DossierPrix hommageRemise du Prix hommageUne première pour deux pionniersPar Pierre TurgeonLa <strong>CSST</strong> a décidé d’honorer deuxde ses bâtisseurs lors du dernierga<strong>la</strong> des Prix innovation à Québec,le 14 avril dernier. Sam Hamad,ministre du Travail, de l’Emploiet de <strong>la</strong> Solidarité sociale, et LucMeunier, président du conseild’administration et chef de <strong>la</strong>direction de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>, ont remisdes Prix hommage à deuxadministrateurs de <strong>la</strong> premièreheure : le regretté Louis Laberge etGhis<strong>la</strong>in Dufour. Depuis sa créationen 2008, le Prix hommage de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>souligne l’apport particulier d’untravailleur ou d’une entreprise àl’amélioration de <strong>la</strong> santé et de <strong>la</strong>sécurité du travail.Dans l’ordre habituel : Sam Hamad, Ghis<strong>la</strong>in Dufour, Jean Labergeet Luc Meunier.Louis Laberge a présidé <strong>la</strong> FTQpendant 27 ans, de 1964 à 1991, et asiégé au conseil d’administration de <strong>la</strong><strong>CSST</strong> de 1980 à 1991. Il a été honoré àtitre posthume. Son fils Jean Laberge,<strong>qui</strong> a travaillé 23 ans à <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>, a reçule prix en son nom. Ému, il a racontéque son père aurait été fier de l’honneur<strong>qui</strong> lui était fait et qu’il était de ceux <strong>qui</strong>croyaient que malgré tous les progrès,il faut sans cesse continuer d’améliorer<strong>la</strong> santé et <strong>la</strong> sécurité du travail.Ghis<strong>la</strong>in Dufour a fait l’essentiel desa carrière publique au Conseil du patronatdu Québec, qu’il a notammentprésidé de 1986 à 1997. Il a aussi siégé18 ans au conseil d’administration de <strong>la</strong><strong>CSST</strong>, de 1980 à 1998. Prenant <strong>la</strong> parolelors du ga<strong>la</strong>, il a expliqué que bien peude gens croyaient aux vertus du paritarismequand <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> fut créée en 1980.Réticents, patrons et syndicats ont finalementaccepté de s’asseoir à <strong>la</strong> mêmetable et de prendre ensemble de grandesdécisions concernant l’administration durégime de santé et de sécurité du travail<strong>qui</strong> protège aujourd’hui plus de trois millionsde travailleurs québécois.Rappelons qu’en 1980, <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> aremp<strong>la</strong>cé <strong>la</strong> Commission des accidentsdu travail. Le légis<strong>la</strong>teur souhaite alorsque les milieux de travail prennent encharge les questions liées à <strong>la</strong> santé et à<strong>la</strong> sécurité du travail. Il instaure le paritarismecomme mode d’administrationde <strong>la</strong> nouvelle <strong>CSST</strong>. Les entreprises financentle régime, mais les syndicats ontune égale importance au conseil d’administration.La FTQ de Louis Laberge etle CPQ de Ghis<strong>la</strong>in Dufour étaient lesdeux plus grosses organisations syndicaleset patronales, il fal<strong>la</strong>it qu’ils siègent auconseil d’administration de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>.Monsieur Dufour a expliqué queLouis Laberge a fini par lui dire à l’époqueque jamais <strong>la</strong> FTQ ne siégerait auconseil d’administration de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> sile Conseil du patronat n’y était pas.M. Dufour ignore si Louis Laberge bluffaitmais cet ultimatum a fait en sorteque les deux hommes ont accepté departiciper à <strong>la</strong> naissance de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>.Depuis ce temps, <strong>la</strong> FTQ et le CPQ onttoujours été représentés au conseil d’administrationde <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>.En 2000, Louis Laberge avait accordéune entrevue à Prévention au travail.Il confiait alors : « Les premièresannées ont été difficiles, c’était <strong>la</strong> premièrefois que nous avions affaire à unparitarisme décisionnel, ce <strong>qui</strong> nousobligeait à nous entendre. Nous savionsque l’avenir de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> reposait entrenos mains. Nous essayions de construirequelque chose de complètement nouveau.Les ma<strong>la</strong>dies professionnellesn’étaient pas encore reconnues, et ni lesemployés ni les employeurs ne se souciaientde santé et de sécurité. »Pour sa part, traçant un rapide bi<strong>la</strong>ndes 30 dernières années lors du ga<strong>la</strong>,Ghis<strong>la</strong>in Dufour a expliqué que le paritarismea donné naissance à l’Institut derecherche Robert-Sauvé en santé et ensécurité du travail. En effet, lors de <strong>la</strong>mise sur pied de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>, le groupe detravail Martin, comprenant des personnalitéséminentes provenant de grandesinstitutions de recherche et du mondedu travail, a proposé que le Québec sedote d’un institut de recherche en santéet en sécurité du travail. Ghis<strong>la</strong>inDufour et Louis Laberge ont signé àl’époque les lettres patentes constituantl’IRSST. Ils ont donc contribué à créerun tel organisme <strong>qui</strong> n’existait encorenulle part au Canada. En fait, grâce enbonne partie à leur engagement et àleur détermination, <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> est devenuetelle qu’on <strong>la</strong> connaît aujourd’hui...La <strong>CSST</strong> a 30 ans cette année. C’estl’occasion de regarder le chemin parcouruet également de scruter ce <strong>qui</strong> seprofile à l’horizon. Ghis<strong>la</strong>in Dufour croitqu’il faut maintenant faire évoluer le paritarismepour faire de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> un assureurpublic encore plus performant. Ilsouhaite aussi que l’organisme ne soitplus soumis à <strong>la</strong> Loi sur <strong>la</strong> fonction publiqueet se demande pourquoi <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>n’est pas assujettie à <strong>la</strong> Loi sur <strong>la</strong> gouvernancedes sociétés d’État. PTPhoto : Leatitia Deconinck14 Prévention au travail Été 2010
