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La perspective actionnelle et l'approche par les tâches ... - FLE Asso

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B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1Variations sur le thème de l’agir social endidactique des langues-cultures étrangère sI n t ro d u c t i o n 11. L’ « agir social», concept central d’une nouvelle orientation générale en didactique des langues-culture s 22. L’agir d’apprentissage en tant qu’action sociale 63. L’agir social en tant qu’appre n t i s s a g e 74. L’agir d’usage en classe de langue: de la simulation à la convention 75. L’agir d’apprentissage <strong>et</strong> l’agir d’enseignement, des agir fonctionnellement art i f i c i e l s 106. Agir avec la langue: du document support «a u t h e n t i q u e » au document «f a b r i q u é » de travail 117. Agir avec <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> technologies éducatives 128. Agir d’usage autonome, agir d’apprentissage dirigé 149. Agir sur l’inform a t i o n : de la compétence communicative à la compétence inform a t i o n n e l l e 1510. Agir ensemble pour des proj<strong>et</strong>s communs: de l’interaction à la co-action 1611. Agir sur la culture: de l’interc u l t u rel au co-culturel, <strong>et</strong> des représentations aux conceptions 2012. Quelle formation à l’agir d’enseignement? 2413. L’agir social entre enseignants: une co-formation continue pour de l’«innovation durable» 2514. Quel<strong>les</strong> théories de l’agir social en didactique des langues-culture s ? 26C o n c l u s i o n 3 0B i b l i o g r a p h i e 3 3A n n e x e 3 6LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1Variations sur le thèmede l’agir social endidactique des languescu l t u res étrangère sCHRISTIAN PURENPROFESSEUR ÉMÉRITE DE L’UNIVERSITÉDE SAINT-ÉTIENNE (FRANCE)CELEC-CEDICLEC (EA 3069)Autrement dit, il est plus important d’avoir des idées que de connaîtredes vérités; c’est pour cela que <strong>les</strong> grandes œuvres philosophiques,même si el<strong>les</strong> sont infirmées, demeurent significatives <strong>et</strong> classiques.Or avoir des idées, cela s’appelle aussi disposer d’une topique,prendre conscience de ce qui est, l’expliciter, le conceptualiser, l’arracherà ce qui va de soi, à la Fraglosigkeit, à la Selbständigkeit. Celarevient à cesser d’être naïf <strong>et</strong> à s’apercevoir que ce qui est pourrait nepas être. Le réel est entouré d’une zone indéfinie de compossib<strong>les</strong> nonréalisés ; la vérité n’est pas la plus élevée des valeurs de connaissance(p. 62).Paul VEYNE (historien), L’Inventaire des différences.[Conclusion de sa « Leçon inaugurale» au Collège de France],1976, 62 p.C<strong>et</strong> article est la version (beaucoup plus) longue de l’article <strong>par</strong>u sousle même titre dans Le français dans le monde, « Recherches <strong>et</strong> applications» n° 45 de janvier 2009 consacré à « <strong>La</strong> <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong><strong>et</strong> l’approche <strong>par</strong> <strong>les</strong> <strong>tâches</strong> en classe de langue», <strong>et</strong> coordonné <strong>par</strong>Évelyne ROSEN. Il est publié au même moment sur le site du Françaisdans le monde (www.fdlm.org) <strong>et</strong> sur celui de l’<strong>Asso</strong>ciation françaisedes Professeurs de <strong>La</strong>ngues Vivantes, APLV (www.aplv-languesmodernes.org).Je me propose ici de présenter quelques considérations portant sur leconcept central de la nouvelle <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> (PA) en didactiquedes langues-cultures (DLC), à savoir l’« agir social », avec pourobjectif d’agiter un maximum d’idées <strong>par</strong>mi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> lecteursferont eux-mêmes leur choix. J’ai <strong>par</strong> ailleurs déjà présenté un certainnombre d’entre el<strong>les</strong> dans un certain nombre d’artic<strong>les</strong> publiés ailleurs,en <strong>par</strong>ticulier dans <strong>les</strong> numéros 347 de septembre-octobre <strong>et</strong> 348 den o v e m b re - d é c e m b re 2006 du Français dans le monde ( P U R E NLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 222006a,b,c,d), ainsi que sur le site de l’APLV, www.aplv-languesmodernes.org(voir en bibliographie finale).Certaines de ces idées pourront <strong>par</strong>aître relever de la provocation, maistelle n’est pas du tout mon intention, sauf à prendre ce mot dans le sensle plus général : je souhaite effectivement provoquer de l’interrogation<strong>par</strong>ce que c’est le premier moment de la réflexion, qui consiste à questionner<strong>les</strong> concepts trop bien installés, <strong>et</strong> à faire bouger <strong>les</strong> frontièrestrop bien tracées. Je continue à croire, comme je l’écrivais en 1997(PUREN 1997a), « aux vertus du mouvement, qui est au moins ce quireste du progrès quand on n’est plus très sûr de la direction qu’il vaprendre ou qu’il faut lui donner ».L’ « agir social», concept centrald’une nouvelle orientation généraleen didactique des langues-culturesL’« approche communicative » (AC) avait été ainsi nommée <strong>par</strong>ce quel’objectif social de référence de c<strong>et</strong>te méthodologie était de former <strong>les</strong>apprenants à communiquer en langue étrangère (L2). Le choix de l’appellation« <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> » (PA) <strong>par</strong> <strong>les</strong> auteurs du CECR esttout aussi logique : l’objectif affiché dans ce document est en eff<strong>et</strong> laformation d’un « acteur social », <strong>et</strong> tous <strong>les</strong> nouveaux concepts-clés –compétence, contexte, texte, domaine <strong>et</strong> stratégie – y sont définis <strong>par</strong>rapport à des termes ap<strong>par</strong>tenant à un même champ sémantique : acte,acteur, activité, agir, opération, tâche :– compétences : « l’ensemble des connaissances, des habil<strong>et</strong>és<strong>et</strong> des dispositions qui perm<strong>et</strong>tent d’agir» ;– contexte : « renvoie à la multitude des événements <strong>et</strong> des<strong>par</strong>amètres de la situation (physiques <strong>et</strong> autres), propres à lapersonne mais aussi extérieurs à elle, dans laquelle s’inscrivent<strong>les</strong> actes de communication » ;– texte : « toute séquence discursive (orale <strong>et</strong>/ou écrite) inscritedans un domaine <strong>par</strong>ticulier <strong>et</strong> donnant lieu, comme obj<strong>et</strong> oucomme visée, comme produit ou comme processus, à activitélangagière au cours de la réalisation d’une tâche » ;– domaine(s) : « grands secteurs de la vie sociale où se réalisent<strong>les</strong> interventions des acteurs sociaux » ;– s t r a t é g i e : « tout agencement organisé, finalisé <strong>et</strong> régléd’opérations choisies <strong>par</strong> un individu pour accomplir une tâchequ’il se donne ou qui se présente à lui ». (p. 15, je souligne)LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 66L’ agir d’apprentissageen tant qu’action socialeL’interprétation ci-dessus me semble confirmée en <strong>par</strong>ticulier <strong>par</strong> le toutdébut du chapitre 4.3.3., qui traite de l’un des grands « domaines » ousecteurs d’intervention des acteurs sociaux à côté des domaines « professionnel», « public » <strong>et</strong> « personnel », à savoir le « domaine éducationnel» :Dans le domaine éducationnel, on peut utilement distinguer <strong>les</strong><strong>tâches</strong> que l’apprenant est amené à réaliser ou pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il estlinguistiquement outillé en tant qu’utilisateur de la langue <strong>et</strong> cel<strong>les</strong>dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il est impliqué comme apprenant <strong>par</strong>ce qu’el<strong>les</strong>font <strong>par</strong>tie du processus d’apprentissage. (CECR p. 46, je souligne)On r<strong>et</strong>rouve <strong>par</strong> ailleurs c<strong>et</strong>te conception de la classe comme unesociété authentique à <strong>par</strong>t entière dans la pédagogie du proj<strong>et</strong>, qui estappelée à être la forme privilégiée de la mise en œuvre de la nouvelle<strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> – celle de l’agir social – <strong>par</strong>ce qu’elle répondau principe didactique fondamental de l’homologie fins-moyens : demême que le moyen principal d’enseigner à communiquer en L2 étaitdans l’AC de m<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> apprenants en classe dans des situations decommunication en L2, de même, dans c<strong>et</strong>te nouvelle <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong>, la formation d’acteurs sociaux en L2 impliquera forcémentcomme moyen privilégié de m<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> apprenants en classe dans dessituations d’action sociale en L2.Il s’agit là, dans la PA telle que définie <strong>par</strong> le CECR, d’une évolutiondécisive <strong>par</strong> rapport à l’AC, due sans doute en <strong>par</strong>tie au fait que le nouveaudocument du Conseil de l’Europe s’adresse aux responsab<strong>les</strong> dessystèmes scolaires européens chargés d’élaborer <strong>les</strong> curricula delangues <strong>et</strong> de définir <strong>les</strong> niveaux d’évaluation institutionnelle, alors quel’AC avait été construite principalement <strong>par</strong> rapport à un public de référenc<strong>et</strong>rès différent, celui d’adultes apprenant une langue dans le paysoù elle est <strong>par</strong>lée (le <strong>FLE</strong> en France, <strong>par</strong> exemple). Comme je l’écrisdans PUREN 2006a, c<strong>et</strong>te PA «redonne de plein droit à l’enseignement-apprentissagescolaire une authenticité que l’approche communicativelui a déniée pendant trois décennies » (p. 38). Je reviendrai plusavant, au point 5, sur c<strong>et</strong>te question importante de l’authenticité des<strong>tâches</strong> d’apprentissage, de même que, au point 14, sur le fait que c<strong>et</strong>teidée de l’agir d’apprentissage comme action sociale se trouve coïncideravec <strong>les</strong> théories socio-cognitivistes de l’apprentissage, qui m<strong>et</strong>tentl’accent, précisément, sur la dimension sociale du processus d’apprentissage(concrètement, sur la fonction d’incitation <strong>et</strong> d’aide qu’apportel’entourage dans l’apprentissage individuel).LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 7L’ agir socialen tant qu’apprentissageÀ l’inverse, dans leurs environnements sociaux-professionnels actuelsen permanente évolution, l’une des compétences décisives des acteursest devenue leur capacité à apprendre. C’est le thème bien connu de« la formation tout au long de la vie » repris <strong>par</strong> toutes <strong>les</strong> grandes organisationsinternationa<strong>les</strong> tel<strong>les</strong> que l’UNESCO, l’OCDE ou encorel’Union européenne 4 .Dans l’environnement de plus en plus complexe <strong>et</strong> concurrentiel qui estle leur, <strong>les</strong> entreprises el<strong>les</strong>-mêmes doivent devenir – c’est un thèm<strong>et</strong>rès présent en management depuis des années – des « entreprisesapprenantes » 5 . Or il se trouve qu’une classe de langue-culture est <strong>par</strong>nature une authentique «entreprise apprenante », <strong>et</strong> que l’apprentissagecollectif d’une langue-culture étrangère exige la mise en œuvre decompétences tel<strong>les</strong> que la capacité à travailler en groupe, à prendredes risques, à non seulement adm<strong>et</strong>tre l’erreur chez soi <strong>et</strong> chez <strong>les</strong>autres mais à en tirer profit pour tous, à affronter l’inconnu, l’incertitude<strong>et</strong> la complexité, à réfléchir sur ses activités <strong>et</strong> stratégies (métacognition)ainsi que sur ses productions (conceptualisation), à s’auto- <strong>et</strong>co-évaluer… : autant de compétences qui sont précisément cel<strong>les</strong>désormais exigées d’un collaborateur qui ne soit pas un simple« employé », mais un véritable acteur au sein de son entreprise. Desorte que l’on peut maintenant concevoir le cours de langue étrangèrenon pas seulement comme une formation à un outil langagier de communication<strong>et</strong> d’action situées (comme dans c<strong>et</strong>te orientation didactiquebien connue des lecteurs du Français dans le monde, que l’onappelle le FOS, Français sur Objectifs Spécifiques), mais comme une<strong>par</strong>tie intégrante de la formation à la culture de l’agir professionnel.C’est l’idée que j’ai présentée en 1998 à l’occasion d’un Congrès del'UPLEGESS, dans une conférence que j’avais intitulée «Les languesvivantes comme outil de formation des cadres».L’ agir d’usage en classe de langue :de la simulation à la conventionDans l’approche communicative, <strong>les</strong> apprenants faisaient comme s’ilsétaient des étrangers ou comme s’ils communiquaient avec des étrangerslors de rencontres initia<strong>les</strong> <strong>et</strong> ponctuel<strong>les</strong>: la situation socialed’usage de référence de c<strong>et</strong>te méthodologie était en eff<strong>et</strong> le voyag<strong>et</strong>ouristique (cf. l’introduction des Niveaux seuils des années 70) ; situa-7Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangères4. Voir <strong>par</strong> exemple, sur le sitede l'Union Euro p é e n n e( h t t p : / / w w w. e u ropa.eu), ledossier intitulé «Éducation <strong>et</strong>f o rmation tout au long dela vie »: http://euro p a . e u / s c a d-plus/leg/fr/s19001.htm pourla version en français.5. Les lecteurs pourront taperl ’ e x p ression dans leur moteurde re c h e rche préféré surI n t e rn<strong>et</strong> pour constaterle nombre d’artic<strong>les</strong> référe n c é ssur la question…LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 9le statut de la langue commune à tous <strong>les</strong> acteurs dans ces situationsde vie ou de travail collectifs (si l’on veut bien considérer que dans leurentreprise, il y aura sans doute aussi des collègues de langue maternelleanglaise). Ces langues communes de co-action en milieu multilinguesont en fait des langues « conventionnel<strong>les</strong> ».L’appellation de « langue conventionnelle» me semble valoir égalementen didactique scolaire : dans un cours scolaire d’ELE en Franceavec un enseignant <strong>et</strong> des apprenants de langue maternelle française,<strong>par</strong> exemple, <strong>les</strong> différents acteurs ont passé préalablement entre euxun accord pour utiliser l’espagnol comme langue de travail au titred’une convention collective, exactement comme ils ont convenu <strong>par</strong>ailleurs que l’on va écouter ce que disent <strong>les</strong> autres <strong>et</strong> ne pas se couperla <strong>par</strong>ole dans <strong>les</strong> activités en grand groupe, ou encore se <strong>par</strong>ler à voixbasse pendant <strong>les</strong> activités en p<strong>et</strong>its groupes de manière à ne pasgêner <strong>les</strong> autres.Alors que la simulation de l’AC tendait à envoyer aux élèves un messagenégatif sur leur situation d’apprentissage en classe, puisque l’enseignantleur demandait de faire comme s’ils ne s’y trouvaient pas, cen’est pas le moindre intérêt de la <strong>perspective</strong> de l’agir social appliquéeà la classe de langue en milieu scolaire que de perm<strong>et</strong>tre aux didacticiens<strong>et</strong> aux enseignants de revenir enfin à l’un des fondamentaux de lapédagogie, en réintégrant l’usage en classe de la langue étrangère àl’intérieur de c<strong>et</strong> ensemble de conventions scolaires qui sont passéesentre l’enseignant <strong>et</strong> ses élèves dans le cadre de ce que l’on appelle le« contrat didactique ».