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Wolfgang Rihm - Festival d'automne à Paris

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FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 200915 SEPTEMBRE – 19 DÉCEMBRE 200938 e ÉDITIONDOSSIER DE PRESSEMUSIQUE<strong>Festival</strong> d’ Automne à <strong>Paris</strong>156 rue d e Riv oli – 75001 <strong>Paris</strong>Renseignements et réservations :01 53 45 17 17www.festival-automne.comServ ice de p re sse : R é mi Fo rt, Mar ghe ri ta Mantero, C hr is ti ne De lter meAssis tante : Val enti ne Jej cicTél. : 01 53 45 17 13 – F ax 01 53 45 17 0 1e-mail : r.fort@festival-automne.com / m.mantero@festival-automne.comassistant.presse@festival-automne.com


Johannes Brahms<strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>Direction, Myung-Whun ChungJohannes Brahms, Ein deutsches Requiem(Un Requiem allemand), opus 45<strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>, Das Lesen der Schrift(Lire l’écriture), quatre pièces pour orchestreLes quatre pièces de Das Lesen der Schriftsont insérées entre les mouvements du Requiem allemandNatalie Dessay, sopranoLudovic Tézier, barytonMatthias Brauer, chef de choeurChoeur de Radio FranceOrchestre Philharmonique de Radio FranceMyung-Whun Chung, directionFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Sall e Pl eyelVendredi 18 septembre 20hDurée : 1h2520€ à 60€Abonnement 16€ à 48€Entre une forme héritée de Beethoven et la « soif derichesse » qu’évoqua Nietzsche, Brahms modifiade l’intérieur l’ordre du discours musical,avant que Schöenberg en tire toutes lesconséquences. Modelant ses thèmes, lestranscendant, il en tira de nouveaux matériaux etdes développements insoupçonnés sous lesceau de l’unité.Cette unité se teinte de Sehnsucht, d’unenostalgie, d’un climat de tristesse etd’évocation, d’une sourde douleur. Comme ungigantesque choral harmonisé, la chargeémotionnelle du Requiem allemand, sarésignation presque laïque, du moins fortéloignée des exaltations mystiques, vibrantenéanmoins, en serait atténuée.À quatre moments, <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong> y disposedes interpolations, qui constituent Das Lesender Schrift. Sombres, lentes ou calmes,contemplatives, aux timbres volontiersgraves ou en un tutti puissamment expressif,elles renforcent la substance et le caractèredu Requiem, en altèrent la forme, en façonnentles silences, en aiguisent pas à pas lalamentation, tels des monochromes ou destoiles d’Anselm Kiefer dans un édifice gothique. Etbientôt, la métaphore du titre, Lire l’écriture,annonce une possible consolation.Coproduction Radio France ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de la Fondation d’Entreprise CMA CGML’Orchestre Philharmonique de Radio-Franceest soutenu par le Crédit AgricoleConcert enregistré par France Musique et retransmis en directContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Salle PleyelPhilippe Provensal01 44 84 45 635


<strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>Quatuor ArdittiHilliard EnsembleET LUX<strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>ET LUXpour quatuor vocal et quatuor à cordescréationCommande de KölnMusik,du <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>,et du Carnegie HallQuatuor Arditti et Hilliard EnsembleFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille – amphithéâtreMardi 17 novembre 20hIntroduction au concert à 19h15Durée : 1h10€ et 15€Abonnement 10€Coréalisation Opéra national de <strong>Paris</strong>,<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Autour de Vigilia, co-commande du <strong>Festival</strong>d’Automne en 2006 et du Berliner Festspiele,tout un groupe d’oeuvres religieuses s’estdisposé dans l’oeuvre de <strong>Rihm</strong> depuis unequinzaine d’années. Adolescent, le compositeuravait été fasciné par le cérémonial catholique ets’imprégnait de la pratique du chant choral – leRequiem allemand de Brahms devient uneréférence absolue, et il se serait damné pour leMartyr de Saint Sébastien… Il se dira ensuite « douépour la mystique », mais surtout fasciné par toutce qui relève du rituel : <strong>Rihm</strong> détacheratoujours ses oeuvres scéniques de la sphèrepurement théâtrale pour les rapprocher d’uneaction sacrée. Après quelques oeuvresreligieuses composées avant l’âge de vingtans, dont un Requiescat d’après Oscar Wilde(1969), on trouve un premier Requiem avecl’oratorio Dies (1984), et, dix ans après, alorsque peut-être « l’heure approche », selonl’exergue de la première vigile, des fragmentsd’un requiem sur des textes allemands (NellySachs), une longue Passion d’après l’Évangilede Saint Luc, et un étrange Quid est Deus(2007), en écho aux psaumes stravinskiens, etqui culmine en un déchaînement depercussions. ET LUX doit au contraireintérioriser le texte liturgique du requiem :cérémonie intime où s’entrelacent le quatuor àcordes et les voix du Hilliard Ensemble,rompus aux exultations du Moyen Âge. Mais<strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>, depuis le concerto pour violonGesungene Zeit (« temps chanté »), a transformétoute corde en corde vocale.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtrePierrette Chastel01 40 01 16 796


d’orchestre. Berio retourne vivre en Europe en 1972.À l’invitation de Pierre Boulez, il prend la directionde la section électroacoustique de l’Ircam (1974-1980). Il supervise notamment le projet detransformation du son en temps réel grâce ausystème informatique 4x créé par Giuseppe diGiugno. Enrichi de son expérience à l’Ircam, il fondeen 1987, Tempo Reale, l’Institut florentind’électronique live. Son intérêt pour les folklores luiinspire Coro (1975), une de ses œuvres majeures.Dans les années 80, Berio réalise deux grandsprojets lyriques : La Vera Storia (1982) et Un re inascolto (1984) sur des livrets d’Italo Calvino. Tout encontinuant à composer, il revisite le passé enréalisant des transcriptions, des arrangements, etnotamment à travers la reconstruction de laSymphonie no.10 de Schubert (Rendering, 1989).Parallèlement à son activité créatrice, Berio s’estimpliqué sans relâche dans des institutionsmusicales italiennes et étrangères. Sa notoriétéinternationale a été saluée par de nombreux titreshonorifiques universitaires et prix, dont un Lion d'orà la Biennale de Venise (1995) et le PraemiumImperiale (Japon).Luciano Berio meurt à Rome, le 27 mai 2003.© Ircam - Centre Pompidou, 2007Luciano Berio au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1977 : Coro1979 : Opera1984 : PassaggioA-Ronne (documentaire sur un poème d’EdoardoSanguineti)1989 : Canticum novissimi testamenti1990 : Coro1991 : Quartetto1992 : Canticum Novissimi Testamenti (version intégrale)CalmoOfanim1995 : 0 KingDuetti pour Due canti popolari1997 : Alternatim1999 : OutisJean BarraquébiographieJean Barraqué est né en 1928, à Puteaux. Adolescent,il se destine à la prêtrise. Sa découverte de laSymphonie inachevée de Schubert et le chocémotionnel qu’elle lui procure, le décide à setourner vers la composition. Après des étudesd’harmonie, de contrepoint et de fugue, auprès deJean Langlais, il entre en 1948 dans la classed’Olivier Messiaen au Conservatoire de <strong>Paris</strong>, enqualité d’auditeur libre. Suit, en 1952-1953, un stageau sein du Groupe de recherche de musiqueconcrète. Il collabore ensuite à une émissionmensuelle, Jeune Musique, dont André Hodeir est lerédacteur en chef. Il écrit pour Le Guide du concert,tout en donnant des cours privés et, de 1956 à 1960,un cours collectif d’analyse. En 1952, il achèveSonate et rencontre Michel Foucault. Après lacréation de Séquence en 1956, il rédige et date, surdeux pages, un plan général de La Mort de Virgile,vaste cycle d’après le roman de Hermann Broch,duquel naîtront Le Temps restitué, …au-delà duhasard, Chant après chant, et plusieurs projets :Discours, Lysanias, Portiques du feu, Hymnes àPlotia et Arraché de… commentaire en forme delecture du “Temps restitué”. Il travaille, entre 1957et 1959, à deux projets de composition dramatiqueavec Jean Thibaudeau et Jacques Polieri. En 1961, ilest nommé au CNRS en section de philosophie(directeur, Étienne Souriau), statut qu’il conservejusqu’au 30 septembre 1970. L’année suivante paraîtson Debussy, traduit en plusieurs langues et pourlequel Varèse lui fait transmettre son admiration. Ilachève Concerto en 1968 et, à la suite d’un incendieet divers déménagements, perd la moitié de lapartition écrite des Portiques du feu. En 1969, ilétablit un projet de drame lyrique, L’Hommecouché, également d’après La Mort de Virgile.En 1971, la condamnation du Tribunal de grandeinstance de <strong>Paris</strong> en réparation du dommage moralque constituent, dans son Debussy, les attaquescontre Satie, s’ajoute à la maladie et à l’échec de sacandidature au poste de professeur d’analyse auConservatoire national de musique de <strong>Paris</strong>.1973 marque sa nomination comme Chevalier del’Ordre national du mérite.Frappé d’hémiplégie, Jean Barraqué meurt le 17août 1973 à la Salpêtrière et est inhumé aucimetière de Trelevern.Jean Barraqué au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2004 : …Au-delà du hasardLe Temps restitué10


Entretien avec Carolin WidmannComment êtes-vous devenue la musicienne quevous êtes aujourd’hui, allant et venant entre lesrépertoires ?Carolin Widmann : C’est un faisceau de circonstances.Il y a tout d’abord ma famille, et l’influence précocede mes parents qui, bien que non musiciens, sontdes mélomanes avertis — à tel point que mon frèreest aussi musicien, et compositeur. Plus tard, j’aifait quelques rencontres importantes qui ontorienté mon parcours et dont je porte encore lamarque. Pour le violon, ça a été Michèle Auclair. Puisj’ai rencontré des compositeurs comme PierreBoulez, <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong> ou George Benjamin, quim’ont réellement plongée dans le monde de lacréation. Impressionnée, j’ai voulu en savoir un peuplus sur eux et sur leurs musiques. J’ai donccommencé à étudier certaines de leurs œuvres, puisà les travailler. Au début, elles ne figuraient mêmepas au programme de mes concerts, j’étaissimplement mue par ma curiosité et ma fascination— j’étais encore toute jeune et j’avais encore dutemps pour ce travail-là. Les concerts consacrés àces répertoires ne sont venus que plus tard.J’ai donc aujourd’hui un répertoire très mélangé. Jemène des vies parallèles avec, d’un côté, lesconcertos de Beethoven, Brahms ou Prokofiev et, del’autre, les créations. Je ne veux abandonner ni l’unni l’autre.Il me semble important d’éviter la ghettoïsation dela musique d’aujourd’hui. On ne peut occulter ainsitoute une période de l’histoire de la musique. Il fautse souvenir que ces compositeurs sont les héritiersde l’Histoire. Ils la connaissent souvent très bien etse situent dans sa continuité. Mieux on connaîtl’histoire de la musique, plus on est à même de jouerla musique, quelle que soit la période à laquelle ellea été composée.Comment parvenez-vous à passer ainsi, apparemmentsans heurt, d’un répertoire à l’autre ? D’un point devue strictement technique.Carolin Widmann : Le problème qui se pose entrel’interprétation de la musique classique et desmusiques des XX ème et XXI ème siècle se pose égalemententre les musiques baroque et romantique — on sousestimetrop souvent la différence entre ces techniquesde jeu. Mais j’aime justement cette gymnastique,quotidienne pour moi : travailler une périodemusicale m’aidera même souvent à trouver lestechniques adaptées à une autre période.Pour les œuvres récentes, il n’existe souvent aucunenregistrement : je dois trouver seule les solutions.Cette confrontation solitaire est pleine d’enseignementspour l’interprétation des autres répertoires, danslesquels il faut parfois se détacher de ce qui se faitet trouver des moyens d’expression inédits.L’enseignement m’est d’une grande aide dans cettedémarche. La diversité des œuvres que je travailleavec mes élèves me force à rester souple.Comment déterminez-vous vos programmes ? Avez-vousdes affinités avec une esthétique en particulier oupréférez-vous métisser les répertoires ?Carolin Widmann : Le plus important dans le choixd’un programme de récital est de trouver, soit unpoint commun entre toutes les œuvres (forme,compositeur, période) ou un lien entre elles (entermes d’esthétiques ou de sujet), soit, à l’opposé,de ménager des contrastes forts — comme MortonFeldman et Iannis Xenakis, par exemple, qu’on a dumal à imaginer vivre à la même période. Je suisparfois aidée dans mes choix et certaines suggestionsme sont précieuses.Quant aux esthétiques, je suis très attachée — peutêtreseulement parce que j’y ai grandi et sanspréjuger aucunement des autres écoles — à latradition d’Europe Centrale. Je me reconnais moinsdans la scène musicale américaine, par exemple.Comment choisissez-vous vos les œuvres que vouscréez ? Défendez-vous toutes les partitions, toutesles esthétiques, de la même manière ?Carolin Widmann : On ne sait jamais a priori à quoila musique ressemblera lorsqu’il s’agit d’unecommande et j’ai parfois des regrets quand j’aienfin la partition devant les yeux. Mais mon devoirest de rendre justice à toutes ces œuvres, au mêmetitre que celles de Bach ou Brahms. J’essaie donc demettre mes sentiments de côté et d’aborder chaquepartition comme un sommet artistique. Je ne suisqu’un interprète, un intermédiaire entre lecompositeur et le public. Ça ne fait évidemment pasde mal si j’aime la musique et je m’investis d’autantplus qu’elle me touche — ce qui a été le cas pourcertaines créations que j’ai faites durant cesdernières années — mais, sur scène, je me dois del’aimer tant que je la joue. C’est mon métier.Que se passe-t-il justement quand vous n’êtes pasconvaincue ?Carolin Widmann : C’est parfois très enrichissantégalement. Mon expérience avec Esa-Pekka Salonenen est un bon exemple. J’ai fait la créationallemande d’une de ses œuvres pour violon seul.Pour être honnête, la partition relevait d’uneesthétique américanisante qui m’est assezétrangère. Puis je l’ai rencontré et il m’a beaucoupappris sur lui-même et sa musique. Il m’a faitprendre conscience du rôle mineur que, en tantqu’interprète, je joue dans l’histoire de la musique.Il m’a aussi fait comprendre que la manièreeuropéenne d’aborder la musique — exclusivementcérébrale ou presque — n’est pas forcément meilleureque celle, plus sensuelle, qui guide les compositeursaméricains. Depuis, j’essaie de ne plus me poser enjuge.Y a-t-il des créations que vous avez particulièrementaimées faire ? Et d’autres dont vous avez lesentiment qu’elles resteront dans l’histoire commedes chefs-d’œuvre ?Carolin Widmann : L’an dernier, le Concerto pourviolon de <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>. Non seulement je penseque c’est réellement une œuvre incontournable,mais j’ai pris grand plaisir à la créer avec leGewandhaus Orchestra sous la direction deRiccardo Chailly : tout était parfait ! La Sonate pourviolon seul de Jean Barraqué, que je vais créer lorsde mon récital au <strong>Festival</strong> d’Automne me sembleaussi être un de ces sommets.11


Parlons justement à présent des deux concerts quevous donnerez au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> à la finde l’année. Connaissiez-vous les diverses pièces quevous allez jouer, la Sonate de Jean Barraqué mise àpart, bien sûr ?Carolin Widmann : En concert, je n’ai pour l’instantjoué que Über die Linie de Wolgang <strong>Rihm</strong> et laSequenza VIII de Luciano Berio. Mais je connaisnaturellement les deux œuvres de Morton Feldman :For Aaron Copland et son Concerto pour violon.Comment prépare-t-on dès lors un tel programme,aussi long et exigeant ?Carolin Widmann : Je commence très en amont, plusde six mois avant. Surtout pour les œuvres que jen’ai jamais jouées. Je les lis, puis je les mets de côté,pour les reprendre un peu plus tard — quand arrivele concert, je les aurais ainsi vues successivementsix ou sept fois. Ainsi, le public n’entendra pas mapremière version, mais ma septième ou huitième.Pourriez-vous nous donner un aperçu de ceprogramme ? Qu’est qui vous séduit dans chacunedes œuvres ?Carolin Widmann : Concernant le Concerto pourviolon de Morton Feldman, c’est une musique belleet touchante — et je suis très heureuse de le joueravec le Hessischer Rundfunk Sinfonieorchester,pour lequel il a été écrit. Ce que j’aime dans lamusique de Morton Feldman, c’est cet état seconddans lequel elle vous plonge : on n’écoute plusseulement avec ses oreilles, mais avec son corps etsa peau. Ce n’est plus simplement de la musique, cen’est plus simplement un événement sonore, çadevient une expérience plus vaste. Morton Feldmanajuste un détail après l’autre, discrètement, et on nes’aperçoit de cette évolution subreptice que lorsquela transformation est achevée.Le défi que représente la musique de MortonFeldman — et c’est aussi valable pour For AaronCopland que je joue en récital — est en grandepartie dans l’épreuve physique qu’elle impose :jouer une note longue, un son filé, très lent et trèsdoux, sans vibrato et dans un timbre homogène etuni, est l’une des choses les plus difficiles et les plusfatigantes à réaliser pour un violoniste, plus durmême qu’un trait rapide. C’est comme un exercicezen de contrôle de la respiration, des muscles, etmême des battements de cœur, pour stabiliser et lamain gauche, et la main droite.Les œuvres au programme de mon récital sont trèsdifférentes les unes des autres — et je dois me faireà chacune comme un caméléon. C’est comme unpanorama de tout ce qui peut se faire en termesd’écriture pour le violon au vingtième siècle :chaque œuvre s’intéresse à un type de jeuparticulier — la Sequenza VIII de Luciano Beriofigurant une forme de synthèse.Über die Linie de Wolgang <strong>Rihm</strong> est assez proche deFor Aaron Copland de Morton Feldman, mais en bienplus long. Comme un voyage au long cours. Le débutest assez flou, on ne sait pas où on va — pendant les22 minutes que dure l’œuvre, qui s’enchaîne toutd’un bloc, on commence parfois à douter de soi,suis-je au bon endroit ? — puis vient un passage trèsrapide qui permet de relâcher l’énergie retenue.Puis retour au calme — ce qui est également trèsdur en termes de concentration, pour ne jamaisperdre l’auditeur en cours de route.Quant à la Sonate de Jean Barraqué, c’est un universsingulier, d’une finesse extrême.C’est un programme long, exigeant, qui mêleindistinctement cérébral et sensuel, et que je nedonnerai sans doute qu’une seule fois dans ma vie.Parlons donc de la Sonate pour violon seul de JeanBarraqué… Connaissiez-vous auparavant l’hommeet/ou son œuvre ?Carolin Widmann : Non, pas du tout. C’est JoséphineMarkovits qui me l’a fait découvrir avec cetteSonate. En Allemagne, d’ailleurs, il reste un relatifinconnu — même les spécialistes le connaissent pasou mal. Il fait figure de phénomène français etcommence tout juste à acquérir une réputationinternationale. Mais plus j’avance dans mesrecherches, plus je suis fascinée.Quelle a été votre première impression lorsque vousavez découvert la partition ? Et quand vous l’avezdéchiffrée ?Carolin Widmann : La première impression, strictementvisuelle (avant même de lire les notes), revêt toujoursune grande importance pour moi. Dans le cas de laSonate de Jean Barraqué, la partition m’est apparuepropre, très propre même. L’écriture en est subtileet élégante.À mesure que je la travaille, je découvre unemusique hautement inspirée et enthousiasmante.Je n’ai pas besoin de trop porter la pièce — elleparle déjà beaucoup par elle-même, je me contentede véhiculer ce que je ressens à sa lecture.De plus, elle relève d’une esthétique qui m’estfamilière. Les gestes musicaux sont délicats,complexes et d’une nudité qui pourrait rappelerKurtág — mais ils durent, non pas trente secondes,comme chez Kurtag, mais six à huit minutes. Il y atrès peu d’informations, très peu de matériau.Du point de vue violonistique, cette Sonate est-ellevirtuose ? Exige-t-elle un jeu inédit ?Carolin Widmann : Au premier abord, non. Je nem’aperçois de ses difficultés et de sa virtuosité quemaintenant, après l’avoir déjà bien travaillée.Coordonner le flot musical est ardu, il faut bien lesentir. Même si, techniquement, elle n’est pas aussivirtuose qu’une pièce de Iannis Xenakis, parexemple, les pièges qu’elle tend sont plus subtils etexigent beaucoup de travail.Ceci dit, j’ai cru comprendre que les autres œuvresde Jean Barraqué, sa Sonate pour piano en particulier,sont très compliquées — peut-être cette Sonatepour violon fait-elle exception.Comment travaille-t-on une création comme celle-ci,si longtemps après la mort du compositeur ? Vousêtes-vous rapprochés de certains de ses proches, oude spécialistes ?Carolin Widmann : J’essaie de sérier les problèmeset de les résoudre l’un après l’autre. Au début, c’estun travail très aride : les notes, la dynamique. Riend’expressif, juste placer les doigts. Puis le rythme —qui n’a rien d’évident. Il faut tenter non seulementde comprendre l’œuvre dans sa globalité, mais aussid’assembler un à un les différents éléments qui lacomposent, jusqu’à distinguer où la phrase nous12


emmène. Une fois que la structure est claire etintelligible, que tout s’enchaîne sans heurt, letravail de l’interprète peut enfin commencer : il fautalors trouver ce qu’on veut dire avec cette musique,quelle atmosphère donner à chaque passage, quanddoit-on aller un peu plus vite, ou un peu pluslentement, quand doit-on donner un caractèreimprovisé, quand doit-on être strictementmétronomique — toutes questions qu’on posed’habitude au compositeur. C’est donc à cesproblèmes que je dois, dans ce cas précis, apportermes propres solutions, sans filet.D’un autre côté, j’ai remarqué que certainscompositeurs accueillent les propositions desinterprètes avec un grand bonheur et une grandecuriosité — malgré l’impossibilité de validation dela part de Jean Barraqué, mes idées ne sont donc pasforcément illégitimes. En être conscient donneconfiance et aide dans le travail. J’ai toutefoisl’intention de rencontrer des spécialistes de JeanBarraqué, et notamment Laurent Feneyrou qui adécouvert la partition, ainsi que des personnes quil’ont connu — au moins pour savoir quel genred’homme il était.Propos recueillis par Jérémie SzpirglasCarolin WidmannbiographieNée à Munich en 1976, Carolin Widmann débute le violonà l'âge de 6 ans. Elle fait ses études auprès d’Igor Ozim àCologne, Michèle Auclair à Boston et David Takeno àLondres. Plusieurs fois lauréate de concours internationaux(elle a notamment remporté le Concours InternationalYehudi Menu-hin en 1998), elle a reçu en 2004 Ie prixBelmont de la Fondation Forberg Schneider, pour sonengagement dans le domaine de la musique d'aujourd'hui.Interprète renommée, Carolin Widmann est l'invitée defestivals tels que ceux de Salzbourg, Lucerne, Berlin,Davos, Aspen de Bath. Elle participe au <strong>Festival</strong> d'Automne,à Musica à Strasbourg, au <strong>Festival</strong> de Witten, auPrintemps de Heidelberg, au Las Vegas Music <strong>Festival</strong>et au Sangat <strong>Festival</strong> de Bombay, en Inde.Elle joue avec l'Orchestre symphonique de la radiobavaroise, le Philharmonique de Stuttgart, le LondonSinfonietta, le BBC Symphony Orchestra, l'Orchestredu Gewandhaus, le China Philharmonic, la Cameratade Saint Petersbourg, le Philharmonique de Belgrade,ainsi qu’avec le Pittsburgh Symphony ; sous ladirection de Yehudi Menuhin, Peter Eötvös, MichaeISchonwandt, Walter Weller, Jonathan Nott, ChristophPoppen, Heinz Holliger, ou encore Stefan Asbury.En août 2008, elle participe aux Proms' de la BBC au RoyalAlbert Hall de Londres, sous la direction de GeorgeBenjamin ; puis créer en septembre, un concerto deviolon de <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>, avec l'Orchestre du Gewandhausdirigé par Riccardo Chailly.Outre les oeuvres que <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>, Matthias Pintscher,Jorg Widmann, Erkki-Sven Tüür ont composées pour elle,Carolin Widmann interprète, avec la soprano SalomeKammer, les Kafka Fragmente de György Kurtag et joueles oeuvres pour violon de George Benjamin, SalvatoreSciarrino, Pierre Boulez.Le CD Reflections l a obtenu le Prix de la critique allemandeen 2006. ECM a publié en septembre 2008 un CD consacréaux Sonates pour violon et piano de Robert Schumann,son premier enregistrement sous ce label, avec DenesVarJon au piano.Carolin Widmann vit à Londres et à Leipzig où, depuis2006, elle enseigne le violon à l’Ecole supérieure demusique et de théâtre Felix Mendelssohn Bartholdy.Carolin Widmann au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2007 : Contrastes de Béla BartókCaprices n° 1, 2, 4, 6 de Salvatore SciarrinoStudy III for Treatise on the Veil de MatthiasPintscherà l’Auditorium du Louvre2008 : 13 Duos de Jörg WidmannStunden-Blumen de Toshio HosokawaQuatuor pour la fin du Temps de Olivier Messiaenà la Maison de la culture du Japon13


Jacques LenotInstants d’Il y aIl y aJacques LenotInstants d’Il y a, installation sonore d’après Il y aIl y a, concert en quatre séquencesCréationRéalisation informatique musicale Ircam,Gregory Beller, Ercic DaubresseIngénieur du son, Sylvain CadarsFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Egl ise S ai nt-E us tacheInstallation sonore / Instants d’il y aLundi 21 au mardi 29 septembreChaque Jour 11h30, 14h30, 15h30, 16h30, 17h30Durée : 7’entrée libreConcert / Il y aMardi 29 septembre 21hDurée : 1h7€ et 10€Abonnement 7€Commande de l’Ircam-Centre Pompidouet du <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Coproduction Ircam-Centre Pompidouet <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le concours de la Sacem« L’idée précise et persistante d’un poudroiementsonore s’est forgée progressivement aprèsl’étrange sensation vécue lors de la découverte duJudischer Friedhof (cimetière juif) berlinois dePrenzlauerberg, enchâssé entre la SchönhauserAllee et la Kollwitzplatz. » À partir d’unesensation réelle et vécue et de cette idéesonore, Jacques Lenot dispose ses chutes desons, cascades de cloches, ou mécaniquehorlogère dans l’Église Saint-Eustache car ilfallait, selon ses mots, que « ce poudroiementpuisse tomber, et de très haut. »À la recherche d’un univers riche d’imagespoétiques, Jacques Lenot dévoile quelquesunesde ses sources d’inspiration : bruissementsde balanciers des pendules, cliquetis de sonenfance dans une famille d’horlogers, et plustard, la dernière Elégie de Duino de RainerMaria Rilke, l’invocation des Lamentations deJérémie, la vision du Char de Yahvé d’Ézéchiel ;enfin, l’extrait d’un dialogue entre EmmanuelLévinas et Philippe Nemo. D’un rêve debonheur (Rilke), du bruit de la gloire de Yahvé(Ézéchiel) en passant par une réflexion sur le «il y a » (Lévinas), Jacques Lenot réalise sonpremier travail avec l’informatique musicale àl’Ircam ; il étend ainsi son champ créateur enquête d’une perpétuelle indépendance. L’imaginairede cette oeuvre conçue comme une mécaniquehorlogère d’où tombe une « poudre-cloche »,trouve dans l’Église Saint-Eustache une cristallisationmusicale, poétique et spirituelle.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Opus 54Valérie Samuel, Marine Nicodeau01 40 26 77 9414


Entretien avec Jacques LenotVous venez de travailler pour la première fois avecl'IRCAM, comment se sont déroulées les séances detravail ? Est-ce une façon différente, moins solitaire,de concevoir l'acte de création ?Jacques Lenot : Je distinguerais trois phases dans letravail accompli: - la phase poïétique proprementdite, où s'ébauche puis se charpente le projetd'œuvre musicale. C'est le moment des plans, del'architecture et du matériau ; - la phase de réalisationtechnique, où les outils créés collectivement sont à ladisposition du compositeur. Je dirais que c'est durantcette phase que la collaboration avec l'IRCAM prendplace ; - la phase de diffusion, qui fait intervenir laréception et le jugement esthétique. Nul doute quetout compositeur a une conscience aiguë desréférences esthétiques de son projet (les qualificatifs neviennent-ils pas, quasi immédiatement, connoter touteréception?). Il sait combien cette inscription esthétiquerevêt de signification. En d'autres termes, cela signifieque je suis venu dans les studios de l'IRCAM munid'une œuvre déjà formée, doublée d'un projet deréalisation en sons électroniques déjà défini. Ce quifut tout à fait fructueux, ce fut la disponibilité demes deux collaborateurs successifs, Eric Daubressepuis Grégory Beller, au service de cette phase deréalisation ; tant leurs qualités pédagogiques queleur patience de médiateurs ont permis undéveloppement intéressant de la première phase.Vos références extra-musicales sont nombreuses etassumées, pourquoi ?Jacques Lenot : La littérature et les arts plastiquessont effectivement des compagnons de vie ! C'est lecontraire qui me paraîtrait surprenant... Est-ce unpoint de départ pour la composition ? Non, dans lesens qu'il n'y a aucune relation de cause à effetentre les œuvres littéraires que j'investis et mesprojets musicaux : ces deux mondes vont de pairmais n'entretiennent pas de rapports fonctionnelsl'un avec l'autre. En revanche, il arrive fréquemmentque l'immersion dans le style d'un auteur (ou dansmes affects en tant que lecteur) m'offre cet espacede liberté indispensable à ma propre projectiondans une nouvelle pièce sonore.Comment avez-vous conçu Il y a ?Jacques Lenot : Après la découverte du cimetière juif(Jüdischer Friedhof) de Prenzlauerberg, à Berlin,s'est développée en moi une étrange sensation... Cevécu est à la fois situable (août 2005), tout à faitprécis (le cimetière est enchâssé entre laSchönhauser Allee et la Kollwitz-Platz), et diffus. Ilest à l'origine d'une sensation prolongée et nourrie,une sorte d'étrange familiarité. Je dirais que cettesensation s'apparente à un pressentiment, mais quecelui-ci est aussi imprégné de "souvenirs" puisésnotamment dans le final de la dernière Elégie deDuino, de Rainer Maria Rilke, les Lamentations deJérémie ou encore la vision du "char de Yahvé"d'Ezéchiel.La façon d'aborder le lieu (Saint-Eustache), la formeou le timbre est sans doute différente qu'avec unepièce instrumentale ?Jacques Lenot : Je n'avais pas prévu que le lieu seraitnécessairement une église. Mais la hauteur delaquelle les sons "tomberaient" me semblaitconstituer un impératif. Saint-Eustache se révèleeffectivement idéale pour ce projet. Bien davantageque les timbres, ce sont les textures et lesintervalles qui jouent un rôle déterminant. La microtonalitéest ici explorée en corrélation étroite avecle "poudroiement" que je voulais obtenir...Jacques LenotbiographiePropos recueillis par Rodolphe Bruneau-BoulmierNé en 1945 en Charente-Maritime, Jacques Lenot atoujours défendu son indépendance, se tenant àl’écart des circuits officiels de la musiqued’aujourd’hui. Révélé par Olivier Messiaen quiimpose sa première œuvre à l’Orchestre nationalde l’Office de Radiodiffusion Télévision Française(ORTF) en 1967 dans le cadre du festival de Royan, ilrevendique toujours son appartenance à l’écolesérielle, bien qu’il ait pris ses distances avec elletechniquement. Il rencontre Karlheinz Stockhausen,György Ligeti et Mauricio Kagel à Darmstadt dès 1966,puis débute une carrière italienne avec SylvanoBussotti, à Rome en 1969, puis à Milan.Jacques Lenot s’initie à la calligraphie et puise soninspiration dans son sens inouï du contrepoint.Harry Halbreich lui consacre une grande partie dufestival de Royan en 1974 et lui commande deuxœuvres pour le quatuor Berner et pour l’orchestresymphonique de la radio de Baden-Baden en 1977.En 1974, il est invité à l'Académie musicale Chigianade Sienne par Franco Donatoni, qui lui fait signer uncontrat d’édition chez Suvini Zerboni à Milan. Aprèsla création par Pierre Boulez et l’EnsembleIntercontemporain d’une des pièces d’un cycle écriten 1980 pour Madame Salabert, Allégories d’exil, ilentame Pour Mémoire, cycle de plusieurs combinaisonsde grands orchestres, créé à la Salle Pleyel en 1983. Ilopère ensuite sa première phase de recul. MauriceFleuret, alors directeur de la musique du ministèreJack Lang, lui commande une œuvre pour le GroupeVocal de France. Plusieurs montages voient le jourjusqu’au Déchaînement si prolongé de la grâce, queHenri Ledroit interprète en 1986. Le décès de cedernier, en 1988, puis ceux de nombreux amis,provoquent une crise grave chez Jacques Lenot etson départ de <strong>Paris</strong>. Il réside dans le Gers de 1992 à1997, se familiarise avec l’orgue et compose lamajorité de ses recueils, en parallèle à ses Vingtquatrepréludes pour piano. Jacques Lenot composepour tous les genres musicaux. J’étais dans mamaison et j’attendais que la pluie vienne d’aprèsJean-Luc Lagarce est son premier « véritable » opéra.Ce travail se poursuit pendant presque dix ansautour d’un premier projet — Roberto Zucco deBernard-Marie Koltès — refusé par son ayant droitaprès sa composition. Sa nouvelle œuvre voit le jourle 29 janvier 2007 au Grand Théâtre de Genève, miseen scène par Christophe Perton, dans unescénographie Christian Fenouillat et dirigée parDaniel Kawka.La sortie des deux premiers volumes de l’enregistrementde ses œuvres pour piano — en collaboration avecun mécène privé et le label Intrada — lui vaut de15


nombreuses récompenses, parmi lesquelles cellesdu Monde de la Musique, de l’Académie Charles Croset de la Sacem ; ainsi que différentes commandes(Radio France, Abbaye de Royaumont, MusiqueNouvelle en Liberté). En 2005, il est fait Chevalier desArts et Lettres.Les Editions Musica Falsa et la Sacem viennent depublier un recueil d’entretiens de Jacques Lenotavec Frank Langlois dans la collection « Paroles ».© Ircam - Centre Pompidou, 2008Gregory BellerbiographieElève à l’Ecole normale supérieure de Cachan,agrégé de physiques appliquées et titulaire d’unemaîtrise de musique, Grégory Beller a suivi le cursusAtiam de l’Ircam. Depuis son arrivée dans l’équipeAnalyse synthèse (Ircam), il s’intéresse auxnombreux rapports entre la voix parlée et lamusique. Après avoir travaillé sur la synthèse vocaleet la modélisation prosodique, il vient de soutenirune thèse sur les modèles génératifs del’expressivité et sur leurs applications en parole eten musique. Grégory Beller a participé au projetANR VIVOS et coorganisé le cycle de conférencesinternationales EMUS, sur l’expressivité dans laparole et la musique. Il enseigne, à l’université <strong>Paris</strong>-Est/Marne-la-vallée, la création et le design sonore,ainsi que l’utilisation d’environnement temps réelpour la création multimédia. Il participe, en outre, àdes projets artistiques (multimédia, courts-métrages,contes, installations, concerts) en tant quecompositeur ou réalisateur en informatiquemusicale et a rejoint récemment l’équipe desréalisateurs en informatique musicale de l’Ircam oùil aide des compositeurs dans la réalisation de leurspièces électroacoustiques.Eric DaubressebiographieAprès des études scientifiques puis musicales auConservatoire national supérieur de musique de<strong>Paris</strong>, Eric Daubresse participe à la création dustudio électronique Premis dont il est leresponsable au sein de l'Ensemble 2e2m. Il collaboreà de nombreuses créations de musiques mixtesavec l'ensemble l’Itinéraire et est réalisateur eninformatique musicale à l'Ircam, depuis 1992, où ilassure la réalisation informatique d’œuvres encréation. Il participe, en outre, à des activitéspédagogiques autour des musiques d’aujourd’hui et desnouvelles technologies, et compose des musiquesinstrumentales, électroacoustiques ou mixtes.16


