Pénurie de main d'œuvre et autres tensions sur le marché ... - Iweps

PÉNURIES DE MAIN-D’ŒUVRE ET AUTRES TENSIONS SUR LEMARCHÉ DU TRAVAIL : QUELQUES BALISES THÉORIQUES 1Béatrice Van Haeperen 2RésuméL’embellie du marché du travail depuis le retournement du cycle conjoncturel en 1997 aprogressivement remis au premier plan des préoccupations les pénuries de main-d’œuvre.Pourtant, peut-on parler de pénurie de main-d’œuvre lorsque le taux de chômage reste supérieur à10 % en Belgique et à 15 % en Wallonie ?Ce paradoxe constitue le point de départ de notre étude, qui propose de revoir le concept depénurie de main-d’œuvre à la lumière de la théorie économique et de le distinguer d’autres typesde tensions d’ajustement du marché du travail.La mise en perspective théorique est suivie d’un tentative de typologie des tensions d’ajustementsur le marché du travail, commentée et étayée à l’aide des éléments empiriques dont nousdisposons présentement.Les études empiriques montrent que les diverses causes et origines des tensions d’ajustement sur lemarché du travail sont actuellement présentes, à des degrés divers. Des études ultérieures semblentnécessaires pour mieux objectiver les problèmes, en apprécier l’ampleur et y apporter des réponsesadéquates et mesurées.1 Ce texte a été publié dans « Analyses économiques et prévisions », IRES, Université Catholique de Louvain,septembre 2001, et dans « Tendances économiques », Service des études et de la statistique, Ministère de la Régionwallonne, novembre 2001.2 Service des études et de la statistique, Ministère de la Région wallonne et Institut des sciences du travail, UniversitéCatholique de Louvain. Je remercie cordialement V. Bodart, A. Deprez, J. Houard, O. Lohest et V. Vanderstricht deleurs remarques constructives sur une version antérieure de ce texte. Je reste cependant entièrement responsable dutexte proposé ici.

La première partie de cette étude sera consacrée à une explicitation de notre cadre théorique.Celui-ci permettra de mettre en évidence divers problèmes d’ajustement sur le marché du travail etde classer ces problèmes en catégories distinctes. Une typologie des tensions liées à l’ajustementsur le marché du travail sera proposée et commentée dans la deuxième partie. Dans la mesure dupossible, nous illustrerons notre propos par des éléments empiriques. Enfin, la conclusion feraressortir les éléments qui nous paraissent les plus importants et ouvrira des pistes de réflexion dansla perspective d’une meilleure connaissance des mécanismes d’ajustement du marché du travail.Cadrage théoriqueParmi les nombreuses références théoriques et conceptuelles dont disposent les économistes dumarché du travail, les concepts d’équilibre avec rationnement et de processus d’appariements’avèrent particulièrement pertinents pour nous aider à construire une grille d’analyse des tensionsdans l’ajustement entre l’offre et la demande de travail. Nous proposons donc de définir cesconcepts et de les replacer dans leur contexte théorique.Equilibre avec rationnementC’est à la faveur de la montée du chômage dans les années ’70 que sont nés les concepts etmodèles théoriques permettant une analyse systématique de situations d’équilibre s’écartant del’équilibre classique. La reconnaissance de la présence de rigidités de prix – des biens et serviceset des facteurs de production – a conduit à caractériser diverses situations de rationnement desagents économiques sur ces marchés. Un agent économique – acheteur ou vendeur – est rationnési, au prix en vigueur sur un marché – marché des biens et service ou marché du travail – il ne peutacheter ou vendre la quantité de biens et services ou de facteurs de production qui maximise safonction objectif. 6Dans le contexte de cette étude, nous illustrerons ces concepts en nous référant d’emblée aumarché du travail. Pour la clarté de l’exposé, nous considérerons tout d’abord le cas d’un « micromarché», et ensuite, celui d’un marché agrégé. Le graphique 1 compare l’équilibre classique etdivers équilibres avec rationnement sur un « micro-marché ». Soit D la demande de travail (oul’offre d’emplois) par les entreprises, O, l’offre de travail (ou la demande d’emplois) par lestravailleurs et S*, S1, S2, différents niveaux de salaire. S* est le salaire qui réalise l’équilibreclassique, caractérisé par l’égalité entre quantités offertes et demandées et représenté par le pointE ; le niveau d’emploi correspondant est T*. Les équilibres correspondant aux salaires S1 et S2sont des équilibres avec rationnement. Lorsque le salaire se maintient en S1, supérieur à S*, laquantité de travail échangée sur le marché correspond au point a ; en ce point, la quantité de travailofferte est supérieure à la quantité demandée, les offreurs de travail sont rationnés et la distance a-b mesure l’ampleur du chômage. Lorsque le salaire se maintient en S2, inférieur à S*, la quantitéde travail demandée est supérieure à la quantité offerte ; la distance c-d mesure le rationnement desdemandeurs de travail (ou pénurie de main-d’œuvre), que l’on exprime en termes de nombred’emplois vacants.Que le rationnement résulte d’un salaire supérieur ou inférieur au salaire d’équilibre S*, le niveaud’emploi est déterminé par le minimum de l’offre et de la demande de travail représenté par lessegments aE et Ec en gras sur le graphique et est toujours inférieur au niveau d’emploi àl’équilibre classique.6 La fonction objectif représente la fonction que l’agent économique cherche à maximiser : le producteur vise lamaximisation du profit, le travailleur, la maximisation de l’utilité. La combinaison du rationnement desvendeurs/acheteurs sur les marchés des produits et des facteurs de production a conduit à la typologie des équilibresgénéraux avec rationnement proposée par Malinvaud en 1976. Cette typologie est structurée selon l’agent rationné(acheteur ou vendeur) et le marché considéré (biens et services ou travail). Cette structuration définit quatre typesd’équilibres généraux avec rationnement : le sous-emploi keynésien, le sous-emploi classique, l’inflation réprimée etla sous-consommation.page 3