Émilie PERRICHON (2008), sur la base de son expérience de conduitede multip<strong>les</strong> proj<strong>et</strong>s dans des pays différents dans des classes de <strong>FLE</strong>avec souvent des apprenants de cultures différentes, distingue d'unemanière très intéressante trois types de contrat – dont le «contratdidactique » – qui lui <strong>par</strong>aissent indispensab<strong>les</strong> dans la mise en œuvrepratique de la pédagogie du proj<strong>et</strong>. Je reprends sa typologie, en enmodifiant quelque peu <strong>les</strong> contenus :– Le « contrat d'apprentissage » concerne <strong>les</strong> objectifs, moyens, procédures<strong>et</strong> résultats en termes d'apprentissage individuel de la langueculture: maîtrise de structures grammatica<strong>les</strong>, de champs sémantiques,de types textuels, de codes culturels…– Le « contrat didactique » concerne <strong>les</strong> objectifs, moyens, procédures<strong>et</strong> résultats collectifs en termes de relation d'enseignement-apprentissage: formation au travail de groupe, règ<strong>les</strong> du travail collaboratif enclasse, utilisation de la L1 <strong>et</strong> de la L2…– Le « contrat social » concerne <strong>les</strong> objectifs, moyens, procédures <strong>et</strong>résultats sociaux (au-delà des apprenants <strong>et</strong> au-dehors de la salle declasse, donc) : prévision de l'impact recherché, ré<strong>par</strong>tition des contactsà établir avec des personnes extérieures, <strong>et</strong>c., dans le cadre de la réalisationde proj<strong>et</strong>s à dimension sociale.9Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1010Ces trois types de contrat couvrent en eff<strong>et</strong> <strong>les</strong> trois grands types d’agird’enseignement-apprentissage qui sont impliqués dans la nouvelle<strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>, à savoir, respectivement celui de l’agir individueld’apprentissage, celui de l’agir social d’apprentissage, <strong>et</strong> celui del’agir social d’usage, auquel il faut bien sûr ajouter l’agir d’enseignement,en relation directe avec chacun d’eux. 7L’ agir d’apprentissage<strong>et</strong> l’agir d’enseignement,des agir fonctionnellement artificielsDans la <strong>perspective</strong> de l’agir social, <strong>les</strong> apprenants agissent réellementavec <strong>les</strong> autres apprenants – lors de proj<strong>et</strong>s menés en classe, bienentendu, mais tout autant lors des exercices collectifs centrés surl ’ a p p rentissage de la langue. Ces <strong>tâches</strong> d’apprentissage sont en mêm<strong>et</strong>emps art i f i c i e l l e s ; mais que l’on connote négativement c<strong>et</strong>te art i f i c i a l i t éest une autre aff a i re, <strong>et</strong> qui prête assurément à discussion: une paire delun<strong>et</strong>tes, une paire de béquil<strong>les</strong>, un pont routier ou un pontage cardiaquesont assurément des artéfacts, mais ils aident à lire, à marc h e r, àc i rculer <strong>et</strong> même à vivre ceux qui ne pourraient le faire sans cela: il a p p a-raîtrait tout-à-fait saugrenu de critiquer ces artéfacts <strong>par</strong>ce que non« n a t u re l s ». Il devrait en être de même en DLC, <strong>par</strong>ce que l’artificialité yc o rrespond très précisément à l’aide spécifique que peut apporter un dispositifd’enseignement-apprentissage d’une langue <strong>par</strong> rapport à unesituation d’acquisition naturelle. On <strong>par</strong>le <strong>par</strong>fois d’« ingénierie didacti q u e », <strong>par</strong>ce que l’on considère que l’enseignant, en tant que concepteurde dispositifs d’apprentissage, est d’abord un ingénieur, c’est-à-direun inventeur d’art é f a c t s ; un «p rofessionnel de l’artificiel fonctionnel» ,pour re p re n d re sinon une expression, du moins une idée d’Herbert A.S I M O N 8 , qu’il a longuement développée dans son ouvrage le plusconnu, Sciences des systèmes, sciences de l’art i f i c i e l ( 1 9 6 9 ) .7. Sur <strong>les</strong> diff é rents types dep roj<strong>et</strong>s qui sont aussi à pre n d reen compte dans le contratglobal d’enseignementap p rentissage, voir i n f r ala fin du point 10.8. «Turing Aw a rd» (le «N o b e lde l'Inform a t i q u e ») en 1975pour ses re c h e rches surl'Intelligence artificielle <strong>et</strong>la Science de la cognition,Prix Nobel 1978 de Sciencesé c o n o m i q u e s .Je considère c<strong>et</strong> auteur comme l'une des grandes références épistémologiquessouhaitab<strong>les</strong> de la DLC. Qu’on en juge <strong>par</strong> le passage suivantde c<strong>et</strong> ouvrage de 1969 :Le monde artificiel se définit précisément à c<strong>et</strong>te interface entre <strong>les</strong>environnements internes <strong>et</strong> externes; il nous révèle comment atteindredes buts en adaptant <strong>les</strong> premiers aux seconds. Le domaine d'étudede ceux qui œuvrent dans l'artificiel est l'analyse des mécanismes <strong>par</strong><strong>les</strong>quels se réalise c<strong>et</strong>te adaptation des moyens aux environnements.Au centre de c<strong>et</strong>te analyse, nous trouvons justement le processus dela conception. […] Les sciences naturel<strong>les</strong> s'intéressent au commentdes phénomènes tels qu'ils sont. [...] <strong>La</strong> conception, en revanche, s'intéresseau comment des phénomènes tels qu'ils pourraient être, à l'inventiond'artefacts perm<strong>et</strong>tant d'atteindre des buts. (1969, pp. 115-116)LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 11Le champ didactique, c’est en eff<strong>et</strong> très précisément un « monde artificiel» de ce type, conçu de manière à fonctionner comme l’interface laplus efficace possible entre l’agir d’apprentissage <strong>et</strong> l’agir d’enseignement,d’une <strong>par</strong>t, <strong>et</strong> d’autre <strong>par</strong>t entre ces agir d’enseignement-apprentissage<strong>et</strong> l’agir d’usage11Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresA gir avec la langue :du document support «authentique »au document « fabrique» de travailIl est courant en didactique des langues-cultures d’opposer <strong>les</strong> documentsdits « authentiques », définis comme des documents réalisés <strong>par</strong>des natifs pour des natifs, aux documents « fabriqués » <strong>par</strong> <strong>les</strong> concepteursde manuels ou <strong>les</strong> enseignants pour <strong>les</strong> besoins de l’apprentissage.<strong>La</strong> <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> rem<strong>et</strong> en cause c<strong>et</strong>te dichotomie, enimposant comme documents authentiques à <strong>par</strong>t entière <strong>les</strong> textesfabriqués <strong>par</strong> <strong>les</strong> élèves aussi bien en cours de proj<strong>et</strong> (notes, synthèses,comptes rendus <strong>et</strong> autres types de textes que l’on appelle précisémentdes « documents de travail ») que comme objectifs de leurs proj<strong>et</strong>s (telsque des exposés de groupe à la fin d’une recherche collective, <strong>par</strong>exemple). À <strong>par</strong>tir d’un certain niveau de compétence – <strong>et</strong> plus tôt sansdoute que ne le pensent beaucoup d’enseignants dans des pays où lacentration se fait traditionnellement sur <strong>les</strong> programmes, <strong>les</strong> manuels<strong>et</strong>/ou <strong>les</strong> enseignants –, il est tout à fait possible de faire travailler lalangue <strong>par</strong> <strong>les</strong> apprenants seulement ou du moins principalement à<strong>par</strong>tir de leurs propres productions langagières.Là encore, l’explication fondamentale de c<strong>et</strong>te évolution didactique estcelle des situations socia<strong>les</strong> de référence d’usage de la langue <strong>par</strong> rapportauxquel<strong>les</strong> se définissent <strong>les</strong> nouveaux objectifs sociaux. Ces deuxnouvel<strong>les</strong> situations sont, comme je l’ai dit plus haut, cel<strong>les</strong> du vivreensemble dans une société multilingue <strong>et</strong> multiculturelle, <strong>et</strong> du travaillerensemble dans un espace universitaire <strong>et</strong> professionnel en voied’intégration au niveau européen 9 . À côté des activités langagièresclassiques de réception, production <strong>et</strong> interaction, le CECR introduit la« médiation », qu’il présente ainsi :Participant à la fois de la réception <strong>et</strong> de la production, <strong>les</strong> activitésécrites <strong>et</strong>/ou ora<strong>les</strong> de médiation perm<strong>et</strong>tent, <strong>par</strong> la traduction oul’interprétariat, le résumé ou le compte rendu, de produire à l’intentiond’un tiers une (re)formulation accessible d’un texte premier auquel c<strong>et</strong>iers n’a pas d’abord accès direct. Les activités langagières de médiation,(re)traitant un texte déjà là, tiennent une place considérable dansle fonctionnement langagier ordinaire de nos sociétés. (p. 18)9. Voir en annexe le tableau«Évolution historique desconfigurations didactiques»:ces nouvel<strong>les</strong> situationssocia<strong>les</strong> de référence ontgénéré <strong>les</strong> configurationsdidactiques n° 4 (dont l’objectifsocial va être la «capacité àcohabiter avec des étrangersou des compatriotes dec u l t u res diff é re n t e s ») <strong>et</strong> n° 5( « capacité à travailler dansla durée en langue étrangèreavec des locuteurs natifs ounon natifs de c<strong>et</strong>te langue»).LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1212Les auteurs du CECR avaient en tête « notamment <strong>les</strong> activités de traduction<strong>et</strong> d’interprétation » (p. 18) « entre des locuteurs de deuxlangues qui ne peuvent communiquer directement » (p. 40), c’est-àdire<strong>les</strong> situations de multilinguisme. Dans <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> d’activités demédiation énumérés au début du chapitre 4.4.4 (p. 71), on remarqued’ailleurs qu’il est fait peu de place aux activités professionnel<strong>les</strong>, laseule citée étant celle de traduction. Mais <strong>les</strong> « documents de travail »tels que synthèses de dossiers, comptes rendus de réunions, notes <strong>et</strong>autres mémorandums ont aussi une grande place dans <strong>les</strong> environnementsde travail collaboratif, tels que <strong>les</strong> entreprises, <strong>par</strong>ce que l’activitéglobale doit rester collective alors que <strong>les</strong> <strong>tâches</strong> doivent être<strong>par</strong>tagées. Ces documents de travail ont pour fonction de réintégrerdans c<strong>et</strong>te activité globale <strong>les</strong> activités <strong>par</strong>tiel<strong>les</strong> réalisées <strong>par</strong> <strong>les</strong>différentes équipes: ils ne doivent pas être interprétés dans le cadre del’ancien <strong>par</strong>adigme communicatif, mais dans celui du nouveau <strong>par</strong>adigmeco-actionnel : ils ne communiquent pas de l’information, ilsm<strong>et</strong>tent en commun de l’action.A gir avec <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong>technologies éducativesLes Nouvel<strong>les</strong> Technologies Éducatives (NTE), liées à l’Intern<strong>et</strong>, modifientprofondément la problématique des documents en DLC, en <strong>par</strong>ticulierla place <strong>et</strong> le statut des « documents supports » ou « documentsde base» – dont on connaît l’importance jusqu’à présent dans laconception des unités didactiques –, ainsi que leur fonction dans lagestion de la progression collective d’enseignement-apprentissage :1) Les NTE, en <strong>par</strong>ticulier cel<strong>les</strong> du Web 2.0, perm<strong>et</strong>tent le passagenoté ci-dessus de la communication à la co-action : pour <strong>les</strong> <strong>par</strong>ticipants,<strong>les</strong> documents <strong>par</strong>tagés sur Intern<strong>et</strong> <strong>et</strong> qu’ils élaborent àdistance en commun, comme c’est le cas sur <strong>les</strong> wikis <strong>et</strong> autres plateformescollaboratives, sont des documents non de communication réciproque,mais d’action commune.2) Les NTE perm<strong>et</strong>tent aussi la disponibilité permanente, pour <strong>les</strong>apprenants eux-mêmes, d’une masse énorme de documents en langue<strong>et</strong> culture cib<strong>les</strong>, au lieu des quelques documents préalablement sélectionnés<strong>par</strong> <strong>les</strong> concepteurs du manuel ou l’enseignant. De ce fait, il estdésormais possible de concevoir des unités didactiques où <strong>les</strong> relations<strong>tâches</strong>-documents <strong>et</strong> enseignant-apprenants sont simultanément inversées: ce ne sont plus <strong>les</strong> <strong>tâches</strong> qui sont instrumentalisées <strong>par</strong> <strong>les</strong>enseignants au service des documents qu’eux ou <strong>les</strong> concepteurs duLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 13manuel qu’ils utilisent ont sélectionnés au service des <strong>tâches</strong> d’enseignementqu’ils ont programmées (comme dans l’intégration didactiqueautour d’un document de base, que ce soit un texte littéraire commedans la méthodologie active scolaire des années 1920-1960 en France,ou un dialogue fabriqué comme dans la méthodologie audiovisuelle) ;ce sont à l’inverse <strong>les</strong> documents sélectionnés <strong>par</strong> <strong>les</strong> apprenants quisont instrumentalisés <strong>par</strong> eux-mêmes au service de leurs propres<strong>tâches</strong> : c’est le cas, <strong>par</strong> exemple, d’un exposé pré<strong>par</strong>é <strong>par</strong> un grouped’apprenants à <strong>par</strong>tir de documents divers qu’ils ont recherchés surIntern<strong>et</strong>.13Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangères3) Les NTE perm<strong>et</strong>tent enfin la publication sur Intern<strong>et</strong> des productionsdes élèves, faisant potentiellement de tous <strong>les</strong> documents fabriqués <strong>par</strong><strong>les</strong> élèves des « documents sociaux » à <strong>par</strong>t entière. C<strong>et</strong>te appellationde « documents sociaux» a été utilisée <strong>par</strong> certains didacticiens delangues-cultures (Robert Galisson, en <strong>par</strong>ticulier) <strong>par</strong>ce qu’ils ne voulaientpas accorder le statut de « documents authentiques » à des documentsqui ne le seraient plus véritablement à <strong>par</strong>tir du moment où ilsseraient utilisés en classe comme supports d’enseignement-apprentissage.Or <strong>les</strong> supports d’enseignement-apprentissage fabriqués <strong>par</strong> <strong>les</strong>apprenants pour un exposé en classe <strong>et</strong>/ou publication sur Intern<strong>et</strong>, <strong>par</strong>exemple, sont d’emblée des documents sociaux ; <strong>et</strong> ils sont aussi desdocuments authentiques dans la mesure où ils relèvent en amont d’unevisée d’action sociale, <strong>et</strong> qu’ils