Heiner GoebbelsHilliard EnsembleI Went To The House But Did Not EnterConcert scénique en trois tableauxConcept, musique et mise en scène, Heiner GoebbelsTextes, T. S. Eliot, Maurice Blanchot, Samuel Beckett, Franz KafkaScénographie et lumière, Klaus GrünbergCostumes, Florence von GerkanCréation de l’espace sonore, Willi BoppHilliard EnsembleFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre de l a Vil leMercredi 23, jeudi 24, samedi26 septembre, 20h30Dimanche 27 septembre, 15hDurée : 1h4515€ et 26€Abonnement 15€Spectacle en anglais surtitré en françaisProduction Théâtre Vidy-LausanneCoproduction Edinburgh International <strong>Festival</strong> 2008 ;Schauspielfrankfurt ; Teatro Comunale Bolzano ;Grand Théâtre de Luxembourg ; Musica / StrasbourgCoréalisation Carolina Performing Artsat the University of North Carolina at Chapel Hill ;Hopkins Center, Dartmouth College, Hanover (USA)Coréalisation Théâtre de la Ville-<strong>Paris</strong> ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien pour la tournée de Pro Helvetia,Fondation suisse pour la cultureConcert scénique en trois tableaux, I Went ToThe House But Did Not Enter de HeinerGoebbels s’articule autour de quatre textesd’auteurs du XX e siècle : T. S. Eliot, MauriceBlanchot, Franz Kafka et Samuel Beckett.Quatre textes qui interrogent le récit, le langage etla «personne» dans sa fragmentation multiple.Des textes qui bouleversent les présupposés durécit en se défiant de toute narrationunivoque au regard du moi. Quatre textes queHeiner Goebbels met en espace et en musiqueavec une grande sobriété, permettant aulangage de s’épanouir.Créée au festival d’Edimbourg 2008, l’oeuvre seveut un reflet scénique et musical de lacélèbre phrase qui conclut La Folie du jour deMaurice Blanchot : «Un récit ? Non, pas derécit, plus jamais. »Née de la rencontre avec les quatre chanteursdu Hilliard Ensemble, l’oeuvre est taillée surmesure pour eux, autant pour leurspersonnes (et leur « allure de croque-morts »,comme ils se décrivent eux-mêmes avechumour), que pour l’esthétique singulière deleurs voix – des voix lumineuses et pures,d’une justesse et d’une finesse sans pareilles,qui confèrent à l’ensemble une identité sonorereconnaissable entre toutes. Incarnant (etdésincarnant) quatre silhouettes anonymesqui évoluent sans but dans un décor debanlieue, les hommes du Hilliard Ensembleportent la pièce de bout en bout, avec uneconviction mêlée de distance et de réserve. Bienconnu pour ses interprétations de musiqueancienne, le Hilliard Ensemble n’en est pas àson coup d’essai en termes de création, maisfait ici ses premiers pas sur la scène duthéâtre musical.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 54 4217


Entretien avec Heiner GoebbelsQuelle place occupe I Went To The House But DidNot Enter dans votre corpus ?Heiner Goebbels : I Went To The House But Did NotEnter participe d’une recherche plus larged’alternatives aux concepts de présence etd’intensité.Le théâtre conventionnel, et notamment le théâtremusical, est guidé par une volonté d’intelligibilité àtout prix, de transmission directe, et de présencescénique évidente. Vous êtes assis au premier rang,l’acteur vous crie dessus et vous donne le scénarioainsi que les idées qu’il véhicule, clefs en main.Cette approche directe et abrupte me poseévidemment beaucoup de problèmes. En tant quespectateur, elle m’a fermé beaucoup de portes et arestreint l’horizon de mes perceptions. Je préfèredécouvrir par moi-même ce que l’œuvre proposeplutôt que de l’accepter ainsi, présenté sur unplateau. Autant dans mon expérience artistique quedans mon expérience personnelle, je recherche unéquilibre différent entre ce qui se passe sur la scèneet mes propres perceptions. En ce sens, I Went ToThe House But Did Not Enter relève d’une stratégiesemblable à celle de mes précédents spectacles.Ce que j’ai particulièrement apprécié au cours de lacollaboration avec les Hilliard c’est que, d’un côté,ils ont chacun leur caractère et leur individualitéaffirmés — et je ne suis jamais allé aussi loin dansl’élaboration d’un jeu d’acteur et d’une mise enscène avec des musiciens — et, d’un autre côté,lorsqu’ils chantent ensemble, apparaît parfoiscomme par symbiose une cinquième voix… C’estprécisément ce genre d’irruption impalpable que jerecherche.Pourquoi avoir choisi ces textes en particulier ?Pourquoi avez-vous préféré traduire La Folie du jourde Blanchot ?Heiner Goebbels : Je connais bien ces quatre textes,depuis plus de vingt ans pour certains, mais jen’avais jusqu’à présent jamais su comment lesintégrer à mon travail — je n’avais aucune idée decomment les utiliser, malgré de nombreusestentatives (avec La Folie du jour de Blanchot et LaChanson d’amour de J. Alfred Prufrock de T.S. Eliotnotamment).La rencontre avec les Hilliard a été déterminante :j’ai senti que je tenais avec eux un outil formidablepour explorer un concept alternatif de l’individu etde l’absence, ainsi qu’une certaine forme de l’échec,développée par Kafka et les autres. Ils ont unemanière de contenir l’émotion du chant et de laisserà leurs auditeurs la liberté de leurs émotions —habitude développée en chantant Josquin des Prés,Gesualdo ou Pérotin — qui correspondparfaitement à mon idée du drame scénique.Le choix des textes n’a toutefois pas été immédiat.Aux premières répétitions, je n’avais d’ailleurschoisi aucun texte. J’ai beaucoup cherché, beaucouptesté. Je n’étais jamais sûr d’avoir trouvé le bonmoyen d’aborder le problème. Certaines décisionsinterviennent très tard dans le processus — comme,dans le cas de I Went To The House But Did NotEnter, la décision d’insérer le texte de Kafka. Lacréation est pour moi un processus d’élaborationpolyphonique, faisant intervenir tous les médias, ausein duquel le choix des textes n’est qu’une étape.Je ne suis pas la traditionnelle chronologie texte –musique – casting – mise en scène. Une simpleremarque d’un membre de mon équipe peut meconduire à tout modifier.La Folie du jour de Blanchot était là dès le début,mais rien n’a jamais été arrêté. On n’est jamais sûrde rien, surtout avec Blanchot, qui, avec sesmystères et ses cheminements narratifs sinueux eténigmatiques, vous échappe dès que vous croyezl’avoir enfin saisi. J’ai aussi testé d’autres textes deBeckett, d’Eliot et de Gertrude Stein.Concernant la traduction, l’intelligibilité du texteest pour moi une préoccupation centrale, mêmedans les passages chantés — et la diction desHilliard, notamment en anglais, est l’une de leursqualités majeures. En outre, certains passages dutexte de Blanchot sont parlés — on ne peut paschanter un polar ! — : le Hilliard Ensemble est soBritish ! Il était difficile de les imaginer parlantfrançais…Voyez-vous des liens et/ou des ponts entre lesquatre textes ?Heiner Goebbels : Bien que connaissant tous cestextes depuis longtemps, je n’avais pas consciencede leurs similitudes et de leurs parentés. Mêmedurant le travail, je n’ai pas compris non plus lanature et la force des liens qui les unissent. Je ne lesai découverts qu’a posteriori, et chaque jour un peuplus — de même que je découvre chaque jour unpeu plus les ponts établis à mon insu d’une partiedu spectacle à l’autre. Certaines idées évoquéesdans le premier tableau se sont retrouvéesmatérialisées sans que je m’en aperçoive dans ledernier, et vice versa. Dans le processus de création,je crois nécessaire de laisser parler son inconscient.Je suis d’ailleurs entouré d’une équipe avec laquelleje travaille depuis si longtemps que la parole estsouvent superflue entre nous — moins on parle,plus on laisse de place à l’inconscient pours’exprimer.La musique de I Went To The House But Did NotEnter se distingue de celle de vos récentsspectacles. L’écriture vocale, surtout, revient à unstyle plus épuré.Heiner Goebbels : La musique est, avant tout, écritepour le Hilliard Ensemble, pour leurs voix, leurstessitures, qualités et compétences spécifiques.Ensuite, elle a été déterminée par les textes euxmêmeset ce qu’ils pouvaient suggérer en termes deforme musicale. La troisième partie, par exemple,est davantage composée par Beckett que par moimême.Dans Cap au pire, en particulier, Beckettatteint des sommets d’adéquation entre texte etmusique. J’ai tant de respect pour son rythme, sescouleurs et ses mélodies — même la constructiondes accords est déduite de sa phrase. J’ai bridé monego de compositeur pour restituer le texte danstoute sa force. J’ai laissé le texte composer. J’espèreavoir ainsi laissé ouverte l’écoute du texte sans yimposer mes propres habitudes de lecture.18


Les décors, sans être interchangeables, éclairentnon seulement le texte qui l’habite, mais aussi lesautres, mettant le doigt sur les liens étroits quevous mentionniez tout à l’heure et qui les unissent…Heiner Goebbels : Quand nous travaillons, monéquipe et moi, nous ne cherchons pas à illustrer uneidée précise, ce qui risquerait de limiter nospossibilités et de nous embarrasser. Pour I Went ToThe House But Did Not Enter, nous avons été guidéspar une volonté de réalisme cinématographique. Deson côté, et sans que j’intervienne — je respectetoujours l’indépendance de mes collaborateurs —,Klaus Grünberg, a suggéré divers décors mais, làencore, l’association texte/décor est restée flouependant très longtemps. Cette indécision est plutôtpositive dans le processus artistique : pour qu’unespace puisse se développer et prendre vie par luimême,sa construction doit répondre à d’autresmotivations artistiques que la dramaturgie oul’asservissement au texte. Quand le rideau se lèvesur le premier tableau, et que vous découvrez cegris dans le gris dans le gris, le décor vous parle delui-même.Heiner GoebbelsbiographiePropos recueillis par Jérémie SzpirglasNé en 1952 à Neustadt dans le Palatinat, HeinerGoebbels est installé à Francfort depuis 1972. Ilcommence sa carrière de compositeur en écrivantdes musiques de scène, puis pour le cinéma et ladanse.Il enregistre de nombreux disques et joue avec leSogenanntes Linksradikales Blasorchester (Orchestrede cuivres prétendument d’extrême - gauche), entre1976 et 1981, en duo avec Alfred Harth (de 1976 à 1988)et avec le ART-Rock-Trio Cassiber (de 1982 à 1992).A partir du milieu des années quatre-vingt, HeinerGoebbels réalise des pièces radiophoniques, le plussouvent sur des textes de Heiner Müller(Verkommenes Ufer, Die Befreiung des Promotheus,Wolokolamsker Chaussee). Il se voit ainsi décernerle Prix des aveugles de guerre et, à plusieursreprises, le Prix Italia et le Prix Karl Sczuka.A partir de 1988, Heiner Goebbels compose pourl’Ensemble Modern Red Run, Befreiung, La Jalousie,premières oeuvres présentées à <strong>Paris</strong>, au <strong>Festival</strong>d’Automne 1992.Après une série d’oeuvres pour la scène (Der Mannin Fahrstuhl en 1987 et Prometheus en 1991), ilcompose et réalise Ou bien le Débarquementdésastreux, produit par l’ATEM, créé à <strong>Paris</strong> en mars1993. Il compose une symphonie, Surrogate Cities,créée en août 1994 à l’Alte Oper de Francfort, par laJunge Deutsche Philharmonie, puis présentée au<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> qui l’invite alors pour laseconde fois. Il réalise La Reprise, d’aprèsKierkegaard et Robbe-Grillet en 1995, Max Black –avec André Wilms - au Théâtre Vidy-Lausanne en1998 et Eislermaterial (Josef Bierbichler etl’Ensemble Modern) à Munich pour le centièmeanniversaire de la naissance de Hanns Eisler.Schwarz auf Weiss en 1996 renforce la relation avecles musiciens de l’Ensemble Modern qui joueracette oeuvre une soixantaine de fois dans vingt-huitvilles différentes.En 2000, trois projets sont réalisés : Hashirigaki surdes textes de Gertrude Stein, …même soir, pour lesPercussions de Strasbourg et trois installationspour l’exposition “Le temps, vite!” au CentrePompidou.Son premier opéra, Paysage avec parents éloignés,est créé en octobre 2002 à l’Opéra de Genève et lespectacle musical Eraritjaritjaka, d’après des textesd’Elias Canetti, au Théâtre Vidy-Lausanne en mars2004 (reprise à <strong>Paris</strong> en décembre 2004).Il enregistre également une dizaine de CDs ; deuxenregistrements sont primés. Il reçoit le Prix de laCulture du Land de Hesse en 1993 et, en 2002, laMédaille Goethe de la Ville de Francfort.Une sélection d’articles et de conférences ont étépubliés en 2002 dans Komposition als Inszenierung.Plusieurs oeuvres pour orchestre ont été composées :Walden pour l’Ensemble Modern Orchestra en 1998,From a Diary en 2003 pour la Philharmonie de Berlin.En 2007, Heiner Goebbels réalise Stifters Dinge,d’après Adalbert Stifter. Le spectacle, sans acteur nimusicien, fonctionnant comme une installation, aété présenté dans plusieurs villes d’Europe. Out of,pour ensemble instrumental, composé à la suited’un séjour à Shanghai, sera créé en octobre 2009.Depuis avril 1999, il enseigne à l’Institut d’étudesthéâtrales de l’Université Justus Liebig à Giessen, eten a été nommé directeur en 2002. Il est également,depuis 2006, président de l’Académie de théâtre duLand de Hesse et se consacre à l’enseignement duthéâtre, de la performance et du théâtre musicald’aujourd’hui, en participant à de nombreuxséminaires, conférences, projections et débats.Site Internet : www.heinergoebbels.comHeiner Goebbels au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1992 : Befreiung, La Jalousie, Herakles1994 : Surrogate Cities1997 : Schwarz und Weiss1998 : Walden1999 : Eislermaterial / Les lieux de là (chorégraphie deMathilde Monnier)2002 : La Jalousie, Industry & Idleness2004 : Paysage avec parents éloignés / Eraritjaritjaka19


« Un véritable choc sismique… »Par les membres du Hilliard Ensemble, avant la premièrereprésentation de I Went to the House But Did Not Enter,au <strong>Festival</strong> d’Edinburgh« Nous ne sommes pas connus pour notredynamisme sur scène. Pour tout dire, on nous amême comparés à une bande de croque-morts.Habituellement, nous nous contentons de disposersur scène quatre pupitres en demi-cercle ; dispositifqui reste en place durant toute la représentationavec seule la musique qui change. Imaginez alors,un ensemble vocal prenant part à une œuvrerésolument théâtrale qui exige de nous, nonseulement de chanter, mais aussi de dire des textesde T. S. Eliot, Franz Kafka, Samuel Beckett etMaurice Blanchot, tout en nous déplaçant sur leplateau : voilà de quoi provoquer un véritable chocsismique !Apprendre par cœur n’est pas dans nos habitudes.Même si nous ne jetons que de rares coups d’œilaux partitions des œuvres que nous interprétonsrégulièrement, la partition reste toujours là en casde problème. David James est le seul d’entre nous àavoir une expérience du lyrique. Et voilà ce défi :déclamer un texte, l’apprendre avec la justeintonation, le bon rythme, tout ce qui constitue lequotidien des comédiens.En tant qu’ensemble vocal, nous sommes connuspour nos collaborations avec des compositeurs telsArvo Pärt ou Jan Garbarek. Nous y avons gagné laréputation d’être ouverts à la nouveauté.Il y a quelques années, notre label ECM nous avaitsuggéré de travailler avec Heiner Goebbels,compositeur connu pour ses innovations. Si nousavons d’abord obtenu de sa part une réponsepositive, elle fut suivie par un long silence. Cela nenous inquiéta pas outre-mesure, d’autant que leconcept nous avait laissé, dans un premier temps,quelque peu sceptiques. Puis, fin 2005, Heinerdemanda un billet pour l’un de nos concerts avecJan Garbarek. Là encore, silence. On se demandamême s’il avait assisté au concert.Nous avons eu de ses nouvelles deux mois plus tard.Il était bien venu et avait hâte de nous rencontrer.Son charme balaya l’essentiel de nos inquiétudes.Heiner avait particulièrement aimé notre mise enespace de l’œuvre de Jan Garbarek et cela lui avaitdonné plusieurs idées qu’il avait très envied’explorer. Nous nous sommes donc rendus auThéâtre Vidy-Lausanne, en avril 2007, pour travailleravec lui un week-end entier. Nous étions curieux devoir ce qui allait nous arriver.Il n’avait préparé aucune musique pour cettepremière rencontre. Nous avons donc parcourunotre propre répertoire, que nous tentions dechanter de mémoire, en nous livrant à diversesactivités sur scène, telles que s’asseoir à un bureau,s’allonger sur une chaise longue, jouer avecdifférents objets. David James faisait un peu debricolage, Steven Harrold jouait au billard — nousnous servions des quelques accessoires quitraînaient là, tout en continuant à chanter. Heinernous regardait et nous écoutait avec attention.Nous n’arrêtions pas de nous déplacer d’un bout àl’autre du plateau et nous étions souvent loin lesuns des autres. Je crois que Heiner était curieux devoir si nous pouvions continuer à chanter sans quela mise en place et la justesse n’en pâtissent. Nousavons été enchantés par cette expérience.Nous nous sommes revus en mars 2008, durant deuxsemaines. Heiner avait cette fois-ci choisi des texteset préparé quelques pages de musique. Le décorétait construit : trois tableaux étaient prévus. Nousavions à présent de la musique sur laquelle nousconcentrer et quelques accords difficiles àdéchiffrer. Toute la journée, nous répétions cetteœuvre qui avait désormais un titre : I Went to theHouse But Did Not Enter. Le matin, il nous donnaitdu nouveau matériel que nous devions déchiffrerpour l'intégrer à la répétition de l’après-midi ;répétition durant laquelle nous étions sur scèneavec, prêtes à intervenir, les équipes d’éclairagisteset de costumiers au grand complet. Nous nousefforcions d’interpréter la musique apprise le matinmême, pendant que l’on nous indiquait lesdéplacements à réaliser sur le plateau.Généralement, lorsque nous commençons untravail, nous avons une idée plutôt précise de ce quedonnera le résultat final. Nous travaillons lapartition, souvent dans nos chambres d’hôtellorsque nous sommes en tournée, en suivant auplus près les instructions données et en nousconcentrant sur les différentes difficultéstechniques telles que la justesse. Mais, avec Heiner,rien n’est jamais arrêté. Durant la quinzaine derépétitions que nous avons faites, il a observé avecminutie ce qui fonctionnait et ce qui nefonctionnait pas, sans jamais cesser d’apportercorrections et ajustements à la partition. À l’heureoù nous écrivons ces lignes, alors que les dernièresrépétitions approchent à grands pas, la musiquen’est probablement pas encore totalement fixée.Nous pouvons raisonnablement nous attendre à deschangements dans la musique, peut-être même àl’ajout de nouveau matériel ou à des coupes. Nousn’avons aucune idée de ce qui peut arriver.Pour la plupart d’entre nous, sans expérience dulyrique, ce fut une période d’apprentissage intense.Chanter et parler, en même temps que manier desaccessoires ou se déplacer, fut un véritable défi. Deschoses évidentes, comme ne pas marcher au rythmedu chant, demandent un peu de pratique. Dès lepremier jour, nous devions porter nos costumes.Avec le plateau et les lumières totalement prêts,nous avions l’impression d’enchaîner lesreprésentations. Pourtant, même dans cesconditions, nous étions quelque peu tendus lors dela dernière répétition. Nous nous sommes soudainrendus compte que l’on ne pouvait plus faire demitour.Les quatre croque-morts mal fagotés serontdonc sur la scène d’Edinbourg, mais cette fois dansdes costumes élégants faits sur mesure. Uneexpérience radicalement différente de tout ce quenous avons pu vivre jusqu’ici. Nous sommes à la foisimpatients et terrifiés. »The Guardian, Mercredi 27 août 2008Traduction de Jérémie Szpirglas20


Hilliard EnsembleC’est dans les années quatre-vingt que le Hilliard Ensembleétablit sa réputation de quatuor vocal de musiqueancienne avec une série d’enregistrements pour le labelECM. 1988 marque le début d’une collaboration avec ArvoPärt. Il enregistre alors la Passion selon Saint-Jean etLitany. En 1994, l’ensemble lance un concours decomposition qui donne naissance à plus d’une centained’oeuvres, dont beaucoup ont trouvé leur place dans lesprogrammes du groupe.Officium est enregistré en 1994, première collaborationavec le saxophoniste norvégien Jan Garbarek, qui sepoursuit jusqu’en 1997 avec la sortie de Mnemosyne.Le Hilliard Ensemble lance son propre label, hilliard LIVE,en 1996. Le premier volume du label, Perotin and the ArsAntiqua, sort la même année ; le deuxième, For Ockeghem,en 1997 ; le troisième et le quatrième, Antoine Brumel etDufay, en 1998.En 1999, l’ensemble joue avec l’Orchestre philharmoniquede Londres et Kent Nagano, Miroirs des Temps d’UnsukChin, puis pour la première fois avec l’Orchestresymphonique de la BBC dirigé par Sir Andrew Davis,Quickening de James MacMillan.En 2001, il enregistre Morimur avec le violoniste allemandChristoph Poppen et la soprano Monika Mauch.En 2002, il se produit avec l’Orchestre de chambred’Ostrobotnia dans The Pear Tree of Nicostratus, de PiersHellawell ; en 2003, dans la Troisième symphonie deStephen Hartke, avec l’Orchestre philharmonique de NewYork dirigé par Lorin Maazel.Le Hilliard Ensemble fête son trentième anniversaire en2004, et donne une série de concerts au Wigmore Hall. Ils’associe à l’Orchestre philharmonique de Dresde, en 2007,pour présenter Nunc Dimittis du compositeur russeAlexander Raskatov.Sa collaboration avec Heiner Goebbels commence en 2007.Pour la saison 2009-2010, l’ensemble travaillera, entreautres, avec le Quatuor Arditti pour la création de ET LUXde <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong> , et le Chilingirian String Quartet.www.hilliardensemble.demon.co.uk21


Frederic RzewskiEnsemble l’Instant DonnéFrederic RzewskiMain Drag, pour neuf instrumentsThe Lost Melody, pour clarinette, piano et deux percussionsRencontre avec le compositeurPrésentation, Martin KalteneckerMary’s Dream, pour soprano et ensemble(texte de Mary Shelley)Pocket Symphony, pour six instrumentsDe Profundis, pour récitant et piano(texte d’Oscar Wilde)Frederic Rzewski, piano et récitantMarianne Pousseur, mezzo-sopranoEnsemble L’Instant DonnéFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtreSamedi 26 septembre 18hDurée : 2h plus entracte10€ et 15€Abonnement 10€Coréalisation Opéra national de <strong>Paris</strong>,<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de l’AdamiConcert enregistré par France MusiqueFrederic Rzewski est à la fois l’une des figuressingulières de la musique américaine et un grandpianiste : ses célèbres variations sur unechanson politique de Sergio Ortega, ThePeople United Will Never Be Defeated (1975),fusionnent l’énergie protestataire, la culturepianistique du XIXe siècle et un travail rythmiquequi provient du jazz. Les composantes de son universde compositeur sont parfaitement dessinées, lesrésultats toujours étonnants : la pulsation rythmique,fondamentale ; une harmonie qui traverse des zonesvariées (de la musique tonale jusqu’à Schoenberg) ;l’importance du facteur mélodique, une mélodieétant pour lui comme le « visage » que lamusique tourne vers nous. Quand la voixintervient, c’est sur des textes inattendus :Mary’s Dream (1984), par exemple, utilise lapréface du Frankenstein de Mary Shelley,symbole, pour Rzewski, de la manière dont uneidée se développe progressivement dans l’esprit d’uncréateur. Un autre axe central est celui del’improvisation. Dans Pocket Symphony (2000), panoramades différents univers stylistiques de Rzewski, qui vad’allusions aux musiques d’accompagnement du cinémamuet jusqu’aux déchaînements jazzistiques, lesmusiciens doivent à tour de rôle improviser unecadence – car il faut à Rzewski de l’imprévisible et dunon fixé : « C’est justement la réalité confuse que nousvoulons montrer : la flamme vive et incalculable quiconsume le poids mort du passé. »Ce concert en trois parties inclut une rencontreavec Frederic Rzewski, enrichie de documentsd’archives sonores.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtrePierrette Chastel01 40 01 16 7922


Entretien avec Frederic RzewskiVoici la question que l’on pose toujours aux compositeursaméricains : quel rôle a joué le jazz pour vous ?Frederic Rzewski : J’ai suivi une formation tout à faitclassique et je n’ai jamais appris le jazz. Ce n’est quedans les années 60 que j’y ai accédé, dans lecontexte de l’improvisation libre et du free jazz. J’aijoué avec Anthony Braxton et surtout Steve Lacy.J’estime que l’improvisation fait également partiede la tradition classique. Peut-être a-t-elle été engrande partie perdue, elle mérite néanmoins qu’onla redécouvre. Quand je fais de l’improvisation, c’estpar exemple à partir des sonates de Beethoven, oùj’insère de petites cadences libres quand il y a unpoint d’orgue, comme on le faisait à l’époque.Dans mes œuvres, il y a souvent un espace ouvert etréservé à cette liberté, surtout dans les œuvressolistes. Dans la Pocket Symphony, il y a sixmouvements, où l’ensemble est plus ou moinsprédominant, alors que le cinquième est un solopour piano. De temps à autre il est demandé aupercussionniste de faire quelque chose d’inhabituel– taper sur le couvercle d’une poubelle, sur un bâtonde pluie, une crécelle d’enfant, et il y a aussi danschaque mouvement un moment prévu pour unecadence d’un des instrumentistes, avec aussi laliberté de ne pas profiter de cette liberté !J’ai dit une fois que dans une improvisation, leschoses « arrivent » simplement, elles se passent« sans cause » et sans « direction ». L’improvisationlaisse sans voix. Et il faut bien qu’il y ait quelque artdans l’univers un lieu où les choses tombent vers lehaut, où les hommes rajeunissent, où les ballons segonflent d’eux-mêmes et où les chiens morts serelèvent et s’échappent. Le musicien qui improvisedonne une voix à ce genre d’événements.Quels sont les rapports entre musique et politique ?Frederic Rzewski : Historiquement, l’idée que lamusique doit jouer un rôle actif dans la vie deshommes va presque de soi. C’est seulement après1848 que s’est développée progressivement uneesthétique de « l’art pour l’art », donc de la musiqueet de l’art comme une alternative à une intégrationactive de l’artiste dans l’univers social. D’où toutessortes de questions complexes : pourquoi lesmasses auraient-elles besoin d’une musiquedifficile, intellectuelle, destinée à l’origine auxriches ? Est-ce que des chansons simples eténergiques avec des rythmes entraînants nesuffiraient pas ? On ne peut apporter ici de réponsessimples, mais on peut dire que le contrepoint,l’harmonie chromatique, le sérialisme, lestechniques de la musique électronique sont en finde compte de grands acquis de l’esprit humain, desavancées significatives dans la tentative decomprendre et d’interpréter la nature et notrerapport à elle. Il serait sot de sacrifier ces choses,tout aussi sot que de jeter un ordinateursimplement parce qu’il est destiné à augmenter lesprofits d’IBM.La situation de la vie musicale a-t-elle changé, enEurope et aux Etats-Unis depuis les années 1970 ?Frederic Rzewski : Il y a très peu d’innovationactuellement aux Etats-Unis, il y a même une grandestagnation. Dans une ville comme New York, entre1950 et 1970, il y avait une grande place pourl’expérimentation, alors que très peu de nouveautéssont apparues depuis une vingtaine d’années. Unedes raisons à cela est que la ville est devenue tropchère pour les jeunes artistes. Il n’y a plus d’espacesau sens propre, comme il y avait des lofts dans« mes » années 1970. On avait alors la possibilité dese réunir dans des espaces libres, mais en ruine. J’aiconnu le « Kitchen » quand c’était encore unekitchen, une ancienne cuisine dans un bâtimentabandonné, qui s’est ensuite écroulé. Une activitéexpérimentale semble plus difficile à maintenir denos jours, c’est sans doute la même chose à <strong>Paris</strong> ; àBerlin je ne sais pas, on me le dit… Peut-être àLondres ? À Rome, sûrement pas… Et à Bruxelles, oùje vis, les espaces alternatifs pour la musique ontpresque disparu.A partir de 1987, nous entrons dans le chaospostmoderne. La pop, le jazz, les traditionsclassiques des différentes cultures et une avantgardeexpérimentale se battent depuis pour se faireentendre des nouvelles générations. Dans cemélange de normes, il est difficile de se cramponner à uneesthétique, chacune propose des domaines de rechercheintéressants. Peut-être qu’une nouvelle musique peutnaître de ce chaos, ne serait-ce parce que soninvention est sans doute nécessaire à notre survie.Qu’est-ce que signifie exactement le « lost » dans TheLost melody qui figure au programme du concert ?Frederic Rzewski : C’est en fait une mélodie yiddishintitulée Mein Jengele (« mon petit garçon »). Jevoulais faire référence à cette tradition de la culturejuive européenne qui a entièrement disparue. Lanotion de mélodie est importante pour moi : cen’est pas simplement une suite de signauxacoustiques, mais quelque chose comme uneabstraction de la voix humaine, celle d’unepersonne réelle, traduite dans un système defréquences fixées et de rythmes conventionnels, sibien qu’elle peut être transmise d’une personne àune autre et qu’on peut la remémorer, la conserver.Derrière chaque mélodie, il y a une voix et derrièrechaque voix, un visage.Entretenez-vous un rapport étroit à la musique française ?Frederic Rzewski : Je n’ai jamais vraiment réfléchi àla composition de mon « Panthéon » personnel et àla proportion de compositeurs français qui en feraitpartie. Mais Pierre Boulez a été très important pourmoi, et dès ma jeunesse, dans les années 60, j’aipassé de nombreuses heures à étudier sa 2 e Sonate,que j’ai jouée très souvent par la suite. Je l’aientendue pour la première fois en 1958, à New Yorkje crois, interprétée par David Tudor. C’étaitbouleversant et j’ai décidé de la jouer moi-même.J’ai fait l’erreur de ne jamais l’enregistrer, mais ilexiste apparemment une vidéo tournée clandestinementpar Nam June Paik qui se trouvait à l’un de mesrécitals à Carnegie Hall, vers 1972. C’est unemusique très sensuelle. Je n’imagine rien de plusdirect, de moins « abstrait ». L’effet était inoubliable.Récemment encore, j’étais en voiture et on passait àla radio le premier livre de Structures par les frèresKontarsky, que je n’avais pas écouté depuis trèslongtemps. L’intensité était telle que j’ai dû arrêterma voiture sur le côté pour écouter jusqu’à la fin.23