Les équilibres sur un marché du travail agrégé sont obtenus par agrégation des « micro-marchés »en tenant compte des disparités de situation (en termes d’offre et de demande d’emploi) entre« micro-marchés » ainsi que de la segmentation du marché du travail selon la localisation, laqualification et les métiers/professions 7 . Ces équilibres sont illustrés dans le graphique 2: auxdifférents niveaux de salaires correspondent des niveaux d’emplois agrégés déterminés par laposition de la courbe située à gauche des segments aE et Ec ; la distance a’-a en S1 représente unequantité d’emplois vacants et la distance c’c en S2, un nombre de chômeurs. Le marché agrégé sedistingue du « micro-marché » par la présence simultanée de chômeurs et d’emplois vacants pourtout niveau de salaire, y compris le salaire S*. A l’équilibre classique, l’égalité entre l’offre et lademande de travail implique que le nombre de postes vacants est égal au nombre de chômeurs.Cette comparaison entre «micro-marché » et marché agrégé met en évidence la relativité duphénomène de pénurie de main-d’œuvre. Une entreprise souhaitant engager un travailleurpossédant une qualification spécifique peut être confrontée à une pénurie de ce type dequalification sur son marché local, mais voir la pénurie disparaître dès lors qu’elle étend sesinvestigations sur une zone géographique élargie 8 .Il apparaît aussi que le niveau d’emploi dépend non seulement du niveau de salaire en vigueur etdes demandes et offres d’emplois correspondant à celui-ci, mais aussi de l’ajustement des flux –ou appariement entre offres et demandes d’emplois – sur ce marché. L’appariement est unprocessus dynamique dont l’efficience dépend du comportement des employeurs et desdemandeurs d’emploi sur le marché du travail, de la qualité de l’information et de la structure descaractéristiques – de localisation et de qualifications – des offres et demandes d’emplois. Centraldans notre analyse des tensions sur le marché du travail, le processus d’appariement entre postesvacants et chômeurs fait l’objet de la deuxième partie de cette section.7 Le lecteur intéressé par une formalisation du processus d’agrégation se réfèrera aux articles de H. Sneessens,notamment, Sneessens et Shadman-Mehta (2000).8 On peut tenir un raisonnement similaire pour la qualification. Si, au lieu de focaliser sa recherche sur les candidatspossédant une qualification très particulière, l’entreprise considère un éventail moins restrictif de qualifications, lerisque de pénurie sera moins important.page 4

Graphique 1 : Equilibres avec rationnement sur un micro-marchéSS1aEbOS*S2cdDT*TGraphique 2 : Equilibres avec rationnement sur un marché agrégéSS1a’abOES*S2c’cdDT*Tpage 5

Le processus d’appariementAu cours des années 1980, la rela tion entre emplois vacants et chômage, représentée par la courbede Beveridge, a fait l’objet de développements théoriques empruntant deux approches distinctes etcomplémentaires : l’une met l’accent sur les déterminants à long terme des stocks d’emploi et dechômage, 9 tandis que l’autre, centrée sur le processus d’appariement, s’intéresse à l’analyse desdéterminants des flux d’embauche et de licenciements 10 . Dans la perspective de mieux cerner ladynamique d’embauche et de recherche d’emploi, cette seconde approche retiendra plusparticulièrement notre attention.A tout moment du temps, un certain nombre d’entreprises déclarent des postes vacants etcherchent à engager des travailleurs ; de leur côté, des chômeurs sont à la recherche d’emploi.Entreprises et demandeurs d’emploi sont engagés dans un processus d’appariement que nouspouvons représenter par la fonction suivante :H = h(U, V, c, d, m) h 1 , h 2 , h 3, h 4 >0 ; h 5

détérioration du processus d’appariement, vers l’origine, dans le cas contraire d’une améliorationde cette fonction. Le déplacement de UV vers UV’ sur le graphique 3 représente une détériorationdu processus d’appariement.Graphique 3 : la courbe de BeveridgeVacbUV’UVULes points a, b, et c représentent divers équilibres de la relation emplois vacants-chômage. Soit a,l’équilibre initial. Un choc conjoncturel négatif – une baisse de la demande – se traduit par undéplacement de a en b : les emplois vacants diminuent et le chômage augmente. Le retournementde conjoncture entraîne un mouvement inverse de b vers a. Une restructuration des activitéséconomiques – à niveau d’activité inchangé – peut entraîner un déplacement de a vers c si lastructure des qualifications des travailleurs n’est plus adaptée à la structure des qualificationsdemandées par les entreprises.Pour rendre cette analyse théorique opérationnelle, nous allons examiner davantage les diversfacteurs intervenant dans le processus d’appariement sous l’angle des tensions sur le marché dutravail. Plus qu’une identification et une description des tensions, nous souhaitons repérer, dans ladiversité des situations, les points de convergence éventuels. Nous proposons à cet effet d’opérerun classement des tensions potentielles en catégories ancrées dans notre cadre théorique.Typologie des tensions sur le marché du travailPrenant appui sur le cadre théorique présenté dans la section précédente, nous distinguerons lestensions sur le marché du travail selon leur nature et leur origine. Le premier critère opère undécoupage des tensions en trois catégories : frictionnelles, conjoncturelles et structurelles. Lesecond critère sépare les tensions endogènes – qui ont leur origine dans le fonctionnement ou lagestion du marché du travail – des tensions exogènes – qui ont leur origine à l’extérieur du marchédu travail. Notre approche privilégie le niveau macroéconomique. Néanmoins, les tensionspeuvent se manifester avec des intensités différentes pour certaines catégories de travailleurs,d’entreprises etc. Nous avons donc distingué deux niveaux d’observation – macroéconomique etmicroéconomique –, de manière à mettre en évidence ces manifestations particulières 11 . Letableau 1 donne une vue d’ensemble des catégories ainsi construites.11 A ce jour, les tentatives de structurer de manière rigoureuse les difficultés de recrutement des entreprisesapparaissent rares. La seule, à notre connaissance, est la typologie de du Crest (2000), construite en croisant deuxaxes : l’axe conjoncturel/structurel et l’axe quantitatif/qualitatif, ce qui détermine quatre catégories. Cette typologieprésente l’intérêt de souligner que les pénuries de main-d’œuvre ne constituent qu’une des modalités des difficultéspage 7

