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Phytoremédiation des sols (PDF - 1621 Ko) - Mediachimie.org

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<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong>contaminésDes plantes pour guérir…les <strong>sols</strong>Jean-Louis Morel <strong>Phytoremédiation</strong> <strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésJean-Louis Morel est professeur à l’École nationale supérieured’agronomie et <strong>des</strong> industries alimentaires (ENSAIA) et dirige lelaboratoire Sols et Environnement de l’Université de Lorraine et del’Institut national de la recherche agronomique (INRA).La région Lorraine a connuune activité industrielle importantequi a été suivie d’unetrès forte déprise pendant lesannées 1970-1980, laissantderrière elle une importantesurface de friches dont unepartie contient <strong>des</strong> pollutionset n’a pas encore fait l’objet derevalorisations. Un travail estaujourd’hui consacré à la reconquêtede ces friches, avecun investissement scientifiqueconséquent depuis une vingtained’années, notammentdans le cadre du Groupementd’intérêt scientifique sur lesfriches industrielles (GISFI 1 ).Le terme de « phytoremédiation» est apparu dans lesannées 1980 2 . Mais il a fallu1. www.gisfi.fr2. Chaney, 1983.attendre les années 1990 pourvoir apparaître les premièrespublications d’équipes tentantde traiter les <strong>sols</strong> pollués enutilisant <strong>des</strong> plantes.Comment fonctionne une telleméthode et quelles réponsespeut-elle nous apporter faceaux enjeux planétaires, notammentpour la gestion dela ressource en <strong>sols</strong> ?1Pourquoi faut-ilremédier les <strong>sols</strong> ?1.1. Une ressource naturellelimitée pour la productionalimentaireLa ressource en sol est fondamentalepour la productionagricole et donc pourla production alimentaire ;


2Étude <strong>des</strong> <strong>sols</strong>pollués2.1. Composition <strong>des</strong> <strong>sols</strong>Quels sont les polluants <strong>des</strong><strong>sols</strong> ? Ils sont analogues àceux trouvés dans l’eau (voirles Chapitres d’É. Blin et deM. Coquery/S. Martin Ruel)et sont issus <strong>des</strong> activitésagricoles, industrielles ouurbaines. Ils sont classésen polluants <strong>org</strong>aniques etpolluants in<strong>org</strong>aniques, dontles comportements sont différents(Encart « Quels sontles polluants <strong>des</strong> <strong>sols</strong> ? »). Ony trouve <strong>des</strong> hydrocarburesaliphatiques et aromatiqueset <strong>des</strong> produits <strong>org</strong>aniquessynthétisés par l’industriechimique (produits phytosanitaires,solvants chlorés, PCB,<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésQUELS SONT LES POLLUANTS DES SOLS ?Les polluants <strong>des</strong> <strong>sols</strong> (Figure 3) sont issus <strong>des</strong> activités agricoles, urbaines et industrielles.Activités agricolesProduits phytosanitaires, éléments en traces, phosphore, azote…Activités urbaines et industrielles– Polluants <strong>org</strong>aniques : hydrocarbures pétroliers (supercarburant, gasoil, kérosène, whitespirit), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), benzène, toluène, éthylbenzène,xylène, polychlorobiphényles (PCB), solvants halogénés ;– Éléments en traces : métaux (cuivre, chrome, fer, manganèse, molybdène, nickel, zinc,cadmium, mercure, plomb, …), non-métaux (bore, sélénium, arsénic, …), radionucléi<strong>des</strong> (américium,césium, néodyme, nickel, neptunium, plutonium, strontium, technétium, uranium…).HydrocarbureschlorésAutres 2,4 %3,6 %Phénols3,6 %Hydrocarburesaromatiques6 %Cyanures0Métaux lourds37,3 %HAP13,3 %Huiles minérales33,7 %Figure 3Composition <strong>des</strong> <strong>sols</strong>en polluants.159


<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésFigure 5Des techno<strong>sols</strong> (<strong>sols</strong> contenant <strong>des</strong> matériaux technologiques). Lorsqu’ilssont pollués, ils peuvent gravement menacer la ressource en eau.A B Cdans le Nord-Pas-de-Calais,l’activité métallurgique (Metaleurop)a entraîné d’importantescontaminations par lesmétaux (e.g. cadmium, plomb)qui peut s’étendre très loin audelà<strong>des</strong> usines. Ces dizainesde milliers d’hectares contaminésreprésentent un défidifficile à relever pour en éliminerles éléments toxiques.Un autre exemple de pollutionest lié à la viticulture : lavigne nécessite beaucoup detraitements, notamment parde la bouillie bordelaise 3 . Lesmesures de concentration en3. La bouillie bordelaise est unpesticide (algicide et fongicide)fabriqué par neutralisation d’unesolution de sulfate de cuivre par dela chaux éteinte : CuSO 4+ Ca(OH) 2.Figure 6Pollution de terres agricoleschinoises par <strong>des</strong> effluents miniers(à Dabao Shan).On relève la présence <strong>des</strong> métauxsuivants : zinc (1 427 mg/kg),cadmium (7,46 mg/kg), plomb(4 110 mg/kg).161