J’ai écrit, dans mes débuts, beaucoup de musiquesérielle au sens strict, et même maintenant, jepense que tout ce que je fais est très fortementinfluencé par la pensée sérielle. Mais, voyez-vous,j’aime également beaucoup Darius Milhaud. Un despremiers morceaux que j’ai découverts, grâce àChristian Wolff, a été les Choéphores (1913).Milhaud est l’un des géants du XX e siècle, et dontbeaucoup de partitions restent encore à découvrir.Quelle est l’origine du mélodrame pour pianisterécitant,inspiré d’une lettre d’Oscar Wilde écritealors qu’il était emprisonné à Reading Goal ?Frederic Rzewski : Il y a d’abord eu l’envie d’écrirequelque chose pour le danseur Luke Theodore,ancien membre du Living Theatre, qui a ensuitetravaillé à San Diego avec sa propre troupe. Il avaitintégré ce texte dans un spectacle autour de laprison qui m’avait fort impressionné. Puis il y a eucette idée d’un film autour du pianiste Tony deMare, qui serait à la fois acteur et pianiste, et enfin,l’occasion offerte par une commande du <strong>Festival</strong> deMetz en 1992, où j’ai finalement donné cette œuvremoi-même. Je l’ai conçu comme une sorte d’oratorioen huit parties, chacune précédée d’un prélude.Toutes les réalisations que j’ai entenduesjusqu’alors étaient très différentes et marquantes. Ilfaut une concentration particulière pour combiner lavirtuosité pianistique et ce texte si intense.En 1992, à Metz, le critique d’un journal français aécrit que j’étais un jazzman et que je ferais mieux derentrer en Californie… (rires). Bref, ça n’est jamaisgagné…Propos recueillis par Martin KalteneckerFrederic RzewskibiographieNé en 1938 dans le Massachusetts, FredericRzewski entreprend des études musicales avecCharles Mackey à Springfield, puis étudie àHarvard et Princeton sous la conduite de WalterPiston (orchestration), Randall Thompson(contrepoint), Roger Sessions et Milton Babbit. En1960, il s’installe à Florence et entame unecarrière de pianiste spécialisé dans les musiquesnouvelles. À Rome, en 1966, il fonde avec AlvinCurran et Richard Teitelbaum, Musica ElettronicaViva (MEV), un collectif mêlant improvisation etmusique électronique, qui rassemble desmusiciens classiques et avant-gardistes, dontAnthony Braxton et Steve Lacy. Ils développentensemble une esthétique musicale conçue commeun processus spontané collectif. En 1977, il devientprofesseur de composition au Conservatoire royalde Musique de Liège, alors dirigé par HenriPousseur, avec lequel il collabore assidûment. Il est,en outre, visiting professor dans de prestigieusesuniversités américaines et européennes (Yale,Cincinatti, San Diego, La Haye, Berlin).Frederic Rzewski reçoit des bourses et prix desfondations Fromm, Ford, Woodrow Wilson,Fulbright et du National Endowment for the Arts.Son oeuvre, Song and Dance, est choisie en 1979pour représenter les Etats-Unis à la TribuneInternationale des Compositeurs (Unesco).Marxiste et antimilitariste déclaré, l'œuvre deRzewski est marquée par un engagement politiqueinconditionnel, qui se traduit notamment parl'incorporation dans son écriture musicale deformes et de thèmes populaires qu'il revisite. Ainsi,son œuvre la plus célèbre, The People United WillNever Be Defeated ! (1979) est constituée, sur lemodèle des Variations Diabelli de Beethoven, detrente-six variations sur une chansonrévolutionnaire latino-américaine, El pueblo unidojamàs serà vencido. La plupart de ses créations desannées quatre-vingt explorent des voies nouvellesdu dodécaphonisme. Ses œuvres les plus récentesfont, quant à elles, appel à une écriture plus libre etspontanée. The Triumph of Death (1987-1988), la plusmonumentale à ce jour, est un oratorio de deuxheures sur des textes adaptés de la pièce de PeterWeiss, Die Ermittlung. De 1995 à 2003, il composeThe Road, une pièce de cinq heures pour piano seul ;Cadenza Con o senza, en 2003, et Nanosonatas en2007.24


Ensemble l’Instant DonnéL’Instant Donné est un ensemble instrumental quise consacre à l’interprétation de la musique dechambre d’aujourd’hui. Au-delà de la défense et dela promotion d’un répertoire, l’ensemble met enavant un état d’esprit collégial, un travail d’équipequi privilégie autant que possible les projets demusique de chambre non dirigée. Chaque membreprend également part aux décisions artistiques etorganise la vie quotidienne de l’ensemble. Lesconcerts sont appréhendés comme une unitétraversée par un tracé dramaturgique.Le répertoire s’étend de la fin du XIXe siècle à nosjours, avec souvant l’inspiration des incursions versles époques antérieures. Toutefois, laprogrammation est principalement consacrée auxcompositeurs avec lesquels l’ensemble collaboreétroitement. Ainsi s’est développé au ThéâtreL'Échangeur (Bagnolet) un cycle de concertsmonographiques (André Boucourechliev, GérardPesson, Frédéric Pattar, Beat Furrer, JohannesSchöllhorn, Stefano Gervasoni...).L'Instant Donné est installé à La Villa Mais d'Ici àAubervilliers (Seine-Saint-Denis) où il bénéficie devastes locaux de répétitions, véritable centrenévralgique du groupe, lieu primordial de vie, derencontres.L'Instant Donné se produit en France et àl’étranger dans des festivals ou des salles tels quela Cité de la Musique, Ircam – <strong>Festival</strong> Agora,Instants Chavirés (Montreuil), MUSICA (Strasbourg),GRAME – Musiques en scène (Lyon), Opéra de Lille,L'Allan – Scène nationale de Montbéliard, <strong>Festival</strong>de Michoacán à Morelia (Mexique), AuditorioNacional de Música à Madrid (Espagne) etc…www.instantdonne.net25


Edgard VarèseGary HillAsko | Schoenberg EnsembleOrchestre Philharmoniquede Radio-FranceCappella AmsterdamDirection, Peter EötvösEdgard Varèse 360°Samedi 3 octobre 20hHyperprism, pour instruments à vent et percussionUn grand sommeil noir, pour soprano et pianoOctandre, pour instruments à vent et contrebasseOffrandes, pour soprano et orchestre de chambreIntégrales, pour onze instruments à vent et percussionTuning Up, pour orchestre, arrangement Chou Wen-ChungAmériques, pour grand orchestre (version de 1929)Dimanche 4 octobre 16hNocturnal, pour soprano, choeur d’hommes et orchestre de chambreArcana, pour orchestreIonisation, pour 41 instruments de percussion et deux sirènesEcuatorial, pour choeur de basses, ensemble et deux théréminsDensity 21.5, pour flûteÉtude pour Espace, pour choeur, ensemble et électronique,version complétée par Chou Wen-Chung (création en France)Dance for Burgess, pour ensembleDéserts, pour ensemble avec Interpolations pour bande magnétiquePoème électronique, pour bande magnétiqueAsko|Schoenberg EnsembleOrchestre Philharmonique de Radio FranceSoprano, Anu KomsiChoeur Cappella Amsterdam (le 4)Flûte, Jeannette Landré (le 4)Direction, Peter EötvösCréation images et mise en espace, Gary HillGeorge Quasha, Charles Stein, Christelle Fillod, Els van RielRecherches musicales et orchestration, Chou Wen-ChungLumière, Glen D’haenensTechnologie vidéo, Arnoud NoordegraafRéalisation sonore, Jan PanisCostumes, Paulina Wallenberg OlssonFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Sall e Pl eyelSamedi 3 octobre 20hDurée : 1h35 plus entracte de 40 minutesDimanche 4 octobre 16hDurée : 2h15 plus entracte de 40 minutes17€ à 45€Abonnement 13,60€ à 36 €Tarif couplé deux concerts 25€ à 65€Edgard Varèse 360° est une productiondu Holland <strong>Festival</strong>/Amsterdam,en coproduction avec le <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>, RadioFrance, la Salle Pleyel,le South Bank Centre/Londreset l’Ensemble Asko|SchoenbergConcerts enregistrés par France MusiqueContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Salle PleyelPhilippe Provensal01 44 84 45 6326


Edgard Varèse 360°En regard des nouvelles grammaires et méthodes decomposition qui se développèrent au début du XX esiècle, la leçon de Varèse constitue assurément l’autrevoie de la modernité, non celle des systèmes mais celle duson. L’emprunteront à sa suite Feldman, Xenakis,Nono ou Dufourt. Né à <strong>Paris</strong>, en 1883, attaché à laBourgogne où il passe son enfance, Varèse incarned’abord la culture de la vieille Europe : ami dePicasso et de Satie, il est aussi proche de Busoni etde Debussy, à qui il fait connaître l’oeuvre deSchoenberg, s’établit à Berlin, revient à <strong>Paris</strong>, yrencontre Lénine, puis Trotski… Dès 1913,Apollinaire lui consacre des mots flatteurs dans LeMercure de France. Mais en décembre 1915, Varèserépond à une invitation à se rendre aux États-Unis,où il dirige et compose, en une quinzaine d’années,l’essentiel de son oeuvre, avant de sillonner, à la findes années 1930, les villes du Sud et de l’Ouest. Il reviendraen France, en 1954, pour la création de Déserts, quiprovoque un scandale retentissant, et mourra à NewYork, en 1965. S’il fréquente alchimistes,minéralogistes, architectes, philosophes, physiciens etchercheurs en acoustique, il compose, ou envisage de lefaire, sur des textes du Popol Vuh, d’Artaud, de Michaux oud’Anaïs Nin, qui le décrivait ainsi, en 1940 :« Lorsqu’il vousemmène dans son studio par l’étroit escalier à vis,c’est une grotte de sons, de gongs, et la musiquesemble composée de fragments de musique coupéset recollés comme pour un montage. Il est satirique,moqueur, fougueux, comme un volcan en éruption.Sa puissance convient à l’échelle du mondemoderne. Lui seul peut jouer une musique quis’entende au-dessus du bruit des voitures, desmachines, des usines. » En une douzaine d’oeuvres« d’une incroyable ténacité » (selon MortonFeldman), et dont l’ensemble dure moins que cellede Webern dont on loua pourtant la brièveté, Varèserévolutionna la musique, la fit incantation, traversée dedéflagrations, de motifs percussifs et d’interpolationsélectroniques, d’une dureté cristalline, puissantsmouvements de plans, de blocs et de volumes.Virulentes et subversives, les valeurs qui s’y exprimentsont celles que son époque, nationaliste, élitiste,belliciste et encore rurale, ne pouvait accepter, maisavec lesquelles nous vivons désormais : la ville, lecosmopolitisme, l’industrialisation, la démocratie de masse…Suivant les suggestions de Varèse, ouvert audialogue avec l’image, aux expérimentationsaudacieuses et à la technologie, Gary Hill (né àSanta Monica en 1951) conçoit les deux concerts decette intégrale comme une oeuvre en soi. Ses sculptures etses bandes antérieures, ses performances et sesinstallations vidéo, sonores ou non, ont souventexploré les relations du corps, du mot et du langage,comme la synesthésie et les seuils de perception,aux confins du silence, de l’ombre et de l’absence. Ilscrute ici l’essence d’un langage musical, de sestimbres, clusters, phrases et dynamiques, de ce quile traverse en somme, au-delà de la singularité dechacune des partitions. Sa cosmologie de lumière etd’images générées par ordinateur, mixées, projetées etjuxtaposées en temps réel, élève alors le niveaud’interactivité, incluant la salle, l’artiste lui-même, maisaussi les musiciens et les spectateurs, dans unauthentique dialogue sur l’être.Laurent FeneyrouParcours et œuvrespar Willem Hering« Un artiste d’avant-garde, cela n’existe pas. C’estune idée inventée par un public paresseux et par lescritiques qui le tiennent en laisse. L’artiste faittoujours partie de son temps, parce que sa missionest de créer ce temps. C’est le public qui est à latraîne et qui forme l’‘arrière-garde’. »Edgard VarèseNew York Herald Tribune, 28 mars 1965Edgard Varèse (1883-1965) fut l’un des grandsinnovateurs de la première moitié du XX e dans ledomaine de la musique, tout comme Bartók,Schönberg et Stravinsky. L’écrivain américain HenryMiller a dit de lui qu’il était “The stratosphericcolossus of sound”. Dans sa jeunesse, il vécutpendant de longues années en Italie, où il reçut sonpremier enseignement musical du directeur duconservatoire de Turin, Giovanni Bolzoni.Varèse étudia ensuite à <strong>Paris</strong> les mathématiques etla physique à la Sorbonne, en parallèle avec lacomposition chez Albert Roussel et Vincent d’Indy àla Schola Cantorum, puis chez Charles-Marie Widorau Conservatoire. En 1907, il partit pour Berlin, où ilrésida quelques années, et où il épousa, la mêmeannée, l’actrice Suzanne Bing ; ils eurent une fille etdivorcèrent en 1913. À Berlin, Varèse découvrit lesœuvres atonales de Schönberg (qu’il introduisit parla suite auprès de Debussy), ainsi que les rêvesd’avenir d’une musique nouvelle du compositeur etpianiste italo-allemand Busoni, qui allaientfortement influencer son évolution. C’estégalement à cette époque qu’il rencontra Erik Satieet Richard Strauss, ainsi que les écrivains RomainRolland et Hugo von Hofmannsthal.Varèse commença sa carrière musicale en tant quechef d’orchestre et débuta comme compositeur en1910, avec un poème symphonique qui fit scandale.Il clôtura cette première période de façon radicaleen émigrant aux États-Unis, laissant la plupart deses compositions en Europe où nombre d’entre ellesfurent perdues ou détruites.Aux États-Unis, Varèse était dans son élément, et en1927, il fut naturalisé Américain. Il arrivait d’Europeavec en mémoire l’expérience de Stravinsky et deDebussy, et il entama, bien à sa manière, uneexploration des nouveaux sentiers tracés par cesprécurseurs. La façon dont il place souvent lespercussions à l’avant-plan de ses instrumentations,par exemple, est tout à fait caractéristique. Il futtrès productif dans l’entre-deux-guerres, composantdes œuvres importantes comme Octandre (1924),Arcana (1926-27) et Ionisation (1931). Varèse fut lefondateur du New Symphony Orchestra (1919), quifit long feu, ainsi que – avec d’autres – del’International Composers’ Guild (1921) et de la Pan-American Association of Composers (1927).En 1928, Varèse revint à <strong>Paris</strong>, attiré par un nouvelinstrument, les Ondes Martenot, qui lui semblaitpropre à innover dans le domaine des sons. En 1933,il fit en vain des demandes de subventions pour laconstruction d’un studio électronique – son rêve demusique électronique ne devait se réaliser que27


vingt ans plus tard dans les studios de radio deCologne et de <strong>Paris</strong>.Au cours de sa dernière période, Varèse multiplia lesexpériences électroniques. Il enregistra lui-même,avec un magnétophone, des sons pour Déserts(1949-1954) et conçut le célèbre Poème électroniquequi fut créé au Pavillon Philips imaginé par LeCorbusier pour l’Exposition Universelle de 1958 àBruxelles.Après la Seconde Guerre mondiale, Varèse exerçaune forte influence sur une nouvelle génération decompositeurs comme Boulez, Cage, Nono et Xenakis ;il fut le compositeur préféré de Frank Zappa. À partirdes années 1950, son œuvre pionnière fut enfinreconnue, et dès lors, il enseigna dans deprestigieuses universités américaines comme Yale,Princeton et Columbia. En 1962, il devint membre duNational Institute of the Arts and Letters américainet de l’Académie Royale suédoise. En 1963, il reçut lepremier prix décerné par le KoussevitzkyInternational Recording Award.Liste des œuvres :Rédiger la liste des œuvres de Varèse n’est paschose aisée. La majorité des œuvres que composaEdgard Varèse jusqu’au début des années 1920 futdétruite lors d’un incendie, tandis que Les Cycles dunord, qu’il envoya juste avant la Première Guerremondiale à Béla Bartók, fut égaré par la poste ;enfin, Varèse détruisit lui-même, au début desannées 1960, l’œuvre qui le fit connaître en 1910,Bourgogne.Ci-après figure une liste des compositions plus oumoins achevées, établie d’après l’énumérationproposée par Malcolm MacDonald dans son livreVarèse, Astronomer in Sound (Londres, 2003).Cette énumération a été précisée à partir ducatalogue de la Fondation Sacher édité à l’occasionde l’exposition Varèse au Musée Tinguely (EdgardVarèse ; Composer, Sound Sculptor, Visionary, Bâle,2006), et en particulier de l’article de HeidyZimmermann (The Lost Early Works: Facts andSuppositions).Varèse aimait parler des projets qui l’occupaient ouqu’il avait l’intention d’entreprendre. Il existe ainsides titres d’œuvres qui ne furent jamais réalisées, etil se peut que plusieurs titres désignent une seule etmême œuvre. Nous avons recensé ici les œuvresauxquelles Varèse a réellement travaillé.Apothéose de l’océan (1906), poème symphoniquepour orchestre*Un grand sommeil noir (1906), pour soprano etpiano (poème de Paul Verlaine)Proses rythmées (1908), pour voix et orchestre (textede Léon Deubel)*Bourgogne (1908), poème symphonique pour grandorchestre*Gargantua (1909), poème symphonique pourorchestre*Mehr Licht (1911), pour orchestre*Les Cycles du nord (1913), pour orchestre*Oedipus und die Sphinx (1914), opéra ( livret d’Hugovon Hofmannsthal)*Offrandes (1921), pour soprano et orchestre dechambre (texte de Vincente Huidobro et José JuanTablada)Amériques (1922/rév. 1929), pour grand orchestreHyperprism (1923), pour neuf instruments à vent etneuf percussionsOctandre (1923), pour huit instrumentsIntégrales (1924), pour onze vents et percussions**Arcana (1927), pour orchestreIonisation (1931), pour ensemble de treizepercussionnistesEcuatorial (1934), pour basse, huit cuivres, deuxthérémins, orgue, piano et percussions (sur destextes extraits du livre du conseil des MayasQuichés, le Popol Vuh)Density 21.5 (1936), pour flûte soloTuning Up (1946), pour orchestre**Étude pour Espace (1946), pour chœur, deux pianoset percussions**Dance for Burgess (1949), pour orchestre dechambre et percussions**Déserts (1954), pour quinze instruments,percussions et musique électroniqueLa Procession de Vergès (1955), musiqueélectronique pour le film de Thomas Bouchard :Around and about Joan Miró***Poème électronique (1958), musique électroniqueNocturnal (inachevé), pour soprano, chœurd’hommes et orchestre** (sur un texte d’Anaïs Nin)* partitions détruites ou perdues.** oeuvres orchestrées et/ou achevées par Chou WenchungTitres au programme des concerts du 3 et du 4 octobre***Les ayant-droits du film de Thomas Bouchard Aroundand About Joan Miró, pour lequel Varèse a composéenviron deux minutes quarante de musique électroniquen’ont pas souhaité autoriser la projection du film.Martin Paz (1895), opéra (d’après une nouvelle deJules Verne)*Fugue (1904), pour pianoDeux pièces chorales (1904), pour chœur d’hommeset orgue*Colloque au bord de la fontaine (1905), pourorchestre*Dans le parc (1905), pour orchestre*Poèmes des brumes (1905), pour orchestre*Prélude à la fin d’un jour (1905), poèmesymphonique pour orchestre*Souvenir (1905), pour voix et orchestre (texte deLéon Deubel)*Rhapsodie romane (1906), pour orchestre*28


Edgard VarèsebiographieNé à <strong>Paris</strong> en 1883 de père italien et de mèrefrançaise, Edgard Varèse, entre dix et vingt ans, vità Turin où il commence des études musicales ; en1903, à <strong>Paris</strong>, il achève ses études avec d'Indy,Roussel et Widor. Il part ensuite pour Berlin ; il sefait apprécier par Busoni et par Debussy, se trouveparmi les premiers auditeurs du Pierrot lunaire deSchoenberg (Berlin 1912) et du Sacre de Stravinsky(<strong>Paris</strong> 1913). En 1914, il quitte l'Europe pour lesEtats-Unis : c'est là que mûrit en lui la décision dedétruire sa production antérieure.Tout en se consacrant à la direction d'orchestre (ilfonde et dirige le New Symphony Orchestra, en1919) et à la diffusion de la musique de son temps,Varèse entame une série de compositions (dontAmériques qu'il achèvera en 1922) qui l'imposerontcomme l'un des représentants de la « nouvellemusique » les plus engagés et les plus avancés dansla découverte de territoires inexplorés. Entre 1928et 1933, il est de nouveau en France où il reprendcontact avec ses amis Picasso et Cocteau et noue denouvelles amitiés (Jolivet, Villa-Lobos).En 1934 commence pour lui une période de crise,marquée par son errance dans le Centre et l'Ouestdes États-Unis - ou il tente sa chance, mais sanssuccès, comme compositeur pour le cinéma -fondant de nouvelles institutions musicales ets'établissant tour à tour à Santa Fé, à San Franciscoet à Los Angeles, avant de retourner à New York, en1941. Sa production stagne ; il se consacre à desrecherches de différentes natures : entre 1934, datede la composition d'Ecuatorial, et 195o, il n'écritpresque plus rien, si l'on excepte Densité 21,5 pourflûte, la brève Etude pour espace, pour choeur, deuxpianos et percussion, jouée une seule fois et restéeinédite, et Dance for Burgess dont on ignorepresque tout. Les quinze dernières années de sa viesont caractérisées par une vigoureuse reprise deson essor créatif, avec des chefs-d'oeuvre commeDéserts et Nocturnal, et par la pleinereconnaissance de son importance en tant quecompositeur. Il s'intéresse aux projets des jeunesmusiciens qui participent aux Cours d'été deDarmstadt où il enseigne ; il reçoit des commandesprestigieuses (de la part de Le Corbusier, celle duPoème électronique pour le Pavillon Philips del'Exposition universelle de Bruxelles, 1958) et desdistinctions honorifiques de plusieurs pays.Varèse s'éteint le 6 novembre 1965 à l'hôpital duNew York University Medical Center, sans avoirréalisé son dernier projet : mettre en musique letexte d'Henri Michaud, Dans la nuit.Edgard Varèse au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1983 : Octandre1986 : IntégralesOctandre1996 : IntégralesIonisationDéserts (1950 – 1964), vidéo de Bill Viola2005 : Ecuatorial (choeur de basses et orchestre)2006 : Arcana2007 : Amériques pour orchestre (version de 1929)29


Gary Hill à propos de Varèse 360°Varèse 360° et le cocktail (multi)media qu’il met enbranle éveillent une légitime curiosité : pourquoiillustrer l’une des musiques les plus imaginatives (lefameux « son organisé » de Varèse) d’imagesconcrètes ? D’où est venue cette idée ? La faute enest peut-être à notre ère de civilisation-spectacle —qui a installé dans l’esprit des masses l’opinionconsensuelle que l’1 ne pas sans l’0tre. Mais qui est1 et qui est 0 ? L’image ou le s0n ? Peut-être StanBrakhage 1 avait-il trouvé une réponse à cettequestion en oubliant délibérément le son dansl’immense majorité de ses films. A l’inverse, on voitque même Varèse n’était pas réfractaire aumétissage des médias. Déserts est d’ailleurs conçudès le départ comme une musique accompagnéed’images, ce qui ne fut concrètement réalisé – dumoins, dans une de ses versions possibles – quebeaucoup plus tard par l’artiste Bill Viola.Aujourd’hui, alors que nous sommes complètementmultimédiatisés, la question s’est quelque peudéplacée depuis cette époque où Varèse repoussaitles limites du possible. Au train où vont les choses,on se dirige en toute logique vers une civilisationdans laquelle tout et tout le monde sera recouvertd’une sorte de seconde peau où défileront desimages animées. Je pense au livre de Jacques Ellul,La parole humiliée (<strong>Paris</strong>, Seuil, 1981), dans lequel ilcommente l’impact de la télévision (quintessencede la boîte multimédia) et le fait que ses imagesnous occupent l’esprit, laissant peu de place àl’espace dialogique. Comme si les images issues del’esprit (« l’Imagination ») étaient en voie dedisparition. Ce désir inné de multiplexage n’existe-tilque par la force de ces omniprésentes imagesdont nos yeux sont inondés ? Nous sentirions-nousnus sans elles ? La musique de Varèse bouillonned’images en tous genres, spirale de pensées quis’enchevêtrent, se plient, s’effilent, setirebouchonnent, et parfois se fragmentent en unemosaïque à peine reconnaissable, dans unprocessus de métamorphose permanente ; ellesuggère d’ésotériques notions de projectionsspatiales susceptibles de nous transporter dansn’importe quel espace imaginaire, ou presque. Ungrand écran, éclatant d’une « lumière organisée »d’un nouveau genre, peut-il faire une différence quiferait vraiment la différence ? Bonne question.Essayons un instant d’imaginer, si cela est possible,une expérience de musique privée d’images. Que sepasserait-il réellement dans l’esprit de l’auditeur ?On peut répondre à cette question. J’ai comme idéeque l’esprit se comporterait tout autrement. Lebruit de la vie, qui plane et brouille notre« horizon », serait-il seul responsable de cettedifférence dans l’expérience musicale ? D’accord, sil’on veut. Ajoutons donc un casque audio…Maisvoilà que resurgissent, comme toujours, lessouvenirs des précédentes écoutes de cette mêmemusique, et de nouveau, cette même différence1 James Stanley Brakhage (1933 -2003), connu sous le nomde Stan Brakhage, était un réalisateur américain nonnarratif, et l’un des plus importants cinéastesexpérimentaux du 20 e siècle.dans l’expérience. Dans tous ces exemples, y auraitilun lien entre les différentes séries d’images quisont évoquées ? Pourrais-je jamais arrêter lemouvement, pour me faire enfin une bonne imagede la musique ?Et comment savoir ce que l’on a entendu, si chaquefois qu’on l’entend, c’est différent ?Mais peut-être que je ne regarde pas dans la bonnedirection. La musique est en réalité la partition ellemême— rien de moins qu’une image graphique surlaquelle ce « son organisé » a été ajouté, mais quiétait en fait multimédia, dès le départ ! Commentpuis-je interpréter cet arc synaptique qui va de lapartition au son ? Peut-être pourrais-je essayer de lemimer, (comme on le fait avec le langage dessignes). Serait-ce plus ou moins adapté à la musiquequ’une image soigneusement conçue, déclenchéepar l’attaque musicale ? Toute interprétationimplique une expérience figée. Je soupçonnel’interprétation d’être notre modus operandihabituel – comme un contrôle mental que l’ons’infligerait à soi-même. Jusqu’au moment où l’onsort de la salle de concert et où l’on pénètre lequestionnement. Nous sommes là au cœur duproblème — si nous sommes trop occupés àinterpréter, comment pouvons-nous réellement voiret écouter ? Si l’on tente de résoudre le casse-têteimage/son dans ce contexte-là, même si l’onsubstitue le mot « interpréter » par « corréler » ou« contrepointer » par exemple, il y aura toujours uneespèce de courant alternatif de « ceci » à « cela » àsurmonter.Il s’agit, et c’est aussi simplement dit que complexeà réaliser, d’événements qui se développenttotalement à leur guise, interprétés ou non. Qu’ils’agisse de Varèse 360°, performance à laquelle onest venu assister, ou d’une expérience plus solitaire— comme lorsque l’on entend l’appel du vinyle, quela main s’approche et, qu’avec un délicieuxsentiment d’attente fébrile, on dépose l’aiguilledans le noir sillon. Et quel sillon ! Apparemment siparfait et sans fin. Et voilà d’un coup une sortie depiste, le diamant sort du sillon dans un mouvementsi ralenti que tout devient méconnaissable, saufpeut-être le dernier groove – dans une embardée, levéhicule rattrape la piste pourtant, et se retrouve ànouveau dans l’axe (voulez-vous tout réécouter ?).Ou lorsque la galette nacrée, de la taille de la main,est insérée dans la machine, qui génère alors uneséquence de « sons » en effleurant, de la caresselumineuse de son laser, le disque et sa traînéed’informations microscopiques .Comment peut-on même imaginer que des imagespuissent imager (entremêler, interrompre,intertextualiser) un complexe sonore qui semble,par moments, évoluer dans l’espace, mais qui peutapparaître soudainement en pleine métamorphose(achevée avant que nous puissions en avoirconscience), ou sous l’apparence microscopiqued’une espèce de numéro de puces savantes ? Nousassistons là à une collision des mondes, toujours encours — quelque chose d’à la fois primal etfuturiste. C’est cette force vive que Varèseembrasse. Il y a tant à défricher dans sa musique,30


que l’on pourrait se demander si la possibleimpossibilité ou l’impossible possibilité de plaquerdessus des images n’est pas une questionsuperflue ? Précisément parce qu’elle existe — etque des millions d’images, de métaphores et derécits sont éveillés par ce langage sonore trèsparticulier, d’une séduisante étrangeté. Cettemusique d’une singularité extrême porte en elletoutes les « images » qu’il lui faut, et pourtant,puisque son « son organisé » doit côtoyer d’autressons, d’autres esprits, d’autres oreilles et d’autresyeux, dans un espace architectural auxconséquences acoustiques réelles où se trouventdes auditeurs en tous genres et se déroulent unnombre inconnu de micro-événements, autant sejoindre à l’action.Cela ne doit pas se résumer à une simple mise enimages de la musique, comme une sorte de toile defond, de papier peint optique, comme un endroit oùposer le regard, prétentieux, zigzaguant à travers lacorruption de la visualité. Si l’envie de certainesimages ne manque pas, il faut toutefois lescombattre et les éviter : images environnementales,gazeuses, amorphes, tourbillonnantes,compositions pleines de formes, de dessins, demotifs, tout ce qui est grand et chargé designification – de manière générale, tout ce qui estdevenu cliché dans l’image ou la musique. Aucontraire, il faut rechercher la nécessité synaptiquequi nous attirerait, nous plongerait dans le PRESENTsonore et nous arracherait à nos certitudesconcernant l’expérience de « la musique ». Et, bienentendu, les images ne doivent pas être données,pour ainsi dire. Ce que nous voyons ne doit pas êtreconsidéré comme acquis. Le monde du voir doit êtrepassé au crible lorsqu’il est ainsi exposé au regardd’un son aussi précis et pointu. Peut-être les imagesjoueraient-elles à un jeu de cache-cache avec leson…nouveaux matériaux composites qui imitent lesfréquences résonnantes de l’or pur ?), etabstractions ésotériques qui se fondent et setransforment dans et entre les sons.Mais le moteur principal du spectacle, qui demeureet continue de grandir, c’est l’élément dereprésentation publique. Sans viser rien departiculier, des caméras stratégiquement placées,automatisées ou tenues à la main, nous donnent, aumoyen de gros plans extrêmes, de brefs aperçus —pieds de chaises, détails du sol, mains quitravaillent, détails d’instruments (ou peut-êtreseulement des caisses vides posées en coulisse),détails d’architecture — images éphémères etvulnérables comme des papillons fraîchement éclosne vivant que l’espace de quelques instants.L’espace performatif s’insinuant et s’installant,revendiquant l’espace entre les médias, j’ai invitéplusieurs collaborateurs de longue date, ainsi quedu sang frais (Christelle Fillod, George Quasha, Elsvan Riel et Charles Stein) qui se produiront en tantque bruiteurs vidéo et texte, générant des textes endirect, dessinant, manipulant des caméras en tempsréel ainsi que d’autres objets singuliers — bref,créant, au final, une cosmologie d’images. Toutesces sources d’images seront mixées en direct avecdes clips préparés à l’avance, et apparaîtront sur unou plusieurs écrans parmi un ensemblereconfigurable, le public et les performeurs setrouvant d’un côté, de l’autre, ou des deux côtés, deces écrans, qui s’allument et s’éteignent à l’envi.Tout comme la musique/son n’est jamaisentendue/vu deux fois, la lumière organisée viendraet s’en ira avec le naturel des vagues [comme lesvagues de la nature] — « never hear surf musicagain ».Gary HillMa première idée a été de travailler principalement,voire même exclusivement, avec des imagesgénérées par ordinateur. D’une certaine façon, celasemblait satisfaire l’esprit de Varèse, cela reflétaitson désir d’utiliser des instruments qui n’existaientpas et me libérait du point de vue de la caméra, aupropre comme au figuré. Mais arrivé au début dumois de mai, le feu du travail surchauffantexponentiellement, la recherche du sens a laissé laplace à des images charnues, coups de poingviolents et hasardeux lancés à la face de la réalité —nécessité de replacer le regard au niveau duquotidien. Bizarrement, cette approche m’a faitpénétrer la musique plus profondément encore.Tout en réveillant mon esprit d’archiviste. Desimages prises au Brésil et en Amazonie, auGuatemala, au Sri Lanka, en Pologne, ou sur desrivages anonymes dans des contrées inconnues, etmême des vidéos de famille, tout me paraît soudainenvisageable, tandis qu’Ecuatorial, Arcana, Tuningup, Ionisation, Hyperprism, etc. tournent en boucleà « l’arrière-plan » (peut-être m’y suis-je à nouveaupris à l’envers). Dans le même temps les restes desformes générées par ordinateur refont surface,instruments imaginaires et « méta-mythologiques »(ou s’agit-il de trompettes logarithmiques auxtimbres futuristes rendus possibles par de31


