portrait statistiquedes travailleurs en réadaptation en2001-2002, <strong>qui</strong> établit le profil des personnes<strong>qui</strong> devaient passer par un processusde réadaptation. « Nous avonsremarqué que le taux d’atteinte permanenteà l’intégrité physique ou psychiqueétait <strong>la</strong>rgement plus élevé chezles 15 à 19 ans. Du simple au double,Point de départL’Enquête sur <strong>la</strong> dynamique du travail etdu revenu (EDTR) de Statistique Canadaa pour objet de suivre l’évolution de <strong>la</strong>situation de l’emploi et du revenu desménages canadiens. Cette dimensionlongitudinale est de plus en plus présentedans les sciences sociales, maisrarement dans le domaine de <strong>la</strong> santé etde <strong>la</strong> sécurité du travail. C’est pourquoiune é<strong>qui</strong>pe de chercheurs s’est demandési une telle source de données, <strong>qui</strong> documenteles parcours d’emploi plutôtqu’une situation ponctuelle, pourraitjeter un nouvel éc<strong>la</strong>irage sur les facteursexpliquant <strong>la</strong> plus grande fréquence delésions professionnelles chez les jeunes.ResponsablesJean-François Godin 1 et ÉliseLedoux 2 , de l’IRSST ; BenoîtLap<strong>la</strong>nte, Mircea Vultur etZacharie Tsa<strong>la</strong> Dimbuene, del’INRS-Urbanisation, cultureet société.RésultatsLa plus grande contribution del’étude est sa démonstration del’effet de <strong>la</strong> mobilité d’emploi,du travail à temps partiel et2de <strong>la</strong> situation sco<strong>la</strong>ire sur lesrisques de lésions professionnelles auxquelssont exposés les jeunes de 16 à24 ans, comparativement aux travailleursplus âgés.UtilisateursLes responsables de programmes publicset privés en matière d’emploi, de formationprofessionnelle, de ressourceshumaines, de santé et de sécurité dutravail, d’éducation, entre autres. Leschercheurs, les intervenants et les milieuxde travail intéressés à <strong>la</strong> situationparticulière des jeunes travailleurs enmatière de SST.1comparativement à <strong>la</strong> moyenne. Plusieursfacteurs peuvent expliquer cettesituation. Reste que, pour mieux comprendreles réalités de l’emploi chez lesjeunes, on devait utiliser une approchetemporelle, situant les événements dansle temps. »Peu de temps après, Marie Labergeet Élise Ledoux publient Bi<strong>la</strong>n et perspectivede recherche sur <strong>la</strong> SST des jeunestravailleurs, <strong>qui</strong> attire l’attention surles enjeux de <strong>la</strong> précarité d’emploi etles accidents de travail chez les jeunes.L’économiste et sociologue Jean-FrançoisGodin et l’ergonome Élise Ledoux décidentalors de tenter d’exploiter certainesdonnées d’enquêtes longitudinales existantesafin d’estimer l’influence de <strong>la</strong>précarité ou de <strong>la</strong> mobilité d’emploi sur<strong>la</strong> survenue précoce des lésions professionnelleschez les jeunes.L’é<strong>qui</strong>pe de chercheurs s’est intéresséeà l’Enquête sur <strong>la</strong> dynamique du travailet du revenu (EDTR), que StatistiqueCanada produit depuis 1993. L’EDTRrecueille chaque année des données surles parcours d’emploi et sur l’activité dedeux groupes échantillons. Chacund’entre eux contient 15 000 ménages canadiens.« Cette source de données nousest apparue tout de suite comme pouvantapporter un éc<strong>la</strong>irage nouveausur <strong>la</strong> question des jeunes etde leur santé au travail, puisquec’est une enquête longitudinale, <strong>qui</strong>interroge les mêmes personnesd’année en année, pendant six annéesconsécutives, poursuit Jean-François Godin. Donc, si l’on a desdonnées sur un jeune de 15 ans, onpeut suivre son parcours d’emploijusqu’à 20 ou 21 ans. C’esttrès intéressant puisque même sil’on ne connaît pas <strong>la</strong> nature de<strong>la</strong> lésion ou de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, l’EDTRfournit l’information sur les arrêtsde travail causés par une lésion professionnelleet sur les caractéristiques del’emploi. »Pratiquement toutes les études sur lesujet réalisées auparavant sont de typetransversal, c’est-à-dire qu’elles ne tiennentpas compte du moment ni de l’étapedu processus d’insertion en emploi, nonplus que de l’expérience sur le marchédu travail. Jean-François Godin est enthousiaste: « J’ai rarement vu des résultatsde cette nature dans le domaine de<strong>la</strong> SST. Notre étude représente vraimentune contribution originale au domaineparce qu’elle repose sur des donnéesPhotos : iStockphotolongitudinales plutôt que sur des donnéestransversales. Une étude longitudinaleexamine une situation <strong>qui</strong> évoluedans le temps, tandis que l’étude transversalenous donne l’état de <strong>la</strong> situationà