La chimie et la nature162Figure 7Les localisations <strong>des</strong> <strong>sols</strong> polluéspar le cuivre correspondent auxrégions où l’on cultive la vigne.cuivre <strong>des</strong> <strong>sols</strong> français montrentque la carte obtenuereflète bien les régions deculture de vignes (Figure 7) !Sachant que la teneur limiteest de cent milligrammes decuivre par kilogramme <strong>des</strong>ol, on atteint bien souventles cinq cents.On trouve un autre exempleaux Antilles françaises, oùla pollution par l’insecticidechlordécone constitueun problème majeur. Cettemolécule, qui contient dixatomes de chlore (Figure 8),est très stable mais aussitrès toxique. Utilisé dansle passé pour lutter contrele charançon du Bananier(Cosmopolites sordidus), lechlordécone a contaminé16 000 hectares aux Antilles.Il s’accumule notammentdans la nano- porosité <strong>des</strong>ando<strong>sols</strong> 4 (voir la Figure 8C),mais n’y est pas séquestré4. Les ando<strong>sols</strong> sont <strong>des</strong> <strong>sols</strong> humi<strong>des</strong>de montagne comportantune roche mère d’origine volcaniqueet une couche riche en matière<strong>org</strong>anique.définitivement et peut doncen ressortir pendant <strong>des</strong> dizainesd’années, voire <strong>des</strong>centaines et gagner le milieumarin.Un dernier exemple concerneles <strong>sols</strong> de jardins privés.Une étude réalisée sur unecentaine de <strong>sols</strong> de jardins dunord de la Lorraine a permisde mesurer les concentrationsen métaux (cadmium,nickel, cuivre, plomb, zinc)et de comparer les résultatsobtenus aux concentrationsmesurées dans 18000 <strong>sols</strong>agricoles 5 . On découvre que laconcentration en métaux (endehors du nickel) y est deuxfois plus importante, en relationavec la culture intensive<strong>des</strong> <strong>sols</strong> de jardins et les dépôtsde déchets de diversesnatures (Tableau 1).5. Schwartz C., Fetzer K.D., MorelJ.L. (1995). Factors of contaminationof garden soils by heavymetals. In : Prost, R. (ed.), CD-Rom, Contaminated Soils, ThirdInternational Conference on theBiogeochemistry of Trace Elements,Paris.


A<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésBCFigure 8Le chlordécone (ou képone ® ) (A) est un insecticide <strong>org</strong>anochloré utiliséentre 1971 et 1993 pour traiter les bananiers (B) contre le charançon.Toxique et persistant, il est transféré dans les chaînes alimentaires ens’accumulant dans les ando<strong>sols</strong> (C) où <strong>des</strong> polluants sont séquestrés dansles nano-porosités.2.3. Conséquencesde la pollution <strong>des</strong> <strong>sols</strong>La Figure 9 représente lecycle <strong>des</strong> polluants dans lesystème sol-plante, donnantune vue générale deleurs transformations avantd’atteindre <strong>des</strong> cibles tellesque les eaux souterraines,les plantes, les eaux superficielles,et in fine l’homme.La chaîne alimentaire estcontaminée par différentesvoies : via le transfert solplante,puis la consommationde la plante par les animaux,suivie de la consommationTableau 1On trouve deux fois plus de métaux dans les <strong>sols</strong> de jardins que dans les<strong>sols</strong> agricoles.105 <strong>sols</strong> de jardinsMoselle - Est (France) (Schwartz et coll., 1995)Cd Cu Ni Pb ZnMoyenne 1,0 27 19 59 138Maximum 0,2 4 4 1 37Minimum 5,3 181 56 340 51818 000 <strong>sols</strong> agricolesAllemagne (Größman et coll., 1992)Cd Cu Ni Pb ZnMoyenne 0,4 15 15 36 67163


La chimie et la nature164Figure 9Cycle <strong>des</strong> polluantsdans le système sol-plante.Par différentes voiesde transformation, on aboutità une contamination de la chaînealimentaire.par l’homme (ou directementpar l’homme). Il peut aussiy avoir la contamination directe<strong>des</strong> plantes par dépôtsur les parties aériennes etla contamination <strong>des</strong> eaux.Aussi, dès lors qu’un sol estcontaminé, il représente unemenace pour la sécurité alimentaire,non seulement dufait de l’absorption par lesplantes mais aussi parce queles polluants peuvent suivred’autres voies de transfert.Un exemple de suivi du devenird’un type de pollution tel qu’unmétal lourd montre toute lacomplexité du cheminement<strong>des</strong> polluants (Figure 10).Prenons un métal quelconquequi se trouve dans le sol enprésence d’une phase solideimportante et réactive, constituéepar exemple d’oxy<strong>des</strong>,d’argiles, de carbonates et dematière <strong>org</strong>anique. Tous cescomposés vont interagir avecle métal et lui faire prendre<strong>des</strong> formes chimiques particulières; cet ensemble deréactions conduit à la distributiondu métal entre unefraction dite non-disponiblepour la plante, qui ne pourrapas être absorbée au cours <strong>des</strong>a croissance, et une fractiondisponible (en bleu, Figure 10),dans laquelle la plante va puiserle métal durant sa croissance.La fraction bleue estla quantité qu’il faut analyserdans les <strong>sols</strong>, car si l’on saitmesurer cette disponibilité,on saura apprécier le risquede transfert sol-plante ducontaminant.Les nombreux exemples citésmontrent que les polluants<strong>des</strong> <strong>sols</strong>, non dégradables(métaux) ou très faiblementdégradables (HAP, PCB…),persistent dans l’environne-