Gary HillbiographieGary Hill est né à Santa Monica (Californie) en 1951et vit actuellement à Seattle.Travaillant la sculpture et les média électroniquesdepuis le début des années 1970, il a produit unimportant corpus composé de vidéos mono-bandeet d’installations mettant en jeu divers média. Sontravail avec les intramédia ne cesse d’interroger desthèmes qui vont de la physicalité du langage,synesthésie et énigmes de la perception, à l’espaceontologique et l’interactivité avec le spectateur. Lesseuils langage image, silence son et clair obscur sont aucentre de ses préoccupations. Toutefois, plutôt qued’apparaître comme un ensemble de dualités, ces seuils— tout comme les hiatus entre absence et présence,temps réel et temps préenregistré, le vu et le voir — sontdécrits par Gary Hill comme des « membranesrésonantes » au travers desquelles l’artiste et lespectateur fusionnent. Ses installations et performancesont été présentées dans de nombreux musées etinstitutions et ont notamment fait l’objetd’expositions notamment à la Fondation Cartierpour l’art contemporain ; au San Francisco Museumof Modern Art ; au Centre Georges Pompidou ; auGuggenheim Museum SoHo (New York) ; au Museumfür Gegenwartskunst (Bâle) ; au Museu d’ArtContemporain (Barcelona) ; et au KunstmuseumWolfsburg (Allemagne). Parmi les commandes quilui ont été passées, citons ses projets pour leScience Museum à Londres et la Seattle CentralPublic Library à Seattle, Washington, ainsi qu’uneperformance et une installation, projections etsons, pour le Colisée et le Temple de Vénus de Rome.Gary Hill a bénéficié de bourses du NationalEndowment for the Arts et des FondationsRockefeller et Guggenheim. Il a reçu de nombreuxprix et distinctions : Lion d’Or pour la sculpture à laBiennale de Venise en 1995, Prix de la FondationMacArthur en 1998 et Prix Kurt Schwitters en 2000.En 2004, un cycle Gary Hill, around & about, estproposé dans le cadre des « vidéo et après » duCentre Pompidou ; en 2007, une expositionpersonnelle lui est consacrée à la Fondation Cartierpour l’art contemporain.« Ma préoccupation première est le traitementinstantané « ici et maintenant » — élever le niveaud’interactivité de l’espace processuel pour nousinclure, moi-même, le spectateur et d’autres intervenantséventuels, dans un dialogue ontologique. Je resteattaché à la cybernétique et à la nature intrinsèquedes média électroniques — le feedback en tempsréel — en tant que stratégie de travail d’une granderichesse. Je veux en même temps dévoiler lafaillibilité de la technologie — en produisant desœuvres qui suggèrent un échec de la technologie. Jeme penche également sur un certain nombre dedichotomies : corps / esprit, matériel / immatériel,connaissance intuitive / connaissance consciente de soi,sens / non-sens, etc. »Orchestre Philharmonique de Radio FranceHéritier du premier Orchestre Philharmonique créépar la radio française dans les années 1930,l’orchestre a été refondé au milieu des années 1970à l’instigation de Pierre Boulez qui fustigeait larigidité des formations symphoniques traditionnelles.Au contraire, l’Orchestre Philharmonique de RadioFrance a l’originalité de pouvoir s’adapter à toutesles configurations possibles du répertoire, duclassicisme à nos jours, et de se partagersimultanément en plusieurs formations.L’Orchestre Philharmonique offre ainsi à son publicet à ses auditeurs sur France Musique, France Interet les radios membres de l’Union Européenne deRadiodiffusion, une très grande variété deprogrammes, présentés à <strong>Paris</strong> Salle Pleyel oùl’Orchestre est en résidence. Par ailleurs, enattendant la création d’un nouvel auditorium de1500 places à Radio France à l’horizon 2012-2013,l’Orchestre Philharmonique contribue à laprogrammation thématique de la Cité de la musiqueet à la programmation lyrique du Théâtre duChâtelet et de l’Opéra Comique.Les 141 musiciens de l’Orchestre Philharmonique deRadio France et Myung-Whun Chung travaillentensemble depuis mai 2000. De nombreuses tournéesont marqué cette collaboration. Cette saison,l’orchestre est réinvité aux Etats-Unis, en Chine àShanghaï pour une résidence dans le cadre del’Exposition Universelle, à Taïwan, ainsi qu’enEspagne, en Autriche, à Prague et à Bucarest.Les musiciens de l’Orchestre Philharmonique deRadio France ont le plaisir de jouer avec despersonnalités aussi exceptionnelles que PierreBoulez, Esa-Pekka Salonen, Valery Gergiev ouGustavo Dudamel. Ils ont noué une relationprivilégiée avec les meilleurs chefs de la nouvellegénération comme François-Xavier Roth, récemmentnommé Chef associé.Principal acteur du festival Présences de RadioFrance et partenaire du festival Agora de l’Ircam,l’Orchestre Philharmonique invite aussi régulièrementles compositeurs vivants à diriger leurs oeuvrescomme Thomas Adès, George Benjamin, Marc-AndréDalbavie, Peter Eötvös, Magnus Lindberg, MatthiasPintscher ou Krystof Penderecki.L’activité discographique de l’Orchestre Philharmoniquede Radio France est très soutenue, sous l’ensembledes labels Deutsche Grammophon, Naïve, Decca,Harmonia Mundi et BMG-Sony.Les musiciens de l’Orchestre Philharmonique deRadio France et Myung-Whun Chung sontAmbassadeurs de l’UNICEF depuis septembre 2007.Gary Hill32


Asko|Schoenberg EnsembleDepuis le 1er septembre 2008, l’Ensemble Asko etl’Ensemble Schoenberg ont fusionné. Ni ensemble,ni orchestre, il s’agit désormais d’un groupe qui, parsa flexibilité, peut jouer un large répertoire des XX eet XXI e siècles ; en particulier les oeuvres de GyörgyLigeti, György Kurtág, Karlheinz Stockhausen,Mauricio Kagel, Louis Andriessen, tout comme lescompositions plus récentes de Michel van der Aa,Martijn Padding et Julian Anderson.Il présente ces oeuvres dans la série de concertsqu’il produit au Concertgebow et aux Proms on theIJ (dans la salle du Muziekgebouw aan’t IJ), en invitédes célèbres Matinées du samedi, au Holland<strong>Festival</strong> ou au Nationale Reiseopera.L’Ensemble Asko|Schoenberg est engagé dans desprogrammes éducatifs, dans des programmesd’initiation à la composition avec des classes dusecondaire, et collabore avec les départements decomposition de plusieurs conservatoires demusique.Asko|Schoenberg vient de créer une AcadémieGyörgyLigeti, initiative pour les étudiants desconservatoires qui souhaitent développer leurcompétence dans le domaine de la musiqued’aujourd’hui. L’Ensemble a pour chef permanentReinbert de Leeuw ; de nombreux chefs et solistesnéerlandais ou étrangers sont invités à participeraux concerts et aux tournées.www.askoschoenberg.nlPeter EötvösbiographieNé en 1944 en Transylvanie, Peter Eötvös étudie lacomposition au Conservatoire de Budapest et laHochschule für Musik de Cologne. De 1968 à 1976, iljoue régulièrement avec le Stockhausen Ensembleet, de 1971 à 1979, travaille en collaboration avec lesstudios de musique électronique de la Radio deCologne.En 1978, sur invitation de Pierre Boulez, il dirige leconcert inaugural de l'Ircam à <strong>Paris</strong>, avant d'êtrenommé à la tête de l'Ensemble intercontemporain -poste qu'il occupe jusqu'en 1991. Depuis ses débutsaux Proms en 1980, Peter Eötvös travaillerégulièrement à Londres : entre 1985 et 1988, il est lePrincipal chef invité de l'Orchestre Symphonique dela BBC. Premier chef invité de l'Orchestre du <strong>Festival</strong>de Budapest de 1992 à 1995 et de l'OrchestrePhilharmonique de Budapest de 1998 à 2001, il dirigel'Orchestre de la Radio de Hilversum depuis 1994. Iloccupe également le poste de Principal chef invitépour le répertoire moderne et contemporain del'Orchestre Symphonique de Göteborg et del'Orchestre Symphonique de la Radio de Stuttgart.Peter Eötvös se produit à La Scala de Milan, au RoyalOpera House, au Covent Garden et à La Monnaie deBruxelles ; il a collaboré avec des grands metteursen scène : Luca Ronconi, Robert Altman, Klaus-Michael Grüber, Robert Wilson et NikolausLehnhoff. Il est de plus en plus sollicité en tant quechef d'orchestre invité, notamment par l'OrchestrePhilharmonique de Berlin, l'Orchestre Philharmoniquede Munich et l'Orchestre Philharmonique de RadioFrance avec lequel il a noué une relation privilégiée.En 1991, Il fonde l'Institut-Fondation internationalEötvös pour les jeunes chefs et compositeurs. De1992 à 1998, il est professeur au Conservatoire deKarlsruhe puis au Conservatoire de Colognejusqu'en 2001. Depuis 2002, il enseigne de nouveau àKarlsruhe. Le ministre de la Culture français le faitCommandeur de l'Ordre des Arts et Lettres en 2003.La Hongrie lui déceme le Prix Bartók en 1997 et lePrix Kossuth en 2002. Il reçoit en 2000 le PrixChristoph et Stephan Kasle. Peter Eötvös estégalement membre de l'Académie des Arts de Berlin,de l'Académie des Arts Szechenyi à Budapest et del'Académie des Arts de Saxe à Dresde.Parallèlement à son importante carrière de chefd'orchestre et à son activité de pédagogue, PeterEötvös compose de nombreuses pièces, marquéespar son expérience dans le studio de Stockhausenavec Cricketmusic (1970) ou Elektrochronik (1974),ainsi que par son travail au côté de Pierre Boulez, oud'autres influences comme celle du jazz : Music forNew York : improvisation pour saxophone sopranoet percussion avec bande (1971), de Franck Zappa - Psalm151, In memoriam Frank Zappa (1993).Peter Eötvös se tourne de plus en plus vers lemodèle théâtral, forme préalable à toutes sesœuvres, qu’elles soient scéniques ou instrumentales.Il crée en 2008 deux de ses opéras, Lady Sharashinaà l'Opéra de Lyon et Love and other Demons auGlynebourne <strong>Festival</strong>.33


Cappella AmsterdamFondé en 1970, le chœur Cappella Amsterdam,aujourd’hui sous la direction de Daniel Reuss, estreconnu pour l’interprétation des répertoiresancien et contemporain. A côté d’œuvres decompositeurs néerlandais comme Lassus etSweelinck, il présente des œuvres d’aujourd’hui,allant de Ton de Leeuw, Robert Heppener, PeterSchat, Klaas de Vries à Hans Koolmees, souventécrites pour ensemble. En septembre 2005, CappellaAmsterdam collabore à la création de l’opéraThyeste de Jan van Vlijmen, à La Monnaie(Bruxelles), dans une mise en scène de GerardjanRijnders. Il a également participé aux productionsde plusieurs opéras : Marco Polo de Tan Dun, Hier deGuus Janssen et Friso Haverkamp, et plusrécemment, Les Indes galantes de Rameau avecl’Orchestre du XVIII e siècle sous la direction de FransBrüggen, et Wet Snow de Jan van de Putte, avecl’Orchestre de Chambre de la radio sous la directionde Micha Hamel.Cappella Amsterdam participe régulièrement auHolland <strong>Festival</strong>, au festival de musique ancienned’Utrecht et à Musica Sacra (Maastricht). Il collaboreavec différents orchestres et ensembles instrumentaux,parmi lesquels le Ako|Schoenberg Ensemble, TheEbony Band, le Nieuw Ensemble, l’Orchestre deChambre de la Radio. Cappella Amsterdam aégalement travaillé avec la compagnie de danseKrisztina Châtel pour Obscura, sur des musiques deHans Koolmees.Anu KomsibiographieAnu Komsi a travaillé comme soliste à l’OpéraNational de Finlande et pour les maisons d’opéra deLubeck, Francfort et Hanovre. Elle a interprété lesrôles d’Olympia, Lulu, Gilda, Blondine et Zerbinetta.Elle a également chanté dans le Moses und Aaron deSchoenberg et dans Mastersingers of Mars deKimmo Hakola.Elle s’est produite au Concertgebouw d’Amsterdam,au Théâtre du Châtelet, à l’Ircam et à la Cité de laMusique à <strong>Paris</strong>, au Queen Elisabeth Hall deLondres, au Konzerthaus de Vienne, au Alice TullyHall de New York, notamment aux côtés de chefscomme Esa-Pekka Salonen, Lothar Zagrosek ouSakari Oramo. Elle pratique par ailleurs le récital,avec un répertoire s’étendant de la Renaissance à lamusique d’aujourd’hui (Kafka Fragmente de GyörgyKurtág, Grammar of Dreams de Kaija Saariaho).En 2003-2004, Anu Komsi est en résidence auConcertgebouw de Bruges où elle travaille avec descompositeurs estoniens, russes et flamands, chanteen Allemagne et en Autriche avec l’Orchestre de laSWR Stuttgart (direction : Roger Norrington) et leCity of Birmingham Symphony Orchestra (direction :Sakari Oramo). Elle participe à deux productions del’Opéra National de Finlande à Helsinki(L’Enlèvement au Sérail et Peter Grimes) et participeà divers festivals en Finlande, en Angleterre et enRussie.En 2005 elle chante, avec Andras Keller au violon,Kafka-Fragmente op.24 de György Kurtág au <strong>Festival</strong>d’Aix en Provence. En 2006, elle chante dans Into theLittle Hill, premier opéra de George Benjamin sur unlivret de Martin Crimp, créé au <strong>Festival</strong> d’Automne.Elle est également directrice artistique de l’Opérade Kokkola en Finlande, qui a présenté sa premièreproduction, Les Noces de Figaro de Mozart, en juillet2006.34


Karlheinz StockhausenGyörgy LigetiEnsemble intercontemporainDirection, Pierre BoulezKarlheinz StockhausenKreuzspielKontra-PunkteFünf weitere Sternzeichen, création françaiseGyörgy LigetiConcerto de chambreAventures et Nouvelles AventuresClaron McFadden, sopranoHilary Summers, contraltoGeorg Nigl, barytonEnsemble intercontemporainPierre Boulez, directionFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Sall e Pl eyel17 octobre 20hDurée : 1h30 plus entracte17€ à 45€Abonnement 13,60€ à 36€Coproduction Salle Pleyel ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de l’AdamiPierre Boulez a défendu et créé, en France, lesoeuvres de l’un et de l’autre avec conviction etengagement. Il a eu des discussionsenflammées avec Stockhausen sur la « formeouverte » ; il a enregistré la musique de Ligetidès 1960. Le Domaine musical, puis l’EnsembleIntercontemporain ont été les outils forgéspour défendre ces compagnons de route.Pierre Boulez s’est aussi passionné pourl’écriture phonétique des Aventures de Ligeti,dont le livret, constitué de chuchotements,susurrements ou croassements, était en 1962un jalon nouveau et essentiel au théâtremusical. Le Concerto de chambre avec sonécriture musicale faite de flous, décalages ouimprécisions volontaires, a également retenul’intérêt du chef-compositeur séduit parl’énergie rythmique et le lyrisme parfoisromantique de cette partition.Ce sont d’ailleurs avec ces mêmes questions,liées à l’écriture musicale, qu’apparaissent lesoeuvres de Stockhausen. Ainsi Kreuzspiel ouKontra-Punkte contestent la mise en paged’une partition comme le déroulement linéairede la musique. Tout peut être interrogé en cesannées 1950 par ces jeunes créateurs soucieuxde modernité. C’est pour cela que PierreBoulez joue Kontra-Punkte, dans le feu del’action, et dès 1956, au Domaine Musical. Ildirige ici les Fünf weitere Sternzeichen, ultimeopus d’un compositeur qui n’a jamais cessé derenouveler son langage musical.Concert enregistré par France MusiqueContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Salle PleyelPhilippe Provensal01 44 84 45 6335


Karlheinz StockhausenBiographieNé le 22 août 1928, à Mödrath, non loin de Cologne,et mort le 5 décembre 2007. . Kurten, KarlheinzStockhausen laisse une oeuvre considérable, quicompte près de 370 numéros d’opus et dix volumesd’écrits.Sa mère, Gertrud Stupp, issue d’une familleancienne et aisée de fermiers, chantait ets’accompagnait volontiers au piano. Après lanaissance en 1929 d’unefille (Katharina), et en 1930d’un second fils (Hermann-Josef, quimourra en1933), une grave dépression aboutit à soninternement en décembre 1932. En 1941, elle seradéclarée morte de « leucémie », comme tous lesautres patients de l’asile, victime de la politiqued’euthanasie des malades mentaux, organisée parle Troisième Reich – l’opéra Donnerstag aus Lichtreprésentera ses souffrances, jusqu’à l’injectionlétale. Stockhausen grandit à Altenberg, où il reçoitses leçons de musique de l’organiste de lacathédrale, Franz-Josef Kloth. Son père, Simon,instituteur, chasseur et amateur de théâtre, avaitappris le piano et leviolondanssajeunesse.Contraintde rejoindre le parti national-socialiste, il est encharge de la collecte des contributions,mais perçoitbientôt la nature délétère du régime, contraire à sesconvictions catholiques. Il se remarie en 1938.Stockhausen, dont les relations avec sa belle-mèresont difficiles, devient pensionnaire au Collège pourla formation d’enseignantsdeXanten, où il doitrevêtir des uniformes marqués d’insignes nazis, etoù il joue du piano, du hautbois et du violon. Enrôlé,brancardier à Bedburg, il retrouve en 1945, àAltenberg, son père en permission. Celui-ci avait étéenvoyé sur le front deux ans auparavant, et luiconfie : « Je ne reviendrai pas. Occupe-toi de tout ». Ilsera bientôt porté disparu, vraisemblablement enHongrie.Après la guerre, dans une situation difficile,orphelin, Stockhausen exerce différents métiers(fermier,gardien de nuit, mais aussi pianiste,membre d’un groupe vocal, répétiteur de choeur,musicien de jazz et d’opérettes…). Il étudie le piano,la théorie, la musicologie, la philologie et laphilosophie au Conservatoire et à l’Université deCologne, écrit un mémoire sur la Sonate pour deuxpianos et percussion de Béla Bartók, et devient en1950 l’élève en composition de Frank Martin.L’influence, alors dominante en Allemagne, de PaulHindemith laisse bientôt place chez lui, à la suite deRené Leibowitz et de Hermann Scherchen, à l’étuded’Arnold Schoenberg et d’Anton Webern.Stockhausen participe dès 1951 aux Cours d’été deDarmstadt, où il enseignera de 1953 à 1974, et suit,en 1952-1953, au Conservatoire de <strong>Paris</strong>, les cours deDarius Milhaud, qu’il abandonne après quelquessemaines, et surtout ceux d’Olivier Messiaen, quelui avait conseillé son ami Karel Goeyvaerts.Après avoir fréquenté, avec Pierre Boulez, le Clubd’essai de Pierre Schaeffer, il participe à lafondation du Studio de musique électronique deCologne en 1953 et suit les cours de phonétique deWerner Meyer-Eppler à l’Université de Bonn (1954-1956), tout en dirigeant, avec Herbert Eimert,l’influente revue Die Reihe (1954-1959). Dès lors, ildéploie une intense activité théorique etcompositionnelle : sérialisme, musique ponctuelle,musique électronique, musique statistique, aléa,conquête de l’espace, composition par groupe,théâtre musical, processus, Momentform, formules,intégration d’objets trouvés, télémusique, musiqueintuitive, musique cosmique… Professeur aux Coursde Cologne pour la nouvelle musique (1963-1968), àl’Université de Pennsylvanie (1965), à l’Université deCalifornie (1966-1967), et à la Musikhoschule deCologne (1971-1977), Stockhausen enseignerégulièrement en Europe, en Amérique du Nord eten Asie, jusqu’à la création, en 1998, des CoursStockhausen, à Kurten, où il réside. Auparavant, du14 mars au 14 septembre 1970, lors de l’Expositionuniverselle à Osaka, une vingtaine de solistesinterprètent quotidiennement ses oeuvres pendantplus de cinq heures, touchant près d’un million devisiteurs.De 1977 à 2003, Stockhausen compose un cycle desept opéras, Licht (Lumière), suivi, de 2004 à sa mort,d’un second cycle, Klang (Son). Docteur honoriscausa de l’Université libre de Berlin (1996) et del’Université de la Reine de Belfast (2004), membre dedouze académies des arts et des sciences,Stockhausen fut lauréat d’innombrables prix etdistinctions internationales.Ses premières oeuvres, jusqu’à Fresco (1969), pourquatre groupes d’orchestre, sont éditées parUniversal Edition ; les suivantes, par le StockhausenVerlag (Kettenberg 15, D-51515 Kürten), une maisond’édition qu’il crée en 1975, et qui publie nonseulement ses partitions, mais aussi les derniersvolumes de ses écrits (vol. 7-10), des fac-similésd’esquisses (notamment du Gesang der Jünglinge),des vidéos et une édition complète desenregistrements de ses oeuvres (139 numéros deCDs prévus).Enfin, en 1994, est fondée la Stockhausen-Stiftungfür Musik (Fondation Stockhausen pour la musique),association à but non lucratif, dont l’objectif est «l’essor de la musicologie et le développement de laculture musicale, sur la base de l’oeuvre deKarlheinz Stockhausen ».www.stockhausen.org36


Karlheinz Stockhausen au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1973 : Hymnen, troisième région pour orchestre1974 : Inori, Orchestre du Sudwestfunk, direction KarlheinzStockhausen1976 : Sirius1988 : Cycle Karlheinz StockhausenMontag aus Licht, direction Péter Eötvös, régie duson Karlheinz StockhausenOpéra-Comique : huit concertsExtraits de Licht : Nasenflügeltantz, Schmetterlinge,Klavierstücke I-Xl, XIV, Kontakte, In Freundschaft,Gesang der Jünlinge, Refrain, Hymnen, Eingang undFormel, Oberlippentanz, Xi, Zungenspitzentanz,Luzifers Traum, Kathinkas Gesang, Tele-musik,Tierkreis, Susanis Echo, Mission undHimmelfahrt, Mantra, Unsichtable Chöre, Mondeva,Examen, Drachenkampf und Argument, Vision,Abschied1996 : Welt-Parlament (Mittwoch aus Licht)Chœur de la Radio de Stuttgart, direction RupertHuber. Régie du son : Karlheinz Stockhausen1998 : Momente, Choeur de la Radio de Cologne,direction Rupert Huber2008 : Der Gesang der Jünglinge (Le Chant desadolescents) pour sons électroniques et concretsGlanz (Brillance), dixième heure du cycle Klang (Son)pour sept instrumentistesOrchester-Finalisten (scène de Mittwoch ausLicht / Mercredi de Lumière) pour treize solisteset sons électroniquesKarlheinz StockhausenKreuzspiel | Kontra-Punkte | Fünf weitere SternzeichenPoussant l'intellect aux frontières du possible,Stockhausen donne entre 1952 et 1953 deux oeuvresessentielles à l'idée de modernité ou d'avant gardeen musique. D'un schéma de croix pensé danstoutes ses structures, Kreuzspiel concerne lescroisements du temps, de l'espace ou des registres.Les trois grandes sections de la pièce comprennentchacune des minutages précis que les exécutants sontcensés maîtriser, et le compositeur perfectionne ainsisont idée de « groupes ». Créée en 1952 à Darmstadt,l'oeuvre imposait sa modernité par le problème desa réception de la forme avec sa structurecomplexe. Son abstraction ouvrait ainsi la porte àKontra-Punkte (1953) dont le titre ne peutdissimuler l'allusion au contrepoint traditionnel.Mais ne s'agit-il pas aussi d'un anti-contrepoint auprofit d'un strict ponctualisme « point contrepoint » ? « Ainsi, pas de répétition, pas de variation,pas de développement, pas de contraste. (...) Kontra-Punkte : une série et les changements etrenouvellements les plus cachés et les plus subtils ;pas de fin marquée. » dit le compositeur à propos del'oeuvre. Cette volonté de non-répétition permettraà Stockhausen d'ajuster constamment son langage,jusqu'aux Fünf Weitere Sternzeichen, ultime opus,dont c'est la création en France.Rodolphe Bruneau-BoulmierHarmonien (Harmonies), cinquième heure du cycleKlang (Son) pour trompetteHoffnung (Espoir), neuvième heure du cycle Klang(Son) pour violoncelle, violon et altoDonnerstags -Gruss (Michaels-Gruss) (1978)Michaels Reise um die Erde (Le Voyage de Michelautour de la terre)deuxième acte de Donnerstag aus Licht (Jeudi deLumière) (1977-1978)37


György LigetibiographieNé en 1923 en Transylvanie, György Ligeti étudie lacomposition au Conservatoire de Cluj auprès deFerenc Farkas (1941-1943). De 1945 à 1949, il poursuitses études avec Sándor Veress à l'Académie FranzLiszt de Budapest où il enseignera lui-même l'harmonieet le contrepoint entre 1950 et 1956. Il fuit alors laHongrie suite à la révolution de 1956 et se rendd'abord à Vienne, puis à Cologne où il est accueillinotamment par Karlheinz Stockhausen. Il travailleau Studio électronique de la Westdeuscher Rundfunk(1957-1959) et rencontre Pierre Boulez, Luciano Berio,Mauricio Kagel. En 1959, il s'installe à Vienne etobtient la nationalité autrichienne en 1967. Dans lesannées 60, György Ligeti participe chaque annéeaux cours d'été de Darmstadt (1959-1972) etenseigne à Stockholm en tant que professeur invité(1961-1971). Lauréat de la bourse du DeutscherAkademischer Austausch Dienst de Berlin en 1969-1970, il est compositeur en résidence à l'Universitéde Stanford en 1972. De 1973 à 1989, il enseigne lacomposition à l’Ecole supérieure de musique deHambourg. Depuis, il partage son existence entreVienne et Hambourg.György Ligeti a été honoré de multiples distinctions,dont le Berliner Kunstpreis, le Prix Bach de la villede Hambourg, ou le Prix de composition musicale dela Fondation Pierre de Monaco.Durant la période hongroise, sa musique témoigneessentiellement de l'influence de Bartók et Kodály.Ses pièces pour orchestre Apparitions (1958-1959) etAtmosphères (1961) attestent d'un nouveau stylecaractérisé par une polyphonie très dense (oumicro-polyphonie) et un développement formelstatique. Parmi ses oeuvres les plus importantes decette période, on peut citer le Requiem (1963-1965),Lux aeterna (1966), Continuum (1968), le Quatuor àcordes n°2 (1968) et le Kammerkonzert (1969-1970).Au cours des années 70, son écriture polyphoniquese fait plus mélodique et plus transparente, commeon peut le remarquer dans Melodien (1971) ou dansson opéra Le Grand Macabre (1974-1977). Nombre deses oeuvres témoignent également de son soucid'échapper au tempérament égal, à commencer parRamifications (1968-1969). Dans les années 80, ildéveloppe une technique de composition à lapolyrythmie complexe influencée à la fois par lapolyphonie du XlVe siècle et différentes musiquesethniques : Trio pour violon, cor et piano (1982),Etudes pour piano (1985-1995), Concerto pour piano(1985-1988), Concerto pour violon (1990-1992),Nonsense Madrigals (1988-1993) et la Sonate pouralto solo (1991-1994). En 1997, György Ligeti composeune seconde version du Grand Macabre, créée àSalzbourg en juillet 1997. Après un concerto pourcor et ensemble Hamburg Concerto et un derniercycle de chansons, Síppal, dobbal, nádihegedüvel,pour mezzo-soprano et ensemble de percussions(2000), l'achèvement du troisième livre d'Étudespour piano, en 2001 clôt son catalogue. GyörgyLigeti meurt à Vienne le 12 juin 2006.György Ligeti au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1974 : Requiem1984 : Deux étudesRicercareVoluminaQuartuors n° 1et 2Musica ricercataMonument, Selbsportrait, BewegungMelodienRamificationsTrio pour cor, violon et pianoEtudes hongroises pour chœurTrois fantaisies pour chœurConcerto de chambreClocks and cloudsSan Francisco Polyphony1989 : Concerto pour pianoHuit études pour pianoMonument, Selbstportrait, Bewegung1990 : Nonsense MadrigalsConcerto pour violonMelodienConcerto pour piano1994 : Sonate pour altoTreize Etudes pour piano2000 : Oeuvres choralesGyörgy LigetiConcerto de chambre | Aventures et Nouvelles AventuresPendant la décennie 1960-70, Ligeti va repenser sonlangage musical et donner quelques jalons à l'histoire de lamusique. Après un Poème Symphonique pensé comme undivertissement, le compositeur s'engage aux côtés duthéâtre musical avec Aventures (1962) et NouvellesAventures (1965) pour trois chanteurs et septinstruments. Avec Kagel comme référence avouée,l'oeuvre balaye les états d'âme choisis par Ligeti aunombre de cinq : humour, terreur, idylle, érotisme,mysticisme ; le tout en divers sections. Nul scénariopour ce moment, mais seulement des voix exubérantesoù volent phonèmes et onomatopées pour un théâtrede l'absurde que l'époque réclamait. Le compositeur iramême jusqu'à l'élaboration d'une version scéniqueen 1966. De ces années « les plus brillantes dansl'évolution du compositeur », selon Célestin Deliège ;on trouve aussi le Concerto de chambre, oeuvrecentrale dans le corpus de Ligeti. Quittant les grandesmasses sonores, les ramifications orchestrales ou lesnuages polyphoniques de Lontano : le compositeurpense ici une certaine idée de la pureté. Avec treizeinstruments seulement, Ligeti veut avec sonConcerto de chambre une mobilité continue, un fluxmoins opaque. L'écriture aléatoire sera un moyenutilisé, on quitte aussi les clusters pour des octavesréparties dans le registre, on superpose les tempipour perdre tout repère. On se souvient du genre duconcerto, mais on le bouscule : une modernitéclassique, en quelque sorte.Rodolphe Bruneau-Boulmier© Ircam - Centre Pompidou, 200838


Pierre BoulezNé en 1925 à Montbrison (Loire), Pierre Boulez suitles cours d’harmonie d’Olivier Messiaen auConservatoire de <strong>Paris</strong>. Andrée Vaurabourg luienseigne le contrepoint, Olivier Messiaen lacomposition et René Leibowitz la techniquedodécaphonique. Directeur de la musique de scèneà la Compagnie Renaud-Barrault en 1946, il composela Sonatine pour flûte et piano, la Première Sonatepour piano et la première version de Visage nuptialpour soprano, contralto et orchestre de chambre,sur des poèmes de René Char. Soucieux de ladiffusion de la musique d’aujourd’hui et del’évolution des rapports du public et de la création,il fonde en 1954 les concerts du Domaine musical(qu’il dirige jusqu’en 1967), puis l’Ircam en1975 etl’Ensemble Intercontemporain en 1977. Il estnommé chef permanent du BBC SymphonyOrchestra en 1971. En 1969, il dirige le New YorkPhilharmonic dont il est directeur musical de 1971 à1977, succédant à Leonard Bernstein. En 1976, ildirige le Ring de Wagner à Bayreuth, dans une miseen scène de Patrice Chéreau,pour lacommémoration du centenaire de la Tétralogie. À lafin de l’année 1991, il abandonne ses fonctions dedirecteur de l’Ircam, tout en restant directeurhonoraire.Professeur au Collège de France de 1976 à 1995, il estl’auteur de nombreux écrits et a à son actif uneimposante discographie (contrat avec DeutscheGrammophon depuis 1991). Parallèlement, ils’associe à d’autres projets d’importance pour ladiffusion musicale, telle que la création de l’OpéraBastille ou de la Cité de la musique et aujourd’huide la Philharmonie de <strong>Paris</strong>. Actuellement, il seconsacre essentiellement à la composition et à ladirection d’orchestre.Ensemble intercontemporainCréé par Pierre Boulez en 1976 avec l’appui deMichel Guy, alors secrétaire d’État à la Culture,l’Ensemble intercontemporain réunit 31 solistespartageant une même passion pour la musique duXX e siècle à aujourd’hui.Constitués en groupe permanent, ils participent auxmissions de diffusion, de transmission et de créationfixées dans les statuts de l’Ensemble.Placés sous la direction musicale de SusannaMälkki, ils collaborent, au côté des compositeurs, àl’exploration des techniques instrumentales ainsiqu’à des projets associant musique, danse, théâtre,cinéma, vidéo et arts plastiques.Chaque année, l’Ensemble commande et joue denouvelles œuvres, qui viennent enrichir sonrépertoire et s’ajouter aux chefs-d’œuvre du XX esiècle.Les spectacles musicaux pour le jeune public, lesactivités de formation des jeunes instrumentistes,chefs d’orchestre et compositeurs ainsi que lesnombreuses actions de sensibilisation des publics,traduisent un engagement profond et internationalementreconnu au service de la transmission et de l’éducationmusicale.En résidence à la Cité de la musique de <strong>Paris</strong> depuis1995, l’Ensemble se produit et enregistre en Franceet à l’étranger où il est invité par de grands festivalsinternationaux.39


Luciano BerioMorton FeldmanDirection, Emilio PomaricoLuciano BerioBewegungMorton FeldmanViolin and OrchestraCarolin Widmann, violonOrchestre symphoniquede la Radio de FrancfortEmilio Pomarico, directionFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre d u C hâte le tLundi 19 octobre 20hIntroduction au concert à 19h15au foyer du théâtreDurée : 1h2010€ à 24€Abonnement 10€ et 15€Coréalisation Théâtre du Châtelet ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>En collaboration avecl’Orchestre Symphonique de la Radio de FrancfortLoin des systèmes et des méthodes qui, avecune précision d’automate, choisissent au nomdes sons, Morton Feldman, dans Violin andOrchestra, son ultime « concerto », atteintl’essence même de l’écoute, patiente,attentive, et se concentre sur l’écart infime etla répétition nuancée de brefs momentsasymétriques. Son art, merveilleux, tient à unsens du timing, du moment exact del’introduction d’un élément, ni avant ni après,et de sa lente durée. Là, les formes sejuxtaposent plus qu’elles ne dialoguent.Suivant l’exemple de son maître, EdgardVarèse, Feldman déploie une stase, unemajesté immobile, qu’une tension souterraineanime, à l’image des peintures de l’ami MarkRothko, où « c’est gelé et en même temps, çavibre ». L’oeuvre, alors, est comme une toilelumineuse de sons et de temps. Analogiquement,une lenteur intrinsèque caractérise Bewegung.Chaque point, également éloigné du centre, serévèle à un auditeur qui y circule, mais commeimmobile. Fasciné par les limites de laperception et la capacité d’une écoute globale,presque intuitive, Luciano Berio, dans unepartition transparente, et à la nuance toutepiano, s’attache à la résonance, à l’aurad’accords déployés, et épelle, en arpèges etmotifs, de magistraux processus harmoniques.Concert enregistré par France MusiqueCarolin Widmann est invitée par le <strong>Festival</strong>d’Automne le Lundi 30 novembre, 20h30 :Wolfang <strong>Rihm</strong>, Uber die Linie VIILuciano Berio, Sequenza VIIIMorton Feldman, For Aaron CoplandJean Barrqué, Sonate pour violon seulThéâtre des Bouffes du NordContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre du ChâteletAnne Marret01 40 28 29 30Voir entretien, page 1240