sont soumis en aval à une validationsociale.J’utilise à dessein une expression neutre («Les NTE perm<strong>et</strong>tent… »),<strong>par</strong>ce qu’aujourd’hui comme <strong>par</strong> le passé, <strong>les</strong> potentialités technologiquesne sont effectivement développées pour devenir de nouvel<strong>les</strong>technologies que si el<strong>les</strong> se trouvent coïncider avec des demandessocia<strong>les</strong>, même si en r<strong>et</strong>our cel<strong>les</strong>-là viennent renforcer <strong>et</strong> diffusercel<strong>les</strong>-ci. Si la DLC a toujours dans le passé exploité très vite toutes <strong>les</strong>nouvel<strong>les</strong> technologies disponib<strong>les</strong> (<strong>les</strong> premières «machines <strong>par</strong>lantes» dès <strong>les</strong> années 1900 – des gramophones à rouleaux –, puis<strong>les</strong> tourne-disques, la radio, le magnétophone, le film fixe <strong>et</strong> animé, lavidéo, l’ordinateur…) c’est <strong>par</strong>ce que ses grandes évolutions se sonttoujours faites sous la pression de la société <strong>et</strong> dans le sens de sesattentes <strong>et</strong> demandes. Il en est de même aujourd’hui avec des citoyensexigeant de pouvoir <strong>par</strong>ticiper activement dans tous <strong>les</strong> domaines, cequi explique aussi bien le développement du Web 2.0 – où <strong>les</strong> internautespeuvent non seulement interagir avec <strong>les</strong> contenus des pages,mais co-agir entre eux – que l’émergence de la <strong>perspective</strong> de l’agirsocial en DLC.LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1414A gir d’usage autonome,agir d’apprentissage dirigéPar rapport au nouvel agir de référence de la PA (l’action sociale) <strong>et</strong> àsa mise en œuvre didactique privilégiée (le proj<strong>et</strong>), il est nécessaire derevisiter c<strong>et</strong> autre concept de base de la DLC de ces dernières décennies,celui d’« autonomie ».a) D’une <strong>par</strong>t ce concept avait été développé à l’intérieur du <strong>par</strong>adigmeindividualiste qui était celui de l’approche communicative. Il est àrepenser maintenant en <strong>par</strong>tie au niveau du groupe : <strong>les</strong> critères d’évaluationdes actions socia<strong>les</strong> en classe de langue sont à redéfinir d’une<strong>par</strong>t en termes collectifs, d’autre <strong>par</strong>t en termes de responsabilité <strong>et</strong> decomplémentarité individuel<strong>les</strong>.<strong>La</strong> mise en avant de l’objectif de formation d’un « acteur social » amèneobligatoirement à relativiser l’importance accordée à l’autonomie individuelle: un « acteur social » est certes un individu critique <strong>et</strong> autonome,mais c’est aussi un citoyen responsable <strong>et</strong> solidaire. C<strong>et</strong>te finalité formativecomplexe est cohérente avec la nouvelle prise en compte – quej’ai déjà notée plus haut – de l’enseignement scolaire des languescultures,<strong>par</strong>ce qu’elle correspond à la mission de c<strong>et</strong> enseignement, <strong>et</strong>elle ne peut bien entendu que provoquer un renouveau d’intérêt pourle type de pédagogie scolaire qui s’est construit historiquement surl’idée de former <strong>les</strong> élèves comme acteurs sociaux en <strong>les</strong> faisant agircomme tels en classe-même, à savoir la dite pédagogie du proj<strong>et</strong>.b) D’autre <strong>par</strong>t, le thème de l’autonomie des apprenants en didactiquedes langues-cultures n’a pas échappé au risque de dérive idéologique,l’autonomie devenant pour certains de ses promoteurs une sorte d’absoluvers lequel il faudrait absolument tendre <strong>par</strong>tout le plus possible <strong>et</strong>le plus vite possible. Or le travail sur proj<strong>et</strong> ne perm<strong>et</strong> pas de la <strong>par</strong>t del’enseignant un contrôle des apports langagiers aussi ciblé, ni de la <strong>par</strong>tdes apprenants une reprise des mêmes formes linguistiques aussi intensive,que lorsque l’unité didactique était construite sur un ou même plusieurssupports de base choisis ou fabriqués <strong>par</strong> l’enseignant ou leconcepteur du manuel. De sorte qu’il faut maintenant distinguer dansla problématique de l’autonomie entre la question de l’agir d’usage <strong>et</strong>celle de l’agir d’apprentissage, <strong>et</strong> considérer que plus <strong>les</strong> apprenantsseront autonomes dans la conduite de leur proj<strong>et</strong>, plus l’enseignantdevra éventuellement être directif dans l’enseignement de la languequi y sera mobilisée ; éventuellement : ce n’est sûrement pas une loigénérale, mais c’est une règle contextuelle dont l’application fait <strong>par</strong>tiedes choix rationnels possib<strong>les</strong> à la disposition des enseignants.LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 15A gir sur l’information:de la compétence communicativeà la compétence informationnelle15Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresL’approche communicative tendait à ne confier aux apprenants qu’une<strong>par</strong>tie infime de la gestion de l’information, <strong>et</strong> en outre sa <strong>par</strong>tie la plusmécanique, à savoir l’opération de transmission interindividuelle : le dispositifle plus représentatif de la conception de l’information dans l’ACest le croisement de l’information gap <strong>et</strong> du pair work.<strong>La</strong> mise en œuvre de la <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> amène à prendre encompte l’ensemble du processus informationnel dans lequel la responsabilitédes acteurs sociaux peut être engagée. Voici <strong>par</strong> exemple cequ’un ouvrage publié en 2008 <strong>par</strong> l’UNESCO (FOREST W.H. 2008)présente comme le « cycle de maîtrise de l’information » :1. Prendre conscience de l'existence d'un besoin ou problème dontla solution nécessite de l’information.2. Savoir identifier <strong>et</strong> définir avec précision l’information nécessairepour satisfaire le besoin ou résoudre le problème.3. Savoir déterminer si l’information nécessaire existe ou non, <strong>et</strong>,dans la négative, passer à l’étape 5.4. Savoir trouver l’information nécessaire quand on sait qu’elleexiste, puis passer à l’étape 6.5. Savoir créer, ou faire créer, l’information qui n’est pas disponible(créer de nouvel<strong>les</strong> connaissances).6. Savoir bien comprendre l’information trouvée, ou à qui faire appelpour cela, si besoin est.7. Savoir organiser, analyser, interpréter <strong>et</strong> évaluer l’information, ycompris la fiabilité des sources.8. Savoir communiquer <strong>et</strong> présenter l’information à autrui sur desformats/ supports appropriés/ utilisab<strong>les</strong>.9. Savoir utiliser l’information pour résoudre un problème, prendreune décision, satisfaire un besoin.10. Savoir préserver, stocker, réutiliser, enregistrer <strong>et</strong> archiver l’informationpour une utilisation future.11. Savoir se défaire de l’information qui n’est plus nécessaire <strong>et</strong> préservercelle qui doit être protégée. (pp. 65-67)<strong>La</strong> responsabilité d’un acteur social vis-à-vis de l’information exige ausside lui qu’il prenne en compte <strong>les</strong> exigences de son utilisation/réutilisationefficace <strong>par</strong> d’autres que lui, ailleurs, à d’autres moments <strong>et</strong> pourd’autres actions : <strong>les</strong> enjeux de la formation d’un acteur social à la maîtrisede l’information dépassent très largement, comme on le voit, ceuxd’une communication efficace dans la situation interaction langagièrede référence de l’AC, qui était celle d’un échange ponctuel d’informationsentre deux individus.Je ne développe pas plus ici la question des implications didactiquesde ce passage de la compétence communicative à la compétence informationnelle,<strong>par</strong>ce que je <strong>les</strong> ai présentées longuement dans un articlepublié sur le site de l’APLV (www.aplv-languesmodernes.org), intitulé« Les activités langagières en classe de langue dans la <strong>perspective</strong> deLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1616l’agir social : de la compétence communicative à la compétence informationnelle» (PUREN 2008b).A gir ensemble pour des proj<strong>et</strong>s communs :de l’interaction à la co-action10. Comme <strong>par</strong> exemple dans<strong>les</strong> expressions «le proj<strong>et</strong>d’élaboration d’exemp<strong>les</strong>de descripteurs», «le pro j e td'un Portfolio euro p é e n »,«le proj<strong>et</strong> DIALANG» …11. Pp. 17, 23, 25, 26, 32, 47,48, 49, 50 (x 2), 103, 108, 106,113, 121, l34, 136 <strong>et</strong> 140.12. Cf. aussi <strong>les</strong> occurre n c e sdes pages 25, 26, 32, 49, 50(x 2), 121.On connaît la phrase de Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarderl’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ». Onpeut transposer c<strong>et</strong>te pensée aux acteurs sociaux des classes delangue-culture (<strong>les</strong> enseignants <strong>et</strong> <strong>les</strong> apprenants) <strong>et</strong> des sociétés multiculturel<strong>les</strong>(<strong>les</strong> citoyens): l’enjeu pour <strong>les</strong> uns <strong>et</strong> <strong>les</strong> autres n’est passeulement de « co-habiter » ni même d’« inter-agir », mais aussi <strong>et</strong> surtoutd’agir ensemble dans la durée <strong>et</strong> dans une <strong>perspective</strong> commune,c’est-à-dire de «co-agir ». En classe, il s’agit de mener à bien collectivementle processus conjoint d’enseignement-apprentissage; <strong>et</strong> ensociété – du moins dans la tradition française, très exigeante sur cepoint –, la citoyenn<strong>et</strong>é ne relève pas seulement d’un multiculturelassumé (d’un « vivre à côté ») ni d’un interculturel apaisé (d’un « vivreensemble ») : elle exige un proj<strong>et</strong> de société, un « faire ensemble» àdimensions à la fois collective <strong>et</strong> historique. Comme nous l’avons vuprécédemment, la pédagogie du proj<strong>et</strong> est la forme historiquement laplus aboutie de mise en œuvre scolaire de c<strong>et</strong>te co-action, <strong>par</strong>cequ’elle y applique strictement le principe de l’homologie fins-moyen :<strong>les</strong> élèves sont formés à l’action sociale en société en agissant dansl’espace même de la classe comme des acteurs sociaux à <strong>par</strong>t entière.Une fois écartés <strong>les</strong> très nombreux emplois de « proj<strong>et</strong> » dans le sens deproj<strong>et</strong> institutionnel lié à l’enseignement, apprentissage <strong>et</strong>/ou évaluationen langues 10 , il reste dans le texte du CECR 18 occurrences 11 , dontse dégagent clairement <strong>les</strong> deux grandes constantes suivantes :a) Le proj<strong>et</strong> y est d’abord <strong>et</strong> avant tout considéré comme un des nombreuxthèmes possib<strong>les</strong> de conversation, c’est-à-dire comme un supportde communication <strong>par</strong>mi d’autres. En voici deux exemp<strong>les</strong> 12 :Peut comprendre <strong>les</strong> points essentiels quand un langage clair <strong>et</strong> standardest utilisé <strong>et</strong> s’il s’agit de choses familières dans le travail, àl’école, dans <strong>les</strong> loisirs, <strong>et</strong>c. Peut se débrouiller dans la plu<strong>par</strong>t dessituations rencontrées en voyage dans une région où la langue cibleest <strong>par</strong>lée. Peut produire un discours simple <strong>et</strong> cohérent sur des suj<strong>et</strong>sfamiliers <strong>et</strong> dans ses domaines d’intérêt. Peut raconter un événement,une expérience ou un rêve, décrire un espoir ou un but <strong>et</strong> exposerbrièvement des raisons ou explications pour un proj<strong>et</strong> ou une idée.(Échelle globale des niveaux de référence, descripteur B1, p. 25, jesouligne).Je peux m’exprimer de manière simple afin de raconter des expériences<strong>et</strong> des événements, mes rêves, mes espoirs ou mes buts. Jepeux brièvement donner <strong>les</strong> raisons <strong>et</strong> explications de mes opinionsou proj<strong>et</strong>s. Je peux raconter une histoire ou l’intrigue d’un livre ouLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 17d’un film <strong>et</strong> exprimer mes réactions. (Tableau 2 – Niveaux communs decompétences – Grille pour l’auto-évaluation, – S’exprimer en continu,B1, p. 26, je souligne).On trouve même le proj<strong>et</strong> intégré, dans le passage suivant, comme unsupport d’expression écrite au même titre que des activités très dirigéesorientées langue, telle que la dictée :6.4.3.3 Jusqu’à quel point <strong>les</strong> apprenants doivent-ils non seulementtraiter des textes mais également en produire ? Ce peuvent être […]b. à l’écrit– la dictée– des exercices écrits– des rédactions– des traductions– des rapports écrits– un proj<strong>et</strong> de travail– des l<strong>et</strong>tres à un correspondant– la <strong>par</strong>ticipation à un réseau d’échanges scolaires <strong>par</strong> télécopie oucourrier électronique. (p. 113)De tels passages du CECR ne sont sûrement pas à m<strong>et</strong>tre entre <strong>les</strong>mains d’enseignants en formation initiale, <strong>et</strong> ils sont nombreux : à tropvouloir jouer la carte du catalogage exhaustif, <strong>les</strong> auteurs de ce documentont produit des listes d’activités très hétérogènes, comme celleci,qui ne pourraient produire chez ces enseignants qu’une grand confusionconceptuelle. Ce n’est certainement pas ce type de listefourre-tout qui peut <strong>les</strong> aider efficacement à «se poser un certainnombre de questions » (premier objectif déclaré du Cadre, p. 4), ni <strong>par</strong>ailleurs à «faciliter <strong>les</strong> échanges d’informations entre <strong>les</strong> praticiens <strong>et</strong><strong>les</strong> apprenants », (deuxième objectif affiché du Cadre, même page).b) Le proj<strong>et</strong> se r<strong>et</strong>rouve très souvent cité en même temps que la simulation<strong>et</strong> le jeu de rôle. Par exemple dans le passage suivant :Les utilisateurs du Cadre de référence envisageront <strong>et</strong> expliciterontselon le cas <strong>les</strong> <strong>tâches</strong> que <strong>les</strong> apprenants devront entreprendre ouauront besoin d’entreprendre ou pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils devront êtreoutillés dans le domaine éducationnel a. comme <strong>par</strong>ticipants dans desinteractions guidées ou finalisées, des proj<strong>et</strong>s, des simulations, desjeux de rôle, <strong>et</strong>c. b. ou encore dans <strong>les</strong> cas où la L2 est la langued’enseignement de la langue elle-même, ou d’autres disciplines auprogramme, <strong>et</strong>c. (chapitre 4.3.3, p. 47, je souligne)Et c’est encore le cas dans l’unique occurrence, dans le CECR, del’expression «pédagogie du proj<strong>et</strong> » :En ce sens aussi, la pédagogie dite du proj<strong>et</strong>, <strong>les</strong> simulationsgloba<strong>les</strong>, nombre de jeux de rô<strong>les</strong>, m<strong>et</strong>tent en place des sortesd’objectifs transitoires effectivement définis en termes de <strong>tâches</strong> àréaliser, mais dont l’intérêt majeur pour l’apprentissage tient soit auxressources <strong>et</strong> activités langagières que requiert telle tâche (ou