<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésment et peuvent être transférésvers différentes cibles, etce, sur de gran<strong>des</strong> surfaces.Ainsi, il est crucial de traiterces <strong>sols</strong> pollués pour éviterles transferts vers les ciblesenvironnementales. Lesmoyens à envisager doiventêtre technologiquement etéconomiquement faisables,au vu <strong>des</strong> surfaces importantes,qui peuvent parfoisatteindre <strong>des</strong> dizaines de milliersd’hectares.3Principe généralde remédiation<strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésLes différentes stratégiesde remédiation <strong>des</strong> <strong>sols</strong> quiont été développées suiventl’un <strong>des</strong> trois principes suivants,voire deux à la fois :immobilisation, <strong>des</strong>tructionou extraction du polluant. Ilexiste deux voies générales(Figure 11) :− le traitement ex situ, quiconsiste à excaver le sol, puisà lui faire subir différentstypes de traitements : désorptionthermique, oxydation oudégradation biologique, etc. Laterre traitée est ensuite réutiliséesur place ou transféréedans un centre de stockage ;− le traitement in situ : lesol pollué reste en place eton lui applique <strong>des</strong> procédéschimiques (oxydation, réduction,lixiviation) et/ou biologiques(atténuation naturelle,phytoremédiation). Parexemple, les polluants <strong>org</strong>aniquespeuvent être éliminésen injectant dans le sol <strong>des</strong>oxydants puissants (procédéOxysol développé dans le cadreFigure 10Devenir de métaux lourdsdans les <strong>sols</strong>.165


La chimie et la nature166Figure 11Les différentes stratégiesde remédiation <strong>des</strong> <strong>sols</strong> pollués.*Énergie, ressources naturelles,impacts.d’un programme 6 de l’Agencenationale de la recherche,ANR). On peut aussi déciderde laisser faire la nature touten contrôlant l’évolution : c’estl’atténuation naturelle. On peutmême utiliser le potentiel <strong>des</strong>plantes pour réduire le risquelié aux contaminations : c’estla phytoremédiation. Ellereprésente aujourd’hui l’une<strong>des</strong> voies possibles pour traiterde gran<strong>des</strong> surfaces contaminées,et faire passer la fricheà une surface traitée qui peutêtre ensuite utilisée pourd’autres objectifs.4La phytoremédiationLa phytoremédiation est unconcept très large qui re-6. www.oxysol-anr.<strong>org</strong>couvre une gamme de technologiesrelativement différentes,mais toutes baséessur l’utilisation <strong>des</strong> plantespour réduire les risquesécotoxicologiques liés à lacontamination <strong>des</strong> <strong>sols</strong>. Ondevrait parler <strong>des</strong> phytoremédiations.4.1. Le rôle primordialde la rhizosphèreLa phytoremédiation pourraitaussi s’appeler « rhizoremédiation» car le travail estprincipalement réalisé parles racines. Les parties aériennesde la plante jouent unrôle important, dans la mesureoù elles captent l’énergiesolaire et assurent les fluxde polluants par la transpiration,mais c’est dans l’environnementracinaire que se


La chimie et la nature168couvert végétal, quel qu’ilsoit, on stabilise le sol. Ceprocédé est largement utilisépar le génie civil pour stabiliserles ouvrages, comme, parexemple, les talus routiers.Au-delà <strong>des</strong> effets mécaniques,les plantes contribuentaussi à stabiliser lespolluants ;− la rhizoatténuation : ceprocessus intervient dansla rhizosphère, résultant enpremier lieu de la stimulationde l’activité biologique, quipeut contribuer à la dégradation<strong>des</strong> polluants <strong>org</strong>aniques(dans la Figure 12, le polluantest un HAP), avec productionin fine de dioxyde de carbone,mais aussi de produits intermédiaires; les racines contribuentaussi à transformerles polluants <strong>org</strong>aniques. Leprogramme ANT Multipolsitemené sur <strong>des</strong> <strong>sols</strong> de cokeriede la station expérimentaledu GISFI étudie les processusde rhizoatténuation <strong>des</strong>polluants <strong>org</strong>aniques de typeHAP ;− la phytoextraction : c’estle principe de l’aspirateur.La plante prélève les polluantspar ses racines (lespolluants figurent en rougesur la Figure 12). Ils sonttransférés dans les partiesaériennes où ils sont séquestrésdans les feuilles. Pour lesmétaux, <strong>des</strong> plantes particulières,décrites plus loin, sontdites hyper accumulatrices :elles sont capables d’absorberjusqu’à mille foisplus de métaux que lesautres espèces végétales ;− la phytovolatilisation estle prolongement de la phytoextraction,dès lors que laplante est capable de métaboliserles polluants. Ces derniers,comme les polluants<strong>org</strong>aniques de type solvantschlorés très volatils, peuventalors être volatilisés. Lesplantes peuvent aussi transformer<strong>des</strong> éléments tracescomme le sélénium, le mercureou l’arsenic, qui prennentalors <strong>des</strong> formes chimiquesvolatiles.5Les procédésde remédiation5.1. La phytostabilisation(Figure 13)Certaines plantes comme lepeuplier sont utilisées pourstabiliser les polluants. Unexemple est le développementde l’utilisation <strong>des</strong>peupliers pour les <strong>sols</strong> polluéspar <strong>des</strong> métaux dans lecadre du programme ANRPhytopop 7 . Le peuplier prélèvebeaucoup d’eau par sesracines et contribue ainsi àdiminuer les flux de polluantsvers la profondeur du sol, Deplus, les racines <strong>des</strong> plantespeuvent réduire la disponibilité<strong>des</strong> polluants par absorptionou par adsorption sur lessurfaces. Cette diminution dela biodisponibilité <strong>des</strong> polluantss’accompagne d’uneréduction de la contaminationde la chaîne alimentaireet de celle <strong>des</strong> autres ciblesenvironnementales. Sur <strong>des</strong><strong>sols</strong> très contaminés par lesmétaux lourds, par exemple<strong>des</strong> sites miniers, l’utilisationd’espèces végétalestolérantes permet l’installationd’un couvert végétal7. http://www.phytopop.uhp-nancy.fr.