Les tensions conjoncturelles sont liées aux fluctuations du niveau d’activité et d’emploi. Lestensions frictionnelles sont générées par des déficiences d’information et par certainscomportements non optimaux des entreprises et des travailleurs dans le processus d’appariement.Enfin, les tensions structurelles se réfèrent, d’une part au manque de concordance entre la structurede l’offre de travail, par métier, qualification ou localisation, et la structure de demande de travailet, d’autre part à certaines rigidités des structures institutionnelles. Ces trois catégories de tensionsne sont pas complètement étanches : au contraire, il existe des liens entre elles. Pour la clarté del’exposé, nous passerons en revue chacune de ces tensions individuellement avant de souligner lesinfluences réciproques qu’elles peuvent exercer l’une sur l’autre.Tensions conjoncturellesLes tensions conjoncturelles sont liées aux fluctuations du cycle d’activité économique. Les phasesd’expansion et de récession qui caractérisent le cycle économique se traduisent, au niveau dumarché du travail, par des difficultés d’appariement supportées par les entreprises, en phased’expansion, et par les demandeurs d’emploi, en phase de récession. Ces tensions serontconsidérées comme exogènes.Graphique 4 : Impact sur le marché du travail d’un choc conjoncturel positifSS1EOS*S2DD’T*TEn phase d’expansion, la demande de travail émanant des entreprises augmente avec le niveaud’activité. Ceci est représenté par le déplacement de la demande de travail de D en D’ sur legraphique 4. A tout niveau de salaire, le nombre de postes vacants s’élève, ce qui implique unehausse du rapport V/U, une concurrence accrue pour les travailleurs disponibles et, enconséquence, une plus grande difficulté à pourvoir les postes vacants 12 . En phase de récession, leprocessus s’inverse, et ce sont les chômeurs qui se trouvent confrontés à une difficulté croissantede trouver un emploi. Comme on peut le voir en observant le graphique 4, la rigidité du salaire réelaggrave ces tensions.de recrutement. Toutefois, les critères et catégories utilisés ne renvoient pas de manière directe aux causes desproblèmes de recrutement, sans doute en raison de l’absence de référence à une représentation théorique du marchédu travail. De plus, nous nous interrogeons sur la pertinence du critère « quantitatif ». Comme nous l’avons montrédans la section théorique, la nature quantitative du problème est dépendante du point de vue considéré – « micromarché» ou marché agrégé.12 Cette difficulté à pourvoir les postes vacants peut se traduire par un allongement de la durée de vacance des postes.page 8

Certains métiers/professions ou secteurs semblent plus touchés que d’autres par les fluctuationsconjoncturelles. Nous le soulignons en les inscrivant dans la partie réservée aux manifestationsmicroéconomiques. C’est le cas des métiers de la construction, des électriciens et mécaniciens,pour lesquels des difficultés semblables à celles que nous connaissons actuellement étaient déjàprésentes dans la phase de croissance qui a caractérisé la seconde moitié des années 1980(Holderbeke, 1998). Nous reviendrons sur ce problème, dont la récurrence laisse penser que lecycle d’activité masque un phénomène plus structurel.Nous placerons également dans cette catégorie les tensions quantitatives que connaissent certainsmétiers/professions en conséquence de chocs exogènes aléatoires et temporaires. A titred’exemples, on citera la croissance de la demande d’informaticiens liée au passage à l’an 2000 etl’insuffisance actuelle d’enseignants, liée à des décisions politiques et budgétaires qui ontcontribué à une perte de confiance dans l’avenir de cette profession.Tensions frictionnellesLes tensions frictionnelles sont liées à l’information imparfaite sur le marché du travail, enparticulier à l’asymétrie d’information à laquelle sont confrontés les employeurs en ce quiconcerne les candidats à l’embauche, et les salariés, en ce qui concerne les postes vacants.L’efficacité du processus d’appariement dépendra des stratégies développées par les uns pourattirer des candidats, par les autres, pour trouver un emploi. Ancrées dans le fonctionnement et lagestion du marché du travail, nous considérerons ces tensions comme endogènes.L’information dont disposent les agents sur le marché du travail est imparfaite à un double égard.Tout d’abord, l’accès de chaque agent à une information exhaustive est difficile, parce que celle -ciest très abondante et relativement dispersée. On soulignera ici le rôle important que peuvent jouerdes services d’intermédiation de qualité. Une intervention efficace dans la collecte, le traitement,la diffusion et la mise en relation des offres et demandes d’emploi devrait contribuer à huiler lesrouages du processus d’appariement. La qualité de l’information s’impose avec d’autant plus devigueur que les flux d’emplois – créations et destruction d’emplois – et de main-d’œuvre – fluxd’entrées et de sorties de l’emploi – sont importants. En ce qui concerne ces derniers, des étudesempiriques concernant les pays européens montrent que les entrées et sorties de l’emploi sontprocycliques, ce qui révèle une intensification de la réallocation des travailleurs entre les emploisen haute conjoncture 13 . La flexibilité quantitative de la main-d’œuvre, en particulier le recours auxcontrats de travail temporaires (contrats à durée déterminée, interim) est un autre facteur quisemble influencer significativement les flux de main-d’œuvre. C’est ce que montre une étudefrançaise selon laquelle la majeure partie des flux trimestriels de sorties d’emploi en 1998 est dueaux contrats à durée déterminée 14 . Nous ne disposons pas d’étude de ce type pour la Belgique.Néanmoins, le recours croissant aux contrats temporaires devrait accentuer les mouvements demain-d’œuvre 15 .13 Pour plus de détails, voir Cahuc et Zylberberg (2001), pp. 432-435.14 Il s’agit d’une étude d’Audirac et al. (1999), reprise dans Cahuc et Zylberberg, (2001), p. 433-434.15 Sur l’évolution de la flexibilité en Belgique, voir Van Haeperen (2000).page 9