tel<strong>les</strong>équence de <strong>tâches</strong>), soit aux stratégies ainsi exercées ou mises enaction pour la réalisation de ces <strong>tâches</strong>. (p. 108, je souligne)Ce dernier passage fait <strong>par</strong>tie des chapitres <strong>et</strong> sous-chapitres suivants :6.1.4 Variation des objectifs en relation au Cadre de référence6.1.4.1 Types d’objectifs en relation au Cadre de référence […]Les objectifs de l’enseignement/apprentissage peuvent en eff<strong>et</strong> êtreconçus en termes variés. […]e. En termes d’enrichissement ou de diversification des stratégies ouen termes d’accomplissement de <strong>tâches</strong>17Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 1818Il nous livre l’explication de ce regroupement du proj<strong>et</strong> pédagogiquedans le même ensemble de techniques que la simulation <strong>et</strong> le jeu derôle : le proj<strong>et</strong> n’est pour <strong>les</strong> auteurs du CECR que l’une de ces techniquescensées susciter des communications intenses <strong>et</strong> variées entreapprenants, <strong>par</strong>ce qu’el<strong>les</strong> leur donnent l’occasion d’accomplir enlangue étrangère des séries de <strong>tâches</strong> nombreuses <strong>et</strong> variées.Restent 5 occurrences, que je cite toutes ici dans leur ordre d’ap<strong>par</strong>itiondans le CECR, <strong>et</strong> qui me semblent mériter une analyse com<strong>par</strong>ativeapprofondie :– p. 17 :Suivant <strong>les</strong> apprenants, <strong>les</strong> savoir-apprendre peuvent présenter descompositions <strong>et</strong> des pondérations variab<strong>les</strong> entre savoir-être, savoirs<strong>et</strong> savoir-faire ainsi que la capacité à gérer l’inconnu.Savoir apprendre peut présenter des pondérations en fonction de :– variations suivant <strong>les</strong> obj<strong>et</strong>s : selon qu’il a affaire à de nouvel<strong>les</strong>personnes, à un secteur de connaissance vierge pour lui,à une culture très peu familière, à une langue étrangère– variations suivant <strong>les</strong> proj<strong>et</strong>s : face à un même obj<strong>et</strong> (<strong>par</strong>exemple, <strong>les</strong> rapports <strong>par</strong>ents/enfants dans une communautédonnée), <strong>les</strong> procédures de découverte, de recherche de sens neseront sans doute pas <strong>les</strong> mêmes pour un <strong>et</strong>hnologue, un touriste,un missionnaire, un journaliste, un éducateur, un médecin, intervenantchacun dans leur <strong>perspective</strong> propre– variations suivant <strong>les</strong> moments <strong>et</strong> l’expérience antérieure : […]– p. 1066.1.4.1 Types d’objectifs en relation au Cadre de référence[…] En d’autres termes encore, la poursuite d’un objectif <strong>par</strong>tiel peuttrouver place dans un proj<strong>et</strong> d’ensemble pour l’apprentissage.– p. 1348.4.3 Une orientation multidimensionnelle <strong>et</strong> modulaire[...] Les utilisateurs du Cadre de référence peuvent souhaiter examiner<strong>et</strong>, quand il convient, déclarer […]– quels ordres d’objectifs <strong>par</strong>aissent le mieux convenir aux apprenantsconcernés (voir 7.2.) à un moment donné de leur constructiond’une compétence plurilingue <strong>et</strong> pluriculturelle <strong>et</strong> compt<strong>et</strong>enu aussi bien de leurs caractéristiques, attentes, intérêts,proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> besoins que de leurs <strong>par</strong>cours antérieurs <strong>et</strong> de leursressources actuel<strong>les</strong>.– p. 1369.2 LE CADRE DE RÉFÉRENCE EN TANT QUE RESSOURCE POURL’ÉVALUATION9.2.1 Spécification du contenu des tests <strong>et</strong> des examens[…] Par exemple, un test conçu récemment illustre ce point en ce quiconcerne l’évaluation de l’expression orale. On y trouve d’abord uneConversation simulée qui joue le rôle de mise en train ; ensuite uneDiscussion informelle sur des suj<strong>et</strong>s d’ordre général pour <strong>les</strong>quels lecandidat déclare son intérêt ; suivie d’une phase de Transaction, activitéde recherche d’information soit en face à face, soit en conversationtéléphonique simulée. Vient alors une phase de Production qui seréalise à travers un Rapport écrit dans lequel le candidat fournit uneDescription de son domaine <strong>et</strong> de ses proj<strong>et</strong>s universitaires. Il y a enfinune Coopération finalisée, tâche de recherche de consensus entredeux candidats.– p. 1409.3.4 Évaluation continue/Évaluation ponctuelle[…]• L’évaluation continue est l’évaluation <strong>par</strong> l’enseignant <strong>et</strong>, éventuellement,<strong>par</strong> l’apprenant de performances, de travaux <strong>et</strong>de proj<strong>et</strong>s réalisés pendant le cours. <strong>La</strong> note finale reflète ainsil’ensemble du cours, de l’année ou du semestre.LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 19L’analyse de ces 5 occurrences fait ap<strong>par</strong>aître clairement 3 différentstypes de proj<strong>et</strong>s :1. le proj<strong>et</strong> d’apprentissage (individuel) : p. 17 ;2. le proj<strong>et</strong> d’usage (individuel): p. 17, 134 <strong>et</strong> 136 ; 133. enfin <strong>les</strong> proj<strong>et</strong>s d’enseignement-apprentissage, qui correspondentaux proj<strong>et</strong>s pédagogiques tels qu’on peut <strong>les</strong> concevoir dans la pédagogiedu proj<strong>et</strong> : p. 140 ; le terme de « proj<strong>et</strong> » est bien utilisé à c<strong>et</strong>tepage dans le sens d’un ensemble de travaux cohérents réalisé sur unelongue durée dans le cadre de l’enseignement-apprentissage, sidu moins j’interprète correctement la série progressive performancestravaux-proj<strong>et</strong>s.Nous pouvons dès à présent tirer un certain nombre de constats quantà la conception du « proj<strong>et</strong> » dans le CECR :a) On ne sera pas surpris de la distinction qui y ap<strong>par</strong>aît implicitemententre le proj<strong>et</strong> d’apprentissage <strong>et</strong> le proj<strong>et</strong> d’usage, étant donné la distinctionque <strong>les</strong> auteurs de ce texte établissent fortement, dans le passagede la page 15 que j’ai cité supra au point 1, entre «usage » <strong>et</strong>« apprentissage », « usager » <strong>et</strong> « apprenant ».b) Le proj<strong>et</strong> pédagogique (réalisé «pendant le cours», donc entreapprenants <strong>et</strong> enseignants) ap<strong>par</strong>aît très ponctuellement <strong>et</strong> incidemmentà la page 140, dans un passage pourtant consacré au « noyaudur » du CECR, à savoir l’évaluation. Le déséquilibre entre <strong>les</strong> réflexions<strong>et</strong> <strong>les</strong> propositions concernant la <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>, d’une <strong>par</strong>t, <strong>et</strong>l’évaluation, d’autre <strong>par</strong>t, ainsi que l’insuffisance de réflexion sur la relationentre ces deux problématiques, sont vraiment patents dans c<strong>et</strong>exte, ses descripteurs de compétence, <strong>par</strong>ce qu’ils en restent à lalogique communicative, ne prenant pas en compte la question de l’évaluationdes proj<strong>et</strong>s: l’évaluation est conçue dans le CECR dans uneorientation produit (on évalue des performances attestées) <strong>et</strong> individuelle,alors que l’évaluation d’un proj<strong>et</strong> doit nécessairement inclureune orientation processus (la manière dont s’est déroulée le proj<strong>et</strong>) <strong>et</strong>collective (<strong>les</strong> apports de chacun à la conception, à la conduite <strong>et</strong> auxrésultats du proj<strong>et</strong>). Il y a une forte contradiction, à l’intérieur du CECR,entre le proj<strong>et</strong> d’harmonisation de l’enseignement scolaire des languesen Europe, <strong>et</strong> le système d’évaluation proposé, qui s’inspire massivementdes certifications pour adultes.c) Le quatrième type de proj<strong>et</strong>, le proj<strong>et</strong> d’enseignement (lié dans <strong>les</strong>ystème scolaire aux finalités éducatives, au programme officiel,au contenu du manuel utilisé, à la progression collective établie <strong>par</strong>l’enseignant, en <strong>par</strong>ticulier), n’ap<strong>par</strong>aît pas pris en compte en tant qu<strong>et</strong>el dans le CECR : c’est là l’eff<strong>et</strong> le plus clair de l’influence sur <strong>les</strong> auteursdu CECR des certifications pour adultes, dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>, tout naturellement,l’enseignement reçu n’est pas pris en compte. Or avec desenfants <strong>et</strong> des ado<strong>les</strong>cents qui n’ont pas pour la plu<strong>par</strong>t de véritableproj<strong>et</strong> d’apprentissage ni de véritable proj<strong>et</strong> d’usage personnels, l’importancede ce proj<strong>et</strong> d’enseignement est si grande que <strong>les</strong> évaluationssommatives se font en grande <strong>par</strong>tie <strong>par</strong> rapport au processus d’ensei-19Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangères13. On re m a rquera commentce type de proj<strong>et</strong> est lui-mêmei n s t rumentalisé commeoccasion d’entraînement à lacompétence communicativedans c<strong>et</strong>te dern i è re page 106.LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 2020gnement collectif, <strong>et</strong> non <strong>par</strong> rapport aux processus d’apprentissageindividuel 14 . Tout un chantier de recherche est assurément à ouvrirmaintenant, en didactique des langues-cultures, sur <strong>les</strong> implicationsdidactiques de la prise en compte des différents types de proj<strong>et</strong> dansla mise en œuvre de la nouvelle <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>, en relationavec <strong>les</strong> différents types de contrat (cf. supra point 4) 15 .A gir sur la culture : de l’interculturelau co-culturel, <strong>et</strong> des représentationsaux conceptions14. J’ai traité longuement dela complexité de l’évaluationen milieu scolaire dans una rticle publié en 2001.15. Pour une bibliographie ded é p a rt sur la notion de pro j e t ,voir BO R D A L L O, I. e t GI N E S T E T, J . - P.(1995) dans une <strong>perspective</strong>pédagogique, BO U T I N E T J . - P. ,(2001) dans une <strong>perspective</strong>a n t h ropologique, <strong>et</strong> enfin, dansun domaine ou le proj<strong>et</strong> estsystématiquement utilisé <strong>et</strong>a été sans doute le mieuxthéorisé – celui dumanagement d’entreprise –,GA R E L G. (2004). Ces tro i stextes ont en outre l’intérêtd ’ a b o rder le proj<strong>et</strong> de manièreà la fois historique <strong>et</strong> critique.Très logiquement, l’approche interculturelle est venue se combiner,dans l’approche communicative, à la formation à l’interaction langagière,c<strong>et</strong> opérateur commun inter correspondant à la situation de référencede l’AC, qui est le contact initial <strong>et</strong> ponctuel avec des étrangersde rencontre. Voici <strong>par</strong> exemple comment Geneviève ZARATE présentaiten 1993 le passage de la configuration didactique encore envigueur dans l’enseignement scolaire de l’époque (qui visait à donneraux élèves la capacité à maintenir plus tard un contact avec la languecultureétrangère à distance, <strong>par</strong> documents authentiques interposés) àla nouvelle configuration, où il s’agissait de pré<strong>par</strong>er <strong>les</strong> élèves à cecontact personnel avec <strong>les</strong> étrangers :L’exercice de civilisation ne peut se réduire à l’étude de documents, ouà la compréhension de textes. C<strong>et</strong>te définition minimale n’est opératoireque dans un cadre strictement scolaire. Ce qui est proposé, c’estde m<strong>et</strong>tre en place des compétences qui perm<strong>et</strong>tront de résoudre <strong>les</strong>dysfonctionnements inhérents aux situations où l’individu s’impliquedans une relation vécue avec l’étranger <strong>et</strong> découvre ainsi des aspectsde son identité qu’il n’avait pas eu encore l’occasion d’explorer ; saqualité d’étranger qui lui est renvoyée <strong>par</strong> le regard de l’autre, <strong>les</strong> <strong>par</strong>ticularismesde ses pratiques qui lui étaient jusque là ap<strong>par</strong>ues commedes évidences indiscutab<strong>les</strong>.Le concept-clé de c<strong>et</strong>te approche interculturelle, la représentation,correspond au regard que l’on porte sur <strong>les</strong> étrangers avant même lapremière rencontre (en fonction des stéréotypes qui nous ont été transmis<strong>par</strong> notre propre culture) <strong>et</strong> au cours de c<strong>et</strong>te première rencontre,pendant laquelle nous allons interpréter leurs comportements en fonctionde ces stéréotypes, <strong>et</strong> de notre propre référentiel culturel. <strong>La</strong> situationde référence de l’approche interculturelle est bien celle de l’aventureinitiale <strong>et</strong> individuelle de «découverte » culturelle. Et elle l’estrestée jusqu’à nos jours : dans un ouvrage publié <strong>par</strong> le Conseil de l’Europeen 2003 <strong>et</strong> coordonné <strong>par</strong> Geneviève Zarate, <strong>les</strong> auteurs d’un deschapitres («L’hospitalité dans la formation interculturelle des enseignants», Wilczynska Weronika <strong>et</strong> al. 2003), rendant compte d’uneLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 21enquête <strong>par</strong> questionnaire sur <strong>les</strong> représentations de l’hospitalité enEurope, précisent qu’après une première analyse des réponses ils ontprocédé à la modification suivante de leur corpus d’analyse : « exclusionde personnes ayant beaucoup voyagé (notamment d’enseignants delangues étrangères) plus familiarisées avec <strong>les</strong> schémas interculturels)» !