Luciano BeriobiographieLucinao Berio naît en 1925 à Oneglia, Italie. Le cerclefamilial où il vit jusqu’à l’âge de dix-huit ans sera lelieu de sa première éducation musicale, essentiellementdispensée par son grand père Adolfo et son pèreErnesto, tous deux organistes et compositeurs. Il yapprend le piano et pratique la musique dechambre. Devant renoncer à une carrière depianiste, suite à une blessure à la main, il se tournevers la composition.À la fin de la guerre, il entre au conservatoire Verdide Milan, d’abord auprès de Paribeni (contrepoint etfugue), puis avec Ghedini (composition), Votto etGiulini (direction d’orchestre). Il gagne alors sa vieen tant que pianiste accompagnateur et rencontrela chanteuse américaine d'origine arménienne,Cathy Berberian, qu’il épouse en 1950 et aveclaquelle il explorera toutes les possibilités de lavoix, à travers plusieurs œuvres dont la célèbreSequenza III (1965). En 1952, il part à Tanglewoodétudier avec Luigi Dallapiccola pour qui il éprouveune grande admiration. Chamber Music (1953) seracomposé en hommage au maître. Durant ce séjour,il assiste à New York au premier concert américaincomprenant de la musique électronique.C’est au cours d’une conférence sur la musiqueélectroacoustique, à Bâle, qu’il fait la connaissancede Stockhausen. Il fait alors ses premiers essais demusique sur bande magnétique (Mimusique n°1) eteffectue un pèlerinage à Darmstadt où il rencontreBoulez, Pousseur et Kagel. Il s’imprègne alors de lamusique sérielle à laquelle il réagit de façonpersonnelle avec Nones (1954). Il retournera àDarmstadt entre 1956 et 1959, y enseignera en 1960,mais gardera néanmoins toujours ses distances parrapport au dogmatisme ambiant.Interessé par la littérature et la linguistique, desauteurs comme Joyce, Cummings, Calvino ou Levi-Strauss, nourriront sa pensée musicale. En 1955, ilfonde à Milan, avec son ami Bruno Maderna, leStudio de phonologie musicale de la RAI, premierstudio de musique électro-acoustique d’Italie. Deses recherches naîtra notamment Thema (Omaggioa Joyce), en 1958. En 1956, il crée avec Maderna lesIncontri musicali, séries de concerts consacrés à lamusique contemporaine, et publie une revue demusique expérimentale du même nom, entre 1956et 1960. Passionné par la virtuosité instrumentale, ilentame en 1958 la série des Sequenzas dont lacomposition s’étendra jusqu’en 1995, et dontcertaines s’épanouiront dans la série des Chemins. Àpartir de 1960, il retourne aux États-Unis où ilenseigne la composition à la Dartington SummerSchool, au Mill's College d’Oakland, à Harvard et àl'université Columbia. Il enseigne également à laJuilliard School de New York, entre 1965 et 1971, où ilfonde le Juilliard Ensemble (1967), spécialisé dans lamusique d’aujourd’hui. Dans les années 70, ilcollabore avec Sanguineti sur des œuvres dethéâtre musical, dont Laborintus 2 (1965) sera laplus populaire. En 1968, il compose Sinfonia qui,avec ses multiples collages d’œuvres du répertoire,traduit le besoin constant de Berio d’interrogerl’Histoire. Durant cette période, il intensifie sesactivités en tant que chef d’orchestre. Berioretourne vivre en Europe en 1972. À l’invitation dePierre Boulez, il prend la direction de la sectionélectroacoustique de l’Ircam (1974-1980). Il supervisenotamment le projet de transformation du son entemps réel grâce au système informatique 4x créépar Giuseppe di Giugno. Enrichi de son expérience àl’Ircam, il fonde en 1987, Tempo Reale, l’InstitutFlorentin d’électronique live. Son intérêt pour lesfolklores lui inspire Coro (1975), une de ses œuvresmajeures. Dans les années 80, Berio réalise deuxgrands projets lyriques : La Vera Storia (1982) et Unre in ascolto (1984) sur des livrets d’Italo Calvino.Tout en continuant à composer, il revisite le passéen réalisant des transcriptions, des arrangements,et notamment à travers la reconstruction de laSymphonie no.10 de Schubert (Rendering, 1989).Parallèlement à son activité créatrice, Berio s’estimpliqué sans relâche dans des institutionsmusicales italiennes et étrangères. Sa notoriétéinternationale a été saluée par de nombreux titreshonorifiques universitaires et prix, dont un Lion d'orà la Biennale de Venise (1995) et le PraemiumImperiale (Japon).Luciano Berio meurt à Rome, le 27 mai 2003.© Ircam - Centre Pompidou, 2007Luciano Berio au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1977 : Coro1979 : Opera1984 : PassaggioA-Ronne1989 : Canticum novissimi testamenti1990 : Coro1991 : Quartetto1992 : Canticum Novissimi Testamenti (version intégrale)CalmoOfanim1995 : 0 KingDuetti pour Due canti popolari1997 : Alternatim1999 : Outis41


Morton FeldmanbiographieNé le 12 janvier 1926 à New York, Morton Feldmanétudie le piano avec Madame Maurina Press, uneélève de Busoni à qui il dédiera Madame Press DiedLast Week at Ninety (1970). Ses premièrescompositions sont influencées par le style deScriabine. Wallingford Riegger, en 1941, puis StefanWolpe, en 1944, deviennent ses professeurs decomposition. Au cours de l'hiver 1949-1950, ilrencontre John Cage qui l'encourage dans une voieintuitive, loin de tout système. Tenté par l'écrituregraphique qu'il utilise dans Projection 2, il yrenonce entre 1953 et 1958, puis de manièredéfinitive en 1967, avec In Search of anOrchestration, refusant que ses interprètes netravestissent une telle notation en un art del'improvisation. Ami du poète Frank O'Hara, dupianiste David Tudor, des compositeurs Earle Brownet Christian Wolff, des peintres Mark Rothko, PhilipGuston, Franz Kline, Jackson Pollock et RobertRauschenberg, dont les noms jalonnent les titres denombreuses compositions, il est nommé professeurà l'Université de New York/Buffalo (1973-1987), où iloccupe la chaire Edgard Varèse. En 1984 et 1986, ilenseigne aux Ferienkurse fur Neue Musik deDarmstadt. Il meurt le 3 septembre 1987.Les oeuvres de Morton Feldman sont éditées parPeters/New York, jusqu'en 1969, puis par Universal,de 1969 à 1987.Morton Feldman au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1988 : Piano (Opéra-Comique)1997 : cycle Morton Feldman : Voices and Cello, TheKing of Denmark, Principal Sound, Rothko Chapel(Eglise des Blancs-Manteaux ) ;Coptic Light, Chorus and Orchestra II, The TurfanFragments (Cité de la Musique) ;Three Voices, Triadic Memories, Piano and StringQuartet, I Met Heine on the Rue Fürstenberg, ForFrank O’Hara, Routine Investigations, The O'HaraSongs, Four Songs to E. E. Cummings (ThéâtreMolière Maison de la Poésie)2004 : String Quartet II (1983) ;Intégrale des Œuvres pour piano solo (Muséed’Orsay / Auditorium)Emilio PomaricoChef d’orchestre et compositeur, Emilio Pomaricoest né à Buenos Aires de parents italiens. Il étudie àMilan, puis suit les masterclasses de Franco Ferrara(Italie, Sienne, Accademia Musicale Chigiana de 1979à 1980) et Sergiu Celibidache (Munich en 1981). Il aété l'invité de nombreux théâtres et associations deconcerts tels que la RAI, les OrchestresSymphoniques de Radio de Milan, Turin et Rome,Orchestra Sinfonica Siciliana, La Fenice de Venise,Teatro dell'Opera de Rome, Teatro G. Verdi deTrieste et La Scala de Milan.Il dirige également d’importants orchestres enEurope (l'Orchestre de la Radio Suisse Romande,l'Orchestre Symphonique National de la RAI, leFrankfurt Opern und Museumorchester, le BBCScottish Symphony Orchestra, l'OrchestreSymphonique Gulbekian) et est l’invité de festivalsinternationaux (<strong>Festival</strong> d'Automne à <strong>Paris</strong>, <strong>Festival</strong>International d'Edimbourg, Biennale de Venise).En plus d’un répertoire allant de Bach à Webern,Emilio Pomarico dirige des ensembles commel'Ensemble Modern, l'Ensemble Contrechamps, leNieuw Ensemble, l'Ensemble Recherche et leKlangforum, dans des œuvres de grandscompositeurs d’aujourd’hui (Boulez, Nunes,Maderna, Nono, Ligeti, Kurtág, Berio, Donatoni).En tant que compositeur, Emilio Pomarico a obtenudeux premiers prix internationaux de composition,dont le prestigieux G.B. Viotti (Vercelli, Italie).Emilio Pomárico enseigne actuellement la directiond'orchestre à la l’Accademia Internazionale dellaMusica de Milan.42


Brian FerneyhoughHarrison BirtwistleHugues DufourtQuatuor ArdittiBrian FerneyhoughDum Transisset I – IV (d’après Christopher Tye)Harrison BirtwistleThe Tree of Strings (deuxième quatuor)Hugues DufourtDawn FlightFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtreMercredi 28 octobre 20hIntroduction au concert à 19h15Durée : 1h3010€ et 15€Abonnement 10€Coréalisation Opéra national de <strong>Paris</strong> ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Après le cycle Les Hivers, Hugues Dufourts’inspire à nouveau de l’univers pictural(Stanley Hayter, 1901-1988) pour composer sonpremier quatuor à cordes, Dawn Flight. Si lecompositeur « pense la musique comme flux,modulation, émergence perpétuelle, lumièreillocalisable, masse en essor ou tournoiement sansprise », il précise qu’« écrire un quatuor cordespourrait signifier le retour à une réflexion surles formes fondamentales du mouvement – commel’attraction, la répulsion, l’inclusion ou la pénétration ».Alors, de ce travail obsessionnel sur le temps, naît unedemi-heure de musique tendue et violente faite degestes brisés ou coupés. Si Dufourt proposeson premier quatuor à cordes, Brian Ferneyhough,lui, poursuit son exploration sonore d’un genrequ’il pratique depuis longtemps. Les référencesfurent d’abord Schoenberg ou Webern maisaujourd’hui, le compositeur de Dum Transisset(2007) se tourne vers le plain-chant de laRenaissance et nous propose quatre courtespièces pour une libre évocation de la musiquede Christopher Tye (environ 1505-1572). Si lessources sont picturales ou musicales chezDufourt et Ferneyhough, celles de Birtwistledemeurent poétiques car c’est à partir desécrits du poète écossais Sorley MacLean qu’il acomposé The Tree of Strings : un quatuor à larecherche de ses souvenirs – personnels etculturels – du temps où il vivait sur l’île deRaasay en 1970.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtrePierrette Chastel01 40 01 16 7943


Entretien avec Brian FerneyhoughVous composez des quatuors à cordes depuis plusieursannées. En quoi ce genre est-il pour vous une source deréflexion ? A t-il accompagné l'évolution de votre travailau fil du temps ? Votre façon d'aborder le genre a t-ellechangée ?Brian Ferneyhough : Lors des cours d’été de Darmstadten 2008, j'ai eu l'occasion d'entendre mes cinqquatuors à cordes dans l'ordre chronologique, aucours de deux concerts. J'ai été frappé à la fois par lafaçon dont ils se complétaient et par les changementsde perspective du premier au cinquième. J'ai toujourstrouvé que le genre du quatuor à cordes offre aucompositeur, de manière optimale, un large éventailpour l'approche de l'expression et de la forme. Enmême temps il exprime, grâce à sa positiondominante dans l'histoire de la musique de chambreoccidentale, un enjeu perpétuel pour lescompositeurs pour repenser et enrichir leursmoyens. En ce sens, je pense que mes quatuorstémoignent d’une forte continuité d'intentions,même si chacun d'eux est écrit à partir d'un point dedépart différent et nouveau.Dum Transisset se tourne vers le plain-chant de laRenaissance. Comment et pourquoi votre quatuorévoque l'oeuvre de Christopher Tye ?Brian Ferneyhough : En 2001, j'ai composé un petit Innomine à la demande de l'Ensemble Recherche quiavait comme point de départ une oeuvrepolyphonique de Tye. Plus tard, en travaillant sur laquestion du temps dans mon opéra Shadowtime, j'airessenti le besoin de me référer à des exemples demusiques du passé, en particulier celles de laRenaissance et du Codex de Montpellier. Après avoirachevé cette considérable commande en 2004, j'aidécidé d'approfondir l'étude des pièces pour violesde Christopher Tye ; les résultats (à ce jour) ont été OLux pour dix instruments et les quatre pièces de DumTransisset. Dans ces dernières, mon intention étaitd'utiliser le raffinement infini de la texture du quatuortout en prenant mes distances, temporairement, parrapport au poids de la tradition. De cette manière, onpeut dire que « je me suis autorisé » à repenser latradition et son poids d'une façon plus fantaisiste,moins lourde de conséquence. Les titres des mouvementsoffrent quelques clés concernant mes sources d'inspiration– Reliquary, Totentanz, Shadows et Contrafacta.Existe t-il des techniques d'écriture similaires entreun compositeur de la Renaissance et vous ?Brian Ferneyhough : Je me suis toujours senti prochedes périodes dans lesquelles la musique passe d'unidéal d'expression à un autre. La Renaissance est unexemple parfait d'une époque pendant laquelle lesstyles étaient en évolution constante, en croisementet, assez souvent, en conflit. C'est particulièrementvrai pour la Réforme anglaise, où l’on trouve le grandstyle de polyphonie latine coexistant avec lapratique anglaise liturgique plus intime etpersonnelle qui lui a succédée. J'aime penser que lamusique d’aujourd’hui est capable de rejoindre etd'embrasser ces extrêmes. C'est mon idéal, tout dumoins.Travaillez-vous à un autre quatuor à cordes ?Brian Ferneyhough : Je viens de commencer unsixième quatuor pour le <strong>Festival</strong> de Donaueschingende 2010. Ayant achevé trois quatuors en trois ans, jesuis toujours en train de chercher des solutions àplusieurs problèmes que je me suis posé, enparticulier celui de la durée associée à une structureinterne caractérisée par un mélange de sectionsextrêmement courtes et denses et des matériaux deplus grandes portées qui se développent progressivement.Nous devons attendre et voir où cela va mener !Propos recueillis par Rodolphe Bruneau-BoulmierBrian FerneyhoughbiographieBrian Ferneyhough est né à Coventry (Angleterre),en 1943. Il reçoit une première formation musicale,joue dans des brass bands, avant de s'orienter versla composition. Il obtient les diplômes d'exécutantet d'enseignant à l'Ecole de musique de Birmingham(1961-1963) et poursuit des études de compositionet de direction d'orchestre à la Royal Academy ofMusic de Londres (1966-1967). Après avoir étudiéauprès du compositeur Lennox Berkeley, BrianFerneyhough quitte la Grande-Bretagne en 1968. Lamême année, il est lauréat du concours Gaudeamus,avec son oeuvre Sonatas. Ce succès se répète en1969 et en 1970, avec Epicycle puis Missa Brevis. Lasection italienne de la SIMC récompense FirecycleBeta en 1972 et lui accorde, deux ans plus tard, lePrix spécial du jury pour Time and Motion Study III.Ferneyhough reçoit également la bourse de laFondation Heinrich Strobel, attribuée par la radioallemande Südwestfunk, une bourse du DAAD deBerlin en 1976-1977, le prix Koussevitsky pour Transit,jugée meilleure oeuvre contemporaine enregistréeen 1978.Après un bref stage auprès du compositeur Ton deLeeuw à Amsterdam, Brian Ferneyhough s'installe àBâle pour y travailler avec Klaus Huber (1969-1971),dont il devient l’assistant en tant que professeur decomposition à la Musikhochschule de Freibourg, de1973 à 1986. Depuis 1976, il enseigne également lacomposition aux cours d’été de Darmstadt et à laCivica scuola di musica (Milan), à partir de 1984.Après avoir été, en 1986-1987, professeur decomposition au Conservatoire royal de La Haye, ilassume les fonctions de professeur de musique àl'Université de Californie, à San Diego, à partir de1987. Depuis janvier 2000, il est titulaire de la chaireWilliam H. Bonsall pour la musique, à l'Université deStanford.Ferneyhough dirige la session de composition VoixNouvelles à l’abbaye de Royaumont depuisseptembre 1990. A partir de janvier 1993, il est invitéen résidence à I'Ircam pour y enseigner lacomposition durant trois mois, ainsi que pour ymener des projets compositionnels.Son premier opéra, Shadowtime, basé sur la vie et letravail de Walter Benjamin, est créé en mai 2004 à laBiennale de Munich (édité chez NMC en 2006) ;Plötzlichkeit, en 2006, au Donaueschingen musicfestival.44


Brian Ferneyhough est considéré aujourd'huicomme l'un des plus éminents pédagogues pour lacomposition.Sa musique est la concrétisation de raisonnementsintellectuels qui trouvent leur fondement dans lapensée sérielle des années 1950-1960 et la bousculentpour construire un matériau à haute densité, base d'uneexpressivité radicale. En poussant à son paroxysme lerôle de l’écriture, il parvient à transcender, par unjeu de relations antagonistes, les attitudes del'interprète en lutte avec le texte. Par ce procédé desublimation, Ferneyhough s'est imposé comme l’undes compositeurs fondamentaux de la fin du XXesiècle.Brian Ferneyhough au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1990 : Quatuor n° 2, Adagissimo, Quatuor n° 4 avec voix,Transit, (Auditorium du Châtelet)Sonatas, La Chute d'lcare, Quatuor n° 3, SiebenSterne (Auditorium du Châtelet - Eglise St-Eustache)1994 : Bone Alphabet, On Stellar Magnitudes(Opéra Bastille / Amphithéâtre)1996 : Carceri d'Invenzione, Trio à cordes(Cité de la musique)2004 : Shadowtime, opéra en sept scènes(Théâtre Nanterre-Amandiers)2006 : Plötzlichkeit (2006) Création française, commandedu SüdwestrundfunkEntretien avec Hugues DufourtDawn Flight est votre premier quatuor. Pourquoiavoir attendu la maturité pour vous confronter à cegenre ? Le quatuor à cordes est-il un genre quinécessite une réflexion, une approche particulière ?Hugues Dufourt : Le quatuor à cordes est un genreintimidant pour un compositeur. J'en ai différé lacomposition à plusieurs reprises car je suis plutôtun musicien de la globalité sonore, à la manière deDebussy : j'aime le travail de synthèse avecl'orchestre. J'ai donc attendu avant d'écrire unquatuor à cordes car je ne voyais pas comment fairedu nouveau. Surtout face aux grands quatuors denotre époque comme ceux de Lachenmann ouFerneyhough. Lorsque le Quatuor Arditti m'aproposé d'écrire pour eux, j'ai abordé ce genre defaçon rythmique. J'avais décidé de formaliser, desystématiser mon écriture rythmique. Je me suistourné vers l'ensemble de mon travail pour une idéede rassemblement d'un problème ancien. Ainsi, jen'étais plus dans l’obligation de faire du nouveaumais plutôt une condensation, une reprise de ce quej'avais déjà écrit.L'univers pictural semble être pour vous une sourced'inspiration assez fréquente. En quoi la peintureest-elle un moteur pour votre travail ? Plusprécisément, pourquoi le choix de Stanley Hayterpour votre quatuor Dawn Flight ?Hugues Dufourt : L'univers pictural est uneconstante pour moi. L'essentiel de la musique, telque je le conçois, est la conquête du timbre de lasubstance sonore. J'ai construit parallèlement à lastructure de mes œuvres un musée imaginaire. Lesœuvres picturales sont pour moi une problématique,une assise. Elles peuvent donner l'idée de l'unité deton de mes propres pièces. Il ne s'agit pas detranscription véritable, mais plutôt de collorisme.Hayter est un peintre-graveur peu connu etpourtant essentiel dans l'avant-garde picturale duXX e siècle. Il fut un homme curieux, novateur : il amême enseigné à Pollock. La démarche de sesdernières « œuvres-productions » est fascinante. Ils'agit d'un mélange d'associations de couleurs et dedynamisme formel. J'aime ces gestes fondamentaux.Votre travail semble effectuer une réflexion sur letemps. Ceci est sans doute lié à l'idée demouvement. Est-ce le cas pour Dawn Flight ?Hugues Dufourt : La structure de Dawn Flight nevient pas directement de Hayter. L'œuvre que j'aichoisi chez Hayter est faite de gestes contrariés,ascensionnels. On remarque la difficulté à surgir, àmonter. Le mouvement est comme pris au piège delui-même. Dans mon quatuor, j'ai cherché des gestesfondamentaux faits de saccades, de brisures, sansdimension représentative mais intelligible parl'allure du geste. Ces mouvements engendrent undiscours à la recherche d'une forme.Propos recueillis par Rodolphe Bruneau-Boulimier45


Hugues DufourtbiographieNé en 1943 à Lyon, Hugues Dufourt mène saformation de pianiste et de compositeur auConservatoire de Genève auprès de Louis Hiltbrand(1961-1968) et de Jacques Guyonnet (1965-1970), touten obtenant une agrégation de philosophie en 1967.Chargé en 1968 de la programmation musicale auThéâtre de la Cité de Villeurbanne, dirigé par RogerPlanchon, il enseigne également la philosophie àl'Université Jean-Moulin de Lyon. Résidant à <strong>Paris</strong> àpartir de 1972, il est l’un des responsables del’Ensemble Itinéraire, de 1976 à 1981. Chercheur auCNRS (1977), puis Directeur de Recherche (1985), ilfonde le Collectif de Recherche Instrumentale et deSynthèse Sonore en 1977, avec Alain Bancquart etTristan Murail. En 1982, il fonde et dirige au CNRS leCentre d’Information et de Documentation «Recherche Musicale » qui deviendra un laboratoirede recherches (UMR 9912), dont il assumera ladirection jusqu’en 1998. En 1989, il fonde laformation doctorale « Musique et Musicologie duXX e siècle » à l’EHESS, avec le concours du CNRS, del’Ecole Normale Supérieure et de l’Ircam. Il dirigecette formation jusqu’en 1998. Dans le domaine dela composition, Erewhon, ample cycle instrumental,est créé en 1977 par les Percussions de Strasbourg,sous la direction de Giuseppe Sinopoli. En 1979,Peter Eötvös dirige à l’Ircam Saturne, pour ensembleinstrumental et lutherie électronique. L’Orchestrede <strong>Paris</strong> présente Surgir, en 1985 et Pierre Boulez créél’Heure des Traces à la Scala de Milan avec l’EnsembleIntercontemporain, en 1986. Dufourt écrit Dédale en1995 sur un livret de Myriam Tanant, créé à l’Opérade Lyon ; opéra qui reçoit en 1999 le Trophée d’or del’Académie du disque lyrique. Commande de l’Etat,La Maison du Sourd de Goya, pour flûte et orchestre,est créée en 1999 à la Biennale de Venise, par Pierre-Yves Artaud et l’Orchestre de la Fenice dirigé parEmilio Pomàrico. En 2001, le <strong>Festival</strong> Présencesdonne Lucifer en création, avec l’OrchestrePhilarmonique de Radio France. Créé le 9 novembre2001 dans sa version intégrale, dans le cadre du<strong>Festival</strong> d’Automne au Théâtre du Châtelet, Le Cycledes Hivers (1992-2001), est interprété par l’EnsembleModern sous la direction de Dominique My. 2004voit la création du Cyprès blanc, pour alto etorchestre, ainsi que l’Origine du monde, pour pianoet ensemble. En 2005, L’Afrique d’après Tiepolo estcréée à Witten par l’Ensemble Recherche ; Au plushaut faît de l’instant, en 2006, par FrancescoPomàrico (hautbois) et l’Orchestre de la RAI deTurin, sous une direction d’Emilio Pomàrico.Parmi les créations récentes de Hugues Dufourt :Dawn Flight, quatuor à cordes (2008) ; Duel à coupsde gourdin, pour flûte (2008) ; La Ligne gravissant lachute - Hommage à Chopin, pour piano (2008) ; L'Asied'après Tiepolo, pour ensemble (2009) ; Les Chardonsd'après Van Gogh, pour alto et orchestre dechambre (2009).Hugues Dufour a reçu le Grand Prix de l'AcadémieCharles Cros pour l'enregistrement de Saturne en1980, le Prix Koussevitski en 1985 pour celuid'Antiphysis, le Prix des Compositeurs de la SACEMen 1994 et le Prix du Président de la Républiquedécerné en décembre 2000 par l'Académie CharlesCros pour l'ensemble de son oeuvre.Son disque Le Cyprès Blanc / Surgir avec GérardCaussé, l'Orchestre Philharmonique du Luxembourget Pierre-André Valade a été désigné Diapason d'Orde l'année 2008.Ses principales réflexions ont été réunies dansl’ouvrage Musique, Pouvoir, Ecriture (EditionsChristian Bourgeois, 1991), et ses derniers écrits dethéorie et de philosophie de la musique, rassemblésdans Mathesis et subjectivité – Essai sur les principesde la musique (Musica Falsa, 2007).Hugues Dufourt au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2001 : Hivers (Le Déluge d’après Poussin, Le philosopheselon Rembrandt, Les Chasseurs dans la neiged’après Breughel, La Gondole sur la lagune d’aprèsGuardi), Théâtre du Châtelet2006 : An Schwager Kronos, Meeresstille, Rastlose LiebeErlkönig, Auditorium Musée d’OrsayL’Afrique d’après Tiepolo, Centre Pompidou2007 : Cycle de quatre pièces pour piano d’après lesLieder de Schubert sur des textes de GoetheAn Schwager Kronos, Meerestille, Rastlose Liebe,ErlkönigEntretien avec Harrison BirtwistleEn 1996, vous avez composé Nine Movements forString Quartet, créé par le Quatuor Arditti, puis en2007 The Tree of Strings, créé par le même ensemble :quelle place tient le genre du quatuor à cordes dansde votre œuvre ?Harrison Birtwistle : Jusqu’ici, assez restreinte, pourplusieurs raisons. Tout d’abord, l’écriture pourcordes ne m’a jusqu’à présent pas beaucoup attiré— je m’y sens toutefois de plus en plus à l’aise et j’aienvie d’en faire d’avantage : j’ai même l’intentiond’écrire bientôt un concerto de violon. Ensuite, jesuis toujours un peu gêné par l’absence de chef —inhérente à la musique de chambre, au contraire dela musique symphonique. Penser qu’un ensemblede musique de chambre puisse, sans chef, jouer lesrythmes extrêmement complexes dont est faite lamusique moderne me paraît illusoire. Enfin, j’ai eudu mal à me faire à l’idée d’écrire pour un ensembled’instruments issus d’une seule et même famille :c’est comme composer en noir et blanc.The Tree of Strings évoque, à travers le poète SorleyMacLean, vos souvenirs — personnels et culturels —du temps où vous viviez sur l’île de Raasey.Comment cela se traduit-il musicalement ? Est-ilquestion de nostalgie ?Harrison Birtwistle : J’ai habité l’île de Raaseypendant plus de dix ans — c’est là-bas que mesenfants sont allés à l’école. C’était une forme deretraite pour composer. J’y étais un étranger, danstous les sens du terme.Si l’œuvre parle en effet de mon séjour là-bas, je n’aitoutefois en aucune manière essayé d’écrire unemusique qui en reflèterait les paysages — ou quiferait, d’une manière ou d’une autre, référence à lamusique écossaise. C’est d’avantage une réflexionmusicale sur le poème de MacLean. D’ailleurs, enmême temps que d’être un poème politique, engagécontre le puritanisme presbytérien qui a longtempsdominé l’île, le poème de MacLean parle en réalitéde musique. Si l’œuvre est figurative, c’est46


davantage dans ses contrastes — le temps là-basest excessivement changeant, le ciel peut-être augrand beau et se couvrir en quelques secondes pourlaisser place à une tempête terriblement dangereuse.Enfin, si nostalgie il y a, c’est à mon insu. Ce genrede sentiments se trouve dans la musique sans qu’onles y mette consciemment — en tant qu’artiste, onne peut s’exprimer réellement qu’involontairement.Vous avez recourt à une mise en espace desinstrumentistes, mise en espace qui évolue au coursde l'œuvre. Comment se fait-elle ? Pourquoi ?Harrison Birtwistle : À la fin, les musiciens se séparent ets’éloignent de plus en plus les uns des autres, en éventail.Ce n’est pas une simple idée cosmétique, ou mêmethéâtrale. C’est le développement naturel de lamusique elle-même. L’idée est de reproduire lasensation d’une distance, d’un éloignement dequelque chose de très intime, qui prend sonindépendance à mesure qu’on s’en écarte.Les musiciens se séparent, mais continuent à jouer,jusqu’à ne plus pouvoir s’entendre, jusqu’à ne plussavoir quand viendra le son suivant, puis ils quittentla scène, laissant seul derrière eux le violoncelle,bloqué sur une courte cellule, comme un disquevinyle arrivé en bout de course.L'œuvre se termine par le violoncelle seul, demanière obstinée, comme par épuisement. Quelleest la trajectoire de la pièce ?Harrison Birtwistle : L’œuvre progresse de contrasteabrupt en contraste abrupt — un peu comme toutema musique. Elle est à la fois organique etinorganique. Par certains aspects, c’est une œuvrecubiste, qui donne à voir deux aspects d’un mêmeobjet simultanément — le rêche et le soyeux, parexemple.Pensez-vous écrire un autre quatuor à cordes ?Harrison Birtwistle : Oui. J’en discutais l’autre jouravec Irvine Arditti.Propos recueillis parRodolphe Bruneau–Boulmier et Jérémie SzpirglasHarrison BirtwistlebiographieHarrison Birtwistle est né à Accrington (Lancashire),en 1934. Après des études de clarinette, et decomposition avec Richard Hall, au Royal College ofMusic de Manchester, il entre à la Royal Academy ofMusic de Londres, dans la classe de clarinette deReginald Kell, puis au Royal Liverpool Philharmonic,et fréquente les cours d'été de Darmstadt. Membre,avec ses condisciples Peter Maxwell Davies,Alexander Goehr, John Ogdon et Elgar Howarth, duNew Music Manchester Group, il enseigne lamusique à la Cranborne Chase School de Dorset(19621965), et remporte en 1966 le HarknessFellowship qui lui permet de rester deux ans auxEtats-Unis. De retour en Angleterre, il fonde avecPeter Maxwell Davies, l'ensemble The PierrotPlayers, qu'il quitte assez rapidement, puis Matrix,avec Alan Hacker. Professeur invité au SwarthmoreCollege, Pennsylvanie (1973-1974), et à l'Universitéd'Etat de New York (1975-1976), il est nommédirecteur musical du National Theater (1975-1984),avant d'être fait chevalier de l'Empire britanniqueen 1988. Ses oeuvres depuis Refrains and Choruses(1957), manifestent l'influence de Stravinsky et deWebern, mais aussi de Messiaen et de Varèse, de lamusique du Moyen-Age et de celle de Machaut enparticulier. Tragoedia (1965), Punch and Judy (1966-1967), The Triumph of Time (1971-1972), Silbury Air(1977), The Mask of Orpheus ( 1973-1983), sur un livretde Peter Zinovieff, Sir Gawain and the Green Knight(1991) constituent les jalons d'une oeuvre reconnue.De 1994 à 2001, il enseigne la composition au King’sCollege de Londres, et est maintenant directeur decomposition à l’Académie Royale de Musique deLondres. Pulse Shadows emporte, en 2002, le prixGramophone du meilleur enregistrement. Dernièrement,il a composé deux opéras : The Last Supper (2000) et TheMinotaur (2008).Harrison Birtwistle a reçu plusieurs prix, dont leGrawemeyer en 1968 et le prix Siemens en 1995. En1986, il a été fait chevalier de l’ordre des Arts et desLettres.Ses œuvres sont éditées chez Decca, Philips,Deutsche Grammophon, Teldec, Black Box, NMC,CPO et Soundcircus.47