Tableau 1 : typologie des tensions sur le marché du travailFrictionnelles Conjoncturelles Structurelles? ? Cycle conjoncturel :? ? Mismatch géographiqueMacroéconomiqueMicroéconomiqueExogènesEndogènes? ? Diffusion insuffisanted’information sur offres etdemandes d’emplois au regarddes flux d’emplois et de maind’œuvre(lien avec flexibilitéquantitative)? ? Attitude des employeurs :?? sélectivité /discrimination? ? Attitude des demandeursd’emploi :?? intensité de rechercheinsuffisante?? diminution du tauxd’acceptation des offresd’emploiTravailleurs plus touchés :peu qualifiés, chômeurs de longuedurée, âgéshausse de l’offre d’emplois, haussedu rapport V/U et difficulté accruede pourvoir les postes vacants? ? Le cycle conjoncturel touchedavantage certainsmétiers/professions tels queconstruction, techniciens,mécaniciens…? ? Chocs exogènes quantitatifs :informaticiens, enseignants?? mobilité?? infrastructure de transport? ? Mismatch de qualification :inadéquation travailleurs/postes detravail.?? niveau de qualification?? domaine de qualification(déficit d’image de certainsmétiers « manuels »)? ? Inadéquation liée à laflexibilité quantitative(accentuation des critères despécificité et d’expérience)? ? Rigidités institutionnelles?? la structure allocationssociales/salaires découragel’offre de travail au bas de ladistribution?? la rémunération couvre demanière insuffisante lesconditions de travail pénibles(danger, bruit, etc.)page 10

Ensuite, l’information concernant les caractéristiques des postes vacants et des profils attendus,d’une part, les caractéristiques et profils des candidats, d’autre part, est souvent incomplète etempreinte de subjectivité, en raison de la complexité des liens entre formation, qualification etemploi 16 , de l’absence de consensus sur les notions de qualifications et de compétences 17 et del’absence de nomenclature opérationnelle des métiers/professions.Les stratégies mises en oeuvre dans le processus de recherche d’emploi / de candidats àl’embauche ne sont pas toujours optimales du point de vue de l’appariement.C’est le cas lorsque les employeurs, pour attirer « les meilleurs » candidats, utilisent des critères desélection surévalués par rapport aux exigences des postes à pourvoir – par exemple, un niveau dediplôme très élevé ou la connaissance de plusieurs langues lorsque cela ne s’avère pas nécessaire –ou s’appuient sur des caractéristiques personnelles qu’ils jugent pertinentes – par exemple l’âge 18ou la durée de chômage. L’utilisation de ces critères, qui opèrent un tri 19 parmi les candidats plusqu’ils ne révèlent leurs aptitudes réelles à exercer les fonctions vacantes, peut inutilement allongerles procédures de recrutement sans garantie d’un appariement optimal 20 , voire même se solder parun échec. La logique de court terme qui préside au choix de ces méthodes de recrutement trèssélectives s’oppose à une logique de long terme, valorisant un appariement optimal et la stabilitéde la relation d’emploi. La réduction du coût d’embauche qui rend attractives ces procédures derecrutement peut en effet être compensée à long terme par une hausse de coûts liés à unappariement non optimal et à l’instabilité de la relation d’emploi.En ce qui concerne les demandeurs d’emploi, ils influencent le taux d’appariements réalisés vial’intensité de leur recherche d’emploi 21 , et leur taux d’acceptation des offres d’emploi. Lesfrictions se lisent en termes d’allongement de la procédure de recrutement, dû à un flux insuffisantde candidats qui se présentent pour un emploi ou à un taux d’acceptation des emplois trop faible.Dans les lignes qui suivent, nous présentons brièvement les explications proposées pour expliquerles comportements non optimaux des demandeurs d’emploi.Considérant en premier lieu l’activité de recherche d’emploi, plusieurs études récentes ont mis enévidence que la dynamique de recherche d’emploi déployée par le chômeur s’inscrit dans unestratégie largement influencée par le sentiment de sa compétence ou «sentiment d’efficacitépersonnelle» 22 . La formation de ce sentiment d’efficacité personnelle dépend de divers facteurscontextuels et individuels et est dès lors variable dans le temps et selon les circonstances. En16 Sur les difficultés liées à la description des postes vacants, voir par exemple Eymard-Duvernay et al. (2000).17 A. Deprez (2001) présente une synthèse analytique de la littérature portant sur les notions de compétence et dequalification et met en évidence les logiques qui sous-tendent ces notions ainsi que les enjeux qu’elles soulèventdans la relation entre formation et emploi.18 Holderbeke (1998), considérant que les chômeurs de plus de 45 ans représentent à peine 3 % des recrutements desentreprises en Belgique (selon l’enquête de Simoens et al. (1998), laisse entendre que le comportement d’embauchedes entreprises joue un rôle capital dans la formation des points critiques sur le marché du travail.19 Ces critères servent de signaux ou de filtre à l’embauche. Née dans les années 1970, la « théorie du filtre » (voir parexemple Spence, 1973) s’oppose à la théorie du capital humain en ce qui concerne le rôle de l’éducation.L’hypothèse du filtre a été l’objet de nombreuses études empiriques, dont les résultats sont partagés. Desconstatations factuelles récentes – voir les articles de A. Beverchon (2001) et F. Aizicovici (2001) – révèlent uneprise de conscience par les entreprises de la nécessité de recourir à des critères appropriés aux postes à pourvoir,c’est-à-dire, capables de sélectionner les candidats selon leurs aptitudes à occuper le poste. Parmi les nouvellesprocédures de recrutement, on mentionnera celles basées sur les tests d’habileté.20 C’est sans doute une des raisons expliquant la présence d’une proportion non négligeable de sur-éduqués parmi lessalariés (voir par exemple Hartog, 1999).21 En termes de la théorie de la prospection d’emploi, la fréquence d’arrivées des offres d’emploi dépend de l’étatgénéral du marché du travail (entre autres, nombre d’emplois vacants par rapport au nombre de chômeurs) decaractéristiques individuelles objectives et de l’intensité de recherche d’emploi (cf Cahuc et al., 1996).22 Desmette (2000 et 2001) définit le sentiment d’efficacité personnelle comme « la représentation que se fait unepersonne de ses capacités à atteindre un but donné ».page 11