Figure 13Processus de phytostabilisation.Au niveau de la plante, se produitla transpiration ; au niveau <strong>des</strong>racines : absorption/adsorption ;au niveau de la rhizosphère :précipitation, réduction de labiodisponibilité. On assiste à uneréduction <strong>des</strong> transferts dans lachaîne alimentaire (transfertspar érosion éolienne ou hydrique,par lixiviation…).<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminéset l’initiation de nouveauxécosystèmes dans lesquelsles flux de polluants sont diminués.5.2. La phytovolatilisation(Figure 14)Dans les années 1990, <strong>des</strong>chercheurs américains ontétudié le devenir du séléniumsur de larges zones californiennescontaminées – avec<strong>des</strong> problèmes écologiquesimportants –, suite à une irrigationpar <strong>des</strong> eaux fortementchargées en sélénium. Ils ontmontré que cet élément peutêtre accumulé sous une formechimique par certaines plantesdu type Astragalus : par unesuite de réactions, ces plantestransforment le sélénium endiméthylsélénide, qui est uncomposé volatile qui passealors dans l’atmosphère. Cestransformations de méthylationsont aussi réaliséesnaturellement dans les <strong>sols</strong>par les micro-<strong>org</strong>anismes.Globalement, la présence deplantes conduit à une éliminationdu sélénium du sol maisaussi à un déplacement de lapollution vers l’atmosphère.Il n’en demeure pas moinsque beaucoup de recherchesse développent actuellementsur cette voie intéressante, enFigure 14Processus de volatilisation par <strong>des</strong>plantes du type Astragalus.Le sélénium (Se) est transformé endiméthylsélénide (DMSe) au niveau<strong>des</strong> cellules végétales par <strong>des</strong>micro-<strong>org</strong>anismes de la rhizosphère.Le DMSe est ensuite volatilisé via lesfeuilles vers l’atmosphère.169


La chimie et la natureFigure 15Les plantes hyperaccumulatricesréalisent le processus dephytoextraction.Fougères (A), arabettes de Haller(B), tabouret calaminaire (C)… cesplantes sont capables d’absorberd’impressionnantes quantités demétaux comme le nickel, l’arsenicet le cadmium.vue de s’attaquer à la pollution<strong>des</strong> <strong>sols</strong> par <strong>des</strong> métauxlourds comme l’arsenic ou lemercure.5.3. La phytoextraction5.3.1. Les deux voiesde la phytoextractionIl existe deux voies principalespour la phytoextraction :− la voie qui utilise <strong>des</strong> plantesaccumulatrices à forte productionde biomasse, commepar exemple Brassica juncea(ou moutarde indienne), dont lataille compense le faible pourcentaged’accumulation ;− la voie qui utilise <strong>des</strong> plantesde biomasse parfois plusfaible, mais qui sont capablesd’hyperaccumuler les élémentsen traces. Découvertesdans les années 1930, cesplantes étaient considéréescomme <strong>des</strong> curiosités botaniquesjusqu’aux années1990. Depuis, plus de quatrecents espèces ont été identifiées,capables d’extraire lenickel (Alyssum murale), l’arsenic(Pteris vittata, une fougère),le cadmium ou encorele zinc (Arabidospis halleri ouarabette de Haller, Noccaeacaerulescens ou tabouret calaminaire)(Figure 15). Ce sont<strong>des</strong> plantes extraordinaires,capables d’absorber <strong>des</strong>quantités d’éléments inhabituelleschez les végétaux dontles concentrations peuventatteindre le même ordre degrandeur que les élémentsmajeurs comme l’azote, lephosphore et le potassium.Parfois même, on trouvedavantage de nickel dans laplante que d’azote !ABC170


Tableau 2Activités hyperaccumulatrices <strong>des</strong> quatre cents espèces connues (d’aprèsBaker, 2000).MétalConcentration(feuilles% matièresèche)Nombred’espècesCadmium 0,01 3 2Cobalt > 0,1 26 12Cuivre > 0,1 24 11Nickel > 1 > 300 35Plomb > 0,1 5 3Manganèse > 1 8 5Zinc > 1 18 5Nombredefamilles<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminés5.3.2. Caractéristiques <strong>des</strong>plantes hyperaccumulatricesLe Tableau 2 donne les caractéristiquespour l’ensemble<strong>des</strong> quatre cents espèces hyperaccumulatricesactuellementconnues, dont les plusnombreuses sont hyperaccumulatricesdu nickel ; on lestrouve en Nouvelle Calédonie,au Brésil, à Cuba ou encore enEurope.Examinons par exemple lescaractéristiques <strong>des</strong> planteshyperaccumulatrices de cadmium.Sur la Figure 16 sontcomparées les activités accumulatricesde toute unegamme de végétaux, pour unemême concentration en cadmiumdans le sol, et dans lesmêmes conditions de croissance.Les plantes à usage alimentaireprésentent une trèsgrande variété de réponses :les laitues et le tabac sont <strong>des</strong>accumulateurs de cadmium,mais avec le tabouret calaminaire(Figure 15C), on a unevéritable rupture d’échellepuisque l’absorption de cadmiumatteint 3 000 mg/kg,alors que la plupart <strong>des</strong> espècesen dehors du tabac n’enretiennent que <strong>des</strong> concentrationsinférieures à 10 mg/kg. Cette espèce, connuedepuis 1865, est particulièrementintéressante car elleest capable d’hyperaccumulerplusieurs métaux comme, parexemple, le nickel, le zinc et lecadmium. Souvent réputée defaible taille et de croissancefaible, elle offre <strong>des</strong> spécimensà biomasse importanteFigure 16Comparaison <strong>des</strong> activitésaccumulatrices de planteshyperaccumulatrices, mesurées enconcentrations de cadmium dansles feuilles.171