Quatuor ArdittiLe quatuor Arditti a été crée en 1974 par le premierviolon Irvine Arditti. Depuis, plusieurs centaines dequatuors à cordes lui ont été dédiés, et c'estdésormais un rôle majeur qui lui est acquis dansl'histoire de la musique des trois dernièresdécennies. Aussi nombreux que différents sont lescompositeurs qui lui ont confié la création de leursœuvres, dont beaucoup sont aujourd'hui reconnuescomme des pièces majeures du répertoire contemporain.On trouve parmi eux Ades, Andriessen, Aperghis,Bertrand, Birtwistle, Britten, Carter, Denisov, Dillon,Dufourt, Dusapin, Fedele, Ferneyhough, Francesconi,Gubaidulina, Guerrero, Harvey, Hosokawa, Kagel, Kurtag,Lachenmann, Ligeti, Maderna, Nancarrow, Reynolds,<strong>Rihm</strong>, Scelsi, Sciarrino, Stockhausen ou encore Xenakis.Parce qu'il est convaincu de la nécessité detravailler étroitement avec les compositeurs pouratteindre à une interprétation de qualité, le quatuorArditti les implique régulièrement dans son travail.Cet engagement hors-pair au service de la musiqued'aujourd'hui se manifeste également sur un planpédagogique. Les membres du quatuor ont en effetlongtemps été tuteurs résidents aux Cours d'été deDarmstadt, et ils proposent depuis, dans le mondeentier, des masterclasses et des ateliers pour jeunesinterprètes et compositeurs.La discographie extraordinairement étendue duquatuor Arditti compte plus de 160 disques.Quarante-deux d'entre eux ont été jusqu'à présentpubliés chez Naïve Montaigne, dans une collectionconsacrée à de nombreux portraits de compositeurs.On y trouve entre autres également l'intégrale desquatuors à cordes de Luciano Berio ou bien encore unenregistrement du célèbre Helicopter Quartet deKarlheinz Stockhausen.Ces trente dernières années, de nombreux prix ontété décernés au Quatuor Arditti. En Allemagne, leGrand Prix du Disque lui a été attribué à plusieursreprises ; en 1999, le prix Ernst von Siemens pourl'ensemble de ses interprétations. En Grande-Bretagne, il a reçu deux fois le Gramophone Awardpour ses enregistrements des œuvres d'ElliottCarter (1999) et de Harrison Birtwistle (2002),consacré « meilleur enregistrement de musique dechambre contemporaine ». Enfin, l'Académie Charles Croslui a décerné en 2004 son « Coup de cœur » pourrécompenser sa contribution exceptionnelle à ladiffusion de la musique de notre temps.www.ardittiquartet.co.uk48


Béla BartókGyörgy KurtágMark AndreOrchestre Symphonique duSWR Baden-Baden et FreiburgDirection, Sylvain CambrelingBéla Bartók, Deux Images, opus 10György Kurtág, Nouveaux Messages,pour orchestre, opus 34 ACréation de la nouvelle versionCommande du <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>,de l’Orchestre Symphonique du SWRet du Concertgebouw de BrugesMark Andre, …auf…, triptyque pour orchestreCréationOrchestre Symphonique du SWRBaden-Baden et FreiburgExperimentalstudio du SWR ,réalisation live-electronicsSylvain Cambreling, directionFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Cité de la Mus iq ueDimanche 15 novembre 16h30Durée : 1h30 plus entracte14,40€ et 18€Abonnement 12,60€Coproduction Cité de la musique ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le concours de la Sacem« Les formes, je ne les vois pas, et je ne mesouviens pas davantage d’elles. Mais je mesens en sécurité dans leur voisinage », écritGyörgy Kurtág. Chacun des Nouveaux Messagesreflète un monde disloqué, entre un genre etun état, une forme et un destin. Nous yéprouvons la concentration autant que ce quiest concentré, et quelque chose se serre,d’une solitude, d’une inquiétude. Depuis BélaBartók en effet, qui composa les Deux Imagespeu après sa découverte de Debussy, laHongrie mesure, avec force et ironie, ledivorce de l’existence, du sens et des signes.En regard, Mark Andre opte pour unefragmentation radicale et donne à sontriptyque pour orchestre – et électroniquedans le troisième pan – le titre …auf… Cettepréposition allemande dénote le seuil, latransition, qui affecte ici les sonoritésfriables, bruitées et si fermement construitespar des algorithmes, des déflagrationsinstrumentales ou les corps subtils desbruissements électroniques. On retrouve aufdans Aufhebung, troisième mouvement,d’abolition et de conservation, de ladialectique, et surtout dans Auferstehung, laRésurrection,modèle premier, existentiel etmétaphysique.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Cité de la musiquePhilippe Provensal01 44 84 45 6349


Béla BartókbiographieCompositeur hongrois né en 1881 à Nagyszentmikloset mort en 1945, Béla Bartok entreprend des études demusique à l'Académie Royale de Budapest auprès deIstvan Thoman (piano) et Janos Koessler (composition).Parallèlement à son activité de compositeur, ilcommence à enquêter de manière systématique surle folklore hongrois avec son ami Zoltan Kodaly(1905-1906), posant ainsi les fondements del'ethnomusicologie. Il y découvre, outre l'échellepentatonique, des combinaisons polyrythmiquesnon symétriques qu'il utilise dans ses premièresoeuvres pour piano comme dans les Six dansesbulgares de Mikrokosmos. Peu avant 1914, ilcompose de nombreuses pièces pour piano, commeAllegro barbero (1911), dont les rythmes martelés etles contours émaciés, l'équilibre de l'élémentmagyar et de la nouvelle grammaire, marquentl'avènement d'un style neuf. II poursuit sa lancéeavec un opéra, Le Château de Barbe-Bleue (1914-1917), puis avec le ballet Le Mandarin Merveilleux(1918-1919), où se révèle l'influence du Sacre duPrintemps d’Igor Stravinski. Il continue à composer(concertos pour piano, sonates pour violon et piano,quatuors à cordes... ) tout en poursuivant son travailde recensement des musiques folkloriques jusqu'àce que la montée du nazisme le pousse à s'expatrieraux Etats-Unis, où il meurt le 26 septembre 1945.Source : Médiathèque de l’IRCAMGyörgy KurtágbiographieNé en 1926 à Lugos (Lugoj, Roumanie), GyörgyKurtág reçoit sa première formation musicale de samère, avant d’étudier le piano avec Magda Kardoset la composition avec Max Eisikovits à Timisoara.Il s’installe à Budapest en 1946 et entre à l’Académiede musique, dans les classes de Pál Kadosa (piano),Leo Weiner (musique de chambre ) , Sándor Veress,Pál Járdányi et Ferenc Farkas (composition), où il apour condisciple György Ligeti. En 1957-1958, iltravaille à <strong>Paris</strong> avec Marianne Stein, s’initie auxtechniques sérielles et suit les cours de DariusMilhaud et d’Olivier Messiaen. Assistant de Kadosa,il est ensuite nommé professeur à l’École BélaBartók de Budapest (1958-1963). Répétiteur de laPhilharmonie hongroise (1960-1968), il enseigne lepiano, puis la musique de chambre, à l’Académie demusique Franz Liszt (1967-1986), se refusant àenseigner la composition.Lauréat du Prix Ernst von Siemens, Kurtág poursuitaujourd’hui encore son œuvre intense depédagogue. Ses oeuvres sont éditées par EditioMusica Budapest.www.emb.huGyörgy Kurtag au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1990 : Huit Pièces pour piano op.3Trois Inscriptions anciennes op.25Quatre Capriccios op.9... quasi una fantasia ... op.27Opus 27 n°21994 : Cycle György KurtagJátékok (Jeux)Quatre chants sur des poèmes de Janos Pilinsky,opus 11Im WaldeGrabstein für Stefan, opus 15cHuit duos, opus 4What is the Word, opus 30bKafka-Fragmente, opus 24Les Adieux, opus 12In Memoriam Tamas BlumMicroludes (extraits) opus 13The Answered Unanswered Question opus 31bWhat is the Word, version voix et pianoRückblick1996 : Songs of Despair and Sorrow, op.18Stèle, op.331998 : Les Dits de Peter Bornemisza op.7Hölderlin Gesänge op.35Signes, jeux et messages, Pas à pas - Nulle part...Poèmes de Samuel Beckett op.362001 : In nomine2003 : ... Concertante ... op. 412006 : Songs of Despair and Sorrow, opus 18 (1980-1994/2006)Hipartita pour violon solo (2000-2004)50


Entretien avec Mark Andre (extraits)Quel projet, quels événements sont à la source de…auf… ?Mark Andre : Une constellation de facteurs, ancienset plus arbitraires, s’est mise en place. J’ai reçuplusieurs commandes pour des pièces d’une duréede vingt minutes. Et j’avais le projet, depuis uncertain temps déjà, de tenter une réflexion sur laproblématique du changement d’état du matériau, d’unpoint de vue morphologique et phénoménologique. Cechangement d’état est lié, en termes métaphysiques, etde manière plus cryptée, à celui qui est mentionnédans le cas de la Résurrection du Christ, comme larapportent les évangiles de Luc, Marc et Jean. Enfin,l’idée de triptyque s’est imposée, incluant untroisième volet avec électronique.Comme souvent dans le catalogue de vos œuvres, letitre se réduit ici à un mot, qui est à la fois unepréposition et un adverbe. Recherchez-vousl’essence d’une direction fondamentale (aufdénotant le seuil, la transition, le passage), uneorientation philosophique du sens ?Mark Andre : Oui. Je pense ne pas être uncompositeur à la recherche d’un langage musical etla notion de langage musical ne me sembled’ailleurs pas adaptée à mon travail. Ce quim’intéresse dans ce type de préposition, c’estl’aspect ouvert, sémantiquement en ruine. Cestypes de préposition sont presque des cimetièressémantiques, à la fois ouverts et incomplets, etrenvoient donc à des espaces latents béants,importants. Cela me convient. C’est aussi, peut-être,dans un esprit plus œcuménique, parce que letriptyque ne pouvait s’intituler Die Auferstehung,sinon à faire preuve de dogmatisme religieux. Là,c’est ouvert. On peut recevoir la pièce d’un point devue existentiel, en tant qu’athée, ce que je respectefondamentalement, mais aussi en tant quepersonne ayant d’autres convictions religieuses.…auf… est un triptyque. Comment s’articulent lesrelations entre ses trois panneaux ?Mark Andre : Plus on avance dans la pièce, plus lepassage (Übergang) et l’état intermédiaire(Zwischenstand) deviennent des questionsimportantes. Je pars du principe que, puisqu’il n’y apas chez moi de langage musical et que je n’exprimepas le souhait d’en définir un, des situationsmusicales et sonores se mettent en place, dontl’aspect structurel et l’aspect morphologiqueentretiennent des relations dialectiques. Au fil dutemps, les états se font de plus en plus fragiles,fébriles. Ce sont les phases de transition,d’instabilité, qui sont les plus importantes. Je suisprotestant. J’ai été éduqué dans le culte luthérien,en France, en Alsace, puis rapidement à <strong>Paris</strong>, où cecontexte paraît exotique. Avoir comme modèleindirect ou latent la Résurrection du Christ nerenvoie pas à un état figé ou fixe. Tout est à la foismystérieux et fort, y compris au quotidien, maisc’est aussi quelque chose de très fébrile.Quels types de sons animent …auf… ?Mark Andre : La première catégorie est celle du son« habituel », qui fait l’objet d’un travail destructuration paramétrique et qui relève, à certainsmoments, notamment au commencement, deprocédures algorithmiques. Je pense surtout à deuxparamètres : les hauteurs et les rapports de misesen temporalité. Deux autres catégories de sons ontune autre forme de respiration : ce sont des sonstextureset des temps-textures, liés à l’inharmonicité etau bruit. Beaucoup de sous-types bruités sontproduits dans la pièce qui, peu à peu, remettentcomplètement en cause la construction, l’ordonnancementparamétrique initial. De sorte que, à la fin, on entend uncimetière de marqueurs structurants et différentstypes de catégories de matériaux issus des troisgrandes familles, dont la respiration intérieures’impose. Et la respiration intérieure y est avanttout la recherche d’états d’instabilité, de fragilité,qui deviennent extrêmement patents.Les notions de geste, notamment de fixation, etd’énergie sont-elles ici essentielles ?Mark Andre : En tout cas, tout ce qui peut être perçucomme un geste relève d’une situation musicale,qui certes peut être récurrente, mais qui, au fil dutemps, est aussi perçue comme un pôle définissantdes états intermédiaires d’instabilité. Ce type depolarité in fine tient presque de l’état contingent. Ilen est de même pour l’électronique. L’idée était detrouver et de définir des états intermédiaires qui nesoient ni des états acoustiques, ni des étatsélectroniques.L’œuvre sonne de manière organique, commetraversée de naissances, de croissances et dedépérissements, mais aussi de renaissances,d’autres croissances et de transfigurations…Mark Andre : Cela me semble très juste dans lamesure où je pars du principe suivant : quand ondéfinit différentes catégories de matériau, enparticulier les deux dernières (inharmonique etbruitée), on définit aussi des matériaux qui ont unemorphologie interne et donc une respirationintérieure. De ce point de vue, il y a donc uneorganicité qui prend en permanence le dessus. Celarenvoie au modèle métaphysique du projet, qui estavant tout un modèle existentiel. Vous avez parléde renaissances, on pourrait aussi parler dedéperditions d’énergie, de ruines, d’intériorité enruine. Mais le plus important, c’est la définitiond’états latents à percevoir.…auf… ouvre un espace acoustique singulier, fait desymétries (dont les deux pianos), mais aussid’enveloppements (les percussions etl’électronique), et surtout de transparence…Mark Andre : J’ai tout fait pour atteindre l’état detransparence le plus avancé possible. C’est un défipour cette pièce, mais aussi, de manièreobsessionnelle, pour d’autres auxquelles jetravaille. Cet état de transparence, de nonprotectionpermanente, résulte de la naturecryptée, latente, du projet. J’ai le sentiment que laRésurrection de Jésus de Nazareth est avant toutliée à la question du changement d’état.Néanmoins, le projet est contingent par rapport à cepropos indirect, métaphysique. Dans …auf…, les51


changements d’état, je l’espère, renvoient à desespaces sonores latents – donc extrêmementfragiles et fébriles. D’aucuns les considérerontcomme des éléments existentiels. Je pense que celapeut être acceptable et accepté par quiconque nepartage pas mes convictions. J’ai en effet composédans un esprit œcuménique.Le troisième volet introduit l’électronique. Quellestransformations entendez-vous réaliser ?Mark Andre : L’idée est de tendre vers la définition d’unespace acoustique, morphologique, intermédiaire, quidevient fondamental, central, fût-il extrêmementlatent : ne pas laisser entendre des sons de natureélectronique ou de nature acoustique, mais desespaces intermédiaires. Je remercie le Studio deFreiburg de m’avoir suivi et aidé dans cetterecherche. J’y suis arrivé avec l’idée de travailler surdes modèles de « délocalisation » demorphologiques sonores, en utilisant desconvolutions en temps réel. Cela a permis, je crois,de suggérer fortement des états de latence.Propos recueillis par Laurent FeneyrouMark AndrebiographieNé en 1964, Mark Andre étudie au Conservatoirenational supérieur de musique de <strong>Paris</strong> et obtientles premiers prix de composition, de contrepoint,d'harmonie, d'analyse et de recherche musicale. En1995, il obtient une bourse Lavoisier en compositiondu ministère des Affaires étrangères et un diplômeen composition à la Hochschule für Musik deStuttgart, où il a travaillé avec Helmut Lachenmann.Il étudie ensuite l'électronique musicale avec AndréRichard au Studio expérimental de la FondationHeinrich-Strobel de la SWR à Freiburg.Mark André a reçu pour ses œuvres de nombreuxprix. En 1997-1998, il est en résidence à la Radio SWRde Baden-Baden. De 1998 à 2000, il est en résidenceà la Villa Médicis de Rome.De 1997 à 2000, Mark Andre enseigne le contrepointet l'orchestration au Conservatoire de région deStrasbourg. Il enseigne également à l'Ecole demusique de Francfort.Son oeuvre pour cinq groupes d’orchestre Modell,composée en 1999 pour le festival deDonaueschingen a été jouée à <strong>Paris</strong> sous ladirection de Sylvain Cambreling en novembre 2003,à l’invitation du <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> et de laCité de la Musique.Il a achevé en 2004 “...22, 13...” pour la Biennale deMunich et le Staatstheater de Mayence, créé en mai2004 à Munich avec la direction de Peter Hirsch,dans une mise en scène de Georges Delnon.Depuis 2005, il vit à Berlin.En 2007, il reçoit le Giga-Hertz-Preis du ZKM et duStudio SWR Freiburg.Mark Andre au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2002 : ... In..., Als 1 (Théâtre des Bouffes du Nord)2003 : Modell (Cité de la musique)2004 : …22, 13… (Opéra National de <strong>Paris</strong> / Amphithéâtre)2007 : …auf…II (Salle Pleyel)Zum Staub sollst Du zurückkehren… (Auditorium du Louvre)52


Orchestre symphonique SWR, Baden-Baden/FreiburgFondé en 1946, l’Orchestre symphonique du SWRBaden-Baden & Freiburg a d’emblée décidé des’engager dans une promotion intensive de lamusique des compositeurs de son temps tout enconsacrant un travail approfondi au grandrépertoire symphonique. En attestent les quelquesquatre cents créations depuis sa fondation ainsique l’engagement permanent des musiciens pourdéfendre les chefs-d’œuvre du répertoire récent.Les chefs permanents comme Hans Rosbaud, ErnestBour puis Michael Gielen ont façonné cet orchestrequi a acquis avec eux une réputation sans égalequant au déchiffrage de nouvelles partitions enmême temps qu’un niveau exceptionnel dansl’interprétation du patrimoine musical.L’orchestre a maintenu un équilibre dans saprogrammation en abordant tous les styles demusique et démontre que le succès peut venir duniveau d’exigence que l’on se fixe. Il a une traditionremarquable d’interprétation des œuvres de Haydnet de Mozart, et les œuvres de Mahler et Schrekeront figuré dans ses programmes bien avant laredécouverte de ces compositeurs.Depuis 1999, Sylvain Cambreling est chef titulairede l’orchestre. Il a remis en question les traditionspar son ouverture d’esprit et son goût del’expérimental, et a conçu des programmesoriginaux. Entre 1999 et 2007, Michael Gielen – quiest chef d’orchestre honoraire – et Hans Zender ontété chefs invités permanents. Six décenniesd’excellence ont fait de l’orchestre un invitérégulier des grandes salles de concert : Vienne,Berlin, Bruxelles, New York entre autres, et desfestivals comme le <strong>Festival</strong> de Salzbourg, le <strong>Festival</strong>de Lucerne, le <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> etl’Automne de Varsovie.Sylvain CambrelingbiographieNé en 1948 à Amiens, Sylvain Cambreling poursuit sesétudes musicales au Conservatoire de <strong>Paris</strong>. En 1971,il est tromboniste à l’Orchestre symphonique de Lyonet à l’Opéra de Lyon, dont il devient l’adjoint dudirecteur musical entre 1975 et 1981. En 1976, PierreBoulez l’engage à l’Ensemble intercontemporain à<strong>Paris</strong> comme premier chef invité. En 1981, GérardMortier le nomme directeur musical du Théâtre royalde La Monnaie où, dix années durant, il participe à denouvelles productions signées Luc Bondy, PatriceChéreau, Karl-Ernst Herrmann, Peter Mussbach etHerbert Wernicke. Sylvain Cambreling est invité auMetropolitan Opera (1985, 1989), à la Scala de Milan(1984) et à l’Opéra de Vienne (1991). En 1992, il dirige àl’Opéra de <strong>Paris</strong>-Bastille Saint François d’Assised’Olivier Messiaen, mis en scène par Peter Sellars. Ildirige régulièrement depuis 1985 au festival deSalzbourg, et participe à cette occasion à Pelléas etMélisande de Debussy avec l’Orchestre Philharmonia(mise en scène Robert Wilson), Katia Kabanova deJanacek (mise en scène Christoph Marthaler), LaDamnation de Faust et Les Troyens de Berlioz,Cronaca del Luogo de Luciano Berio. En 2002, il dirigeDon Giovanni au Metropolitan Opera de New York.Sylvain Cambreling dirige de nombreux grandsorchestres (Orchestre philharmonique de Vienne,Orchestre philharmonique de Berlin, Orchestre deCleveland, Orchestre philharmonique de Los Angeles,Orchestre symphonique de Cincinnati, Orchestresymphonique de Montréal, Orchestre philharmoniqued’Oslo, Orchestre symphonique de la BBC, Orchestressymphoniques de la NDR et de la Radio Bavaroise,Ensemble Modern, Orchestre de <strong>Paris</strong>, Staatskapellede Dresde, Philharmonie Tchèque).Entre 1993 et 1997, Sylvain Cambreling a étéintendant et directeur musical de l’Opéra deFrancfort, assurant également la direction artistiquede la saison de concerts organisée par la Société desmusées de la ville. Il engage à cette époque unecollaboration artistique avec le metteur en scènesuisse Christoph Marthaler, co-signant avec luiPelléas et Mélisande (1994), Luisa Miller (1996), Fidelio(1997).Le répertoire de Sylvain Cambreling s’étend del’époque baroque à la musique d’aujourd’hui ; ilcomprend plus de soixante-dix opéras et quatre-centœuvres orchestrales.Au cours de la saison 2004-2005, Sylvain Cambreling adirigé plusieurs opéras à l’Opéra national de <strong>Paris</strong>,dont Pélléas et Mélisande de Claude Debussy, LaClémence de Titus de <strong>Wolfgang</strong> Amadeus Mozart,Saint-François d’Assise d’Olivier Messiaen, KatiaKabanova de Léos Janacek.Sylvain Cambreling a été chef invité du Klangforumde Vienne et est, depuis la saison 1999-2000, chefprincipal de l’Orchestre Symphonique SWR de Baden-Baden et Fribourg. Lauréat du Grand Prix Européendes chefs d’orchestre, il sera d’avril 2010 à mars 2013chef principal du Yomiuri Nippon SymphonyOrchestra.53


Georges AperghisEnrico BagnoliMarianne PousseurIsmèneIsmèneTexte, Yannis RitsosMusique, Georges AperghisConception, Marianne Pousseur, Enrico BagnoliEspace, lumière et mise en scène, Enrico BagnoliDramaturgie, collaboration à la mise en scène, Guy CassiersSon et décor sonore, Diederik De CockInterprète, Marianne PousseurFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre N anter re- Amand ie rsJeudi 26 novembreau jeudi 3 décembre 21hRelâche dimanche et lundiDurée : 1h1512€ à 25€Abonnement 10€ et 13€Production Compagnie KhromaEn coproduction avec le Théâtre de la Place / Liège ;le Grand Théâtre de Luxembourg ;Théâtre de la Balsamine / Bruxelles ;Avec l’aide du Ministère de la CommunautéFrançaise Wallonie – Bruxelles,Service du Théâtre et de Wallonie – Bruxelles InternationalCoréalisation Théâtre Nanterre-Amandiers ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Après Dark Side en 2003, portrait deClytemnestre d’après l’Orestie d’Eschyle,Georges Aperghis revient à la tragédie grecqueavec Ismène, écrit avec et pour MariannePousseur. Fille incestueuse d’Oedipe et deJocaste, Ismène est la soeur d’Antigone.Obéissante aux lois de la Cité, elle en est lependant. Bien que partie prenante de latragédie, elle n’en est qu’un personnagesecondaire. Par peur ou manque de caractère,elle ne défie pas le destin et en demeurespectatrice. Antigone ira même jusqu’àl’empêcher de partager sa mort, lui refusantainsi sa part du destin familial.Yannis Ritsos raconte une Ismène qui sesouvient, de nombreuses années plus tard. Elleest seule et passe son temps dans le jardin dupalais, les pieds dans l’argile – cette argile quiest à la fois mémoire et destinée. Une présencefamilière la fait s’épancher soudain, en un longmonologue aux limites de la folie, ponctuéd’instants de lucidité extrême, de réminiscencessensuelles ou infantiles et de radotages séniles.Le discours, le plus souvent parlé, coule fluideet rythmé. Tout est intemporel, toujours déjàaccompli, sans cesse revécu. Le travail dechirurgien du langage de Georges Aperghis seretrouve non dans le texte en français, maisdans les nombreux passages qu’il a lui-mêmeécrits dans un grec inventé, qui n’a de grec queses sonorités. Ces passages sont d’ailleursvéritablement chantés, à la manière d’unecomptine qui aurait perdu tout son sens àforce de répétition.Un opéra pour voix seulequi revient aux sources antiques du théâtre etjoue avec les mythes fondateurs.Marianne Pousseur est également invitéepar le <strong>Festival</strong> d’Automne, le 26 septembre :Frederic RzewskiMain DragThe Lost MelodyMary’s DreamPocket SymphonyDe ProfundisContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre Nanterre AmandiersBéatrice Barou, Carole Willemot01 46 14 70 42 / 01 46 14 70 3054


Entretien croisé avec Georges Aperghis et MariannePousseurMarianne Pousseur et Georges Aperghis, avantIsmène, vous avez travaillé une fois ensemble surDark Side — monologue accompagné d’unensemble instrumental qui explorait déjà lamythologie grecque (commande de l’EnsembleIntercontemporain, sur une traduction d’Eschyle deFrançois Regnaud). Qu’ont en commun les deuxpièces, et qu’est-ce qui, au contraire, les distingue ?Georges Aperghis : Les deux œuvres sont trèsdifférentes : Dark Side est une pièce de concert,d’emblée musicale. Il n’y a pas d’action, c’estl’imaginaire du spectateur qui fonctionne. Ismèneest avant tout un projet de théâtre, porté par EnricoBagnoli et Marianne.Marianne Pousseur : Selon moi, ce sont deuxœuvres sœurs. Il y a une filiation naturelle entreelles. La voix seule donne un caractère quelque peudifférent à Ismène, mais les sujets sont très proches — DarkSide nous donnait à entendre Clytemnestre, aumoment où elle assassine Agamemnon, la TragédieGrecque y était donc déjà bien présente. Elles ontaussi un statut unique dans l’œuvre deGeorges puisqu’elles véhiculent toutes deux un réelsens du tragique, à l’opposé de l’humour et delégèreté qu’on a ailleurs.Georges Aperghis : Dans Dark Side, je voulaisprendre le contrepied de l’image qu’on donned’habitude à Clytemnestre : celle de la tueuse, lependant de Pénélope, qui n’attend pas le retour deson mari et règne en véritable tyran, déployanttoutes les stratégies habituelles des dictateurs. Jevoulais prendre son discours au pied de la lettre :dire ses mensonges avec la même conviction queses vérités, créant une forme de distorsion entreson discours et ses actes.Dans Ismène, le ton est parfois plus léger, maisl’univers de la pièce est glauque. Le poème deYannis Ritsos nous parle de putréfaction. Ce n’estpas tant tragique que pourri et glauque.Si tragédie il y a, on ne trouve toutefois, dans letexte de Yannis Ritsos, aucune mention du Divin.Georges Aperghis : En effet : Yannis Ritsos est unpoète de l’immanence. À l’époque d’Antigone etd’Ismène, le Divin est déjà en perte de vitesse, ce quipermet d’ailleurs à la tragédie de naître. Les Dieuxfaisant de moins en moins sentir leur présence, lepolitique ose ne pas suivre les lois ancestrales —c’est l’élément déclencheur de la révolte d’Antigone,révolte qui n’est pas seulement réaction à la mortde son frère, mais aussi au manquement à la moraleque représente l’interdiction des hommages dusaux morts. On retrouve d’ailleurs ce caractère ritueldans ma musique pour Ismène.Marianne Pousseur : C’est à se demander si Ismènea jamais été en contact avec le Divin ! ChezSophocle, les raisons qu’elle invoque pour ne pasaider Antigone sont essentiellement pragmatiques :notre frère est mort, on ne le fera pas revivre et, sinous l’enterrons nous-mêmes, nous le suivrons dansla mort, alors à quoi bon ?Cette histoire nous pose la question de l’héroïsme,une question d’ailleurs très actuelle. Qui est unhéros aujourd’hui ? Il n’y a pas de réponse —Antigone n’a pas nécessairement raison — et lespectacle, j’espère, n’en donne pas.Qui est Ismène ? Que connaît-on de son destin ?Marianne Pousseur : Ismène est la petite dernièrede la famille, la seule qui reste. Et son sort est ensuspens depuis Sophocle. On ne sait pas grandchosed’elle. Chez Sophocle, elle sert de faire-valoirà sa sœur. Chez Anouilh, son personnage est un peuplus développé — un caractère assez futile, commeun pendant à la soif d’absolu d’Antigone.Contrairement à sa sœur, qui obéit aveuglémentaux ordres divins, elle essaie d’être plus rationnelle,plus humaine. Son humanité se révèle également autravers de sa sensualité : elle est plus éveillée àl’attirance physique et aux émois adolescentsqu’Antigone, souvent décrite comme asexuéependant sa vie et ne gagnant sa féminité que dansla mort.Si le génie de Sophocle est de nous faire voir qu’iln’y a pas de véritable choix à faire, certainsspécialistes défendent la position d’Ismène commeétant l’unique position féminine possible. Il y a tropd’absolu et de définitif dans l’attitude d’Antigone — le« anti » de son prénom n’est sans doute pas unhasard. Ismène, au contraire, est la seule à vouloirvivre et procréer. Son prénom seul fait d’elle unterrain vierge, un nouveau départ potentiel.Georges Aperghis : La tragédie d’Ismène, c’est sonindécision, son non-passage à l’acte. Dans le mêmetemps, c’est une pacifiste et une fataliste : il n’estpour elle nul besoin de s’engager dans le combat. Ence sens, elle a raté son entrée dans l’Histoire, dansle sens où l’Histoire ne retient que les grandshommes de pouvoir, les massacreurs. Servant dedouble à sa sœur, à la fois reflet et faire valoir, ellepasse inaperçue.Ismène est résignée. Elle essaie de comprendre cequi se passe autour d’elle, pourquoi le monde estcomme il est. Philosophe, elle se pose des questionssur la vie, questions qu’Antigone, aveuglée par leprésent et l’action, ne s’est jamais posées. Ismène,elle, se refuse à intervenir. Ce n’est pas forcémentune question de courage : le personnage estbeaucoup plus intéressant si son inaction estvolontaire. Yannis Ritsos appuie d’ailleursbeaucoup ce caractère d’observateur, cettedistance, ce recul — chez lui, Ismène a 3000 ans…Marianne Pousseur : Pour Yannis Ritsos, le tempsd’Ismène s’est arrêté le jour où Antigone est morte.Elle ne s’est plus développée comme entitéhumaine. Malgré sa non-intervention dans latragédie, elle n’a finalement pas procréé. Elle nes’est pas mariée, n’a pas eu d’enfant, est restéetoute seule. Elle a vieilli sans grandir, comme unefleurs qui se fane avant de s’ouvrir.55


La pièce est le résultat d’une triple collaboration(Marianne Pousseur, Georges Aperghis et EnricoBagnoli) : comment s’est déroulé le travail ?Marianne Pousseur : Dès le départ, l’intention était,dans le monologue, de faire dialoguer Ismène avecelle-même et ses fantômes — elle traîne derrièreelle une lourde mémoire, traversée de mille façonspar l’Histoire. Il était donc très important que, touten étant seule, elle soit aussi multiple.Nous avons donc découpé le texte. On a déterminéune base d’éléments (avec l’aide de Guy Cassierspour les grandes décisions), comme un fil du récit,nécessaire à la compréhension du spectacle. À côtéde ce fil rouge, nous avons choisi des passages aucaractère plus sensuel, qui relèvent du souvenir etdes fantasmes. Très vite, il nous est apparu que letronc central devait être dit en direct (pour êtreintelligible) et dans la chronologie du texte deYannis Ritsos, et que le reste serait « musicalisé »,sinon mis en musique. J’ai soumis à Georges unesélection dans laquelle il a puisé.Georges Aperghis : Je connaissais le texte de YannisRitsos et je me demandais ce que pouvait apporterla musique — j’ai toujours rencontré ce problèmeavec des textes poétiques ou littéraires : commentla musique peut-elle entourer la langue de vie et demémoire ? Comment inserer le monologue dans unlierre de musique ?En relisant les phrases sélectionnées, je me suisaperçu qu’il n’était pas nécessaire desystématiquement les chanter. Il fallait avant toutmettre Ismène dans un état de musique en utilisantle rythme de la langue et en faisant appel à divers« comportements vocaux » dictés par le texte. Jejoue ainsi sur tous les détails de l’énonciation qu’onn’a pas dans le texte écrit et qui peuvent traduiremusicalement l’état d’une personne : chant, parlerchanter,interruption, souffle, etc.Pour dramatiser le texte, j’imagine quelqu’un entrain de le dire. La musique est une préparation del’énonciation du texte — comme un accouchement.Pour les souvenirs, j’ai tenté de recréer l’excitationoriginelle provoquée par l’événement lui-même —d’où parfois cet aspect de comptines enfantines.Quelques modules préenregistrés, faits à partir dela voix de Marianne, ajoutent à cette impressionque des fantômes l’entourent et la hantent, desfantômes qui viennent en réalité d’elle-même.Le problème de cette écriture-là, utilisant différentscomportements vocaux, est de trouver une logiqueentre chacun. En glissant de l’un à l’autre, jepréservais la continuité et la dynamique.Marianne Pousseur : C’est un travail sur lemonologue, un travail théâtral, corporel. Dususurrement au cri. Toujours en relation avec uncontenu. C’est cette frontière, entre chant etthéâtre, qui est au centre de la pièce.Georges Aperghis, l’une des grandes différencesd’Ismène par rapport au reste de votre travail estque vous ne jouez pas ici avec la langue comme àvotre habitude, seulement avec une sorte de fauxgrec, pour évoquer les souvenirs d’enfance…traduction qu’en a fait Dominique Grandmont) carla compréhension du texte était dès le départ unepriorité. Sauf pour les passages de l’ordre de lamémoire — qui est une mémoire inarticulée.Comme lorsqu’on découvre par hasard des photosfloues de son enfance et qu’on essaie d’enreconnaître les différents éléments, de les déduirede ses souvenirs. Ce faux grec, qui n’a de grec queles sonorités, m’a aidé à reproduire cetteimpression d’incertitude familière.Le grec étant ma langue maternelle, j’ai beaucoupde mal à jouer avec. Je l’ai fait un peu dans Dark Sideet à nouveau dans Ismène, mais je manque de recul.Le grec a gardé pour moi une puissance énorme.C’est comme si quelqu’un levait un voile et medonnait à voir le mot en lui-même, dans sa forcenue, intacte, originelle. Une force que le français aperdue pour moi, sans doute galvaudée par letemps et l’usage quotidien (j’ai plus longtemps vécuen France qu’en Grèce).Je m’explique fort bien pourquoi certains écrivains,qui n’écrivent pas dans leurs langues maternelles,écrivent en français, et parviennent bien à jongleravec, comme Beckett ou Ghérasim Luca.Parlons à présent de la mise en scène à laquelle,faut-il le préciser, Georges Aperghis n’a pas pris part,ou seulement de loin.Marianne Pousseur : La mise en scène s’articule surle même balancement que la mise en musique, etalterne entre deux façons d’être et de se mouvoirsur scène. L’une (le parlé) est adressée au public etdoit être comprise, l’autre est de l’ordre du souveniret la compréhension du mot compte moins que laperception générale du geste. Un autre des aspectsdu texte qui nous a beaucoup plu est la relation quele poète développe autour de la sensualité, dutoucher, des odeurs… Dans la façon d’être d’Ismènecomme dans la scénographie, tout est fait pour quecette sensualité soit palpable.Il n’était pas question de recréer un palais grec àcolonnes, mais nous voulions rendre la dimensionarchaïque du sujet et de la scène. Nous avonstravaillé sur les éléments (eau, terre, air, feu), pourcréer un espace clos — qui est moins le lieu où ellese trouve que l’intérieur même de sa conscience.Tout se passe donc dans l’eau : Ismène est seule,abandonnée, fragile… très nue en somme. Il y a del’argile, avec lequel elle peut jouer comme l’enfantqu’elle est restée, mais qui, quand elle en estcouverte, peut lui faire prendre l’aspect d’unestatue et, lorsqu’il sèche et se craquèle, la vieillirexagérément.La lumière règle le temps du spectacle, à la manièredu montage. En changeant, elle transforme l’espaceet le projette dans un temps autre. Projectionsvidéos, reflets sur l’eau, douches rouges couvertesde cire fondante, sont utilisées pour faire naître desimages à la fois extrêmement organisées etorganiques, donnant lieu au passage à des formesaléatoires que chacun interprète à sa manière.Propos receuillis par Jérémie SzpirglasGeorges Aperghis : Je n’ai en effet pas touché à lalangue de Yannis Ritsos (du moins dans la56