un moment donné. On pourrait lescomparer à un film versus une photo, lepremier étant riche en informations, lesecond offrant un seul point de vue. »Questions de départAu moment d’entreprendre l’étude,et déjà même avant, comme le souligneJean-François Godin, « il y avaitbeaucoup de débats dans le domaine, àsavoir si c’est le fait d’être jeune, toutsimplement, <strong>qui</strong> caractérise <strong>la</strong> forteincidence de lésions – parce qu’ona tendance à associer à <strong>la</strong> jeunessel’inexpérience, une maturité moindre,de l’insouciance... –, ou si c’est le faitd’être un nouveau travailleur ». Avantde pouvoir interroger <strong>la</strong> masse d’informationfournie par l’EDTR, les chercheursont d’abord procédé à une revue18 Prévention au travail Été 2010
des recherches récentes sur <strong>la</strong> problématiquede <strong>la</strong> santé et de <strong>la</strong> sécurité desjeunes au travail. Plusieurs questionsdemeuraient sans réponse : Y a-t-il unlien entre le niveau de sco<strong>la</strong>risation desjeunes et le risque auquel ils s’exposent ?Est-ce simplement le fait d’être jeune ouplutôt celui d’être un nouveau travailleur<strong>qui</strong> accroît les risques de lésionsprofessionnelles ? Qu’en est-il de <strong>la</strong> mobilitéd’emploi des jeunes ? Les jeunesréintègrent-ils plus rapidement le marchédu travail après une lésion ?Plus jeune, plus de risquesComme les études transversales précédentes,celle-ci montre d’abord que lesjeunes sont exposés à de plus grandsrisques de lésions professionnelles. « Onmontre souvent du doigt l’inexpérienceou le jeune âge, poursuit Jean-FrançoisGodin, mais – et c’est une contributionmajeure de l’étude – il est c<strong>la</strong>ir que c’estle risque cumulé <strong>qui</strong> fait en sorte que lesjeunes sont plus à risque. Ainsi, <strong>la</strong> mobilitéen emploi est fortement associée aurisque d’apparition de lésions professionnelles.Cette situation est cependant plusrépandue chez les jeunes <strong>qui</strong> changentplus fréquemment d’emploi au débutde leur entrée sur le marché du travailcomparativement aux travailleurs plusâgés. La différence est que les jeunes,à cause de leur grande mobilité d’emploi,se retrouvent plus fréquemmentdans cette situation : exposés à de nouveauxrisques, dans un environnementde travail qu’ils ne connaissent pas, souventaffectés à des tâches dont les travailleursplus expérimentés ne veulentpas... Paradoxalement, leur statutprécaire fait en sorte que les investissementsen matière de formation, d’encadrement,d’amélioration des conditionsd’exercice du travail sont parfois limitésEn raison de leurgrande mobilitéd’emploi, les jeunesse retrouvent plusfréquemmentexposés à de nouveauxrisques,dans un environnementde travailqu’ils neconnaissentpas.Les investissementsen matière de formation,d’encadrement, d’améliorationdes conditions d’exercicedu travail des jeunessont parfois limités comptetenu du fait que cettemain-d’œuvre est considéréecomme étant « de passage »dans l’entreprise.compte tenu du fait que cette maind’œuvreest considérée comme étant“de passage” dans l’entreprise. »Facteurs en jeuIl faut donc insister sur le fait que l’âgeen soi n’apparaît pas comme un facteurexpliquant les différences de risques delésions professionnelles, mais <strong>la</strong> mobilitéen emploi, oui. Occuper plusieursemplois différents au cours d’une périodedonnée, ce qu’on nomme <strong>la</strong> mobilitéd’emploi, « est fortement associé àune première lésion. Souvent, les jeunestravaillent en alternance avec des périodesd’études ou cumulent plusieursemplois. En plus, ils se retrouvent dansdes secteurs reconnus comme étant àrisque élevé », note le chercheur.Autre résultat déterminant de l’étude,les analyses faites sur les popu<strong>la</strong>tionsâgées de moins de 25 ans ont révélé uneproportion de lésions professionnellesnettement plus élevée chez les décrocheurs(travailleurs n’ayant pas terminéleurs études secondaires) que chez tousles autres jeunes, peu importe leur parcourssco<strong>la</strong>ire.Les chercheurs ont aussi pu établirque les jeunes retournent plus vite autravail après une absence pour lésionprofessionnelle que les travailleurs plusâgés. Dans ce cas, l’étude ne permettoutefois pas de déterminer les facteursen cause.<strong>Des</strong> indices pour mieux intervenirTelle que conçue, à des fins d’analyse durevenu et de l’emploi, l’EDTR de StatistiqueCanada fournit peu de données surles conditions d’exercice du travail desjeunes. Toutefois, diverses recherchestransversales avaient déjà fait <strong>la</strong> preuveque le type d’emploi occupé ainsi que lescontraintes auxquelles les jeunes sontÉté 2010Prévention au travail19