La chimie et la natureABCD172Figure 17Plantes hyperaccumulatrices ennickel (exprimés en % de matièresèche).A) Psychotria douareii (NouvelleCalédonie) : > 3 % dans lesfeuilles ; B) Sebertia acuminata ousève bleue (Nouvelle Calédonie) :25 % dans la sève ; C) Berkheyacodii (Afrique du Sud) : > 1 % :D) Alyssum murale (pourtourméditerranéen) : 3 %.dans le milieu naturel. Nousavons prospecté de nombreuxsites en France 8 , et découvertune population qui accumuleplus de 3 000 mg/kg de cadmium9 .Examinons maintenant lesplantes hyperaccumulatrices8. Reeves R., Schwartz C., MorelJ.L., Edmonson J. (2001). Distributionand metal-accumulatingbehaviour of Thlaspi caerulescensand associated metallophytes inFrance, International Journal ofPhytoremediation, 3 :145-172.9. Schwartz C., Sirguey C., PeronnyS., Reeves R.D., BourgaudR., Morel J.L. (2006). Testing ofoutstanding individuals of Thlaspicaerulescens for cadmium phytoextraction,International Journal ofPhytoremediation, 8 : 339-357.en nickel 10 . On en trouve notammenten Nouvelle Calédonie,comme le Psychotria douareii(Figure 17A) ; cette espècepeut contenir plus de 3 % denickel dans ses feuilles. Ony trouve également l’espèceSebertia acuminata, appeléesève bleue (Figure 17B) du faitde la couleur de sa sève, quipeut contenir 25 % de nickel.Cette plante est une curio-10. La prospection botanique deces plantes hyperaccumulatricesen nickel utilise notamment lediméthylglyoxime, qui forme uncomplexe fortement coloré avecle nickel. Avec un papier imprégnéde ce complexant, il est rapidede tester si une plante contient defortes quantités du métal.


sité de la nature, tout autantqu’une source potentielle deconnaissances pour comprendrecomment une plantepeut contenir autant de nickeldans son latex ! On trouve parailleurs en Afrique du Sud uneautre espèce intéressante, leBekheya codii (Figure 17C) :cette grande plante de1,5 mètre peut contenir plusde 1 % en nickel. Enfin, l’Alyssummurale (Figure 17D), quiest très abondant sur tout lepourtour méditerranéen, ycompris en Corse, peut contenirau-delà de 3 % de nickeldans les parties aériennes.5.3.3. Comportement <strong>des</strong>plantes hyperaccumulatricesLa culture de ces plantessur <strong>des</strong> <strong>sols</strong> de natures différentesa montré que l’activitéhyperaccumulatrice <strong>des</strong>plantes dépend beaucoup dusol (Figure 18). Ainsi, il existeune relation étroite entre lacapacité de la plante à préleverle métal et la quantité demétal disponible dans le sol :si le métal est peu disponible,la plante aura beaucoup demal à l’extraire et à l’accumuler.Par exemple, l’accumulationest plus forte dans un solde serpentine, riche en nickeltotal et disponible.Nous avons réalisé une expériencedans les années1990 avec le tabouret calaminaire,cultivé dans <strong>des</strong> dispositifs(rhizotrons) permettantd’inclure dans un sol noncontaminé <strong>des</strong> taches de solfortement contaminé par <strong>des</strong>métaux (Figure 19). La plantes’est très bien développée, et,au contact <strong>des</strong> zones contaminées,elle a montré un systèmeracinaire très dense. Cephénomène traduit une réactionspécifique de la plante enprésence de concentrationsFigure 18Réponses d’hyperaccumulateursde nickel en fonction de la naturedu sol (deux barres affectéesde la même lettre ne sont passignificativement différentesau seuil de probabilité de 5 %).<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminés6 000a5 000bbmg par kg de matière sèche4 0003 0002 0001 0000abbcaddb b a bcL. emarginataB. tymphæaT.cærulescensA. muraleA. montanumLimonA. saxatileL. marginataB. tymphæaT.cærulescensCalcaireA. muraleL. marginataB. tymphæaT.cærulescensSerpentineA. murale173


La chimie et la natureMétaux(en mg/kg)CadmiumCdPlombPbZincZnFonderie de Zn 16 260 1 300Sol agricole 0,1 23 40Figure 19Expérience montrant le développement préférentiel <strong>des</strong> racines deNoccaea caerulescens dans les zones contaminées du sol.Les feuilles contiennent plus de 1% en zinc et 0,1 % en cadmium.Figure 20A) pH de la rhizosphère de jeunesracines de maïs dans un solcontenant 20 mg/kg de cadmiumet 3 300 mg/kg de zinc ; B) pH dela rhizosphère de jeunes racinesde Noccaea caerulescens dansun sol contenant 19 mg/kg decadmium et 1 500 mg/kg de zinc.élevées de métaux. Cetteplante a un besoin interne enzinc et possède une capacitétrès élevée à séquestrer cemétal et à le rendre indisponiblepour elle-même.Dans tous ces phénomènesdécrits dans les <strong>sols</strong> et lesplantes, c’est la chimie quiopère continuellement. Examinons-lade plus près, comprenonsgrâce à elle ce qui sepasse précisément dans les<strong>sols</strong> et les plantes, et commenton peut ainsi optimiserles procédés de traitement<strong>des</strong> <strong>sols</strong> pollués pour conduireà leur guérison.5.3.4. La chimiede la phytoextractionLe pH de la rhizosphèreL’interface sol-racine, ourhizosphère, est un milieudans lequel l’activité chimiqueet biologique est intense. Lesréactions chimiques qui s’ydéroulent sont nombreuses,complexes et encore malconnues. Par exemple, le pHdu sol est modifié par la présencede racines vivantes. LaFigure 20A montre sur une racinede maïs une diminutiond’une unité de pH au voisinagede la racine. Ce changementdans l’acidité de la rhizosphère174mm2422201816141210864200 2 4 6 8mmmm2422201816141210864200 2 4 6 8mmA4,85,05,25,45,6201816141210864200 2 4 6 8 10 12mmmmmm201816141210864200 2 4 6 8 10 12mmB7,67,88,08,28,4