Georges AperghisbiographieGeorges Aperghis, né à Athènes, s’installe à <strong>Paris</strong> en1963. Il mène une carrière indépendante partageantson activité entre l'écriture instrumentale et vocale,le théâtre musical et l’opéra. En 1976, avec leconcours du <strong>Festival</strong> d’Automne, il fonde l'AtelierThéâtre et Musique (Atem). Avec cette structure, ilrenouvelle sa pratique de compositeur en faisantappel à des comédiens aussi bien qu'à desmusiciens. Les spectacles s’inspireront de faitssociaux transposés dans un monde poétique,parfois absurde ou teinté de satire.L’année 2000 a été marqué par deux créations,entendues à travers toute l’Europe : DieHamletmaschine-Oratorio, sur un texte de HeinerMüller, et le spectacle Machinations, commande del’Ircam, qui s’est vu décerner par la Sacem le Prix dela meilleure création de l’année.En 2004, il compose Dark side, pour l’EnsembleIntercontemporain et Marianne Pousseur, d’aprèsl’Orestie d’Eschyle (traduction François Régnault),et Avis de tempête à l’opéra de Lille avec l’ensembleIctus, Donatienne Michel-Dansac, Johanne Saunier,Romain Bischoff et Lionel Peintre, dirigé parGeorges-Elie Octors (Grand Prix de la critique 2005).Pendant l’été 2006 a été créé, la Wölfli Kantata surdes textes d’Adolf Wölfi au festival Eclats deStuttgart avec les Neue Vocalsolisten et le SWRVokalensemble Stuttgart dirigé par Marcus Creed,puis Contretemps, commande du festival deSalzburg avec le Klangforum de Wien et DonatienneMichel-Dansac (soprano) dirigé par Hans Zender.Le festival Witten 2007 a accueilli la création deZeugen, spectacle musical avec des textes de RobertWalser et sept marionnettes de Paul Klee, pour voix,marionnettiste-narrateur, clarinette basse,saxophone alto, accordéon, cymbalum, piano etvidéo live.Happy end, (créé en décembre 2007 à l’opéra deLille) est une adaptation libre du conte Le petitpoucet de Charles Perrault pour ensemble,électronique et un film d’animation signé parl’artiste belge Hans Op de Beeck (avec les voix deEdith Scob et Michael Lonsdale).En octobre 2008, il crée Teeter-Totter, une pièce pourl’ensemble Klangforum Wien, commande du festivalde Donaueschingen.Marianne PousseurbiographieTout en étudiant le chant classique et la musique dechambre au Conservatoire de Liège, MariannePousseur a chanté dans les deux ensembles dirigéspar Philippe Herreweghe, le Collegium Vocale et LaChapelle Royale.Elle participe dans le même temps à plusieursspectacles du Théâtre du Ciel Noir dirigé parIsabelle Pousseur. Leur version scénique de PierrotLunaire d'Arnold Schoenberg a fait l'objet d'un film,avec l'Ensemble Musique Oblique sous la directionmusicale de Philippe Herreweghe, ainsi que d'unenregistrement CD pour Harmonia Mundi.Elle se produit avec des ensembles tels que leSchoenberg Ensemble de La Haye, (directionReinbert de Leeuw), Remix de Porto, Die Reihe deVienne, ainsi qu'avec l'EnsembleIntercontemporain, notamment sous la direction dePierre Boulez, dans un répertoire essentiellementtourné vers le XX e siècle, la création et le théâtremusical. En 2001, elle enregistre avec l'EnsembleRisognanze (Milan) Infinito Nero pour le label Collegno. Cet enregistrement paru en 2008 gagne leMIDEM Classical Awards 2009 à Cannes.Son expérience théâtrale lui permet d’êtreinterprète-récitante dans de grandes œuvressymphoniques comme Psyché de César Franck ainsique Peer Gynt de Grieg en version concertante sousla direction de Kurt Masur avec l’Orchestre Nationalde France et le London Philharmonic Orchestra.Elle a crée, en collaboration avec Enrico Bagnoli,plusieurs pièces de théâtre musical, dont :Songbooks de John Cage et Le chant des ténèbres,spectacle construit à partir de chansons de HannsEisler et Bertolt Brecht. Babar de Poulenc, avecl'Orchestre Léonard de Vinci sous la direction deOswald Sallaberger. Avec les mêmes collaborateurs,elle conçoit également une mise en scène deL'enfant et les sortilèges de Maurice Ravel.C'est pour elle que Georges Aperghis compose en2004 Dark Side, créé à Athènes avec l'EnsembleIntercontemporain. Après cette premièrecollaboration, ils décideront de travailler ensembleà nouveau sur Ismène, poème de Yannis Ritsos, unopéra pour voix seule.Elle est actuellement professeur de chant auConservatoire Royal de Bruxelles.http://www.khroma.euMarianne Pousseur au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2000 : Infinito Nero de Salvatore Sciarrino2003 : Symphonie II La liseuse de Brice Pauset57


Enrico BagnolibiographieEnrico Bagnoli travaille depuis 1985 commeéclairagiste pour de nombreuses productionsthéâtrales et musicales. Il a ainsi collaboréétroitement avec le metteur en scène ThierrySalmon sur Le Troiane (1987), Da Agatha (1986), DesPassions (1992) et Faustae Tabulae (1995). En Italie,il a travaillé entre autres avec Sosta Palmizi,Raoul Ruiz, Elio De Capitani, Ferdinando Bruni,Amos Gitai. Il a fait partie des équipes de JacquesDelcuvellerie et Isabelle Pousseur. Avec LukPerceval, il créé Ten Orloog (1997), Aars (2000),Franciska (1998), L.King of Pain (2002) et MacBeth(2004).Enrico Bagnoli travaille régulièrement avec le RoTheater, le Muziek Lod, le Toneelgroep Amsterdam,le Toneelhuis. Il a collaboré avec Guy Cassiers pourses spectacles De Sleutel (1998), Anna Karenina(1999), The Woman Who Walked Into Doors (2001),Proust 1 : De kant van Swann (2003), Proust 2 : Dekant van Albertine (2003) , Proust 3 : De kant vanCharlus (2004), Proust 4 : De kant van Marcel (2005),Hersenschimmen (2005), Onegin (2006), Mefisto(2006), An history of the world in 10,5 chapters (2007),Origine (2008), Atropa (2008). En 2005, il a participé àElettra de Hugo von Hoffmannstahl, mis en scènepar Andrea de Rosa pour le Teatro Mercadante deNaples. Avec Sidi Larbi Cherkaoui (Het ToneelhuisAntwerp), il collabore sur An history of the world in10,5 chapters (2007) et Origine (2008).Collaborations entre Enrico Bagnoli et MariannePousseur :1991 : Dialogue entre l’huître et l’autruche,spectacle musical inspiré par Lewis Carroll,musique originale de Denis Pousseur, miseen scène Christophe Galland.1993 : L’air frais des jardins publics.1996 : Songbooks de John Cage.1998 : Le Chant des Ténèbres, spectacle construit àpartir de chansons de Brecht/Weill.2000 : Histoire de Babar de Francis Poulenc,spectacle musical pour enfants.2001 : L’enfant et les sortilèges de Maurice Ravel,direction musicale Oswald Sallaberger(Opéra de Rouen).2004 : Peer Gynt de H.Ibsen, musique de E.Grieg.2005 : Magic Box d'après Children's corner et Laboite à joujoux de Claude Debussy.http://www.khroma.eu58


Enno PoppeEnsemble intercontemporainEnsemble vocal ExaudiInterzoneEnno Poppe, Interzone : Lieder und BilderTexte, Marcel BeyerOmar Ebrahim, barytonAnne Quirynen, vidéoSusanna Mälkki, directionFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Cité de la Mus iq ue3 décembre 20hDurée : 1h2014,40€ et 18€Abonnement 12,60€Coproduction Cité de la Musique ;Ensemble Intercontemporain ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de la Fondation d’entreprise HermèsAvec le concours de la SacemAvec le soutien de l’AdamiConcert enregistré par France MusiqueCommande du <strong>Festival</strong> de Berlin en 2004,Interzone : Lieder und Bilder, est la premièreincursion dans le lyrique – à défaut d’un termeplus approprié – d’Enno Poppe. L’oeuvres’inspire du recueil de nouvelles éponyme deWilliams. Burroughs (1914-1997), écrivainaméricain de la Beat Generation. WilliamBurroughs nous invite à le suivre dans uneplongée fascinante jusqu’aux bas-fonds duTanger des années 1950, alors que la ville étaitencore zone internationale. Délaissant toutevelléité biographique, Enno Poppe, ledramaturge Marcel Beyer et la vidéaste AnneQuirynen s’attachent à rendre l’atmosphèred’indétermination spatiale, temporelle etaffective qui se dégage du livre. Écrit enanglais, tour à tour parlé et chanté, le texte deMarcel Beyer reprend certaines techniquesd’écritures développées par William Burroughs,pour mieux explorer cet entre-deux, à la foistransition – en tant que lieu et processus – etinterruption. Habitué à se jouer des systèmes –poursuivant leur logique jusqu’à l’implosion –,Enno Poppe trouve dans ce sujet del’exception un espace idéal pour exprimer sespréoccupations musicales.En contrepoint, Anne Quirynen filme la ville etses lieux anonymes, chantiers, ponts et bordsd’autoroute, ses places, lieux de vie et depassage, et les frontières de l’intime, fenêtreset immeubles étincelants – sous la forme d’unevidéo éclatée sur plusieurs écrans, visionmultifocale ou prisme dispersant.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Cité de la MusiquePhilippe Provensal01 44 84 45 6359


Entretien avec Enno PoppeEn quelques mots, pourriez-vous décrire Interzone :est-ce un opéra, une pièce de théâtre musical, uneinstallation multimédia ?Enno Poppe : Interzone se veut une œuvre dethéâtre musical, mais il n’y a ni scène ni plateau. Ils’agit en fait d’une installation vidéo et d’une œuvremusicale en contrepoint : huit écrans vidéos sontrépartis dans la salle et forment un cercle lumineuxet mouvant au-dessus des musiciens et deschanteurs (les écrans vidéos ne sont pas statiquesmais peuvent bouger). Si la partie musicale peutévoquer une œuvre de concert, l’ensembleconstitue toutefois un spectacle musical.Interzone est votre première œuvre de cetteenvergure, votre première œuvre de théâtre musicalet votre première œuvre faisant appel àl’électronique. Pourquoi avoir tant attendu ?Enno Poppe : De manière générale, je vise laprécision et la justesse. Avant de composer, je faisénormément de recherches sur l’harmonie etl’instrumentarium, sur ce qu’on peut faire avecl’électronique ou avec les voix. Je vais jusqu’au boutdes choses : je veux m’approprier les outils et savoirexactement ce que je veux en faire afin de produireune œuvre qui soit entièrement mienne. Avecl’électronique, par exemple, je ne veux pas que çasonne seulement comme une musiqueélectronique, je veux que ça sonne comme mapropre musique. Pour cela, j’ai besoin de temps.Pour cette même raison, j’ai longtemps attendupour composer pour grand orchestre.Quel est le projet initial d’Interzone, et qu’avez-vousvoulu en faire ?Enno Poppe : La commande du <strong>Festival</strong> de Berlinétait pour une œuvre faisant appel à la musique et àla vidéo. J’ai donc commencé à travailler avec lavidéaste belge Anne Quirynen — elle habitait alorsà Berlin, avant de s’installer à Chicago où elle vitaujourd’hui. Nous ne voulions pas simplementd’une simple juxtaposition des deux médias etcherchions une solution pour les mêler. Rapidementnous avons pensé aux hallucinations et à tout cequ’elles sous-entendent et impliquent. Nous avonstrouvé ce texte, Interzone, dans lequel le poèteaméricain William Burroughs parle justement dedrogues et d’aventures hallucinatoires.Dans le livre, tout est mouvant, protéiforme. Il n’y aaucun personnage concret — les différents motifset personnages y sont en constante évolution, voiremétamorphose.Comment aborde-t-on, dans le texte et la musique,l’univers et la langue de Burroughs?Enno Poppe : Il faut d’abord préciser que MarcelBeyer est un spécialiste de l’œuvre de WilliamBurroughs. Il y a consacré de nombreuses années derecherches, se penchant notamment sur sesrelations avec la musique.Ce qui m’intéressait pour ma part était sa logiquetoute particulière, sa conception singulière del’identité ainsi que certains aspects techniques desa langue. Dans le texte de Marcel Beyer, il n’y aaucune citation de Burroughs, mais sa présence sefait fortement sentir tant il nous a inspiré. Onretrouve notamment certains thèmes évoqués dansInterzone, mêlé à un panorama des années 60 —même si ce sont moins les Sixties tels qu’ellesétaient qu’une certaine mémoire qu’on peut enavoir. Les Orgues Hammond, par exemple, sont làcar il leur suffit de quelques notes, quelquesaccords, pour nous replonger dans le son desSixties.Vous avez écrit, à propos d’Interzone, ne pas vouloirreproduire le livre lui-même, et sa dimensionautobiographique, mais son atmosphèred’indétermination. Par quel moyen restitue-t-oncela ?Enno Poppe : Interzone est un recueil de vestigesd’un livre plus vaste — ce sont finalement desmiettes. Dans les années 50 en effet, Burroughs écritun manuscrit de plus d’un millier de pages duquel iltirera, durant les années suivantes, ses plus grandsromans et nouvelles (Le Festin Nu, Soft Machine,Nova Express). Après y avoir ainsi puisé tous ceschefs-d’œuvre, il réunit les vestiges du manuscritdans ce volume, qu’il intitule Interzone.Il n’y a dans Interzone ni logique, ni structure claire.C’est davantage une variété de motifs, mêlant rêveset images plus ou moins hallucinatoires, parmilesquels Marcel Beyer a dû faire un choix.Le plus important pour moi a donc étéd’abandonner tout système musical conventionnel.La partition fait appel à un système de microintervalles qui fait perdre tout repère de justesse —l’échelle semble varier constamment. Lesintervalles sont très petits, huitièmes de ton etparfois moins. Ensuite, le son lui-même n’est pascommun, construit sur la base du son des orguesHammond accompagnés d’un Big Band pour lemoins bigarré. Pour compléter le tableau, au début,la musique est très rapide, pas agressive maistendue et stressante, mais plus on avance dansl’œuvre, plus on perd ses repères temporels.Un autre aspect important du livre que l’on retrouvedans ma musique est le fameux interzone dontparle Burroughs, et qui est la ville de Tanger. Àl’époque, c’était une zone internationale, contrôléepar les Nations-Unies. Se trouvait là tout unmicrocosme d’espions et de criminelsinternationaux, trafiquants de drogue et autres ;Burroughs adorait vivre dans cet atmosphèredélétère. Cela se retrouve dans la partition parquelques emprunts à la musique arabe — ce ne sontni des citations, ni des imitations, mais plutôt desévocations des modes et sonorités de la musique duMaghreb, comme une influence stylistique (commeles unissons polyphoniques ou les ornementationsmicro-tonales…). Ma musique est peut-être plusinspirée par la musique arabe que par la musiqueeuropéenne.Les vidéos d’Anne Quirynen ont-elles été réalisées àTanger ?Enno Poppe : Non, je crois qu’aucune ne vientdirectement de Tanger. Elles ont été prises dansdifférentes villes sur différents continents : en Inde,aux USA, et même à Berlin.60


Dans votre écriture musicale, vous êtes connu pourla manière dont vous vous saisissez d’un systèmepour le faire exploser de l’intérieur. En est-il demême ici ?Enno Poppe : Je crois, oui. Mais il ne m’est pas trèsfacile de décrire ce que j’ai essayé d’y faire. Ce n’estpas ici aussi systématique que cela peut l’êtreailleurs. Il fallait que ma musique s’accordeégalement au texte et à l’écriture vocale, je n’avaisdonc pas autant de liberté que d’habitude. Lamusique tend toutefois vers les extrêmes : dans lesnuances (avec des passages fortissimo), les tempi(avec des moment d’extrême lenteur), les intervalles(avec des intervalles minuscules). Je ne me contentepas d’effleurer chaque chose, j’en prendspossession.Comment avez-vous abordé l’écriture vocale ?Enno Poppe : J’ai voulu penser aux voix ellesmêmes.L’écriture vocale européenne classiquem’ennuie un peu, j’ai donc tenté des techniques dechant un peu différentes. Si l’œuvre commence pardu parler plus ou moins normal, je me suis ensuiteinspiré de techniques de chant extra-européennes,avec d’autres notions de justesse, d’intervalles,d’attaque et de glissando. Le son de la voix luimêmeest exploré d’une manière, je pense, assezinédite.Propos recueillis par Jérémie SzpirglasEnno PoppebiographieNé en 1969 en Allemagne, Enno Poppe étudie ladirection d’orchestre et la composition à l’Ecolesupérieure des arts de Berlin, auprès de FriedrichGoldmann et Gösta Neuwirt. Il se forme à lasynthèse sonore et à la composition algorythmiqueà l’Université technique de Berlin et au Centre desarts et des médias ZKM de Karlsruhe. Il obtientplusieurs bourses, dont, en 1992, 1995 et 1998, laBourse de composition du Conseil Municipal deBerlin, en 1994, la Bourse musicale du MKK, en 2000,la Bourse de la Fondation Wilfried Steinbrenner et,en 2002-2003 la Bourse de l’Akademie SchlossSolitude.En 1996, il participe au forum de la jeune générationde la GNM. En 1998, il obtient le Prix Boris-Blacherpour Gelöschte Lieder ; en 2001, le Prix decomposition de la ville de Stuttgart pour Knochen ;en 2001-2002, le Prix d’encouragement de laFondation Ernst-von-Siemens avec l’EnsembleMosaik et, en 2002 et 2006, le Prix Busoni del’Académie des Arts de Berlin.Il donne régulièrement des concerts en tant quepianiste et chef d’orchestre. Depuis 1998, il estdirecteur musical de l’Ensemble Mosaik et estchargé de cours de composition à l’École supérieurede musique Hanns Eisler de Berlin. Il a reçu denombreuses commandes, entre autres, del’Ensemble Modern, de Klangforum Wien et de laWDR. Ses œuvres ont été présentées aux festivalsde Berlin, Munich, Sarrebruck, Vienne, Cologne,Barcelone, Saint-Pétersbourg, Witten.Enno Poppe, du devenir spectral, l’outre-son, est paru en 2008dans la collection A la ligne, éditée par l’Ensemble 2e2m.Enno Poppe au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2007 : Obst pour orchestre61


Anne QuirynenbiographieAnne Quirynen est née en Belgique en 1960. Elle aétudié l’histoire de l’art à Louvain et la vidéo àBruxelles. Depuis 1993, elle réalise des projets et anotamment travaillé avec William Forsythe et WimVandekeybus. En 1994, elle rejoint le groupe deproduction indépendant De Filmfabriek, quitravaille dans le domaine des arts numériques.Aujourd’hui, Anne Quirynen vit entre Berlin etChicago où elle enseigne. Ses œuvres ont étéprésentées dans de nombreux festivals en Europecomme aux Etats-Unis et également au NipponCultural Centre de Tokyo.Parmi ses installations : The Mindmachine of Dr. Forsythe(1993), Everything will be all right (1997) avec Peter Missotten etAn Marie Lambrechts, Jetzt with Co Zoo (2000), In a Landscape(2001), Interzone (Berliner Festspiele, 2004), Maximilian’sDarkroom I & II (2007-2008), Interzone at Hamburger Bahnhof(Berlin, 2007), Maximilian’s Darkroom III (Berlin, 2009).Ensemble intercontemporainCréé par Pierre Boulez en 1976 avec l’appui deMichel Guy, alors secrétaire d’État à la Culture,l’Ensemble Intercontemporain réunit 31 solistespartageant une même passion pour la musique duXX e siècle à aujourd’hui.Constitués en groupe permanent, ils participent auxmissions de diffusion, de transmission et de créationfixées dans les statuts de l’Ensemble.Placés sous la direction musicale de SusannaMälkki, ils collaborent, au côté des compositeurs, àl’exploration des techniques instrumentales ainsiqu’à des projets associant musique, danse, théâtre,cinéma, vidéo et arts plastiques.Chaque année, l’Ensemble commande et joue denouvelles œuvres, qui viennent enrichir sonrépertoire et s’ajouter aux chefs-d’œuvre du XX esiècle.Les spectacles musicaux pour le jeune public, lesactivités de formation des jeunes instrumentistes,chefs d’orchestre et compositeurs ainsi que lesnombreuses actions de sensibilisation des publics,traduisent un engagement profond et internationalementreconnu au service de la transmission et de l’éducationmusicale.En résidence à la Cité de la musique de <strong>Paris</strong> depuis1995, l’Ensemble se produit et enregistre en Franceet à l’étranger où il est invité par de grands festivalsinternationaux.Ensemble vocal ExaudiL’Ensemble vocal Exaudi a été fondé en 2002 parJames Week et Juliet Fraser. Composé de jeuneschanteurs anglais, la musique d’aujourd’hui est aucœur de son répertoire. Il interprète ainsi desœuvres de Salvatore Sciarrino, <strong>Wolfgang</strong> <strong>Rihm</strong>,Michael Finissy, Howard Skempton, Richard Ayres,Christopher Fox, ou bien encore, de JamesSaunders. Depuis 2006, l’Ensemble Exaudi estprogrammé au <strong>Festival</strong> de musique d’Aldeburgh.En 2007, il enregistre Ben Some when de HowardSkempton, parution chez NMC. L’Ensemble estinvité, en 2008, au <strong>Festival</strong> de musiqued’Huddersfield, et travaille avec le compositeurChristopher Fox.Actuellement, l’Ensemble Exaudi prépare denouveaux enregistrements de Howard Skemptonet Wolgang <strong>Rihm</strong>.62


Liza LimThe NavigatorLiza LimThe NavigatorLivret, Patricia SykesCréation de la version de concertTalise Trevigne, sopranoDeborah Kayser, mezzo-sopranoAndrew Watts, contre-ténorPhilip Larson, Omar Ebrahim, barytonsManuel Nawri, directionFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtre8 décembre 20hIntroduction au concert à 19h15Durée : 1h2010€ et 15€Abonnement 10€Coréalisation Opéra national de <strong>Paris</strong> ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le concours de l’Australia CouncilMusicienne du tissage, du voile miroitant, de latendresse du pli, Liza Lim déploie un art où,plus encore que l’énergie ou la subtilité detimbres rares, se nouent de singulierscroisements culturels. Son identité est uneidentité de « trait d’union », entre Chine etAustralie. Les relations entre les éléments sontmoins stables, plus ambivalentes, dans cemonde multiculturel, donnée historique decette terre des antipodes. Comment dépasserles oppositions entre Soi et l’Autre, entre cequi est familier et ce qui est étranger ? Liza Limscrute un paysage intérieur complexe, incitantau voyage. Bien des seuils perméables nousinvitent à d’autres espaces.Dans The Navigator, à l’entrelacs des deux voixaiguës de L’Aimée et du Navigateur, s’ajoutentun trio de Sirènes (une vieille femme, un fou etl’ange de l’histoire), seize instruments et l’électronique.Lignes lascives, souffles, distorsions et sons de lanature prolongent ce que représentait lethéâtre de l’Antiquité grecque, dans lequelLiza Lim puise volontiers : Eros et Thanatos ; leDésir et la Mort comme horizons ; le jeuextatique des amants et celui de la guerre,déchaînant les forces du sang, de l’histoire etdu temps ; l’annihilation et la création. Et LizaLim de s’interroger : « Comment préserverl’espace du désir et le traverser tout à la fois ? »Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Opéra National de <strong>Paris</strong> / Bastille-amphithéâtrePierrette Chastel01 40 01 16 7963


Entretien avec Liza LimThe Navigator revient de nouveau sur le thème duvoyage et notamment sur le voyage maritime,thème récurrent dans votre oeuvre. En quoi l’amouret la passion, au centre de cette création, sont-ilspour vous des voyages ? Comment l’exprimez-vousmusicalement ?Liza Lim : L’opéra est pour moi un genre qui doitquestionner un espace culturel, le lieu d’uneexpérience exacerbée et de transformationssublimées, au travers duquel le théâtre devientvecteur de souvenirs, de rêves, de projections et detranses extatiques. Le sujet de The Navigator est leparadoxe érotique — ou, plus précisément, lastructure même du paradoxe que symbolise lafigure allégorique d’Eros ; nom que les Grecsanciens donnaient à la divinité du désir. Les Grecsdécrivaient Eros comme le « tisserand des fictions »,« l’aigre-doux », mettant ainsi le doigt surl’ambivalence, le tiraillement des sens et l’illusoirequi conditionnent l’érotisme.Le « voyage » est alors moins un trajet linéaire quimène d’un endroit à un autre, qu’un mouvement deva-et-vient ; le lieu d’une interruption, d’unesuspension. Qu’est-ce que le désir, sinon unepassion pour ce qui est hors de portée, uneconstellation de passions tendant sans cesse versun inatteignable « point d’évaporation » ? Unetension s’installe, dans laquelle « l’amant » brûle den’être plus qu’un avec « l’aimé », tout en s’efforçantde maintenir la distance, condition sine qua non àl’érotisme. Je pense à Anna Karenine de Tolstoï,Madame Bovary de Flaubert, De l’Amour deStendhal, Fragments d’un discours amoureux, deRoland Barthes, ou encore à la poésie de Sappho. Làréside le paradoxe de l’érotisme — la satisfactiondu désir annule le désir — « l’Océan » est justementcet horizon qui ne cesse de reculer.Le voyage offert par l’opéra suit ce processus dudésir — comme une matérialisation scénique de cesglissements réciproques incessants, en jouant sur ladistance et la proximité au sein de l’espacemusical, ou sur les convergences et divergences desdifférentes formes temporelles.Les « figures » de mon opéra, les personnages deThe Navigator, The Beloved, The Fool, The Crone etThe Angel of History, se déplacent ensemble,constellations en mouvement constant, pourdécrire un peu de cette perte de repères induite parl’extase — ce genre singulier de folle présence aumonde, où tous les sens sont aiguisés et qui permetd’accéder à un état autre. L’opéra n’est ni narration,ni développement psychologique. Il décrit une séried’états. Dans ma musique, j’utilise ce systèmegéométrique comme base de travail, comme unecombinaison d’éléments au sein de laquellecertains se déplacent, les uns par rapport auxautres, atteignant pour un instant un étatd’équilibre instable qui laisse dans son sillagetoutes sortes de turbulences, tandis que l’ensemblepoursuit son chemin. Parmi ces formes, on trouve lefameux leitmotiv du Prélude de Tristan et Isolde deWagner, auquel je fais référence à diversesoccasions au cours de l’opéra, parfois de manièrecryptée.Quel est ce « pari entre guerre et amour » que vousplacez au centre de The Navigator ?Liza Lim : Au cœur de l’opéra, on retrouve certainsaspects symboliques des deux grandes fresquesépiques que sont le Mahabharata et le Tristan etIsolde de Wagner ; moins des éléments concretsd’intrigues que des lignes de force autour desthèmes de la métamorphose et de la prise de risque.L’idée du « pari » vient de la Partie de Dés duMahabharata. Pour résumer, le Roi Yudishtiras’engage dans une partie de dés au cours delaquelle il parie tout ce qui lui appartient, sonroyaume, ses frères, lui-même et son épouse inclus.Pris par une fièvre compulsive du jeu, il parie etperd tout, y compris ce à quoi il tient le plus. L’opéras’ouvre sur cette catastrophe originelle de perteabsolue. Le pari est de ces extrêmes vers lesquels ledésir nous pousse ; entre extase (« l’amour ») etéventuellement, désastre et annihilation (« laguerre »).The Navigator semble s’inspirer de différentsmythes fondamentaux : Ulysse, Tristan et Isolde,Orphée… Est-ce volontaire ? Des mythes aborigènesvous ont-ils également inspirés ?Liza Lim : Le thème qui m’attire le plus dansl’histoire de Tristan et Isolde n’est peut-être pascelui auquel on pense immédiatement : c’est celuide la confusion des symboles. Dans la légendebretonne, Tristan attend. Le bateau d’Isoldeportera-t-il le drapeau blanc annonçant une bonnenouvelle, ou le drapeau noir du désastre ? LorsqueTristan apprend la nouvelle du drapeau noir, ilmeurt, alors même qu’Isolde entre en scène.Sommes-nous suffisamment clairs par rapport à nospropres désirs, ou bien, nos illusions jettent-elles unvoile sur nos perceptions ? Même si les autresmythes que vous mentionnez n’étaient pasréellement présents dans mon esprit pendant lacomposition de l’opéra, cet aspect chaotique,turbulent et insaisissable des symboles et de cequ’ils représentent se retrouve également dansl’Odyssée (le Silence des Sirènes de Kafka est uneextraordinaire réinvention de cette idée) et dansl’Orféo (lorsque Orphée perd Eurydice à jamais, àl’instant précis, juste avant d’être enfin sauve). Lesmythes aborigènes ne m’ont pas non plus inspiré —tout du moins, pas directement. Patricia Sykes,librettiste de The Navigator, a cependant faitd’importantes recherches autour des Pléiadesgrecques, une constellation qui est aussi trèsprésente dans la mythologie australienneaborigène des Sept Sœurs.Je pense avoir travaillé certains motifs abstraitsissus de ces grands classiques, sans toutefois m’êtreinstallé dans une « intrigue », au sens premier duterme. Les mythes sont pour moi un immenseréservoir de sagesse et d’histoires fascinantes,vivantes et toujours pertinentes, dans lequel jepeux puiser à l’envie.Propos recueillis par Jérémie Szpirglas64


Liza LimbiographieLiza Lim est née en 1966, à Perth, Australie del’Ouest. Son catalogue s’étend des domaines del’opéra et de la symphonie, jusqu’aux installationsdans des lieux particuliers ; ses œuvres ont étéinterprétées par des orchestres et ensemblesinternationaux reconnus. Ecstatic Architecture pourgrand orchestre, commande du Los AngelesPhilharmonic a été composé et créé à l’occasion del’inauguration du Walt Disney Concert Hall del’architecte Frank Gehry, en 2004, dirigé par Esa-Pekka Salonen. Yue Ling Jie (Moon Spirit Feasting),« opéra rituel de rue » lui a été commandé par lefestival d’Adelaïde, en 2000. Elle a réalisé ensuiteSonorous Bodies, une installation vidéo et musiqueen collaboration avec Judith Wright. Machine forContacting the Dead pour 27 musiciens a été créé enfévrier 2000 par l’Ensemble Intercontemporain. En2005, de nouvelles partitions commandées parl’Ensemble intercontemporain et le <strong>Festival</strong>d’Automne seront créées à <strong>Paris</strong>, au <strong>Festival</strong> deSalzbourg, au Sydney Symphony et au <strong>Festival</strong> demusique de Queensland, où elle réalisera uneinstallation inspirée par les Glasshouse Mountains(au Nord de Brisbane), en collaboration avecl’artiste aborigène Judy Watson et l’ensembleElision. Son opéra The Navigator est crée en juillet2008 au <strong>Festival</strong> de Brisbane, dans une mise enscène de Barrie Kosky reprise au <strong>Festival</strong> de Moscouen juillet 2009.De 2005 à 2007, Liza Lim est compositeur enrésidence auprès du Sydney Symphony Orchestra etvit à Berlin, avec une bourse DAAD, de mars 2007 àmars 2008.Après dix années à Brisbane (Queensland, Australie),elle vient de s’installer à Manchester.En 2008, elle a été nommée professeur decomposition à l’Université de Huddersfield(Angleterre).Liza Lim au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2005 : In the Shadow’s LightThe QuickeningMother Tongue2008 : The Compass, pour didgeridoo, flûte et orchestre65