particulier, le fait d’être chômeur influence négativement ce sentiment d’efficacité personnelle, cequi peut expliquer la démotivation des chômeurs à rechercher un emploi 23 .Considérant ensuite l’acceptation des offres d’emploi, la théorie de la prospection d’emploi montreque le comportement optimal du demandeur d’emploi consiste à accepter la première offre pourlaquelle le salaire proposé est supérieur au salaire de réservation 24 . Un certain nombre deconstatations tendent à montrer que le salaire de réservation est proche de la borne inférieure de ladistribution des salaires, ce qui suggère que le taux d’acceptation des offres est proche de l’unité 25 .Dans le cadre de l’identification des facteurs de tension, le taux d’acceptation des offres mérite uneattention plus approfondie. En particulier, il convient d’attirer l’attention sur le lien entre celui-ci,le salaire de réservation et les revenus de remplacement. Les développements récents relatifs auxpièges du chômage et de l’inactivité ont mis en évidence les facteurs qui pouvaient rendre peuattractive, en termes de revenu net, l’acceptation d’un emploi 26 . Non seulement le montant del’allocation de chômage, mais également les avantages sociaux liés à l’inactivité et les coûtsinhérents à l’exercice d’une activité professionnelle influencent le salaire de réservation et le tauxd’acceptation des offres d’emploi : une hausse de l’un d’eux entraîne une hausse du salaire deréservation et une baisse de la proportion des offres acceptables. Ceci se traduit, au niveau duprocessus d’appariement, par un ralentissement des embauches. Il convient toutefois de nuancercette approche en soulignant son caractère quelque peu restrictif sur deux aspects. D’une part,centrée sur les avantages financiers, elle néglige le rôle majeur de l’activité professionnelle commevecteur d’intégration sociale. D’autre part, la décision d’accepter ou de refuser une activitéprofessionnelle est une décision intertemporelle, influencée notamment par la probabilité de voirse prolonger la relation d’emploi au-delà de la première offre acceptée 27 .23 Nous disposons de peu d’indicateurs directs sur l’intensité de recherche d’emploi déployée par les chômeurs. L’écartentre le taux de chômage au sens du Bureau international du Travail (BIT) (calculé sur la base des personnes ayantdépassé un âge spécifié qui, au cours d’une période de référence, réunissent les trois conditions suivantes : être sanstravail, disponibles pour travailler et à la recherche d’un travail ; c’est à cette notion que se réfèrent les enquêtes surla population active) et le taux de chômage calculé à partir des données administratives (chômeurs completsindemnisés demandeurs d’emploi (CCI-de)) laisse penser qu’un certain nombre de CCI-de ne répondent pas à l’unedes deux dernières conditions du chômage au sens du BIT. Cet écart doit cependant être interprété avec prudence, enraison des différences fondamentales qui caractérisent ces deux sources de données.24 Le salaire de réservation est le niveau de salaire en deçà duquel le chômeur refuse toute embauche. Ce salaire deréservation tient compte des revenus de remplacement, ainsi que de l’état général du marché du travail (taux dedestruction des emplois, fréquence d’arrivée des offres d’emploi). Voir Cahuc (1996).25 A ce sujet, Cahuc et al. (1996, p.67), présente des résultats d’une recherche de Van den Berg (1990) montrant que laprobabilité d’accepter une offre d’emploi est comprise entre 0,78 et 0,95. La probabilité varie, d’une part avec leniveau d’éducation – sur une échelle à 3 niveaux, on observe la probabilité la plus élevée pour le niveau d’éducationle plus élevé et la plus faible pour le niveau d’éducation intermédiaire – et, d’autre part avec la durée du chômage –la probabilité est plus élevée après deux ans de recherche qu’en début de recherche.26 Voir par exemple, I. De Greef (2000). Le problème se pose avec d’autant plus d’acuité que le revenu du travail estfaible (ce qui touche particulièrement les travailleurs peu qualifiés ou les emplois à temps partiel) et que lesavantages sociaux liés à l’inactivité sont importants. A cette dimension financière des pièges du chômage et del’inactivité s’ajoute une dimension de nature qualitative et qui englobe plusieurs aspects liés à l’exercice d’uneactivité professionnelle. Certains de ces aspects sont intrinsèquement liés à l’activité elle-même – pénibilité desconditions de travail, horaires atypiques –, d’autres sont liés aux conditions qui entourent de manière généralel’exercice d’une activité professionnelle – notamment, conditions de déplacement et de garde des enfants,dépendantes de la qualité des infrastructures de transport et d’accueil des enfants.27 Le lecteur intéressé par une présentation approfondie consultera le chapitre 3 du rapport « Accès à l’emploi etprotection sociale » du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (2001).page 12