contribue à modifier les réactionschimiques (réactionsd’échange, d’oxydo-réduction,de complexation, de solubilisation),et, par conséquent, la solubilité<strong>des</strong> éléments et leurstransferts vers les surfaces<strong>des</strong> racines. Ces variations depH dépendent de la plante etde son environnement physico-chimique,comme laforme de la nutrition azotée,la concentration en élémentsnutritifs. Par exemple, nousavons montré <strong>des</strong> comportementsdifférents pour l’hyperaccumulateurNoccaea caerulescenset le maïs, ce dernierentraînant une augmentationde pH au voisinage de la racine(Figure 20A).Les métaux dans les planteshyperaccumulatricesLes métaux absorbés par lesplantes hyperaccumulatricessont soumis à <strong>des</strong> processusde transport puis de séquestrationdans les parties aériennes,les feuilles en particulier.La Figure 21 montre<strong>des</strong> résultats d’analyses spectroscopiquespar microPIXEd’une coupe de feuille d’unhyperaccumulateur de nickel,Senecio coronatus (Encart :« La spectroscopie par micro-PIXE »). Le nickel a tendance àse localiser dans les cellulesde l’épiderme <strong>des</strong> feuilles.Chez d’autres espèces et avecd’autres métaux tels que lezinc, les cellules de l’épidermeassurent une part importantede la séquestration.D’autres étu<strong>des</strong> montrent parailleurs que dans les cellulesvégétales, les métaux sont généralementséquestrés sousune forme complexée. Le nickel,qui a été le plus étudié,<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésFigure 21A) Localisation du nickel dansl’épiderme <strong>des</strong> feuilles de Seneciocoronatus (B), hyperaccumlateurde nickel (Afrique du Sud) ;C) analyse par MicroPIXE (lescouleurs chau<strong>des</strong> correspondentaux concentrations élevées).ABCY (mm)1,20,60,00,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5X (mm)jola_w284_12.evt1,20,60,01,20,60,0jola_w284_12.evt0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5X (mm)jola_w284_12.evt0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5X (mm)5,04,54,03,53,02,52,01,51,00,50,0KCaNi1,00,80,60,40,20,0K conc (wt%)Ca conc (wt%)3,63,22,82,42,01,61,20,80,40,0Ni conc (wt%)175


La chimie et la natureLA SPECTROSCOPIE PAR MICROPIXERappel sur la methode PIXE*PIXE (Particle Induced X-ray Emission ou émission de rayons X induite par <strong>des</strong> particuleschargées) est une technique d’analyse spectroscopique puissante et non-<strong>des</strong>tructive utiliséepour mesurer la composition d’échantillons en éléments chimiques majeurs, mineurs, etmême sous forme de traces. Elle repose sur le principe suivant : quand un matériau estexposé à un faisceau d’ions, ses atomes sont stimulés et émettent un rayonnement X, caractéristiquesde chaque élément chimique, que l’on peut alors détecter.La microPIXELa microPIXE est une extension récente de la PIXE où sont utilisés <strong>des</strong> faisceaux très ciblés(jusqu’à 1 micron), apportant une capacité supplémentaire à l’analyse. Elle peut être utiliséepour déterminer la distribution <strong>des</strong> éléments traces pour une large gamme d’échantillons.Il est possible d’y associer la technique PIGE (Particle Induced Gamma-ray Emission) afin dedétecter <strong>des</strong> éléments légers.* Voir aussi l’application de PIXE à l’étude <strong>des</strong> œuves d’art dans : La chimie et l’art, le génie au servicede l’homme, Chapitre de P. Walter, coordonné par M.-T. Dinh-Audouin, R.A. Jacquesy, D. Olivier et P.Rigny, EDP Sciences, 2010.176Figure 22Mo<strong>des</strong> de séquestration<strong>des</strong> métaux dans unhyperaccumulateur de nickel :Leptoplax emarginata.Figure 23Approche générale pour la phytoextraction <strong>des</strong> métaux par les plantes.forme <strong>des</strong> complexes avec lecitrate, le malate ou encorel’histidine. Par exemple, nousavons montré que l’hyperaccumulateurLeptoplax emarginata,fréquemment rencontré dansles Balkans, la tige contient préférentiellementdu citrate et lesfeuilles du malate (Figure 22).5.3.5. Le procédéde phytoextractionLa Figure 23 illustre l’approchegénérale pour la phytoextraction<strong>des</strong> métaux dans <strong>des</strong> <strong>sols</strong>pollués. Les plantes sont cultivées,récoltées, séchées et éliminéesen centre de stockage.Afin de compenser l’énergiedépensée, il est possible d’utiliserla biomasse comme sourced’énergie voire comme sourcede métaux pour <strong>des</strong> applicationsindustrielles, commenous allons le voir plus loin(paragraphe 5.4 la phytomine).Pour évaluer le potentiel dephytoextraction en conditionsnaturelles, nous avons fait ap-