…21Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresLes deux nouvel<strong>les</strong> situations socia<strong>les</strong> de référence du CECR, commenous l’avons vu, sont cel<strong>les</strong> d’acteurs au sein d’environnements sociaux<strong>et</strong> professionnels stab<strong>les</strong> à la fois multilingues <strong>et</strong> multiculturels. Enmilieu professionnel se réalisent des actions communes dans la duréequi ne demandent plus seulement la maîtrise des représentations croisées,comme dans la rencontre interculturelle initiale <strong>et</strong> ponctuelle,mais la mise au point <strong>et</strong> la mise en œuvre des mêmes conceptions del’action. Une « co-culture » peut se définir précisément comme l’ensembledes conceptions <strong>par</strong>tagées que certains acteurs se sont créées<strong>et</strong>/ou qu’ils ont acceptées en vue de leur type d’action conjointe dansun environnement social déterminé : c’est ce que l’on entend <strong>par</strong>exemple lorsque l’on <strong>par</strong>le de « culture scolaire » ou de « culture d’entreprise».Prenons l’exemple concr<strong>et</strong> de la conception du voyage touristique. Onpeut en avoir une conception caractérisée <strong>par</strong> le souci d’organisation,de confort <strong>et</strong> d’accompagnement collectif (type « voyage organisé »)ainsi que <strong>par</strong> un objectif de découverte de l’extérieur des réalitésconcrètes (paysages, monuments…). On peut avoir une tout autreconception du voyage touristique, comme celle où l’on recherchel’aventure personnelle improvisée (<strong>et</strong> donc pas toujours confortable: onva peut-être dormir une nuit à la belle étoile <strong>par</strong>ce qu’on n’aura pastrouvé de place d’hôtel en arrivant dans une ville, ou <strong>par</strong>ce qu’on a étéarrêté en pleine brousse…), ainsi que <strong>les</strong> contacts individuels (<strong>par</strong>ceque l’on s’intéresse surtout aux manières de vivre, aux idées, aux préoccupations,<strong>et</strong>c. des gens du pays). Il s’agit là clairement de deux« conceptions » différentes du voyage touristique, <strong>et</strong> <strong>les</strong> lecteurs m’accorderont,j’espère, que ces «conceptions » sont de nature différentedes « représentations » que l’on peut avoir préalablement des gens quel’on va rencontrer, ou qui surgiront à leur contact.Représentations <strong>et</strong> conceptions sont aussi indépendantes <strong>les</strong> unes desautres dans leur fonctionnement : on peut ainsi aller à la découverte desgrandes œuvres des civilisations passées d’un pays pour/<strong>et</strong> en revenirconforté dans <strong>les</strong> représentations positives que l’on avait préalablementde ses habitants <strong>et</strong> de leur culture; ou au contraire aller au contactde ses habitants pour/<strong>et</strong> en revenir conforté dans ses stéréotypes négatifspréalab<strong>les</strong>. Ce n’est que dans notre <strong>par</strong>tie de l’Europe apaisée desdernières années du XX e siècle <strong>et</strong> premières années du XXI e siècle que<strong>les</strong> didacticiens de langues-cultures ont pu construire une approcheLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 222216. «Perspectives <strong>actionnelle</strong>s<strong>et</strong> <strong>perspective</strong>s culturel<strong>les</strong>en didactique des languescu l t u re s : vers une <strong>perspective</strong>co-<strong>actionnelle</strong> co-culture l l e » ,Les <strong>La</strong>ngues modern e sn° 3/2002, juil.-août-sept. 2002,pp. 55-71. Paris: APLV.Disponible en ligne:h t t p : / / w w w. a p l v - l a n g u e sm o d e rn e s . o rg / s p i p . p h p ?a rt i c l e 8 4 4 .interculturelle qui repose curieusement sur l’idée que le désir de découvertede l’Autre <strong>et</strong> <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s de la rencontre avec l’Autre seraient en soipositifs. J’ai cité dans ma conférence de 2008a (p. 9) ces lignes d’unenseignant français d’allemand, qui écrit en 1891 sous le pseudonymed’ALCESTE, dans la grande revue française des enseignants de languesvivantes étrangères de l’époque :Plus que jamais nous avons besoin de pénétrer l’âme des nationsétrangères pour pouvoir surprendre en el<strong>les</strong>, comme el<strong>les</strong> essayentde surprendre en nous, <strong>les</strong> possib<strong>les</strong> <strong>et</strong> presque certains ennemisde demain. Or comment pourrions-nous élargir à ce point de vuel’horizon intellectuel de la jeunesse française, si ce n’est en lui faisantexpliquer à fond <strong>les</strong> textes <strong>les</strong> plus probants des civilisations riva<strong>les</strong> dela nôtre ? (p. 52)Et je ne peux que reprendre ici <strong>les</strong> commentaires que j’ai faits de cepassage à l’occasion de c<strong>et</strong>te conférence :Ces lignes, comme on le voit, ont été écrites en 1891, ce qui, en arithmétiquehistorique française, se lit « 1871 + [plus] 20»: ces lignes ontété écrites 20 ans après la défaite militaire de la France face à laPrusse. « 1891 », ça se lit aussi « 1914 – [moins] 23 », c’est-à-dire quenous sommes à 23 ans du début de la Première Guerre mondiale :nous sommes, en 1891, au milieu de toutes ces années pendant <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>une bonne <strong>par</strong>tie des Français ont ardemment souhaité c<strong>et</strong>terevanche contre l’Allemagne, qu’ils obtiendront en 1918.C<strong>et</strong>te citation nous rappelle ici qu’il n’y a pas si longtemps en Europe,<strong>et</strong> de nos jours encore dans le monde, l’interculturel le plus fréquentn’était pas/n’est pas celui que nous pouvons concevoir dans l’Europepacifiée <strong>et</strong> individualiste qui est la nôtre, où nous pouvons heureusementnous perm<strong>et</strong>tre de penser l’interculturel sur le mode de larencontre enrichissante entre des individus porteurs de cultures différentes.Mais il ne faudrait pas oublier que de l’Irak à l’Ouganda, de lajungle colombienne au Tib<strong>et</strong>, l’interculturel dominant de notre actualitéest celui de l’affrontement, <strong>et</strong> d’un affrontement collectif, que cesoit celui des <strong>et</strong>hnies, des idéologies, des nations ou des civilisations.(p. 9)Comme je l’écrivais dans un article de 2002 16 , « lorsqu’il s’agit non plusseulement de "vivre ensemble" (co-exister ou co-habiter), mais de"faire ensemble" (co-agir), nous ne pouvons plus nous contenter d’assumernos différences: il nous faut impérativement créer ensemble desressemblances». C<strong>et</strong>te exigence vaut pour toute société comme pourtoute classe de langue-culture, dans laquelle le proj<strong>et</strong> commun d’enseignement-apprentissagene peut se conduire que sur la base d’unaccord sur une « culture didactique » commune. C<strong>et</strong> accord n’impliquepas que <strong>les</strong> apprenants s’« acculturent » – dans le sens où ils devraientmodifier leur culture personnelle d’apprentissage –, mais seulementqu’ils s’engagent à appliquer <strong>les</strong> conceptions communes lorsqu’ilsapprennent avec <strong>les</strong> autres: nous r<strong>et</strong>rouvons là l’idée de convention,qui renvoie à celle de « contrat didactique », dont nous avons déjà <strong>par</strong>léplus haut.Le concept de « conception » appliqué à l’action est d’une grande complexité.Que l’on pense à tout ce que l’on suggère lorsque l’on dit dedeux personnes, ou de deux groupes, qu’ils <strong>par</strong>tagent, ou ne <strong>par</strong>tagentpas, la même « conception » de l’action publique, politique, humani-LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 23taire, syndicale, éducative, <strong>et</strong>c. On y trouve en eff<strong>et</strong> à la fois <strong>les</strong> finalités(donc <strong>les</strong> valeurs), <strong>les</strong> objectifs, <strong>les</strong> principes, <strong>les</strong> normes, ainsi que <strong>les</strong>modes de réalisation <strong>et</strong> <strong>les</strong> critères d’évaluation de l’action. C’est la raisonpour laquelle la nouvelle exigence de formation à la co-action <strong>et</strong> àla co-culture en didactique des langues-cultures ne peut pas être gérée,comme dans le passé, simplement <strong>par</strong> une nouvelle configurationdidactique qui viendrait remplacer <strong>les</strong> configurations antérieure s .Concrètement, pour être culturellement compétent dans un travail delongue durée avec des personnes d’autres cultures, il faut certes secréer une culture d’action commune (composante co-culturelle de lacompétence culturelle), mais aussi <strong>par</strong>tager des valeurs <strong>et</strong> des finalités(composante transculturelle), bien connaître la culture des autres (composantemétaculturelle), avoir pris de la distance <strong>par</strong> rapport à sapropre culture <strong>et</strong> être attentif aux incompréhensions <strong>et</strong> interprétationse rronées toujours possib<strong>les</strong> d’une culture à l’autre (composantei n t e rc u l t u relle), enfin s’être mis d’accord sur des comportementsacceptab<strong>les</strong> <strong>par</strong> tous (composante multiculturelle) 17 . Toutes ces composantesde la compétence culturelle correspondent à la succession historiquedes différentes problématiques culturel<strong>les</strong> en didactique deslangues-cultures, mais la dernière (la composante co-culturelle) a c<strong>et</strong>te<strong>par</strong>ticularité historique de m<strong>et</strong>tre en récursivité l’ensemble des composantes,c’est-à-dire qu’elle amène <strong>les</strong> enseignants à prendre en comptechacune d’entre el<strong>les</strong> en <strong>les</strong> articulant <strong>et</strong> en <strong>les</strong> combinant différemment<strong>les</strong> unes aux autres.Dans ma conférence de 2008a où je présentais c<strong>et</strong>te idée de récursivitédésormais nécessaire entre toutes <strong>les</strong> composantes historiques de lacompétence culturelle 18 , j’ai présenté la citation suivante d’une sociologuesynthétisant ainsi <strong>les</strong> différentes expérimentations menées danssa discipline « pour modifier <strong>les</strong> stéréotypes négatifs entre deuxgroupes hosti<strong>les</strong> » (<strong>les</strong> ajouts en rouge sont de moi: encadrés dans l<strong>et</strong>exte <strong>et</strong> notes dans la marge de gauche) :23Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangères17. Pour une présentation plusdétaillée de ces diff é re n t e scomposantes, on pourra sere p o rter à PU R E N 2008a, versionécrite, diapositive n° 2, ou autableau «Évolution historiquedes configurationsd i d a c t i q u e s » dans PU R E N2006a, p. 39.18. PU R E N 2008a, version écrite,diapositive n° 12.LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 2424Si l’on veut bien considérer que le contact dans la durée (cf. « s’ils ontvraiment l’occasion d’apprendre à se connaître ») correspond à la problématiquedu multiculturel, on r<strong>et</strong>rouve dans c<strong>et</strong>te synthèse, demanière impressionnante me semble-t-il, <strong>les</strong> différentes composantesde la compétence culturelle <strong>et</strong> dans l’ordre même où el<strong>les</strong> sont ap<strong>par</strong>uesau cours de l’histoire de la didactique des langues-cultures.Je ne vois pas pourquoi <strong>les</strong> enseignants de langues devraient, pour formerà la compétence culturelle, se priver de l’une ou l’autre de ces« voies principa<strong>les</strong> » à leur disposition, au prétexte qu’avec la dernière,la <strong>perspective</strong> co-culturelle, est ap<strong>par</strong>ue celle de la coopération. <strong>La</strong>question qui se pose à eux n’est pas de savoir quelle est la meilleuredans l’absolu, mais, très pragmatiquement, quelle sélection, articulation<strong>et</strong> combinaison de ces voies/composantes de la compétenceculturelle seront <strong>les</strong> plus efficaces <strong>par</strong>ce que <strong>les</strong> plus adéquates à leursapprenants, à leurs finalités/objectifs <strong>et</strong> à l’ensemble des <strong>par</strong>amètres deleur environnement commun d’enseignement-apprentissage.Q uelle formation à l’agir d’enseignement ?Toute action sociale, que ce soit en classe ou hors-classe, est toujourshautement contextuelle <strong>par</strong>ce qu’étroitement dépendante de la culturedes acteurs <strong>et</strong> de la culture locale. De même que le citoyen européendoit maintenant posséder une « compétence plurilingue » <strong>et</strong> une« compétence pluriculture l l e » lui perm<strong>et</strong>tant de s’adapter à sasociété 19 , de même l’enseignant doit-il désormais disposer d’une« compétence pluri-méthodologique » pour s’adapter aux différentescultures d’apprentissage. Il ne s’agit pas de gérer éclectiquement unejuxtaposition de stratégies d’enseignement <strong>et</strong> d’apprentissage hétérogènes: l’enjeu est au contraire pour lui de <strong>par</strong>venir avec chacun de sesgroupes d’apprenants à la construction d’une « co-culture » d’enseignement-apprentissage,condition pour que <strong>les</strong> uns <strong>et</strong> <strong>les</strong> autres puissentse comporter déjà en classe, en tant qu’enseignant <strong>et</strong> apprenants impliquésdans leur proj<strong>et</strong> commun d’enseignement-apprentissage, commede véritab<strong>les</strong> acteurs sociaux efficaces.19. Voir la définition deces compétences dans<strong>les</strong> commentaires du tableauen annexe.« Le Cadre de référence n’a pas pour vocation de promouvoir uneméthode d’enseignement <strong>par</strong>ticulière mais bien de présenter deschoix », écrivent <strong>les</strong> auteurs du CECR en page 110. Encore faut-il, pourque <strong>les</strong> choix à faire collectivement entre enseignants <strong>et</strong> apprenantssoient raisonnés, que <strong>les</strong> alternatives soient clairement posées, avec, enfonction des différents environnements didactiques, <strong>les</strong> avantages <strong>et</strong>inconvénients correspondants. Or la principale alternative actuelle – enl’occurrence entre l’approche communicative <strong>et</strong> la <strong>perspective</strong> de l’agirLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 25social – ne l’est pas dans le CECR, faute d’élaboration suffisante decelle-ci. Les différents termes utilisés correspondant au champ del’ « agir » (acte, acteur, activité, agir, opération, tâche, auxquels il faudraitforcément ajouter entre autres action <strong>et</strong> proj<strong>et</strong>) ne sont même pasencore stabilisés dans le CECR. L’appellation de la nouvelle orientationdidactique oscille entre « <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>» <strong>et</strong> « approche <strong>actionnelle</strong>» 20 , <strong>et</strong> surtout, aucune distinction terminologique n’est proposéeentre deux concepts pourtant différents <strong>et</strong> centraux dans la nouvelle<strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> : l’agir d’usage <strong>et</strong> l’agir d’apprentissage 21 .Cela dit, la formule ci-dessus des auteurs du CECR s’applique tellequelle à tous <strong>les</strong> formateurs, qui n’ont pas pour vocation de promouvoirune « méthode d’enseignement <strong>par</strong>ticulière » – fût-elle la dernière endate, la « <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> » ou l’« approche <strong>actionnelle</strong> » –, maisbien de présenter des choix <strong>par</strong>mi <strong>les</strong>quels enseignants <strong>et</strong> apprenantspourront opérer leurs propres sélections, articulations <strong>et</strong> combinaisonsde manière à élaborer eux-mêmes leurs conceptions communes del’enseignement-apprentissage. C’est la philosophie que j’ai voulu aussim<strong>et</strong>tre en œuvre dans le présent article: proposer aux lecteurs de faireleur choix <strong>par</strong>mi un grand nombre d’idées.