Tensions structurellesIl nous reste à considérer les tensions structurelles. En plus du mismatch, décliné sous lesdimensions habituelles de localisation, qualification et métier/profession, certaines rigidités desstructures institutionnelles méritent d’être évoquées.En ce qui concerne le mismatch géographique, son importance dépendra de l’étendue de la zonegéographique considérée et de la mobilité des travailleurs à l’intérieur de cette zone. Toutes choseségales par ailleurs, plus étendue est l’entité considérée, plus les disparités de localisation destravailleurs et des emplois vacants risquent de créer des tensions d’ajustement réciproque. On peutainsi repérer du mismatch de localisation entre la Flandre et la Wallonie ou entre les différentsbassins sous-régionaux en Région Wallonne; le mismatch géographique est moins plausible ausein des bassins sous-régionaux, dont la taille est réduite.A côté de la taille du marché, la mobilité est un facteur non négligeable : les disparités delocalisation des emplois vacants et des chômeurs ne causeraient pas de tensions particulières si lestravailleurs étaient très mobiles. Nombreux sont cependant les freins potentiels à la mobilité : lescoûts de transport, le temps de transport 28 , la qualité de l’infrastructure et divers facteurs culturelstels que la langue, les habitudes et le niveau d’éducation 29 .Deuxième source de tensions structurelles, le mismatch d’inadéquation entre les caractéristiquesprofessionnelles et de qualification des demandeurs d’emploi et les demandes des entreprises. Encause ici, d’un côté, les changements dans l’environnement des entreprises – structure et nature dela demande de biens et services, évolutions technologiques, conditions concurrentielles – qui serépercutent sur la structure de l’emploi et le contenu des tâches et nécessitent des adaptations desqualifications et des compétences techniques ; de l’autre, l’adaptation insuffisante ou trop lente desqualifications des demandeurs d’emploi face à ces changements.Des études récentes concernant la Belgique et la Wallonie se sont penchées sur le rôle du facteurgéographique et des qualifications dans les déséquilibres du marché du travail. Parmi celles-ci,l’étude de Croux et Wasmer (2000) relative à la Wallonie et utilisant des données en coupetransversale. Cette étude met en évidence de fortes interactions spatiales se traduisant par lapropagation des déséquilibres d’une commune à l’autre. La Région est ainsi découpée en zonesdiversement touchées par le chômage en fonction de leur proximité des centres d’emploi enWallonie ou dans les régions environnantes. L’étude de Sneessens et al. (2000) consacrée auxfacteurs explicatifs de la persistance du chômage couvre la période 1963-1992 et comporte unedimension comparative Wallonie / Flandre. Les résultats économétriques mettent en évidencel’importance des facteurs structurels – disparités régionales et de qualification 30 – pour expliquerla hausse du chômage tant en Flandre qu’en Wallonie entre 1971 et 1983-1984. A partir de cettedate, les évolutions deviennent totalement différentes : le chômage structurel progresse de manièrecontinue en Wallonie, mais régresse en Flandre. Les divergences d’évolution sont dues auxdifférences relatives au mismatch régional : celui-ci diminue en Flandre, mais continue à28 Comme les coûts de transport, le temps de transport a pour effet d’élever le salaire de réservation de l’individu. Cecisignifie que le travailleur n’acceptera un emploi éloigné de son lieu de résidence que pour un salaire supérieur à celuiqu’il accepterait pour un emploi à proximité de son domicile. Si la compensation des coûts de transport par lesemployeurs est une pratique largement répandue, il n’en est pas de même pour le temps de transport, entièrement àcharge du travailleur.29 Comme le soulignent Croux et Wasmer (2000), la prospection d’emploi a un caractère local très marqué, surtoutpour les travailleurs les moins qualifiés. Un niveau élevé de qualification semble plus favorable à la mobilité, surtoutsi les entreprises adoptent des pratiques captives à l’égard des travailleurs très qualifiés ; au cours des dernièresannées, ces pratiques se développent, non seulement à l’échelle des entreprises, mais aussi de certains pays – Etats-Unis, Japon – pour les travailleurs hautement qualifiés (Michaux, 2000).30 Les « régions » sont définies par les arrondissements couverts par les bureaux régionaux de l’ONEM. Les niveaux dequalification sont établis sur la base des niveaux de scolarité : la catégorie des moins qualifiés regroupe lestravailleurs et demandeurs d’emplois ayant au mieux un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur.page 13

progresser en Wallonie. Le mismatch de qualification progresse dans les deux régions, mais demanière nettement plus accusée en Wallonie. La disparité des évolutions structurelles entre laFlandre et la Wallonie semble pouvoir s’expliquer par le déclin des zones de vieilleindustrialisation, plus concentrées en Wallonie qu’en Flandre au début des années 1970, et par uneévolution moins favorable de la proportion des travailleurs qualifiés dans la population active enWallonie. Une dernière étude retiendra notre attention : c’est celle de Guyot et al. (2000), quirapporte les résultats d’une enquête sur les prévisions d’embauche (horizon 1999-2000) au sein dusecteur privé marchand en Région wallonne. Sur le plan des profils de qualification souhaités, laconfrontation des résultats de cette enquête avec des données administratives relatives auxdemandeurs d’emploi confirme l’existence d’un déséquilibre structurel entre l’offre et la demandede qualifications. En particulier, les auteurs mettent en évidence un déficit, en termes relatifs, dediplômés de l’enseignement secondaire supérieur technique, de l’enseignement supérieur de typecourt (A1) et d’universitaires. Ce déficit relatif de techniciens et d’universitaires est à rapprocherde la hausse importante, en 1999-2000, de l’indicateur de conjoncture de la Banque nationale deBelgique représentant la proportion d’entreprises de l’industrie manufacturière confrontée à unmanque de cadres et/ou de main-d’œuvre qualifiée.Des indicateurs de mismatch de qualification établis sur la base des niveaux d’études ou desdomaines d’études sont appréciables du point de vue macroéconomique, car ils permettent dedéceler les évolutions inscrites dans une perspective de long terme et constituent dès lors un pointd’appui pour orienter et infléchir les décisions qui s’avèrent nécessaires en matière d’éducation etde formation, initiale et continue. Ces indicateurs sont toutefois peu appropriés pour appréhenderde manière fine les écarts entre les profils des candidats à l’embauche et les attentes réelles desentreprises, et ainsi pallier les problèmes d’appariement micro-économiques de court terme. Eneffet, même si les descriptions de profils attachées aux postes sont exprimées en termes de niveauou domaine d’études et d’années d’expérience, les attentes réelles des entreprises vont bien au delàde ces critères, qui opèrent seulement un premier tri parmi les candidats potentiels 31 . A l’heureactuelle, bon nombre d’entreprises ont des attentes – pas toujours exprimées de manière explicite –en termes de compétences, dont une grande partie sont indépendantes du niveau de qualification.A ce jour, nous ne disposons ni d’outils tels que les référentiels de compétences par métier ouprofession utilisés de manière universelle par les entreprises, ni de systèmes dereconnaissance/validation des compétences acquises par les salariés, outil pourtant indispensablepour assurer la mobilité des salariés : comme le souligne Campinos-Dubernet (2001), lacompétence étant évaluée dans et par l’entreprise, cette mobilité ne sera assurée qu’au prix de laconstruction de repères susceptibles d’être validés et reconnus dans un espace plus large que celuide l’entreprise.Dans notre typologie, le mismatch géographique et de qualification est placé parmi les tensionsexogènes. Il semble en effet que l’origine de ces tensions soit en grande partie déterminée endehors du marché du travail. Sur le plan du mismatch géographique, l’étude de Sneessens et al.(2000) met en évidence une forte interdépendance entre les aspects macroéconomiques, sectorielset géographiques pour expliquer les disparités régionales. De même pour le mismatch dequalification/profession, en large partie déterminé par les développements technologiques qui onteu un effet négatif sur la demande de main-d’oeuvre peu qualifiée.Des réponses mieux adaptées auraient toutefois pu être apportées dans la gestion du marché dutravail : si, lorsque se produisent des chocs de ré-allocation territoriale des activités économiques,la mobilité des travailleurs paraît comme la principale variable d’ajustement, des incitants(financiers et autres) à la mobilité auraient pu se mettre en place. De même, davantage de mesuresauraient pu être prises en matière de formation et d’adaptation de la main-d’œuvre.Ces considérations nous conduisent à penser que le mismatch de qualification a une composanteendogène non négligeable : la « désemployabilité » des chômeurs de longue durée, ou perte decapital humain qui s’enracine dans l’hystérésis du chômage, en est une manifestation. Nous31 A ce sujet, voir Holderbeke, (1999).page 14