pel à une pelouse métallicoledans le Nord-Pas-de-Calais(Figure 24). Les plantes poussentnaturellement sur ce solpollué par le zinc, le cadmiumet le plomb et, parmi elles, <strong>des</strong>hyperaccumulateurs. À partirde coupes <strong>des</strong> végétaux, on apu mesurer la concentrationmétallique dans la biomasseainsi récupérée et la contributionde chaque espèce au prélèvementdu zinc. L’extrapolation<strong>des</strong> résultats obtenus aboutit àune extraction de 10 kg de zincpar hectare, ce qui, en valeurabsolue, n’est pas négligeable.Cependant, le rendement dephytoextraction, calculé parrapport au zinc présent dansle sol n’est que de 0,13 %. Danscertaines situations, les expériencesont montré qu’il étaitenvisageable d’abaisser lacharge totale en métaux avecmoins de dix années de culture.Mais c’est la diminution de lafraction disponible qui restele principal atout de ce procédé.En effet, avec <strong>des</strong> planteshyperaccumulatrices, on peut,en une seule culture sur <strong>des</strong><strong>sols</strong> très contaminés, obtenirune réduction allant jusqu’àplus de 20 % de la fractionmétallique disponible dans<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésABZn (g/ha)Figure 24Quantification de la phytoextraction11 000naturelle. A) Des étudiantes en10 00010 kg/ha zincthèse prélevant <strong>des</strong> coupes d’1 m 29 000d’un sol sur le site d’une ancienne8 000Armeria maritimafonderie de zinc, afin d’étudierla quantité de zinc extrait par les7 000Arabidopsis halleri plantes ; B) rendement mesuré de6 000la phytoextraction du zinc. Au bilan,5 000Arrhenaterum elatius on trouve 7760 kg/ha en zinc dans le4 000sol, soit un rendement d’extractionAutresde 0,13 % : dans cette situation3 000de très forte contamination,2 000la dépollution est irréaliste !1 0000I II III IVsecteurSol : 8 530 6 600 3 880 3 230 mg/kg zinc177


La chimie et la nature178Figure 25Phytoextraction : influence <strong>des</strong>hyperaccumulateurs sur le cycle etla biodisponibilité <strong>des</strong> métaux.Une seule culture peut réduire deplus 20 % la taille du compartimentdisponible !les <strong>sols</strong>. En agissant sur lecompartiment disponible, lesplantes hyperaccumulatricescontribuent ainsi à abaisserle risque environnemental etle transfert vers les cibles environnementaleset la chaînealimentaire (Figure 25).Des expérimentations conduitesen Chine sur le site pollué présentéprécédemment (Figure 6)ont montré que la co-culturedu maïs et d’un hyperaccumulateurde zinc et de cadmium,le Sedum alfredii, apportaitune amélioration importante :alors qu’en l’absence deplante hyper accumulatrice,la concentration en cadmiummesurée dans le maïs est de0,32 mg/kg, elle <strong>des</strong>cend à0,20 mg/kg en présence d’hyperaccumulateur,ce qui réduitdonc significativement lerisque de contamination <strong>des</strong>populations (Figure 26).5.4. La phytomine :une fonctionnalité émergentede l’agricultureDans le cadre d’une collaborationinternationale, nous avonsdéveloppé depuis 2004 un programmede recherche (France,Albanie, Canada, États-Unis)afin de valoriser le potentielde la phytoextraction <strong>des</strong> métaux,programme qui associe<strong>des</strong> compétences en botanique,agronomie, chimie et génie <strong>des</strong>procédés. Ce programme vise àdévelopper une nouvelle fonctionnalitéde l’agriculture : lesfilières agro-métallurgiquespour récupérer <strong>des</strong> métaux àforte valeur ajoutée présentsdans le sol à l’état dispersé. Ils’agit de la phytomine (Encart :« Les phytomines, ou commentutiliser <strong>des</strong> plantes pour la métallurgie»). On retrouve bienentendu dans cette phytométallurgietoutes les étapes de


AFigure 26A) Sols contaminés par <strong>des</strong> eaux de mine de plomb, zinc et cadmium à Guandong (Chine) ; B) association demaïs et de Sedum alfredii (hyperaccumulateur de zinc et cadmium). On observe une réduction du transfertdu cadmium.B<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminésLA PHYTOMINE, OU COMMENT UTILISER DES PLANTES POUR LA MÉTALLURGIE– Origine de la phytomine : Baker et coll. (1994)– Premier brevet : Chaney et coll. (1998)– Filière pour valoriser : zones ultramafiques peu fertiles, zones polluées par le nickel (ouautre métal), valorisation <strong>des</strong> stériles miniers, premiers essais en Europe (2004, Albanie)– Principe de la phytomine : Figure 27Figure 27Principe de la phytomine.179


La chimie et la naturela phytoextraction, auxquelless’ajoutent de l’hydrométallurgieou de la pyrométallurgieen vue d’obtenir <strong>des</strong> métaux àhaute valeur ajoutée capablesd’apporter un revenu aux agriculteurs.Simultanément, celapermet un suivi écotoxicologiquedu milieu.Dans le programme, le métald’intérêt est le nickel, mais <strong>des</strong>réflexions sont en cours pourétendre cette application à <strong>des</strong>métaux rares. La plante choisieest Alyssum murale (voir laFigure 17D), cette plante auxfleurs jaunes accumulatrice denickel, de la famille <strong>des</strong> Brassicaceae,qui se développeparticulièrement bien sur les<strong>sols</strong> de serpentine, riches ennickel et peu profonds commedans les Balkans. Les expérimentationsont été menéesen Albanie, dans une zone oùla culture est localisée sur les<strong>sols</strong> alluviaux, et où les pentes<strong>des</strong> collines constituées de <strong>sols</strong>ultramafiques (qui sont <strong>des</strong><strong>sols</strong> magmatiques très pauvresen silice) sont occupées par unerare végétation (Figure 28). Surces <strong>sols</strong> peu profonds et peufertiles, Alyssum murale se développetrès facilement.Les résultats obtenus sont trèsencourageants. Les essaisréalisés en plein champ ontmontré que le nickel est particulièrementabondant dans laplante à l’époque de la floraison,stade de récolte idéal pourl’extraction du nickel. Une fertilisationaugmente fortementla quantité de nickel extraite(Figure 28). De même, l’utilisationd’herbicide qui élimineles plantes concurrentes augmenteaussi les rendementsjusqu’à obtenir 100 kg/ha denickel (Figure 29).Actuellement, on peut espérerun potentiel de 200 kg de nickelpar hectare en optimisanttous les volets de l’extraction,ce qui devient économiquementintéressant.Après récolte de la biomasse(Figure 30), il est possibled’appliquer soit un traitementpyrométallurgiquepour récupérer directementFigure 28180Sols alluviaux profonds dans<strong>des</strong> régions méditerranéennes(Balkans).> 2 000 mg/kg de nickel ; 10 % de lasurface de l’Albanie.