Droitset obligationsL’aide humanitaireet <strong>la</strong> protection de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>Haïti, 12 janvier 2010. Unesecousse terrible fait trembler <strong>la</strong> terreet dévaste <strong>la</strong> « perle des Antilles ». Vul’étendue des dégâts, les autorités compétentesne sauront jamais le nombreexact de morts et de blessés que leséisme a causés. Parmi ces victimes setrouvaient plusieurs travailleurs québécois<strong>qui</strong> accomplissaient un travail pourun employeur du Québec. Ces travailleurs,comme tant d’autres <strong>qui</strong> apportentune aide humanitaire, sont à <strong>la</strong>merci des particu<strong>la</strong>rités souvent périlleuseset hostiles de leur terre d’accueil.Mais est-ce que <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> offre uneprotection à ces personnes <strong>qui</strong> travaillentà l’étranger ?La couverture de <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>La Loi sur les accidents du travail et lesma<strong>la</strong>dies professionnelles (LATMP) précisequ’un travailleur victime d’une lésionprofessionnelle survenue hors duQuébec est protégé par <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> s’il remplitcertaines conditions. D’abord, il doitêtre domicilié au Québec ou l’avoir étélors de son affectation. Cette dernière nedoit pas excéder cinq ans. Enfin, sonemployeur doit avoir un établissementau Québec 1 . Donc un travailleur affectépar son employeur à l’aide humanitairesera couvert par <strong>la</strong> <strong>CSST</strong> s’il remplit cesconditions et s’il subit une lésion professionnelle,soit un accident du travail,soit une ma<strong>la</strong>die professionnelle.Les prestations prévues à <strong>la</strong> loiSi, en raison de <strong>la</strong> lésion professionnellesurvenue hors du Québec, le travailleurn’est plus en mesure de travailler, ilpourra recevoir une indemnité pourcompenser <strong>la</strong> perte de revenu <strong>qui</strong> en découle.La <strong>CSST</strong> versera alors une indemnitéé<strong>qui</strong>va<strong>la</strong>nt à 90 % de sonrevenu net retenu. Cette indemnité estcalculée à partir du revenu brut annueldu travailleur, <strong>qui</strong> ne peut toutefois êtreinférieur au sa<strong>la</strong>ire minimum ni supérieurau maximum annuel assurablefixé à 62 500 $ en 2010. Également, cetravailleur aura droit de recevoir sansfrais tous les soins et traitements médicauxqu’exige son état. S’il subsiste desdommages permanents liés à son état1. LATMP, art. 8Il faut être bien préparé pourfaire face aux dangers multiples<strong>qui</strong> font partie du quotidien destravailleurs humanitaires.physique ou psychologique, il pourraégalement bénéficier du droit à des servicesde réadaptation pour faciliter sonretour sur le marché du travail et saréinsertion sociale. De plus, dans le casd’une atteinte permanente à son intégritéphysique ou psychique, le travailleurpourra avoir droit à uneindemnité pour dommage corporel.Finalement, si l’impensable se produisaitet qu’un travailleur mourait, les personnesà sa charge, conjoint et enfants,pourraient être indemnisées. Un montantpourrait également être accordé pour lepaiement des frais funéraires et des fraisde rapatriement du corps au Québec.Dans le cas où un travailleur disparaîtà <strong>la</strong> suite d’un accident du travail dansdes circonstances <strong>qui</strong> <strong>la</strong>issent présumerson décès, comme ce fut le cas lors dutremblement de terre en Haïti, <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>pourra considérer que cette personne estdécédée à <strong>la</strong> date de l’événement. Ainsi,<strong>la</strong> preuve du décès est plus facile et lepaiement des indemnités plus rapide.La LATMP prévoit aussi qu’un bénévolepeut être considéré comme un travailleur.Ce<strong>la</strong> implique qu’il bénéficieraalors de <strong>la</strong> protection accordée par <strong>la</strong>LATMP s’il subit une lésion professionnelle,sauf pour ce <strong>qui</strong> est du droitau retour au travail. Ainsi, le bénévolepourrait bénéficier d’une indemnité deremp<strong>la</strong>cement du revenu s’il devientincapable de travailler, <strong>la</strong>quelle seraitcalculée en fonction du sa<strong>la</strong>ire minimumen vigueur l’année où le travailleur a accompliles heures de bénévo<strong>la</strong>t. Pour quecette protection s’applique, le travailbénévole doit être fait avec l’accord del’employeur <strong>qui</strong> utilise ses services etce dernier doit transmettre à <strong>la</strong> Commissionune déc<strong>la</strong>ration contenant des informationssur <strong>la</strong> nature des activitésexercées dans son établissement, <strong>la</strong> naturedu travail accompli bénévolement, lenombre de bénévoles, <strong>la</strong> durée du travailet <strong>la</strong> période de protection demandée.Il est réconfortant de penser que lestravailleurs humanitaires puissent êtreprotégés par <strong>la</strong> <strong>CSST</strong>. Ce<strong>la</strong> encouragerapeut-être un plus grand nombre àaller aider les plus démunis. On ne doittoutefois pas partir du jour au lendemainsous le coup d’une impulsion. Ilfaut être bien préparé pour faire faceaux dangers multiples <strong>qui</strong> font partiedu quotidien des travailleurs humanitaires.PTEvelyne JulienÉté 2010Prévention au travailPhotos : iStockphoto15