<strong>La</strong> rationalisation de l’évaluation en langues au niveau européen, quiconstitue le proj<strong>et</strong> le plus clairement affiché <strong>et</strong> le plus rigoureusementconstruit du CECR, implique <strong>par</strong>allèlement que l’on tienne le plusgrand compte de la diversité des cultures d’enseignement-apprentissage: on ne peut en eff<strong>et</strong> <strong>par</strong>venir aux mêmes résultats dans des environnementsdifférents que si l’on différencie <strong>les</strong> moyens d’y <strong>par</strong>venir. End’autres termes, à l’opposé de la technique managériale du benmarching(qui consiste à rechercher <strong>les</strong> meilleures pratiques pour <strong>les</strong> imiter :cf. infra point 14) une harmonisation maximale des échel<strong>les</strong> <strong>et</strong> procéduresd’évaluation au niveau européen implique <strong>par</strong>allèlement unediversification maximale des procédés d’enseignement-apprentissage.L’ agir social entre enseignants :une co-formation continue pourde l’« innovation durable».Appliquée aux pratiques des enseignants, la <strong>perspective</strong> de l’agir socialouvre une réflexion nouvelle – à côté de celle bien connue concernant<strong>les</strong> divers types de formation (initiale, continuée <strong>et</strong> continue) – sur desmodalités rendues techniquement possib<strong>les</strong> <strong>par</strong> l’Intern<strong>et</strong>. Les réseauxd’échanges de ressources entre enseignants existent déjà, de manièreplus ou moins occasionnelle (sur <strong>les</strong> listes de diffusion ou certains sitesd’éditeurs, <strong>par</strong> exemple) ou systématique (sites spécialisés créés <strong>et</strong>25Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangères20. Voici la liste exhaustive deso c c u rrences du concept dansle CECR: «Une <strong>perspective</strong>a c t i o n n e l l e » (titre repris2 fois du Chap. 2.1., p. 15);«<strong>perspective</strong> […] de typea c t i o n n e l » (p. 15);«la <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>»(p. 15); «[Est définie comm<strong>et</strong>âche toute] visée <strong>actionnelle</strong>»(p. 16); «modèle […] de typea c t i o n n e l » (p. 19); «a p p ro c h ea c t i o n n e l l e » (p. 40 <strong>et</strong> p. 137).21. J’ai proposé pour ma <strong>par</strong>tde définir «t â c h e » comme«unité de sens au sein de l’agird ’ a p p re n t i s s a g e », <strong>et</strong> «a c t i o n »comme «unité de sens au seinde l’agir d’usage». Pour unessai de réorganisation del’ensemble du champ de l’agiren DLC, voir PU R E N 2006e,annexe pp. 54-56. Pour uneanalyse des insuffisances dela réflexion méthodologiquedans le CECR, voir PU R E N 2 0 0 6 f .LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 262622. Voir l’annonce à l’adre s s eh t t p : / / e d u c t i c e . i n r p . f r / E d u c-Ti c e / p a rt e n a r i a t s / j o u rn e e T C o l / ,consultée le 29 août 2008.<strong>La</strong> «c o o p é r a t i o n » repose sur leprincipe de <strong>par</strong>tage du travail,la «c o l l a b o r a t i o n » sur le travailcommun, qui correspond àce que j’appelle la «c o - a c t i o n »pour la diff é rencier du conceptd ’ « i n t e r a c t i o n » tel qu’il a étéhistoriquement conçu <strong>et</strong> misen œuvre dans l’AC. On noteraque dans le titre du site descollègues mathématiciens,«Travailler ensemble,s’entraider… communiquer!» ,on devrait m<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> term e sexactement dans l’ord reinverse, si l’on voulaitre p re n d re celui de l’évolutionhistorique des enjeuxp r i o r i t a i res en didactiquedes mathématiques commeen DLC <strong>et</strong> dans toutela pédagogie scolaire:«C o m m u n i q u e r, s'entraider…travailler ensemble!». Tr a v a i l l e rensemble implique assurémentde communiquer, mais pasn é c e s s a i rement l’inverse.gérés <strong>par</strong> des associations d’enseignants). On pourra visiter, pour selimiter aux premiers sites conçus <strong>par</strong> des enseignants scolaires enFrance, à « Sésamath » (http://www.sesamath.n<strong>et</strong>, site d’enseignants demathématiques), « Clionautes » (www.clionautes.org,senseignants d’histoire<strong>et</strong> de géographie), «Webl<strong>et</strong>tres» (www.webl<strong>et</strong>tres.n<strong>et</strong>,senseignantsde français langue maternelle) <strong>et</strong> http://www.openenglishweb.org,site d’enseignants d’anglais langue étrangère), <strong>et</strong> lire l’articled’ARCHAMBAULT 2007 consultable sur Intern<strong>et</strong>. Les outils <strong>et</strong> environnementscollaboratifs d’ores <strong>et</strong> déjà disponib<strong>les</strong> – en <strong>par</strong>ticulier ceuxdu Web 2.0 – perm<strong>et</strong>tent de passer entre enseignants de l’approchecommunicative à la <strong>perspective</strong> co-<strong>actionnelle</strong>, c’est-à-dire de <strong>les</strong>concevoir comme des moyens non plus seulement d’échanges occasionnels,mais de travail commun dans la durée. Ces sites ont été créés<strong>par</strong> des associations qui, comme il est écrit dans la présentation d’unejournée de réflexion organisée sur c<strong>et</strong>te question le 24 septembre 2008à l’INRP, « se sont développées autour de la mutualisation <strong>et</strong> du travailcoopératif [<strong>et</strong>] s’engagent aujourd’hui dans le travail collaboratif ». 22Le « proj<strong>et</strong> professionnel » de chaque enseignant doit désormais êtreconçu prioritairement sur c<strong>et</strong>te nouvelle base de collaboration entrepairs dans la durée. Comme je l’écrivais en conclusion de l’un de mesartic<strong>les</strong> publiés en 2006 dans Le français dans le monde :À l’opposé de toute logique hiérarchique <strong>et</strong> bureaucratique (fût-ellecelle du Conseil de l’Europe…), il est temps désormais, avec <strong>les</strong> enseignantsaussi, de passer de l’approche communicative (on <strong>les</strong> informedes dernières orientations décidées <strong>par</strong> des « experts ») à la <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong> (ils sont d’emblée <strong>par</strong>tie prenante d’une action collectived’innovation). (PUREN 2006c, p. 44)Ce n’est qu’à c<strong>et</strong>te condition que pourra émerger un nouveau modèled’innovation qui provoquera sûrement chez <strong>les</strong> enseignants moins derésistance compréhensible, plus d’accord spontané <strong>et</strong> de <strong>par</strong>ticipationactive que <strong>les</strong> innovations passées ; à l’image de ce modèle de développementqui s’est imposé pour <strong>les</strong> pays au niveau international, ondoit désormais concevoir, en didactique des langues-cultures aussi, del’innovation durable.Q uel<strong>les</strong> théories de l’agir social en didactiquedes langues-culture?J’ai déjà fait remarquer <strong>les</strong> imprécisions terminologiques dans le CECRconcernant l’organisation du champ sémantique de l’agir, qui est pourtanttout naturellement le champ principal de la «<strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>». El<strong>les</strong> s’expliquent <strong>par</strong> le fait que c<strong>et</strong>te <strong>perspective</strong> ap<strong>par</strong>aîtLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 27historiquement sans référence non seulement à aucune théorie nouvelle,mais à aucune théorie que ce soit. Les auteurs du CECR, en eff<strong>et</strong>,a) déclarent qu’il ne leur ap<strong>par</strong>tient pas de trancher entre des théorieslinguistiques concurrentes (p. 89) :Toute langue a une grammaire extrêmement complexe qui ne saurait,à ce jour, faire l’obj<strong>et</strong> d’un traitement exhaustif <strong>et</strong> définitif. Un certainnombre de théories <strong>et</strong> de modè<strong>les</strong> concurrents pour l’organisation desmots en phrases existent. Il n’ap<strong>par</strong>tient pas au Cadre de référence deporter un jugement ni de promouvoir l’usage de l’un en <strong>par</strong>ticulier.(p. 89)27Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresb) reconnaissent qu’il n’existe pas actuellement de théorie cognitived’apprentissage admise <strong>par</strong> tous (p. 108) :6.2.2. Comment <strong>les</strong> apprenants apprennent-ils ? À l’heure actuelle, iln’y a pas de consensus fondé sur une recherche assez solide en ce quiconcerne c<strong>et</strong>te question [pour que le Cadre de référence lui-même sefonde sur une quelconque théorie de l’apprentissage]. (p. 108)c) <strong>et</strong> même – plus surprenant si l’on pense à l’importance de c<strong>et</strong>tenotion dans le calibrage des échel<strong>les</strong> d’évaluation du Cadre, mais félicitons-<strong>les</strong>pour leur grande honnêt<strong>et</strong>é intellectuelle – qu’ils ne disposentpas de théorie de la compétence langagière :Il faut aussi que la description [des niveaux de compétence] se fondesur des théories relatives à la compétence langagière bien que la théorie<strong>et</strong> la recherche actuellement disponib<strong>les</strong> soient inadéquates pourfournir une base. (p. 23)C’est seulement la nouvelle « compétence plurilingue» qui constitueaux yeux des auteurs du CECR un «r<strong>et</strong>ournement de <strong>par</strong>adigme »(p. 11) avec <strong>les</strong> «implications » (p. 8) <strong>et</strong> «répercussions» (p. 21) prévisib<strong>les</strong>,mais ce statut déclaré de rupture épistémologique n’est appuyésur aucune théorie correspondante : aussi bien la description proposéede ce « répertoire langagier dans lequel toutes <strong>les</strong> capacités linguistiquestrouvent leur place » <strong>et</strong> où <strong>les</strong> différentes langues « sont en corrélation<strong>et</strong> interagissent », que <strong>les</strong> échel<strong>les</strong> de niveaux suggérées pourmesurer une telle compétence, sont conçues sur la base d’une alternanceentre langues juxtaposées auxquel<strong>les</strong> le locuteur aurait recoursde manière complémentaire ou compensatoire, pour assurer une compétenceglobale <strong>par</strong> ailleurs toujours définie dans le cadre du <strong>par</strong>adigmecommunicatif antérieur. C’est ce qui ap<strong>par</strong>aît clairement <strong>par</strong>exemple dans <strong>les</strong> lignes suivantes :Dans des situations différentes, un locuteur peut faire appel avecsoup<strong>les</strong>se aux différentes <strong>par</strong>ties de c<strong>et</strong>te compétence pour entrerefficacement en communication avec un interlocuteur donné. Des<strong>par</strong>tenaires peuvent, <strong>par</strong> exemple, passer d’une langue ou d’undialecte à l’autre, chacun exploitant la capacité de l’un <strong>et</strong> de l’autrepour s’exprimer dans une langue <strong>et</strong> comprendre l’autre. (p. 11)Personnellement, au vu des dégâts provoqués <strong>par</strong> l’applicationnismedans l’histoire de la didactique des langues-cultures de ces dernièresdécennies, je me réjouis vivement d’une telle absence de toute nouvell<strong>et</strong>héorie « dure » pouvant y prétendre au statut de science « exacte »LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 282823. Ou de quelque manièrequ’on appellerait toutenouvelle version de ce vieuxfantasme de rationalisation <strong>et</strong>de normalisation autoritaristesdes processus d’enseignementap p re n t i s s a g e .24. Voir sur ce suj<strong>et</strong>, dansPU R E N 2007a, <strong>les</strong> diapositives18 à 22, avec en <strong>par</strong>t i c u l i e r,dans c<strong>et</strong>te dern i è re diapositive,la citation de BO U T I N E T 1 9 9 0 ,pp. 191-192. Dans le titre dec<strong>et</strong>te conférence, «Q u e l q u e squestions impertinentes àp ropos d'un C a d re Euro p é e nCommun de Révére n c e »,je précise que «r é v é re n c e »au lieu de «r é f é re n c e » n’estpas une faute de frappe…En Allemagne, la <strong>par</strong>utiondu CECR a donné lieu,c o n t r a i rement à ce qui s’estpassé en France, à un concertde critiques de la <strong>par</strong>t desdidacticiens : cf. FR I E D E R I C K E-DE L O U I S, Anne 2008.25. Désolé pour ce subit pru r i tde franglais dans mon texte,d i fficilement évitable lorsquel’on <strong>par</strong>le de management…26. Sur c<strong>et</strong>te question, cf.PU R E N 2007b, en réactionaux Conclusions du Conseil(de l'UE) sur l'indicateure u ropéen des compétencesl i n g u i s t i q u e s (2006/C 172/01)h t t p : / / e u r- l e x . e u ro p a . e u / L e xU r i S e rv / L e x U r i S e rv. d o ? u r i = O J :C : 2 0 0 6 : 1 7 2 : 0 0 0 1 : 0 0 0 3 : F R : P D F(consulté le 25 août 2008).privilégiée, tels qu’ont pu l’être dans le passé le structuralisme en linguistique,ou le béhaviorisme en psychologie de l’apprentissage (dumoins dans <strong>les</strong> interprétations <strong>et</strong> usages qui en ont été faits à l’époque).Mais il y a de ce fait un réel danger, dans la situation présente, que cesoient seulement <strong>les</strong> objectifs de comportement langagier des échel<strong>les</strong>du Cadre qui soient mobilisés empiriquement pour asseoir la supposée« objectivité » qui serait nécessaire à la légitimation du proj<strong>et</strong> d’harmonisationeuropéenne. Or je ne vois pas comment la mise en œuvred’une telle « approche <strong>par</strong> <strong>les</strong> compétences » 23 , à défaut de pouvoirs’appuyer sur une théorie de la compétence langagière (dont <strong>les</strong>auteurs du CECR affirment eux-mêmes ne pas disposer), pourrait éviterde provoquer autre chose qu’un simple remake de la pédagogie <strong>par</strong>objectifs des années 80, avec <strong>les</strong> dérives <strong>et</strong> eff<strong>et</strong>s pervers bien connusqui ont conduit rapidement en France à son abandon 24 . C<strong>et</strong> abandons’y est fait d’ailleurs au profit d’une réactivation… de la pédagogie duproj<strong>et</strong>, laquelle reste toujours d’actualité – <strong>et</strong> je crois qu’on ne peutque s’en féliciter – dans <strong>les</strong> instructions officiel<strong>les</strong> françaises concernantl’ensemble des disciplines scolaires, dont <strong>les</strong> langues étrangères.C<strong>et</strong>te dérive empirique peut être combattue à ma connaissance dedeux manières complémentaires:– L’une consiste à opposer à la pédagogie <strong>par</strong> objectifs la pédagogiedu proj<strong>et</strong>, qui a depuis longtemps fait ses preuves sur le terrain. C’estce que je fais régulièrement depuis la publication du CECR, en défendantl’idée que la <strong>perspective</strong> de l’agir social y est bien plus importanteque <strong>les</strong> échel<strong>les</strong> de compétence en ce qui concerne l’évolution historiquede la didactique des langues-cultures en Europe. L’harmonisationdes évaluations certificatives représente sans doute un progrès entermes de politique linguistique européenne, mais elle n’implique ni neprovoque en elle-même le moindre progrès dans l’enseignementapprentissage.Penser, comme cela semble être le cas chez certains« experts », que la com<strong>par</strong>aison des résultats entre <strong>les</strong> systèmes scolaireseuropéens perm<strong>et</strong>trait d’y repérer <strong>les</strong> meilleures pratiques pourensuite <strong>les</strong> généraliser dans tous <strong>les</strong> pays, c’est y transférer la techniquebien connue du benmarching en management, qui est sans doute efficaceentre entreprises en compétition sur <strong>les</strong> mêmes marchés <strong>et</strong> pourdes produits plus ou moins standardisés relevant de process identiques25 : cela n’est absolument pas le cas des différents systèmes scolaireseuropéens, qui relèvent de c<strong>et</strong>te diversité culturelle que l’ondéclare <strong>par</strong> ailleurs justement protéger… Je voudrais bien que l’onm’explique au nom de quoi <strong>les</strong> cultures socia<strong>les</strong> devraient être protégéesen Europe, mais <strong>les</strong> cultures scolaires, qui en relèvent pourtant deplein droit, devraient en être éradiquées au prétexte que la normalisationserait une condition de l’efficacité dans ce domaine de l’actionsociale 26 .LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 29– L’autre consiste à élaborer une théorie de l’agir social à la foismoderne <strong>et</strong> propre à la didactique des langues-cultures, c’est-à-diredes modè<strong>les</strong> diversifiés de relations entre l’agir d’enseignement, l’agird’apprentissage <strong>et</strong> l’agir d’usage des langues-cultures suffisammentnombreux <strong>et</strong> différenciés pour s’adapter à la diversité des publics,finalités-objectifs, cultures <strong>et</strong> environnements d’enseignement-apprentissage.29Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresÀ c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, toutes <strong>les</strong> théories dites «constructivistes » de l’apprentissagesont a priori intéressantes, puisqu’el<strong>les</strong> considèrent l’action dusuj<strong>et</strong> apprenant comme premier principe explicatif du processusd’apprentissage : c’est le cas du «constructivisme cognitif », avec l’hypothèsede l’interlangue, bien connue en DLC depuis plus de 20 ans 27 .Dans la <strong>perspective</strong> de l’agir social, on ne peut que s’intéresser toutp a rt i c u l i è rem ent aux théories dites « s o c i o c o n s t ru c t i v i s t e s », puisqu’el<strong>les</strong>m<strong>et</strong>tent l’accent sur l’importance des différents acteurs intervenantdans le processus d’apprentissage. Le modèle de la «zoneproximale de développement » de Vygostki fournit ainsi un modèlem<strong>et</strong>tant dynamiquement en relation l’action de l’apprenant <strong>et</strong> celle del’enseignant. Émilie PERRICHON (2008) est allée quant à elle, pourconcevoir <strong>les</strong> relations entre agir d’apprentissage <strong>et</strong> agir d’enseignementdans le cadre d’une pédagogie du proj<strong>et</strong> en classe de <strong>FLE</strong>,chercher des idées très convaincantes chez Alfred Schütz, le représentantautrichien d’une des constellations de la galaxie constructiviste,dite du « constructivisme phénoménologique ».Je me suis personnellement inspiré de la théorie de la complexitéd’Edgar Morin pour proposer en 2005 un modèle complexe de relationenseignement-apprentissage composé de 7 modes de relation différentsqui peuvent être sélectionnés, combinés <strong>et</strong> articulés différemment28 . Pour élaborer une théorie de la didactique des langues-culturesen tant que discipline, c’est-à-dire son épistémologie, je suis alléchercher mes idées à nouveau dans <strong>les</strong> travaux d’Edgar Morin pour lapensée complexe (<strong>par</strong> ex. 1990), de Richard Rorty pour la philosophiepragmatiste (<strong>par</strong> ex. 1995), <strong>et</strong> d’Herbert A. Simon pour l’ingénierie del’artificiel (<strong>par</strong> ex. 1969, déjà cité), <strong>par</strong>ce qu’ils m’ont semblé tous trois<strong>par</strong>ticulièrement uti<strong>les</strong> pour concevoir la DLC en tant que « disciplined’intervention », selon l’expression bien connue de Robert Galisson ; end’autres termes en tant qu’une discipline qui s’est donnée à elle-mêmecomme <strong>perspective</strong> constitutive celle de son propre agir social.Ces choix ont été inévitablement déterminés <strong>par</strong> mon propre <strong>par</strong>coursintellectuel <strong>et</strong> professionnel : bien d’autres auteurs <strong>et</strong> disciplines peuvent<strong>et</strong> doivent être convoqués pour alimenter le nécessaire débatthéorique permanent à l’intérieur de la DLC, qui n’est rien d’autre chosequ’un débat d’idées.27. On notera la dominationde l’opérateur «i n t e r » en DLCdepuis plusieurs décennies,avec la place accordée àl’interlangue, l’interactionl a n g a g i è re <strong>et</strong> l’interc u l t u re l .L’ é m e rgence de la <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong> peut s’interpréter,d’un point de vueépistémologique, commele passage, en ce qui concern el’opérateur logique der é f é rence, de l’«i n t e r-» au«c o - » .28. Le continuum, l'opposition,l'évolution, le contact, la dialogique,l'instrumentalisation <strong>et</strong>l ' e n c a d re m e n t .LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 303029. Par exemple : <strong>les</strong> neuro n e sexcités dans la perception d’unobj<strong>et</strong> sont <strong>les</strong> mêmes que ceuxqui le sont dans l’action quel’on pense ou que l’on saitpouvoir être réalisée avec c<strong>et</strong>obj<strong>et</strong>. Cf. DR I E U X, P h i l i p p e :«Le miroir des neuro n e s »,recension de l’ouvragede RI Z Z O L AT T I Giaccomo<strong>et</strong> SI N I G A G L I A C o rrado,Les Neurones miro i r s, traduitde l'italien <strong>par</strong> Marlène Raiola.Paris, Odile Jacob, 2008. 240 p.h t t p : / / w w w. l a v i e d e s i d e e s . f r / I MG / p d f / 2 0 0 8 0 7 1 1 _ r i z z o l a t t i . p d f ,consulté le 18 juill<strong>et</strong> 2008.30. Sur la question de lathéorisation didactique conçuecomme conceptualisation desdonnées de terrain, je re n v o i eà mon article de 1997b.Dans <strong>les</strong> années qui viennent, d’autres didacticiens de langue-culturevoudront peut-être, <strong>par</strong> exemple, chercher des références théoriquesen-deçà du niveau cognitif, au niveau neuronal, <strong>et</strong> convoqueront à cedébat <strong>les</strong> idées de Giacomo Rizzolatti, le découvreur des « neuronesmiroirs», qui montre qu’il y a intrication dès ce niveau entre la perception<strong>et</strong> l’action 29 .À l’instar de la diversité des langues, des cultures (y compris cel<strong>les</strong> d’enseignement-apprentissage)<strong>et</strong> des configurations didactiques avec leursméthodologies respectives, la diversité des appuis théoriques externes<strong>et</strong> des modè<strong>les</strong> théoriques internes doit être considérée <strong>et</strong> gérée dansnotre discipline pour ce qu’elle est, c’est-à-dire non comme une preuvede fragilité, mais de dynamisme. L’indice de maturité d’une disciplinen’est pas (/n’est plus) en eff<strong>et</strong> sa capacité à se construire un cadre théoriquefort <strong>et</strong> unifié, mais sa capacité à ajuster constamment le réglageentre la multiplicité des étayages théoriques externes <strong>et</strong> des constructionsthéoriques internes, tout aussi nécessaires en permanence <strong>les</strong>unes que <strong>les</strong> autres : autrement dit, le concept de « zone proximale dedéveloppement » peut à mon avis être utilisée pour la conception dudéveloppement historique de la discipline DLC elle-même.Dans la mesure où la <strong>perspective</strong> de l’agir social du CECR a été introduiteexplicitement sans relation avec quelque théorie extra-didactiqueque ce soit, toutes <strong>les</strong> théories convoquées pour c<strong>et</strong>te nouvelle <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong> ap<strong>par</strong>aîtront enfin, j’espère, pour ce qu’el<strong>les</strong> onttoujours été en réalité dans le passé de notre discipline, à savoir desétayages conceptuels internes réalisés <strong>par</strong> <strong>les</strong> didacticiens, dans leurpratique de construction disciplinaire, à <strong>par</strong>tir de matériaux trouvés surd ’ a u t res chantiers scientifiques. Il est temps maintenant de faireconsciemment <strong>et</strong> d’afficher clairement ce que propose Richard RORTYdans son Introduction au pragmatisme (cité supra), à savoir « trait[er] lathéorie comme un auxiliaire de la pratique, au lieu de voir dans la pratiquele produit d’une dégradation de la théorie » (1995, p. 29) 30 .C’est sur c<strong>et</strong>te idée fondamentale de la gestion positive de la diversiténécessaire des théories externes <strong>et</strong> modè<strong>les</strong> internes que je voudraisconclure, diversité tout aussi indispensable dans c<strong>et</strong>te minuscule <strong>par</strong>tiede la noosphère qu’est la didactique des langues-cultures, que ne l’estla biodiversité dans la biosphère.C onclusionNous avons vu que <strong>les</strong> auteurs du CECR hésitent, dans leur document,entre <strong>les</strong> appellations d’«approche <strong>actionnelle</strong>» <strong>et</strong> de « <strong>perspective</strong>LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 31<strong>actionnelle</strong> ». C’est la seconde qui semble actuellement s’imposer,comme on le voit encore dans le titre du numéro 45 (janvier 2009)« Recherches & Applications » du Français dans le monde: « <strong>La</strong> <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong> <strong>et</strong> l’approche <strong>par</strong> <strong>les</strong> <strong>tâches</strong> en classe de langue »(ROSEN 2009). Je m’en réjouis personnellement, <strong>par</strong>ce que le terme de« <strong>perspective</strong> » correspond mieux à l’idée que je me fais de la nécessitépour <strong>les</strong> enseignants <strong>et</strong> <strong>les</strong> didacticiens, afin de gérer au mieux la complexitédes environnements d’enseignement-apprentissage <strong>et</strong> pourcela de maintenir une réflexion complexe sur <strong>les</strong> processus correspondants,de diversifier au maximum <strong>les</strong> manières de considérer <strong>les</strong>problématiques didactiques en enchaînant <strong>les</strong> <strong>perspective</strong>s différentes<strong>les</strong> unes aux autres, comme on peut le faire pour un obj<strong>et</strong> aux formestarabiscotées dont on ne peut appréhender visuellement l’ensemble dela forme en 3D qu’en le faisant tourner constamment entre ses doigts.On peut dire, en détournant positivement une expression françaisedont le sens habituel est négatif (elle signifie en eff<strong>et</strong> « ne pas se déciderà dire enfin <strong>les</strong> choses tel<strong>les</strong> qu’on <strong>les</strong> voit »), que «tourner autourdu pot », c’est justement ce qu’il faut faire en didactique des languescultures,<strong>les</strong> trois seu<strong>les</strong> bonnes questions à se poser en permanenceétant de savoir comment choisir <strong>les</strong> bons pots, comment bien tournerautour, <strong>et</strong> comment passer au bon moment d’un pot à un autre.31Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresJ’ai proposé dans le présent article un certain nombre de « pots », <strong>par</strong>mi<strong>les</strong>quels <strong>les</strong> lecteurs choisiront ceux qui leur conviennent, leur manièrede tourner autour ainsi que le moment de passer de l’un à l’autre ; voires’en trouveront d’autres, qui leur sembleront mieux correspondre à leurpersonnalité, à leur culture, à leur expérience <strong>et</strong>/ou à leur environnement.Toutes <strong>les</strong> configurations didactiques ont eu dans le passé leurpropre « <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> », dans le sens très général qu’il faut àmon avis conserver à c<strong>et</strong>te expression, celui de relation fondamentaleentre l’agir d’usage de référence <strong>et</strong> l’agir d’apprentissage de référence(PUREN 2006a, p. 39). J’ai cherché à montrer ici que la nouvelle <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong>, la <strong>perspective</strong> de l’agir social, perm<strong>et</strong> de j<strong>et</strong>er demultip<strong>les</strong> regards renouvelés sur des problématiques traditionnel<strong>les</strong> dela didactique des langues-cultures aussi fondamenta<strong>les</strong> que la relationentre enseignement <strong>et</strong> apprentissage, entre salle de classe <strong>et</strong> société,e n t re enseignement-apprentissage « s c o l a i re» <strong>et</strong> acquisition« naturelle », entre documents «fabriqués » <strong>et</strong> documents «authentiques», entre autonomie <strong>et</strong> guidage, entre dimension collective <strong>et</strong>dimension individuelle.On connaît le mot de Georges Braque : «Il faut toujours deux idées.L’une pour tuer l’autre.» Il faut certainement aller bien plus loin encoredans notre discipline, de manière à y conserver disponib<strong>les</strong> en permanencenon seulement la <strong>perspective</strong> de l’agir communicationnel (la<strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> de l’approche communicative) <strong>et</strong> celle de l’agirsocial (la <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> ébauchée <strong>par</strong> le CECR), mais toutesLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 3232<strong>les</strong> <strong>perspective</strong>s <strong>actionnelle</strong>s antérieures (cf. le tableau en annexe). Celame <strong>par</strong>aît nécessaire tout autant pour y maintenir constamment la possibilitéd’une vision complexe – c’est-à-dire dynamique, enchaînantconstamment toutes <strong>les</strong> <strong>perspective</strong>s possib<strong>les</strong> –, que pour éviter à ladernière le sort qu’ont subi toutes <strong>les</strong> précédentes, celui d’opérer un« arrêt image automatique» imposant finalement une vision figée <strong>et</strong>donc réductrice – ce que l’on appelle maintenant une « p e n s é eunique ». <strong>La</strong> pédagogie du proj<strong>et</strong> aura certainement aussi besoin, pourse complexifier elle-même (en <strong>par</strong>ticulier pour que soit géré contextuellementle mieux possible l’équilibre entre l’individuel <strong>et</strong> le collectif,<strong>et</strong> entre le travail sur le proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le travail sur la langue), de se combineravec d’autres orientations pédagogiques el<strong>les</strong> aussi déjà connues,tel<strong>les</strong> que la «pédagogie différenciée » (cf. PUREN 2001a), <strong>et</strong> la« pédagogie du contrat » (cf. supra le point 4 <strong>et</strong> la fin du point 10, ainsique PUREN 2007c).Je suis intimement persuadé que ce n’est qu’en maintenant activestoutes <strong>les</strong> <strong>perspective</strong>s <strong>actionnelle</strong>s possib<strong>les</strong> que l’on pourra construirec<strong>et</strong>te « didactique complexe des langues-cultures» indispensable pourqu’enseignants de toutes cultures socia<strong>les</strong> <strong>et</strong> traditions didactiquespuissent être eux aussi, comme leurs apprenants, des co-acteurs à <strong>par</strong>tentière de c<strong>et</strong>te nouvelle « <strong>perspective</strong> de l’agir social ».LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