terminerons cette discussion sur le mismatch de qualification avec la question suivante : lapolitique de flexibilité quantitative de la main-d’oeuvre, plus fréquemment utilisée par lesentreprises pour gérer l’incertitude auxquelles elles sont soumises en raison des nouvellesconditions de concurrence, n’est-elle pas génératrice de tensions d’appariement dans la mesure où,davantage que par le passé, les entreprises rechercheraient des travailleurs immédiatementopérationnels, c’est-à-dire dotés de compétences spécifiques instantanément mobilisables 32 ?Au rang des tensions structurelles, nous placerons également certaines rigidités institutionnelles enmatière de rémunération, revenus de remplacement et autres avantages sociaux qui peuventconduire à restreindre l’offre de travail. Notre développement théorique a montré l’importance dece type de rigidités pour définir une pénurie de main-d’œuvre. En ce qui concerne les revenus deremplacement, le raisonnement est similaire à celui présenté dans l’analyse des frictions. Ceproblème, frictionnel au départ, peut devenir structurel s’il persiste et touche effectivement ungrand nombre de chômeurs. A l’heure actuelle, nous ne disposons pas d’informations suffisantespour confirmer la réalité du problème des pièges financiers à la reprise d’une activité. Noussoulignons par ailleurs que des mesures ont été prises récemment pour inciter ou faciliter le retourà l’emploi des chômeurs : relèvement du salaire minimum par le biais d’allègements descotisations personnelles de sécurité sociale pour les tranches de salaire inférieures, maintientemporaire des allocations familiales majorées, prime d’encouragement au retour à l’emploi deschômeurs de longue durée et prime aux chômeurs de longue durée qui acceptent un emploi à plusde 25 km de leur domicile.En ce qui concerne les salaires, on peut penser que la norme salariale prévalant en Belgique exerceun frein à certains ajustements qu’appellerait une évolution conjoncturelle favorable. A cet égard,dans leur argumentation sur la nécessité du maintien d’une modération salariale en Belgique, Duréet al. (2000) soulignent toutefois que la norme salariale ne devrait pas constituer une entravemajeure à la gestion des tensions sur le marché du travail, en rappelant «que la loi ne régit pas leniveau des salaires à l’embauche, qu’elle autorise des dépassements au niveau des contratsindividuels, que les formules de participation financière des travailleurs et de retraitecomplémentaire permettent ou permettront de dépasser de facto la norme là où le niveau desprofits, les tensions sur le marché du travail et le rapport de forces le permettront ou le rendrontnécessaire ».Une dernière question à propos des salaires est celle de la compensation adéquate des conditionsde travail pénibles. Des conditions de travail pénibles (bruits, inhalations dangereuses, amplitudethermique, risques d’accident, etc.) constituent un désagrément supplémentaire par rapport à desconditions de travail « normales » et appellent une compensation en termes de salaire 33 . Unecompensation jugée insuffisante par les travailleurs pourrait comprimer l’offre de travail et être unélément explicatif de certaines pénuries. A défaut d’études empiriques sur la prise en compte despénibilités du travail dans les salaires en Belgique, il est difficile de se prononcer sur l’impact réelde ce facteur sur d’éventuelles difficultés de recrutement. Ce point semble toutefois mériter uneanalyse 34 .32 Rappelons ici que, plus la définition des qualifications est spécifique, plus les entreprises risquent de se trouver dansune situation de pénurie.33 La théorie des différences compensatrices de salaire montre que, sur un marché concurrentiel, la structure dessalaires est telle que les primes associées aux pénibilités du travail compensent de manière satisfaisante pour lestravailleurs ces conditions de travail pénibles. Pour une approche théorique, voir Cahuc et al (2001).34 Godechot et Gurgand (2000) ont estimé sur des données d’enquête françaises (Travail et modes de vie, 1997) deséquations de salaire et de satisfaction avec prise en compte des pénibilités du travail. Les résultats montrent que peude pénibilités attachées aux postes de travail sont compensées par des salaires plus élevés pour les hommes et aucunepour les femmes. La compensation est généralement jugée non satisfaisante. A cela, nous ajouterons que, selon duCrest (2000), en France, sur les six secteurs où la proportion de salariés payés au SMIC est la plus élevée, cinqconnaissent des difficultés de recrutement : hôtellerie-restauration, habillement-textile, industrie agro-alimentaire etcommerce de détail. Parmi ceux-ci, plusieurs offrent des conditions de travail pénibles : notamment, horairesatypiques, horaires coupés et amplitude thermique.page 15

