DISSOLUTION D’UN SYNDICAT : À QUI LES DETTES ?Sur ce point, les deux dernières juridictions saisies sont aumoins d’accords.Le Conseil d’État a aussi relevé que l’arrêté de dissolutiondevait obligatoirement respecter les dispositions de l’articleL. 5211-25-1 du CGCT.<strong>La</strong> Haute juridiction tire alors quatre conclusions de ces fondementslégislatifs :– un requérant ne peut se fonder directement sur les dispositionsde l’article L. 5211-25-1 du CGCT pour arguer dufait que l’un <strong>des</strong> membres du syndicat ou plusieurs d’entreeux a une créance envers lui. En d’autres termes, l’articleL. 5211-25-1 précité peut éventuellement fonder une demanded’annulation d’un arrêté préfectoral si ce dernier ne respectepas les dispositions du texte, mais ne peut pas servir à fonderdirectement un droit quelconque envers les anciens membresd’un syndicat dissous ;– les droits éventuels <strong>des</strong> créanciers d’un syndicat mixtedissous sont fondés à titre principal sur les dispositions del’arrêté préfectoral de dissolution ;– toutefois, en l’absence de dispositions précises dans l’arrêtéde dissolution, le bénéficiaire d’une créance éventuelleenvers un syndicat dissous est fondé à demander l’exécutionde l’obligation dont il se prévaut à tout ancien membre dusyndicat dissous ;– lorsque le bénéficiaire d’une créance envers un syndicat mixtedissous recherche la responsabilité d’un seul <strong>des</strong> membres del’ancien syndicat, ce membre s’il est condamné par le jugepeut demander au préfet de répartir la condamnation entreles anciens membres du syndicat.De manière plus générale, le Conseil d’État considère qu’unesociété peut avoir une créance envers les anciens membresd’un syndicat dissous si les principes arrêtés par la décisionpréfectorale de dissolution ne permettent pas de préciser àqui appartient la créance.Le créancier a alors deux actions à sa disposition :– une action envers un seul membre de l’ancien syndicatdissous ;– une action solidaire envers l’ensemble ou une partie <strong>des</strong>anciens membres du syndicat dissous.Lorsque la première solution est choisie par le requérant, lacollectivité publique qui est condamnée à rembourser <strong>des</strong>sommes peut alors demander à ce que les anciens membresdu syndicat « participent » au paiement de la créance.Toutefois, il semble à la lettre de l’arrêt qu’il appartient auseul préfet de répartir la somme entre les anciens membres.Cette partie de l’arrêt pourrait toutefois être interprétée différemment.Certes, il appartient au seul préfet de répartir lessommes mais uniquement si les autres anciens membres dusyndicat n’ont pas été appelés à l’instance.Pour notre part, dans un contentieux similaire, si notre clientpublic était seul mis en cause devant le juge, nous appellerionsen garantie les autres membres de l’ancien syndicat.Toutes les parties étant présentes à l’instance, on voit malpourquoi le juge ne pourrait pas lui-même décider de la répartitionéventuelle de la créance entre les anciens membresd’un syndicat.On voit très vite que les deux juridictions ont <strong>des</strong> approchestotalement différentes de textes pourtant similaires.Pour la Cour administrative d’appel :– seul l’arrêté préfectoral de dissolution peut décider de mettreà la charge d’un ou plusieurs anciens membres d’un syndicat<strong>des</strong> créances ou <strong>des</strong> charges ;– il n’existe pas de solidarité sur les créances d’un syndicat <strong>des</strong>anciens membres de ce dernier et encore moins une solidaritéentre anciens membres du syndicat.Pour le Conseil d’État au contraire :– c’est bien sûr à l’arrêté préfectoral de dissolution de déciderà titre principal de mettre à la charge d’un ou plusieurs anciensmembres d’un syndicat <strong>des</strong> créances ou <strong>des</strong> charges mais encas de carence, il existe une solidarité <strong>des</strong> anciens membresenvers une créance éventuelle non pris en compte.Il existe bel et bien une solidarité entre anciens membres surles créances d’un syndicat dissous.V – LES CONSÉQUENCES GÉNÉRALES DE L’ARRÊTL’arrêt a été pris dans un cas d’espèce très précis, la dissolutiond’un syndicat mixte constitué d’une commune et d’undépartement.Toutefois, les principes mêmes de l’arrêt nous semblent <strong>applicables</strong>dans de nombreux autres cas.Ainsi, l’article L. 5212-34 du CGCT prévoit la dissolution <strong>des</strong>syndicats de communes sans prévoir expressément le sort <strong>des</strong>dettes éventuelles du syndicat. Le créancier d’un syndicat decommunes dissous pourrait alors utilement mettre en œuvreles principes qui ressortent de l’arrêt du Conseil d’État endate du 4 mai 2011.De