Alberto PosadasRichard SiegalGlossopoeiaCréationChorégraphie, Richard SiegalMusique, Alberto PosadasScénographie, Virginie MiraLumière, Gilles GentnerCréation d’images, Artefactory LabVidéo, Yann PhilippeRéalisation informatique musicale Ircam, Lorenzo BianchiDispositif de captation gestuelle Ircam, FrédéricBevilacquaSolistes de l’Ensemble intercontemporain, Alain Billard,Odile Auboin, Eric-Maria Couturier, Samuel FavreDanseuses, Raphaëlle Delaunay, Julie Guibert, AshaThomas<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Centre Pompidou16 au 18 décembre20hdurée : 1h10€ et 14€Abonnement 10€Coproduction Ircam/Les Spectacles vivants-CentrePompidouEnsemble intercontemporain ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Commande de l’Ircam-Centre Pompidou, de Kairos Musicet de Musicadhoy-MadridAvec le soutien du CENTQUATRE,partenaire de l’Ircam pourl’accueil des projets d’expérimentationautour du spectacle vivantAvec le soutien de l’AdamiDu 13 au 31 juillet,Richard Siegal et Alberto Posadassont en résidence au CENTQUATREpour GlossopoeiaCette pièce est née de la rencontre entre deuxchamp artistiques – la musique et lachorégraphie – et entre deux écritures. Celledu chorégraphe Richard Siegal, anciendanseur de William Forsythe qui, depuis sapièce if / then, utilise un système de notationformelle des mouvements ; et celle ducompositeur espagnol Alberto Posadas, dontles partitions explorent la combinatoiremathématique. Après avoir travaillé à latransposition musicale d’espacesarchitecturaux ou de techniques issues de lapeinture, Alberto Posadas s’intéresse cettefois à l’implication du mouvement dans latransformation du son.Grâce à un système de captation et d’analysedes gestes, une interaction en temps réels’établit entre la danse et les paramètres detransformation de la matière sonore – jouantsur la spatialisation, les textures, lesfréquences, les effets d’harmonie… Divisée enplusieurs parties – avec ou sans chorégraphie,utilisant ou non le dispositif interactif – cettepièce dégage une série d’intervalles entrelesquels se glisse un doute sur la nature de nosperceptions : les mécanismes d’interférencemodifient- ils notre écoute, notre vision ? Lesmusiciens sont-ils des instruments, des chefsd’orchestre invisibles ? Comment la musique, enretour, les anime-t-elle ? « L’architecture,écrivait Goethe, est une musique pétrifiée. » Enfriction, à l’unisson, ensemble ou séparées,musique et danse engendrent un agencementdynamique qui remet l’espace en mouvement.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero, Christine Delterme01 53 45 17 13Centre Pompidou / Spectacles vivantsAgence Heymann, Renoult Associées01 44 61 76 7666


Alberto PosadasbiographieNé en 1967 à Valladolid (Espagne), Alberto Posadasdébute ses études musicales dans sa ville natalepuis les poursuit à Madrid.En 1988, il rencontre Francisco Guerrero auprèsduquel il étudie la composition et qu'il considèrecomme son authentique maître ; avec lui, il explorede nouvelles formes musicales grâce à l’utilisationde techniques comme la combinatoiremathématique et la théorie fractale. Cependant,l’autodétermination et la quête constante pourl'intégration de l'esthétique dans ces procédésmathématiques amènent le compositeur àrechercher d'autres modèles pour la composition,notamment la transposition en musique d'espacesarchitecturaux, l'application de techniques issuesde la topologie et de la peinture dans une relation àla perspective, ou encore l'exploration desphénomènes acoustiques des instruments demusique à un niveau microscopique.Il développe également une musiqueélectroacoustique, dans un cheminement trèspersonnel, à travers plusieurs projets dont Liturgiade silencio (1995), Snefru ou encore Versa est inluctum (2002).En 2003, Alberto Posadas est sélectionné par lecomité de lecture de l'Ircam et de l’Ensembleintercontemporain et, en 2006, il reçoit une boursede la Casa de Velázquez à Madrid qui lui permet deréaliser, avec Andrès Gomis, un projet de rechercheautour de nouvelles techniques de jeu dusaxophone basse et leur application dans lacomposition.La production d’Alberto Posadas inclut de lamusique symphonique, pour chœurs, de chambre,des pièces solistes ainsi que de la musique avecélectronique. L'année 1993 marque le début de sacarrière internationale ; ses pièces sont créées pardes ensembles et des orchestres dont l'Ensembleintercontemporain, l’Itinéraire, Court-Circuit, leNouvel Ensemble Moderne, le Quatuor Arditti, lequatuor Diotima, l'Orchestre national de France etl'orchestre philharmonique du Luxembourg.Depuis 1991, Alberto Posadas est professeurd’analyse, d’harmonie et de composition auconservatoire de musique de Mahadahonda àMadrid.Alberto Posadas travaille actuellement sur unconcerto pour saxophone et orchestre pourl’Orchestre de la communauté de Madrid,commandé par la Fundación Autor en Espagne(création en 2009). Il a récemment réalisé Mort etcréation, commande du CENTQUATRE dans le cadrede ses « 104 secondes de composition ».Depuis 1999, ses œuvres sont publiées chez lesÉditions Musicales Européennes (<strong>Paris</strong>).Richard SiegalbiographieArtiste résident de la ZKM, Center for Art and Media(Allemagne), membre de la faculté de danse et duAmerican Dance <strong>Festival</strong> pour lequel il programmechaque année le Forsythe <strong>Festival</strong>, Richard Siegalest le fondateur de The Bakery (2002), uneorganisation dédiée aux collaborations artistiquesinternationales, à l’exploration et la production despectacles contemporains. Jusqu’en 1997, il vit ettravaille à New York où il a dansé dans la compagniede Doug Elkins, Zvi Gotheiner, Janis Brenner, MarkDendy, Muna Tseng, Sin Cha Hong et Robin Staff.Une de ses premières chorégraphie, Solo For Janis,pour Janis Brenner, a été créée à Danspaceproject,New York, 1997. Brenner sera alors récompensé parle New York Dances and Performance Award («Bessie ») et choisi parmi les Most MemorablePerformance.Richard Siegal danse avec le Ballet de Francfort –Direction William Forsythe - de 1997 jusqu’à sadernière saison, en 2004. Durant cette période, il estreconnu comme « danseur exceptionnel » par leBalletanz Annual Critics’Survey (1998, 2000, 2003).Ses chorégraphies ont été présentées à troisreprises par le Ballet de Francfort, et plusrécemment dans la trilogie de 2002, X (evening).Il poursuit son activité en tant que danseur pour laCompagnie William Forsythe en parallèle de sespropres créations. Ses pièces ont tourné sur lascène internationale et ont été présentées ensélection officielle dans le cadre de festivals depremier plan comme Aerowaves, Kalamata, et leFIND.En 2004, Richard Siegal est nommé membrehonoraire des Benois de la Danse du Ballet Bolchoïet reçoit une bourse de la prestigieuse MacDowellColony dans le New Hampshire.L’année 2006 est marquée par les créations de TheNew 45 et de Stranger/Stranger Report, pour lequelil obtient un Mouson Award. Son projet de siteInternet chorégraphique If/Then Open Source,réalisé avec Hillary Goidell et Florent Bérenger,reçoit le prix de la SACD au Monaco Dance Forum.En 2007, Richard Siegal est chorégraphe invité auNew York City Ballet du Lincoln Center. Il créeIf/Tben Sepetet, dont la première a lieu en Finlande.En parallèle, il poursuit son travail sur sa trilogieStranger, avec AS IF Stranger qui est présenté auDanspace Project, New-York, en 2008.Richard Siegal au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2006 : Stranger / Stranger Report (Théâtre National deChaillot)© Ircam - Centre Pompidou, 200967


Entretien avec Richard SiegalLa notion d'interactivité a pris une nouvelledimension avec l'évolution des technologies – enparticulier les logiciels de reconnaissance visuellequi permettent à des ordinateurs de retraiter lesmouvements. Comment définiriez-vous l'interactivitédans le cadre de ce projet ? Quelle est votre approchede cette technologie ?Richard Siegal : Tout d'abord, je dirais que monintérêt pour l'interactivité est une extensionnaturelle de la manière dont j'aborde lachorégraphie en général – à savoir une méthodebasée sur le jeu, la création de relations entreévènements. Un événement provient del'événement qui le précède – c'est comme une sortede principe de programmation basique. Avec lapièce If/then, j'ai développé une notation de cesinteractions entre évènements. Une amie, HillaryGoidell, qui travaille dans les nouveaux médias m'adit que cela ressemblait beaucoup à la façon donts'écrit un programme. Nous avons donc décidé decollaborer ensemble pour créer un site web(www.thebakery/ifthen.org), basé sur cettenotation. La performance originale est disponiblesur le site – et les gens peuvent y apporter desmodifications. Ensuite le site a été présenté auforum de la danse de Monaco, en 2006. FredericBevilacqua, qui est chercheur à l'IRCAM présentaitson travail sur la reconnaissance gestuelle. Les deuxidées se sont trouvées être assez compatibles. Jefaisais une danse basée sur la notationd'évènements codés – que ce soient des gestes, dessons, des vidéos, de la lumière... Et c'est ce que samachine permettait de faire, comme une sorte demédiateur : reconnaître des gestes, et faire sortir unsignal, à son tour transformable.Est-ce que vous connaissez déjà les paramètres duson qui seront modifiés par les mouvements ?Comment seront choisis ces paramètres ?Richard Siegal : A priori, la machine peut reconnaîtreet transformer n'importe quel élément : le son, lavidéo... On peut la programmer pour répondre àn'importe quel type de signal – les possibilitésoffertes sont incroyables. Après ce sera le travail deLorenzo Bianchi et de Alberto Posadas. C'est eux quivont choisir les paramètres du son transformés parles gestes. Nous avons fait quelques tests : on peutjouer sur la spatialisation du son, les textures, lesfréquences, travailler des effets d'harmonie... Toutdépend de ce qu'on veut obtenir.Est-ce que Alberto Posadas va transformer samusique en relation avec l'évolution de lacomposition chorégraphique ?Richard Siegal : Au niveau des sons électroniques,oui. Actuellement, nous enregistrons des vidéos dephrases, ou des séquences binaire de gestes, pourque Alberto et Lorenzo puissent travaillerensemble, avec ces « danseurs virtuels ». Ensuite, ilvont essayer de voir ce qu'il se passe avec telenchaînement de mouvement, tel type dedéplacement, et affiner leurs paramètres. Je ne croispas que dans cette pièce il faille voir les danseurscomme des musiciens, mais plutôt comme desdonnées.La pièce est divisée en plusieurs parties ; la dansesera jouée une fois avec le quartet, les effetsélectroniques et l'interaction avec la danse, et unefois sans . Est-ce que le fait de montrer un segmentchorégraphique avec interactivité, puis le même,« sans », sert à montrer le processus ? A pointer avecplus d'évidence ce qui se produit lorsquel'interactivité « technologique » est en jeu ?Richard Siegal : Je dirais que l'une des raisons étaitde donner la possibilité de montrer ce qui était enjeu. Le son est associé à un corps, en interactionavec un objet, pas avec le corps en mouvement.Mais est-ce qu'il est vraiment important que lepublic saisisse que ce lien existe ? Je n'en suis passûr. Je pense que la pièce va parcourir tout lespectre sensitif que peut créer cette relation.Parfois, la relation sera très « analogique », etparfois les sons que produisent les gestes sefondront complètement dans la texture de lamusique. La musique de Alberto Posadas est déjàune musique très dense au niveau de la texture. Il yaura une énorme masse d'information venant de lamusique, et avec l'addition des sons provenant descorps, je pense qu'il sera très difficile de distinguerla composition des sons produits en live.Et puis je pense que l'on a dépassé cet état –comparable à l'introduction du cinéma parlant – oùla technologie était suspecte, et du coup, toujoursprésente comme sujet. La question « mais commentest-ce qu'ils font ça ? », ou « est-ce qu'il y a un truc ? »n'est plus vraiment d'actualité. Aujourd'hui lestechnologies interactives ont pénétré le domainede la performance au point de devenir desconventions. Du coup la question n'est plus demontrer nos capacités technologiques, mais dejouer de ces instruments comme on le ferait d'unviolon ou d'une platine.Est-ce que votre manière de composer lachorégraphie est différente, sachant que lesmouvements seront transcrit par une machine ?Richard Siegal : Là aussi, je crois que la questionn'est pas tant technologique. Je choisis lesdanseurs, et le résultat vient de leurs singularités,de l'alchimie qui se produit entre nous. C'est plutôtdans le dialogue avec les autres que s'invente lapièce – par ce qui est lancé dans l'improvisation, lamanière dont chacun écoute. Le fait de porter cescenseurs peut provoquer une attention particulière,faire entrer les danseurs dans un état trèsconcentré d'écoute et de présence. Mais ce n'est pasforcément le cas. Le fait d'être sous la« surveillance » de ces instruments ne crée pasforcément un dialogue, n'aboutit pas forcément àune boucle entre les déplacements et le son.Ceci dit, cette technologie peut êtreparticulièrement efficace pour donner à unmouvement un effet sonore – créer le typed'adéquation qu'on peut voir dans les dessinsanimés. Par exemple, lors d'une répétition,Raphaëlle Delaunay, l'une des danseuses a fait unlong mélange associatif de différentes séquencesque nous avions créées jusque-là en portant lescenseurs. Et Lorenzo, qui travaille sur lacomposition électronique, s'est mis à changer lesconnexions et le degré de sensibilité des capteurs68


pendant qu'elle dansait. On pouvait parfoisremarquer une véritable adéquation entre sons etmouvements – un peu comme dans un dessinanimé, et j'ai remarqué que cela rendait la présenceà la fois irréelle et immense – pas forcément drôled'ailleurs. Comme si sa présence était surlignée,exagérée par cette adéquation.Cette pièce inclut une collaboration avec unmusicien, mais également avec une scénographe.Comment pensez-vous aborder l'espace ?Richard Siegal : Nous avons commencé à réfléchir àla scénographie avec Virgine Mira ; par exemple autype de relations à instaurer entre les danseurs etles musiciens. Mais dans ce type de collaboration,c'est la musique qui dirige les opérations. Alberto adéjà commencé à travailler il y a longtemps, il luifaut beaucoup de temps pour composer ; et il fautdu temps, ensuite, pour que les musiciensapprennent la partition. Cette musique, si elle était« pétrifiée », se manifesterait comme une pierreimmense et stupéfiante au milieu de la scène.Maintenant, nous devons sculpter la performancedans cette pierre, avec elle, autour d'elle, à traverselle. Toute la question est : « que faire de cettemusique ? » Et « qu'est-ce qu'elle nous fait ? » Je n'aijamais travaillé comme ça auparavant, c'est ce quiest excitant avec ce projet.Est-ce que Alberto Posadas utilise une notationparticulière pour sa musique ? Est-ce que sapartition vous a influencé ?Richard Siegal : Non, les partitions d'Alberto sontécrites de manière « conventionnelle ». Mais cettequestion de la notation est intéressante. Certainespartitions sont assez fascinantes. Nous avonsrécemment créé une installation interactive,présentée lors de l'exposition Notation, à Karlsruhe,au ZKM. Les partitions de John Cage que j'ai vues làbaspar exemple, sont très compréhensibles, tout enn'ayant rien à voir avec ce que l'on attendrait del'écriture musicale. C'est aussi le cas de IannisXenakis, et cela m'intrigue d'autant plus que c'estun compositeur qui s'est beaucoup occupéd'architecture – qui s'inspirait des volumes, del'espace pour composer. Cette manière de travaillerest tout à fait applicable à ce que nous faisons aveccette pièce : une collaboration entre lesmouvements, les sons et l'espace. Virginie Mira estarchitecte et le groupe de designer Artefactorytravaille principalement dans le champ del'architecture. En ce sens, l'interactivité serait letissu qui connecte ensemble ces trois champs. Entreles gestes et la musique, il y a une affinité naturelle,et entre l'architecture et la musique également.C'est aussi la raison pour laquelle je me suis référé àla fameuse citation de Goethe : « l'architecture estde la musique pétrifiée. »On pourrait presque dire que cette pièce essaie deredonner un mouvement à cette architecturepétrifiée ?Richard Siegal : Oui. Par la danse, et par la musique.Un peu à la manière dont Xenakis compose ens'inspirant d'une architecture de Le Corbusier parexemple...Entretien réalisé par Gilles AmalviOn trouve également l'idée d'utiliser desgrammaires formelles, aussi bien pour ledéveloppement chorégraphique que musical. Dequelle manière ce système sera-t-il utilisé ? Est-cequ'il crée un langage commun entre vous ?Richard Siegal : Je crois que la volonté de travaillerensemble avec Alberto vient du fait que noussommes tous les deux attirés par ces systèmes précomposés,qui nous servent à enclencher unprocessus, à avoir une relation créative avec lerésultat que ces systèmes génèrent. Dans mon cas,c'est cette méthode de notation inventée avecif/then. Pour cette pièce, j'ai essayé d'établir un lienavec les méthodes d'Alberto, de tenter unetraduction physique de sa manière de composer.Ces langages formels qui ont à voir avec la biologie,la sémantique – la tentative de créer une grammairedu mouvement, du vivant... C'est la raison pourlaquelle je tourne autour de ce titre Glossopoeia, unterme grec qui désigne l'invention du langage.Mais toutes ces stratégies de composition sontcomme les échafaudages qui tiennent la pièce, et ily a nécessairement un moment où il faut enleverl'échafaudage... A un certain niveau, créer unspectacle est une activité très technique, presquecomme de l'ingénierie. Mais cela peut devenirextrêmement obscur... comme de chercher àatteindre quelque chose dans la pénombre.69


Coordonnées et contacts des partenairesService presse du <strong>Festival</strong> d’Automne :Ré mi Fo rt, Mar ghe ri ta Manter o, Chris ti ne Del ter meAssistante : Valentine Jejcic01 53 4 5 17 1 3Lieux Adresses Contacts presseThéâtre de la Ville2 place du Châtelet75004 <strong>Paris</strong>Jacqueline Magnier01 48 87 54 42Cité de la Musique221 avenue Jean Jaurès75019 <strong>Paris</strong>Philippe Provensal01 44 84 45 63Salle Pleyel252 rue du Fbg Saint-Honoré75008 <strong>Paris</strong>Philippe Provensal01 44 84 45 63Théâtre du Châtelet1 Place du Châtelet75001 <strong>Paris</strong>Anne Marret01 40 28 29 30Théâtre des Bouffes du Nord37 bis Bv de la Chapelle75010 <strong>Paris</strong>Valérie Samuel, Nicolas Pons01 40 26 77 94Opéra National de <strong>Paris</strong>-BastilleAmphithéâtrePlace de la Bastille75012 <strong>Paris</strong>Pierrette Chastel01 40 01 16 79Théâtre Nanterre-Amandiers7 avenue Pablo Picasso92022 NanterreCaroline Willmot01 46 14 70 30Eglise Saint-Eustache2 impasse Saint-Eustache75001 <strong>Paris</strong>Valérie Samuel, MarineNicodeau01 40 26 77 9470


ARTS PLASTIQUESUgo R on dinoneHow Does It Feel ?Le CENTQUATRE17 septembre au 15 novembreSunrise EastJardin des Tuileries17 septembre au 15 novembreJean-Jacques LebelSoulèvementsLa Maison rouge25 octobre au 17 janvierRoman On da kHere Or ElsewhereEspace Topographie de l’art8 novembre au 20 décembreTacita DeanMerce Cunningham Performs STILLNESS…Le CENTQUATRE25 novembre au 4 décembreDANSERo byn O rlin / Babysitting Petit LouisMusée du Louvre29 septembre au 8 octobreEmmanuelle HuynhMonster ProjectMaison de la culture du Japon, 7 au 9 octobreShinbaï, le vol de l’âmeOrangerie du Château de Versailles, 5 décembreMaison de l’architecture, 10 au 13 décembreSa bur o Teshiga wa ra / MirokuThéâtre National de Chaillot7 au 10 octobreRachid Ou ram dane / Des témoins ordinairesThéâtre de Gennevilliers8 au 18 octobreTim Etchells / Fumiyo Ikeda / in piecesThéâtre de la Bastille13 au 17 octobreTsuyo shi Shirai / TrueMaison de la culture du Japon à <strong>Paris</strong>15 au 17 octobreSteven Cohen / GolgothaCentre Pompidou4 au 7 novembreLa Ribot / llámame mariachiCentre Pompidou11 au 14 novembreFaustin Linyekula / « more more more…future »Maison des Arts Créteil12 au 14 novembreWen Hui / MemoryThéâtre de la Cité Internationale24 au 28 novembreLia Rodrigues / CréationLes Abbesses25 au 28 novembreMerce Cunningham / Nearly NinetyThéâtre de la Ville2 au 12 décembreBoris Cha rmatz / 50 ans de danseLes Abbesses8 et 12 décembreRaimund Hoghe / Sans-titreThéâtre de Gennevilliers9 et 13 décembreJérôme Bel / « Cédric Andrieux »Théâtre de la Ville14 au 16 décembreRichard Siegal / Alberto Posadas / GlossopoeiaCentre Pompidou16 au 18 décembre71


MUSIQUEJohannes Brahms / Ein deutsches Requiem, opus 45Wolfgan g <strong>Rihm</strong> / Das Lesen der SchriftLes quatre pièces de Das Lesen der Schrift sont inséréesentre les mouvements du Requiem allemandNatalie Dessay, sopranoLudovic Tézier, barytonMatthias Brauer, chef de choeurChoeur de Radio FranceOrchestre Philharmonique de Radio FranceMyung-Whun Chung, directionSalle Pleyel, 18 septembreJacques LenotIl y a / concert, 29 septembreInstants d’Il y a / Installation sonoreÉglise Saint-Eustache, 21 au 29 septembreHeiner GoebbelsI Went To The House But Did Not EnterHeiner Goebbels, concept, musique et mise en scèneT. S. Eliot, Maurice Blanchot, Samuel Beckett, textesHilliard EnsembleThéâtre de la Ville, 23 au 27 septembreFrederic RzewskiMain Drag, pour neuf instrumentsThe Lost Melody, pour clarinette, piano et deux percussionsMary’s Dream, pour soprano et ensemblePocket Symphony, pour six instrumentsDe Profundis, pour récitant et pianoFrederic Rzewski, piano et récitantMarianne Pousseur, mezzo-sopranoEnsemble L’Instant DonnéOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille-Amphithéâtre26 septembreEdgar d Varèse / Ga ry HillEdgard Varèse 360°Asko|Schoenberg EnsembleOrchestre Philharmonique de Radio FranceAnu Komsi, sopranoChoeur Cappella AmsterdamPeter Eötvös, directionGary Hill, créations imagesGary Hill et Pierre Audi, mise en espaceSalle Pleyel, 3 et 4 octobreKarlheinz Stockh ausenKreuzspiel ; Kontra-Punkte ; Funf weitere SternzeichenGyö rgy LigetiConcerto de chambre ; Aventures et Nouvelles AventuresClaron McFadden, sopranoHilary Summers, contraltoGeorg Nigl, barytonEnsemble intercontemporainPierre Boulez, directionSalle Pleyel, 17 octobreLuciano Berio / BewegungMorton Feldman / Violin and OrchestraCarolin Widmann, violonOrchestre Symphonique de la Radio de FrancfortEmilio Pomarico, directionThéâtre du Châtelet, 19 octobreBrian Ferneyhough / Dum Transisset I–IVHarrison Birt wistle / The Tree of StringsHugues Dufou rt / Dawn FlightQuatuor ArdittiOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille-Amphithéâtre28 octobreBelà Bartók / Deux Images, opus 10György Kurtág / Nouveaux MessagesMark Andre / …auf…, triptyque pour orchestreOrchestre Symphonique du SWR Baden-Baden et FreiburgExperimentalstudio du SWRSylvain Cambreling, directionCité de la musique, 15 novembreWolfgan g <strong>Rihm</strong>ET LUXPour quatuor vocal et quatuor à cordesQuatuor Arditti et Hilliard EnsembleOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille-Amphithéâtre17 novembreGeorges Ape rghis / En rico BagnoliMarianne Pousseu rIsmèneYannis Ritsos, texteMarianne Pousseur, Enrico Bagnoli, conceptionGeorges Aperghis, musiqueMarianne Pousseur, interprèteThéâtre Nanterre-Amandiers26 novembre au 3 décembreWolfgan g <strong>Rihm</strong> / Über die Linie VIILuciano Berio / Sequenza VIIIMorton Feldman / For Aaron CoplandJean Barraqué / Sonate pour violon seulCarolin Widmann, violon soloThéâtre des Bouffes du Nord, 30 novembreEnno P o ppeInterzone : Lieder und BilderMarcel Beyer, texteOmar Ebrahim, barytonAnne Quirynen, vidéoEnsemble intercontemporainEnsemble vocal ExaudiSusanna Mälkki, directionCité de la musique, 3 décembreLiza LimThe NavigatorLivret, Patricia SykesTalise Trevigne, sopranoDeborah Kayser, mezzo-sopranoAndrew Watts, contre-ténorPhilip Larson, Omar Ebrahim, barytonsEnsemble ElisionManuel Nawri, directionOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille-Amphithéâtre8 décembre72


THÉÂTRERo bert WilsonL’Opéra de quat’sousde Bertolt Brecht ; musique, Kurt WeillThéâtre de la Ville15 au 18 septembreArthur NauzycielOrdet, de Kaj MunkThéâtre du Rond-Point16 septembre au 10 octobreSylvain CreuzevaultNotre terreur - 16 septembre au 9 octobreLe Père Tralalère - 14 octobre au 31 octobreLa Colline – théâtre nationalWilliam KentridgeHands pring Pu ppet Com pan yWoyzeck On The HighveldD’après Georg BüchnerCentre Pompidou23 au 27 septembreGuy CassiersSous le VolcanD’après Malcolm LowryThéâtre de la Ville1 er au 9 octobreTim Etchells / Jim FletcherSight Is The Sense That Dying People Tend To Lose FirstThéâtre de la Bastille20 au 24 octobreArthur NauzycielAmerican Repe rtory Theatre B ostonJulius Caesarde William ShakespeareMaison des Arts Créteil21 au 24 octobreParoles d’a cteu rs / Je an-Pi erre Vin centMeeting MasseraThéâtre de la Cité Internationale26 au 31 octobreYoun g Jean LeeTHE SHIPMENTThéâtre de Gennevilliers4 au 8 novembreJan KlataTranfer ! - 5 au 7 novembreL’Affaire Danton - 2 au 5 décembreMaison des Arts Cr éteilMichael MarmarinosJe meurs comme un paysde Dimitris DimitriadisOdéon – Théâtre de l’Europe /Ateliers Berthier7 au 12 novembreRo drig o GarciaVersusThéâtre du Rond-Point18 au 22 novembreThe Wooste r Group / Elizabeth LeCom pteVieux Carréde Tennessee WilliamsCentre Pompidou19 au 23 novembretg STANLe Chemin solitaired’Arthur Schnitzler1er au 17 décembreimpromptu XL19 décembreThéâtre de la BastilleINSTALLATIONS VIDÉOBerlinMoscow / La Ferme du Buisson2 au 5 octobreIqaluit / Fondation Cartier6 au 11 octobreBonanza / Théâtre de la Cité Internationale8 au 10 octobrePOÉSIEJean-Jacques LebelPolyphonixLe Cent Quatre6 et 7 novembreCINÉMAGuy MaddinRétrospective intégraleCentre Pompidou - 14 octobre au 14 novembreDes Trous dans la tête !Odéon-Théâtre de l’Europe - 19 octobreJames BenningRétrospectiveJeu de paume3 novembre au 15 janvierJacqueline Caux / Gavin BryarsLes Couleurs du prisme, la mécanique du tempsCentre Pompidou9 novembreCharles Atlas / Merce CunninghamCinémathèque française13 décembreCOLLOQUELieux de musique IVNon-lieuxOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille/Studio9 octobreAnnée Grot ows ki à <strong>Paris</strong>Centre Pompidou et Théâtre des Bouffes du Nord –19 octobreCollège de France – 20 octobreUniversité <strong>Paris</strong>-Sorbonne – 21 octobre73


Partenaire du <strong>Festival</strong> d’Automnel’Adamis’engage pour la diversité du spectacle vivantParoles d’ActeursMeeting Masseramise en scène : Jean-Pierre Vincentd’après Jean-Charles MasseraThéâtre de la Cité Internationale - 26 au 31 octobreL’Adami et le <strong>Festival</strong> d’Automne sont partenaires pour la 15 ème édition de Paroles d’Acteurs.Chaque année, une carte blanche est donnée à un « maître de théâtre », acteur et metteur en scène, pourpartager pendant un mois son savoir et son expérience avec des comédiens dans le cadre de représentationspubliques. Cette année, Jean-Pierre Vincent va mettre en scène Meeting Massera, d’après United Problems ofCoût de la Main-d’œuvre de Jean-Charles Massera.Cette opération est à l’initiative de l’Association artistique de l’Adami qui a pour mission la promotion des artistesinterprètes.Soutien à des spectacles programmés par le <strong>Festival</strong> d’AutomneL’Adami apporte son aide à 8 productions qu’elle a choisies en collaboration avec le <strong>Festival</strong> d’Automne.DanseBabysitting Petit LouisChorégraphie de Robyn OrlinShinbaï, le vol de l’âmeChorégraphie d’Emmanuelle HuynhGlossopoeiaChorégraphie de Richard SiegalThéâtreNotre TerreurMise en scène de Sylvain CreuzevaultCinémaMusiqueMain Drag | The Lost Melodyde Frederic RzewskiInterzonede Enno PoppeKreuzspiel | Kontra-Punkte |Fünf weitere Sternzeichende Karlheinz StockausenConcerto de chambre |Aventures et NouvellesAventuresde György LigetiDes Trous dans la tête !de Guy MaddinL’Adami est une société de gestion collective des droits de propriété littéraire et artistique. Elle perçoit et répartitindividuellement les sommes qui sont dues aux artistes-interprètes (comédiens, chanteurs, musiciens, chefs d’orchestre,danseurs…) pour l’utilisation de leur travail enregistré.Merci la copie privée !Grâce à la copie privée, le <strong>Festival</strong> d’Automne, comme près de 1 000 autres projetsartistiques, bénéficie du financement de l’Adami. En contrepartie de la redevance perçue surles supports vierges (CD, DVD, baladeurs numériques…), le public est autorisé par la loi àcopier des œuvres pour son usage privé.Contact presse :Caroline BuireT : 01 44 63 10 84cbuire@adami.frDirection de la communication :Gaël MarteauT : 01 44 63 10 34gmarteau@adami.frRetrouvez toute l’actualité des artistes-interprètes sur www.adami.fr74


Le <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> est subventionné par :Le m inistè re d e l a Culture et de la Communi c ationDirection de la musique, de la danse, du théâtre et des spectaclesDélégation aux arts plastiquesDélégation au développement et aux affaires internationalesLe Centre national des arts plastiquesLa Vill e d e <strong>Paris</strong>Direction des affaires culturellesLe Consei l Région al d ’Île-de- Franc eLe <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> bénéficie du soutien de :AdamiSacemOndaNouveau <strong>Paris</strong> Île-de-FranceRATPainsi que d’Air France, de l’Ambassade du Brésill, de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas, d’Ascott International, de l’AustraliaCouncil, du Centre Culturel Canadien, de la Direction Générale de l’Information et de la Communication de la Ville de <strong>Paris</strong>, del’Institut Polonais de <strong>Paris</strong> et de TAM AirlinesLes Amis du <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Les mécènesArteBaron Philippe de Rothschild S.A.Caisse des DépôtsEtant donnés : The French-American Fund for thePerforming Arts, a program of FACEFondation Pierre Bergé – Yves Saint LaurentFondation d’Entreprise CMA CGMFondation Alexander S. OnassisFondation Ernst von Siemens pour la musiqueFondation Clarence WestburyFondation pour l’étude de la langue et de la civilisationjaponaises agissant sous l’égide de la Fondation de FranceHenPhil Pillsbury Fund The Minneapolis Foundation &King’s FountainJapan Foundation (Performing Arts Japan Program forEurope)Mécénat Musical Société GénéraleJean-Claude MeyerPâris MouratoglouNahed OjjehRATPBéatrice et Christian SchlumbergerTop CableGuy de WoutersLes donateursJacqueline et André Bénard, Patrice Boissonnas, Anne-France et Alain Demarolle, Aimée et Jean-François Dubos, Jean-LouisDumas, Sylvie Gautrelet, Ishtar et Jean-François Méjanès, Ariane et Denis Reyre, Aleth et Pierre Richard, Agnès et LouisSchweitzer, Nancy et Sébastien de la Selle, Muriel et Bernard Steyaert, Sylvie WincklerAlfina, Compagnie de Saint-Gobain, Crédit Coopératif, Safran, Société du Cherche MidiLes donateurs de soutienJean-Pierre Barbou, Annick et Juan de Beistegui, Béatrice Bodin, Christine et Mickey Boël, Irène et Bertrand Chardon, Michelleet Jean-Francis Charrey, Catherine et Robert Chatin, Susana et Guillaume Franck, Agnès et Jean-Marie Grunelius, Florence etDaniel Guerlain, Ursula et Peter Kostka, Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière, Micheline Maus, Annie et Pierre Moussa, SydneyPicasso, Nathalie et Patrick Ponsolle, Martine et Bruno Roger, Pierluigi Rotili, Didier Saco, Catherine et François Trèves,Reoven Vardi75


15 SEPTEMBRE - 19 DECEMBRE 200976

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