Avant de conclure, nous voudrions souligner que les catégories de tensions de notre typologie nesont pas étanches. En effet, nous avons mentionné dans le texte que certaines tensionsfrictionnelles associées aux comportements de recherche d’emploi pouvaient devenir structurelles.Des tensions conjoncturelles peuvent également se traduire par une hausse des frictions dans lamesure où elles suscitent une hausse des flux de main-d’œuvre. Des tensions d’origineconjoncturelle peuvent aussi renforcer les disparités de qualifications si des biais se manifestentsystématiquement pour certaines catégories de travailleurs ou de qualifications.SynthèseNotre cadre théorique, construit autour des concepts d’équilibre avec rationnement etd’appariement sur le marché du travail nous a permis de dresser un inventaire des tensionsd’ajustement sur ce marché. Nous avons distingué les tensions frictionnelles, conjoncturelles etstructurelles et mis en évidence que certaines tensions ont une origine exogène, tandis que d’autressont liées au fonctionnement ou à la gestion du marché du travail. En particulier, nous avonssouligné que la flexibilité quantitative de la main-d’œuvre pouvait favoriser des difficultésd’ajustement, par le recours accru à des compétences spécifiques instantanément mobilisables,d’une part et par la hausse des flux de main-d’œuvre qu’elle implique, d’autre part.Les apports empiriques montrent que les diverses causes et origines des tensions d’ajustement surle marché du travail sont actuellement présentes, à des degrés divers. Des études ultérieuressemblent nécessaires pour mieux objectiver les problèmes, en apprécier l’ampleur et y apporter desréponses adéquates et mesurées. Un préalable indispensable est de se doter d’outils efficaces dansla collecte et la diffusion des informations sur le marché du travail.La diversité des tensions appelle des remèdes différenciés. Qu’elles résultent d’erreurs dans lagestion passée du marché du travail ou de nouvelles contraintes auxquelles font face lesentreprises, ces tensions appelle nt de nouveaux modes de gestion/organisation de la main d’œuvre,et, plus largement, du marché du travail. Il serait souhaitable de ne pas se limiter à des réponses decourt terme, mais au contraire d’inscrire la réflexion dans une perspective de long terme, demanière à concevoir un ensemble cohérent de propositions visant une amélioration globale dumarché du travail.Un des principaux défis auquel devront répondre les politiques du marché du travail est celuid’assurer à tous les travailleurs effectifs et potentiels une égalité des chances face à la mobilitédéclinée selon toutes ses dimensions : géographique, inter- et intra-professionnelle, intertemporelle– répartition optimale des périodes d’activités professionnelles au cours du cycle de vie, dans laperspective de la conciliation entre sphères privée et professionnelle. Il importera de compenser leshandicaps de mobilité quels qu’ils soient, de manière à assurer la fluidité des transitions entre lesdifférents états possibles et à éviter la stagnation dans des états défavorables pouvant conduire àl’exclusion sociale des individus.page 16

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9705 Docquier F. Rapoport H. Are migrants really self-selected ? A note on thepossibility of strategic remittances9706 Docquier F. LiégeoisP. Stijns J.P. Comptabilité générationnelle et vieillissement, démographique : lesenseignements d’un modèle d’équilibre général calculable calibrépour la Belgique04/97,,9707 Vander Stricht V. Les taux de chômage en Belgique 10/979708 Docquier F. , Laurent S, Perelman S. Capital humain, emploi et revenus du travail : Belgique, 1992 11/979801 Beine M., Docquier F, Hecq A. Convergence des groupes : une analyse sur données régionales 01/989802 Docquier F., Liegeois Ph. Simulating computable overlapping generations model with TROLL 01/989803 Beine M. L’union économique et monétaire à la lumière de la théorie deszones monétaires optimales : une revue de la littérature9804 Debuisson M, Houard J., Laffut M.,Ruyters Ch., Vander Stricht V., LejeuneD., Gavray C.,09/9701/98Le marché du travail en Wallonie 06/989805 Beine M, Docquier F, Rapoport H Brain Drain and Economic Development : Theory and Evidence 06/989806 Cattoir P., Docquier F., Beine M Finances Publiques, Solidarités Intergénérationnelle etInterrégionale : une Analyse Prospective9901 Guio-A.C., Weiserbs D. Dépenses et Revenus des ménages : Etude économétrique del’enquête 1995-969902 Beine-M. , Candelon B. , Sekkat K. Stabilization Policy and Business Cycles Phases in Europe : AMarkov Switching Var Analysis9903 Guyot J.L. L’analyse statistique des populations scolaires : Présentation desprincipes de base9904 Beine M. , Calendon B. , Hecq A. Assessing a Perfect European Optimum Currency Area : ACommon Cycles Approach2001 Docquier F., Paddison O. Growth and Equality Effects of Pension Plans 10/002002 Guyot JL Capital Humain : Perspective ou Prospective ? 10/002003 Broze L. , Gavray C. , Ruyters C. Dualisme, Mobilité et Déterminants Familiaux : Une Analyse desTransitions sur le Marché du Travail2004 De Broucker P. , Gensbittel M.H. ,Mainguet C.2005 De Wasseige Y., Laffut M.,Ruyters C., Schleiper P.0101 De Wasseige Y., Laffut M.,Ruyters C., Schleiper P.0102 De Wasseige Y., Laffut M.,Ruyters C., Schleiper P.08/9808/9908/9909/9909/9907/00Déterminants Scolaires et Analyse de la Transition 11/00Bassins d’Emploi et Régions Fonctionnelles Méthodologie etDéfinition des Bassins d’Emploi BelgesBassins d’Emploi et Régions Fonctionnelles Méthodologie etDéfinition des Bassins d’Emploi WallonsBassins d’Emploi et Régions Fonctionnelles Inventaire et Synthèsedes Territoires Sous-Régionaux0103 Lohest O., Van Haeperen B. Evaluation du Fonctionnement du Parcours d’Insertion en Régionwallonne0104 Van Haeperen B. Pénuries de main-d’œuvre et autres tensions sur le marché dutravail : quelques balises théoriques12/0002/0103/0104/0111/01page 20