même, l’article L. 5214-28 du CGCT prévoit que, en casde dissolution d’une communauté de commune, l’arrêté oule décret de dissolution détermine, dans le respect <strong>des</strong> dispositionsde l’article L.5211-25-1 du CGCT et sous la réserve <strong>des</strong>droits <strong>des</strong> tiers, les conditions dans lesquelles la communautéde commune est liquidée. Ici aussi, il peut être fait une applicationmutatis mutandis de l’arrêt suscité, surtout que lestermes utilisés par l’article L. 5214-28 du CGCT sont similairesà ceux pris en compte par la Haute juridiction dans l’arrêt« Sté Oxygène Action ».Une lecture similaire de l’arrêt peut-être faite en cas de dissolutiond’une communauté urbaine ou d’une communautéde communes ou d’agglomération même si le cas devrait êtremoins fréquent.Ont peut aussi penser à la future intercommunalité qui se<strong>des</strong>sine peu à peu en France à la lecture <strong>des</strong> cartes de l’intercommunalitéprésentées par les préfets <strong>aux</strong> commissionsdépartementales de coopération intercommunale. Certes,les fusions pures et simples ne poseront pas de problèmesparticuliers mais il est évident que tout ne sera pas réglé enmatière de dettes dans tous les cas, notamment lorsque <strong>des</strong>intercommunalités vont être scindées pour rejoindre d’autresintercommunalités.On peut penser que le principe de solidarité envers les dettesd’une ancienne structure de coopération pourrait avoird’autres applications, notamment dans <strong>des</strong> contentieuxentre collectivités locales sur <strong>des</strong> dettes ou <strong>des</strong> créancesqui ne seraient pas pris en compte dans les arrêtés préfector<strong>aux</strong>.◆44 REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES • SEPTEMBRE 2011 • N° 71
RLCTEUROPE1999Révision <strong>des</strong> directives« Marchés publics » :la Commission européenneprépare ses propositionsLes directives européennes sur les marchés publicsdatant de 2004, un consensus au niveau européense dégage afin de procéder à une révision complètede ces dernières.Conférence sur la modernisation de la politique européenne <strong>des</strong> marchéspublics, Bruxelles, 30 juin 2011<strong>La</strong> proposition n° 17 de la communication de la Commissioneuropéenne « Vers un Acte pour le Marché unique – Pour uneéconomie sociale de marché hautement compétitive », adoptéele 27 octobre 2010 (cf. RLCT 2010/63, n° 1797 et RLCT 2011/64,n° 1819), avait clairement indiqué l’élaboration, pour au plustard 2012, de propositions législatives visant à simplifier etmoderniser la réglementation <strong>des</strong> marchés publics, notammentafin de faciliter l’usage de ces derniers comme instrumentsde soutien d’autres politiques européennes (aspects environnement<strong>aux</strong>,aspects soci<strong>aux</strong>, innovation, etc.). Ainsi, le27 janvier dernier, la Commission a adopté un « Livre vert surla modernisation de la politique de l’UE en matière de marchéspublics – Vers un marché européen <strong>des</strong> contrats publics plusperformant » (cf. RLCT 2011/65, n° 1848).Par conséquent, ce Livre vert a lancé officiellement l’évaluationjuridique <strong>des</strong> directives « Marchés publics » de 2004(cf. Dir. Cons. CE n° 2004/17, 31 mars 2004, portant coordination<strong>des</strong> procédures de passation <strong>des</strong> marchés dans les secteurs de l’eau,de l’énergie, <strong>des</strong> transports et <strong>des</strong> services post<strong>aux</strong> ; Dir. Cons. CEn° 2004/18, 31 mars 2004, relative à la coordination <strong>des</strong> procéduresde passation <strong>des</strong> marchés publics de trav<strong>aux</strong>, de fournitures et <strong>des</strong>ervices) en recensant plusieurs domaines clés pouvant fairel’objet d’une réforme, et a, par conséquent, sollicité l’avis <strong>des</strong>États membres, <strong>des</strong> collectivités territoriales et <strong>des</strong> parties prenantessur les différentes modifications législatives possibles(au sujet de la position <strong>des</strong> autorités françaises, se reporter à la RLCT2011/69, n° 1951).Les directives européennes sur les marchés publics datent de2004 et, par conséquent, tout le monde ou presque est d’accordsur le fait qu’il faut faire évoluer ces textes pour les adapter<strong>aux</strong> besoins actuels <strong>des</strong> entreprises et <strong>des</strong> acheteurs publics.Mais toute la question est de savoir quand et comment et c’estlà que le consensus disparait. <strong>La</strong> conférence sur la modernisationde la politique européenne <strong>des</strong> marchés publics, quis’est tenue le 30 juin 2011, à Bruxelles, a été l’occasion