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B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 3434– (2001a) (dir.), Livr<strong>et</strong>s de formation <strong>et</strong> autoformation à l’intervention en pédagogiedifférenciée en classe de langue, Paris, APLV, Livr<strong>et</strong>s librementtéléchargeab<strong>les</strong> en ligne en anglais, français, italien <strong>et</strong> portugais :http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article763. DVD de2h30 avec <strong>les</strong> supports vidéo correspondants (43 séquences declasses) à commander à l’APLV (aplv.lm@gmail.com).– (2001b), « <strong>La</strong> problématique de l’évaluation en didactique scolaire », n° 2,2001, pp. 12-29. Disponible en ligne : http://www. a p l v - l a n g u e smodernes.org/spip.php?article1155– (2002), « Perspectives <strong>actionnelle</strong>s <strong>et</strong> <strong>perspective</strong>s culturel<strong>les</strong> en didactiquedes langues-cultures: vers une <strong>perspective</strong> co-<strong>actionnelle</strong> co-culturelle», Les <strong>La</strong>ngues modernes n° 3, juil.-août-sept. 2002, pp. 55-71.Paris, APLV.http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article844.– (2005), « Interculturalité <strong>et</strong> interdidacticité dans la relation enseignementapprentissageen didactique des langues-cultures», Études de LinguistiqueAppliquée n° 140, octobre-décembre [«Interdidacticité <strong>et</strong>interculturalité», Actes du Premier Colloque International sur la didactiquecom<strong>par</strong>ée des langues-cultures, CEDICLEC, Université de Saint-Étienne, 17-18 février 2005].– (2006a), « De l’approche communicative à la <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> », Lefrançais dans le monde n° 347, sept.-oct., pp. 37-40.– (2006b), « Les <strong>tâches</strong> dans la logique <strong>actionnelle</strong> », Le français dans le monden° 347, sept.-oct. 2006, pp. 80-81.– (2006c), « <strong>La</strong> <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong>. Vers une nouvelle cohérence didactique», Le français dans le monde n° 348, nov.-déc. 2006, pp. 42-44.– (2006d), « Entrées libres », Le français dans le monde n° 348, nov.-déc. 2006,p. 91.– (2006e), «Comment harmoniser le système d’évaluation français avec leCadre Européen Commun de Référence ? », Conférence à l’AssembléeGénérale de l’APLV, Grenoble 22 mars 2006. En ligne sous forme deprésentation PowerPoint commentée <strong>par</strong> écrit : http://www. a p l v -languesmodernes.org//spip.php?article30.– (2006f), « Le Cadre européen commun de référence <strong>et</strong> la réflexion méthodologiqueen didactique des langues-cultures: un chantier à reprendre »,Article en ligne :http://www.aplv-languesmodernes.org//spip.php?article35.– (2007a), « Quelques questions impertinentes à propos d’un Cadre EuropéenCommun de Révérence », Journée des langues de l’IUFM de Lorraine,9 mai 2007, Conférence en ligne sous forme de présentation sonorisée: http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article990.– (2007b), « Quelques conclusions personnel<strong>les</strong> sur <strong>les</strong> Conclusions du Conseilsur l’indicateur européen des compétences linguistiques de 2006 »,Article en ligne :http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article437.– (2007c), « Histoire de la didactique des langues-cultures <strong>et</strong> histoire desidées », Cuadernos de Filología Francesa (revista del De<strong>par</strong>tamento deFilología Románica, Área de Filología Francesa de la Universidad deExtremadura, Cáceres, España), n° 18, octubre 2007, pp. 127-143. Misen ligne en octobre 2007 sur le site de l’APLV : http://www.aplvlanguesmodernes.org/spip.php?article1323.– (2008a), « <strong>La</strong> didactique des langues-cultures entre la centration sur l’apprenant<strong>et</strong> l’éducation transculturelle». Conférence prononcée dans lecadre du Colloque international de Tallinn (Estonie) des 8-10 mai 2008.C o n f é rence en ligne (en version orale <strong>et</strong> en version écrite) :http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article1774.LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 35– (2008b), « Les activités langagières en classe de langue dans la <strong>perspective</strong>de l’agir social: de la compétence communicative à la compétencei n f o rm a t i o n n e l l e ». Article à <strong>par</strong>aître en ligne : http://www. a p l v -languesmodernes.org/spip.php?article1841.RORTY, Richard (1995), L’Espoir au lieu du savoir. Introduction au pragmatisme,trad. fr. Paris, Albin Michel (coll. « Bibliothèque internationale de philosophie), 158 p.ROSEN, Evelyne (dir.) (2009), « <strong>La</strong> <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> <strong>et</strong> l’approche <strong>par</strong> <strong>les</strong><strong>tâches</strong> en classe de langue ». Le français dans le Monde « Recherches& Applications », n° 45, janvier, Paris, CLE international.SIMON, Herbert A (1969), Sciences des systèmes, sciences de l’artificiel, trad. del’anglais <strong>par</strong> J.-L. Lemoigne, Paris, Dunod (coll. «afc<strong>et</strong> Système »),1991, 230 p. [1 re éd. The Massachus<strong>et</strong>ts Institute of Technology, Cambridge,Massachus<strong>et</strong>ts, 1969].TRIM, John (2002), « Chapitre 1. Guide pour tous <strong>les</strong> utilisateurs », pp. 3-52in TRIM, John (DIR.), BAILLY, Sophie, DEVITT, Sean, GREMMO, Marie-José,HEYWORTH, Frank, HOPKINS, Andy, JONES, Barry, MAKOSH, Mike, RILEY,Philip, STOKS, Gé, Guide pour <strong>les</strong> utilisateurs Cadre européen communde référence pour <strong>les</strong> langues : apprendre, enseigner, évaluer. s.d.[avril 2002), 271 p.h t t p : / / w w w. c o e . i n t / T / D G 4 / P o rt f o l i o / ? L = F & M = / d o c u m e n t s _intro/Guide-pour-<strong>les</strong>-utilisateurs.html. Consulté le 26 août 2008.WILCZYNSKA, Weronika, LISKOVA, Libuse, EDVARDSDOTTIR, Sigurbjörg, SPEITZ, Heike,Chapitre 5 : « L’hospitalité dans la formation interculturelle des enseignants, in Geneviève ZARATE (coord.), Médiation culturelle <strong>et</strong> didactiquedes langues, Éditions du Conseil de l’Europe, septembre 2003,258 p.ZARATE, Geneviève (1993), Représentations de l’étranger <strong>et</strong> didactique deslangues, Paris, Didier-CRÉDIF, coll. « Essais », 128 p.35Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 3636ANNEXEÉVOLUTION HISTORIQUE DES CONFIGURATIONS DIDACTIQUESCompétences socia<strong>les</strong> de référencelangagièreculturelleActionssocia<strong>les</strong>deréférenceTâches scolairesde référenceConstructionsdidactiquescorrespondantes1capacité à relire<strong>les</strong> grands textesclassiquescapacité à entr<strong>et</strong>enir saformation d’honnête hommeen se replongeant dansces grands textes pour yreconnaître <strong>et</strong> <strong>par</strong>tager<strong>les</strong> valeurs universel<strong>les</strong>qui constituent le « fondscommun d’humanité »(É. Durkheim) :compétence transculturellelir<strong>et</strong>raduire (= lire, en<strong>par</strong>adigme indirect)méthodologi<strong>et</strong>raditionnelle(XIX e siècle)2capacité à entr<strong>et</strong>enirà distance un contactavec la langue-cultureétrangère à <strong>par</strong>tirde documentsauthentiquescapacité à mobiliser <strong>les</strong>connaissances sur la culturedes autres :compétence métaculturelle<strong>par</strong>ler sur« explication d<strong>et</strong>extes » au moyend’une série d<strong>et</strong>âchesen languecible (<strong>par</strong>adigmedirect) : <strong>par</strong>aphraser,analyser, interpréter,extrapoler,com<strong>par</strong>er, réagir,transposerméthodologiedirecte pour <strong>les</strong>econd cyc<strong>les</strong>colaire (1900-1910) <strong>et</strong>méthodologieactive (1920-1960)3capacité à échangerponctuellementdes informationsavec des étrangerscapacité à maîtriser <strong>les</strong>représentations croiséesdans l’interaction avec<strong>les</strong> autres :compétence interculturelle<strong>par</strong>ler avecagir sur– simulations <strong>et</strong>jeux de rô<strong>les</strong>– actes de <strong>par</strong>oleapprochecommunicative(1980-1990)4capacité à cohabiteren permanence avecdes étrangers oudes compatriotes decultures différentescapacité à comprendre<strong>les</strong> comportements desautres <strong>et</strong> adopter descomportements communsacceptab<strong>les</strong> dans unesociété culturellementdiverse :compétence multiculturellevivre avecactivités demédiation entredes langues <strong>et</strong>des culturesdifférentes :interprétation,reformulation,résumés,périphrases,équivalences…– didactique duplurilinguisme(1990-?)– compétenceplurilingue <strong>et</strong>pluriculturelle<strong>et</strong> compétencede médiation dansle CECR (2000-?)5capacité à travaillerdans la durée enlangue étrangèreavec des locuteursnatifs <strong>et</strong> non natifsde c<strong>et</strong>te languecapacité à élaborer avec<strong>les</strong> autres des conceptionscommunes de l’actioncollective sur la base devaleurs contextuel<strong>les</strong>p a rt a g é e s :compétence co-culturelleagir avecactions collectivesà dimensioncollective(activités de type« pédagogie duproj<strong>et</strong> »)ébauche d’une« <strong>perspective</strong><strong>actionnelle</strong> »dans le CECR(2000-?Voir commentaires pages suivantes


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 37Une « configuration didactique » est un ensemble historique où se sontmis en cohérence un objectif de compétence langagière <strong>et</strong> un objectifde compétence culturelle ainsi qu’une action sociale de référence <strong>et</strong>une tâche scolaire de référence, en fonction desquels s’est construiteune macro-cohérence didactique («méthodologie », « approche » oumaintenant « <strong>perspective</strong> »).37Variations sur le thèmede l’agir socialen didactique deslangues-culturesétrangèresC’est la recherche constante de la relation la plus étroite possible entrel’action de référence <strong>et</strong> la tâche de référence qui explique le mécanismehistorique des ruptures historiques entre une construction didactique<strong>et</strong> la suivante : une modification qualitative de l’objectif social deréférence provoque en chaîne la modification de l’action de référence,de la tâche de référence puis de la construction didactique, celle-ciap<strong>par</strong>aissant désormais comme inefficace <strong>par</strong>ce qu’inadaptée.<strong>La</strong> succession suivante des <strong>par</strong>agraphes de la Circulaire relative à l’enseignementdes langues publiée le 15 novembre 1901 <strong>par</strong> le ministèrede l’Instruction publique français m<strong>et</strong> <strong>par</strong>faitement en évidence un telmécanisme :L’enseignement des langues, malgré <strong>les</strong> progrès accomplis ces dernièresannées, n’a pas produit <strong>les</strong> résultats que nous étions en droitd’attendre du zèle <strong>et</strong> du savoir de nos maîtres.Nos bons élèves font bien des versions <strong>et</strong> des thèmes, mais peud’entre eux seraient capab<strong>les</strong> de rédiger sans effort une correspondanceou de soutenir une conversation. Or le but principal de l’enseignementdes langues étrangères est d’apprendre à <strong>les</strong> <strong>par</strong>ler <strong>et</strong> à <strong>les</strong>écrire.Si ce but n’est pas atteint au terme du cours d’études, l’enseignementa échoué.<strong>La</strong> connaissance pratique des langues vivantes est devenue une nécessitépour le commerçant <strong>et</strong> l’industriel aussi bien que pour le savant <strong>et</strong>le l<strong>et</strong>tré.Au lycée <strong>et</strong> au collège, <strong>les</strong> langues vivantes ne doivent donc pas êtreenseignées comme <strong>les</strong> langues mortes. On ne doit pas en faire un instrumentde culture littéraire ou de gymnastique intellectuelle.Il faut employer la méthode qui donnera le plus sûrement <strong>et</strong> le plusrapidement à l’élève la possession effective de ces langues.C<strong>et</strong>te méthode, c’est la méthode directe.Ce qui ap<strong>par</strong>aît clairement dans ce passage, en eff<strong>et</strong>, c’est que la perceptiondes contre-performances de la méthodologie traditionnelle envigueur vient du fait que celle-ci se r<strong>et</strong>rouve ne plus correspondre aunouvel agir social visé dans la méthodologie directe : alors qu’il s’agissaitau<strong>par</strong>avant de traduire <strong>les</strong> langues étrangères pour <strong>les</strong> lire, il s’agitdésormais de <strong>les</strong> <strong>par</strong>ler <strong>et</strong> de <strong>les</strong> écrire ; alors que <strong>les</strong> langues étrangèresétaient jusqu’alors un instrument de formation intellectuelle <strong>et</strong>l i t t é r a i re, on veut désormais qu’el<strong>les</strong> y soient un instrument de« connaissance pratique ».C<strong>et</strong> instrument de connaissance, <strong>et</strong> tout le processus correspondantd’appropriation de c<strong>et</strong>te connaissance, vont forcément être conçus enfonction de l’objectif social de référence :LE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009


B - Variations (Intern<strong>et</strong>) - FDLM 21/12/08 20:08 Page 3838– Dans la méthodologie active, c<strong>et</strong> objectif social de référence étaitl’entr<strong>et</strong>ien du contact avec la langue-culture étrangère au moyen dedocuments authentiques : textes littéraires, encore, mais aussi artic<strong>les</strong>de journaux <strong>et</strong> de revues, émissions de radio <strong>et</strong> de télévision… L’agirscolaire de référence, à savoir « l’explication de textes » à la française,correspond précisément à un ensemble de <strong>tâches</strong> supposées perm<strong>et</strong>tred’exploiter au mieux chaque document pour c<strong>et</strong> objectif social.– C’est lorsque l’objectif social de référence est devenu celui depré<strong>par</strong>er <strong>les</strong> élèves à rencontrer occasionnellement des natifs de lalangue-culture étrangère (au cours de voyages ponctuels, en <strong>par</strong>ticulierde tourisme) qu’est ap<strong>par</strong>ue l’approche communicative (travaux duConseil de l’Europe du début des années 70, avec la publication desdifférents Niveaux seuils) : lorsque l’on rencontre des gens que l’on neconnaissait pas <strong>et</strong> que l’on sait devoir quitter très vite, l’enjeu langagiernaturel est l’échange d’informations. C<strong>et</strong> échange communicatif estcertes influencé <strong>par</strong> <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s produits entre interlocuteurs <strong>par</strong> leursintentions de communication, mais c<strong>et</strong>te « interaction » est fondamentalementaction de chacun sur l’autre (cf. la notion d’«acte de <strong>par</strong>ole »),<strong>et</strong> non action commune, comme dans la toute dernière configurationdidactique, la « <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> » ébauchée en 2001 dans leCECR.– Dans <strong>les</strong> années 90, l’objectif social de référence se déplace à nouveau,<strong>et</strong> c’est celui de pré<strong>par</strong>er <strong>les</strong> élèves à cohabiter harmonieusementdans une société qui est de plus en plus multilingue <strong>et</strong> multiculturelle :<strong>La</strong> compétence plurilingue est la capacité d’acteurs sociaux à gérer <strong>les</strong>situations où, « dans leurs langue <strong>et</strong> culture premières, (ils) sont, aucours du processus de socialisation, exposés à différentes variétéslinguistiques <strong>et</strong> à la différenciation culturelle interne à toute sociétécomplexe ». […][<strong>La</strong> compétence plurilingue <strong>et</strong> pluriculturelle] autorise des combinaisons,des alternances, des jeux sur plusieurs tableaux. Il est possiblede procéder à des changements de codes en cours de message, derecourir à des formes de <strong>par</strong>ler bilingue. Un même répertoire, plusriche, autorise donc aussi des choix, des stratégies d’accomplissementde <strong>tâches</strong>, reposant sur c<strong>et</strong>te variation interlinguistique, ces changementsde langue, lorsque <strong>les</strong> circonstances le perm<strong>et</strong>tent. (p. 105)Conseil de l’Europe, CECR (Chap. 6.1.3 «Compétence plurilingue<strong>et</strong> pluriculturelle »), Paris : Didier, 2001.– Enfin, la « <strong>perspective</strong> <strong>actionnelle</strong> » du même CECR amorce simultanémentla prise en compte d’un nouvel objectif social lié aux progrèsde l’intégration européenne, celui qui consiste à pré<strong>par</strong>er <strong>les</strong> apprenantsà travailler, dans leur propre pays ou dans un pays étranger, avecdes natifs de différentes langues-cultures étrangères, comme c’est déjàle cas <strong>par</strong> exemple dans des entreprises multinationa<strong>les</strong>, ou dans desuniversités où des étudiants de tous pays étudient ensemble dans lalangue du pays d’accueil. Il ne s’agit plus seulement de communiqueravec l’Autre (de s’informer <strong>et</strong> d’informer) mais d’agir avec <strong>les</strong> autres enlangue étrangèreLE FRANÇAIS DANS LE MONDE / JANVIER 2009

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