Concentration de nickel, calcium etmagnésium dans l’Alyssum murale2,521,510,50VégétationDébutde lafloraisonFloraisonFinde lafloraisonNi (%)Ca (%)Mg (%)Finde lavégétation<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminés« Stade de végétation »Figure 29Résultats d’essais de phytomine en plein champ, avec Alyssummurale, sur <strong>des</strong> <strong>sols</strong> ultramafiques en Albanie. Fertilisation NPK(azote, phosphore, potassium), contrôle <strong>des</strong> adventices, suivi <strong>des</strong> sta<strong>des</strong>phénologiques, définition de la période de récolte, mesure de la biomasseet de la concentration du nickel dans les parties aériennes. On constatequ’une fertilisation augmente fortement la quantité de nickel extraite parla plante.kg de nickel par hectare8070605040302010022,6TémoinEngrais + herbici<strong>des</strong>2005-2006 :fertilisé(sans herbicide)18,469 kg NI par ha696,91,722005 2006 2007Année de culture2007-2008 :fertiliséavec herbicide4,355 kg Ni20082009100 kg Nipar haFigure 30Rendement de phytominePotentiel ? 200 kg Ni par ha ?le nickel métal, soit un traitementhydro métallurgique(Figure 31) qui permet d’élaborer<strong>des</strong> composés du nickelà plus forte valeur ajoutée quele nickel métal. Nous avonsdéposé un Brevet qui permetde produire un sel doublede nickel et d’ammonium viacette chaîne de procédés. Lesexpérimentations sont maintenantau stade pilote.181


La chimie et la natureABFigure 31A) Traitement de la biomasse (Barbaroux, 2010) ; B) Synthèse d’un sel double de nickel (Mercier, Smonnot,Barbaroux et coll., Brevet 2011).182La phytoremédiation :<strong>des</strong> perspectives pourun développement durableLa phytoremédiation recouvre une large gammede procédés agro-écologiques. Générée parl’énergie solaire et sans altération de la fertilitédu sol, elle répond aux critères du développe-


ment durable. Elle peut donc s’appliquer à detrès gran<strong>des</strong> surfaces et à <strong>des</strong> contaminationssuperficielles, et c’est une approche efficacepour abaisser les risques liés aux <strong>sols</strong> contaminés.Elle permet d’élaborer un tampon entreles zones polluées et la biosphère.La phytoremédiation comporte néanmoins <strong>des</strong>limites, qui sont d’abord agronomiques : il fautsélectionner les meilleures plantes, disposerde semences et appliquer <strong>des</strong> itinéraires techniquesappropriés. De plus, l’application de cesprocédés à la dépollution <strong>des</strong> friches industrielleset <strong>des</strong> <strong>sols</strong> urbains contaminés impliqueune acceptation au plan technologique par lesentreprises et les donneurs d’ordres, qui opposentsouvent le temps nécessaire pour privilégierd’autres techniques de traitement.Au-delà de la dépollution, les procédés dephytoremédiation doivent permettre désormaisla valorisation <strong>des</strong> milieux pollués ounaturellement très chargés en métaux. Ainsi,dans le cas de la phytoextraction, le procédéest maintenant intégré dans <strong>des</strong> filières à intérêtsocio-économique telles que la productionalimentaire – comme nous l’avons vu dans laco-culture de maïs et de plantes hyperaccumulatricesen Chine –, ou encore dans les cas oùla production de biomasse comporte un intérêtindustriel comme dans la phytomine, où l’onpeut coupler la phytostabilisation <strong>des</strong> <strong>sols</strong> à laphytoextraction pour récupérer <strong>des</strong> métaux àhaute valeur ajoutée. Cette métallurgie verteencore expérimentale reste pour le momentlimitée aux métaux pour lesquels il existe<strong>des</strong> plantes hyperaccumulatrices, comme lecadmium, le nickel, l’arsenic et le zinc.Les perspectives de développement de laphytoextraction sont, d’une part, d’augmenterla gamme d’éléments pouvant faire l’objetde la phytomine en s’appuyant sur les plantes<strong>Phytoremédiation</strong><strong>des</strong> <strong>sols</strong> contaminés183


La chimie et la natureaccumulatrices à forte production de biomasseet, d’autre part, d’augmenter la biodisponibilité<strong>des</strong> métaux par un contrôle <strong>des</strong> processusrhizosphériques et l’addition de composésappropriés, comme <strong>des</strong> agents complexantsdans les <strong>sols</strong>. Dans le cas du nickel, nos travauxont démontré que la phytomine constitue unefilière offrant un rendement économique analogueà celui <strong>des</strong> cultures de céréales. Il y a là uneperspective très encourageante pour les agriculteurset pour le développement de procédésd’extraction minière innovants et répondantaux critères de développement durable.184

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