pourM. Michel Barnier, commissaire chargé du Marché intérieuret <strong>des</strong> Services, de présenter ses pistes de travail sur le sujet.Pour l’instant, à l’évidence, force est de constater que rienn’est définitivement arrêté. De plus, même si le processus derévision commençait dès le mois de septembre, le temps del’adoption au niveau du processus décisionnel européen, puisde la transposition en droit national <strong>des</strong> nouvelles directives,les acheteurs, comme les pouvoirs adjudicateurs, auraientencore au moins de deux à trois ans avant de se retrouverEUROPEconfronter à de nouvelles règles liées <strong>aux</strong> modifications effectivesde réglementation.Pour rappel, la réforme de la législation en matière de marchéspublics est l’une <strong>des</strong> douze actions prioritaires exposées dansl’« Acte pour le Marché unique » (cf. RLCT 2011/71, n° 2002)adopté le 13 avril 2011 (http://europa.eu). L’objectif de laCommission européenne consiste tout simplement à « faire ensorte que les directives Marchés publics soient vécues davantagecomme un espace d’opportunités que de contraintes ». Lesmodifications pourraient intervenir sur quatre point précis :1) la <strong>simplification</strong> <strong>des</strong> procédures d’achat ; 2) le soutien <strong>aux</strong>PME ; 3) la promotion de l’achat vert, social et innovant ;4) l’amélioration de la gouvernance <strong>des</strong> marchés publics.1) <strong>La</strong> <strong>simplification</strong> <strong>des</strong> procédures<strong>La</strong> <strong>simplification</strong> <strong>des</strong> procédures est une « priorité » a déclaréM. Barnier. Plusieurs pistes sont évoquées : généralisation dela procédure négociée, « réduction drastique » de la documentationdemandée <strong>aux</strong> soumissionnaires, relèvement <strong>des</strong> seuilsd’application <strong>des</strong> directives et clarification <strong>des</strong> spécificités dela coopération public-public.<strong>La</strong> généralisation de la procédure négociée constitue unemesure-clé, mais le commissaire européen a toutefois mis engarde contre les risques de « dérive ». Un large consensus sedégage également sur la nécessité de réduire la documentationexigée <strong>des</strong> candidats <strong>aux</strong> appels d’offres. M. Barnier a précisénotamment que les entreprises doivent parfois fournir « plusd’une vingtaine de documents – émanant d’autorités diverseset souvent payants – pour un seul appel d’offres ». L’une <strong>des</strong>solutions envisagées consiste « à remplacer cette documentationpar <strong>des</strong> déclarations solennelles <strong>des</strong> entrepreneurs ». Seul lesoumissionnaire gagnant devrait alors produire les certificatsen bonne et due forme.<strong>La</strong> question du relèvement <strong>des</strong> seuils d’application <strong>des</strong> directivessemble en revanche poser quelques difficultés. Lesacheteurs jugent que ces seuils sont trop bas et qu’ils « engendrent<strong>des</strong> procédures trop lour<strong>des</strong> et coûteuses pour <strong>des</strong>contrats de valeur relativement faible ». Le commissaire européena souligné à ce propos qu’au niveau du seuil le plusbas, le coût de la procédure d’achat peut représenter jusqu’à20 % ou 30 % de la valeur totale du contrat. Les entreprisescraignent toutefois qu’un relèvement <strong>des</strong> seuils « ne réduiseleurs garanties d’accès à un nombre important de marchés »et le débat sur cette question reste donc ouvert.Enfin, M. Barnier a dit vouloir clarifier le régime d’exceptionapplicable à la coopération public-public (« in-house » etmutualisation), « qui a fait l’objet d’une jurisprudence trèsimportante, mais qui soulève toujours <strong>des</strong> incertitu<strong>des</strong> ».2) Le soutien <strong>aux</strong> PME<strong>La</strong> Commission européenne prévoit également de prendre<strong>des</strong> mesures ciblées pour aider les PME comme la définitiond’« un niveau de chiffre d’affaires maximal exigible d’une entreprisecomme preuve de sa capacité à exécuter un marché »,l’amélioration <strong>des</strong> règles relatives à la sous-traitance ou lerecours éventuel à <strong>des</strong> « quotas PME » (ou « Small BusinessAct »). M. Barnier s’est montré réservé sur ce dernier pointen estimant que les quotas sont <strong>des</strong> mesures discriminatoirespeu efficaces.3) <strong>La</strong> promotion de l’achat vert, social et innovant<strong>La</strong> Commission européenne souhaite également promouvoirl’achat vert, social et innovant. Cependant, les résultats deREPÈRESN° 71 • SEPTEMBRE 2011 • REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 45