INTERCOMMUNALITÉPar PatriceCOSSALTERAvocat à la Cour,Société d’AvocatsLEGITIMA, Lyon– Aix-en-ProvenceRLCT1998Dissolution d’un syndicat :à qui les dettes ?Dans le cadre de la révolution qui attend l’intercommunalité dans l’année ou les annéesqui viennent après la parution de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme<strong>des</strong> collectivités territoriales, les arrêts du Conseil d’État dans ce domaine doivent être auscultésà la loupe. Un arrêt de la Haute juridiction administrative en date du 4 mai 2011 qui répondà la question de savoir qui est débiteur <strong>des</strong> dettes d’un syndicat en cas de dissolution de cedernier est particulièrement important et va très certainement au-delà du cas d’espèce qu’il règle.Peut être qu’un principe général de solidarité <strong>des</strong> anciens membres d’une intercommunalitévient de voir le jour.CE, 4 mai 2011, n° 338411, Sté Oxygène Action, à publier au Rec. CEI – LES FAITSLes stations de moyennes montagnes subissent de gravesdifficultés fi nancières. Des opérateurs privés, délégataires <strong>des</strong>ervice public, ont été mis en liquidation ces dernières années.Les stations gérées en régie subissent quelquefois le mêmechâtiment mais sous sa forme publique. Ainsi, dans la Loire,la station de sports d’hiver et de loisirs de Chalmazel-Pierresur-Hauteétait gérée par un syndicat mixte composé de deuxseuls membres, le département de la Loire et la commune deChalmazel. Ce syndicat a été dissout.Le syndicat avait auparavant conclu dans le cadre de sonactivité une convention avec une société privée, en l’espèceune SARL, pour la gestion d’un complexe immobilier deloisirs. Pendant la durée du contrat, le complexe immobilieravait subi un sinistre causant ainsi un préjudice à la sociétéprivée qui l’exploitait.Malheureusement pour la société privée, le préfet de la Loire aprononcé la dissolution du syndicat mixte avant que la sociétén’ait engagé une action devant le juge administratif.Dans ces conditions, la société privée a engagé une actionindemnitaire à l’encontre du seul département de la Loire,ancien membre du syndicat mixte.En effet, l’arrêté préfectoral de dissolution n’avait bien entendupas prévu la dévolution de cette créance particulière etla société privée considérait être en droit d’aller rechercher sacréance auprès <strong>des</strong> anciens membres du syndicat, en l’espècele plus riche d’entre eux.II – POSITION DES JUGES DU FONDA.– Le jugement du Tribunal administratifde LyonEn première instance, non seulement la demande indemnitairede la société a été rejetée par le tribunal administratif mais,en outre, ce dernier l’a condamnée à payer au départementle montant d’arriérés de factures de fi oul et d’électricité quiétaient dus à l’ancien syndicat dissout.En effet, le département avait fait une demande reconventionnelleà la suite de la saisine du tribunal administratif.Il semble que le tribunal administratif a considéré que les anciensmembres du syndicat ne pouvaient plus être recherchéspour les créances de leur ancienne structure mais pouvaienten revanche avoir un intérêt à agir contre les créanciers del’ancien syndicat ce qui est pour le moins singulier.Toutefois, la lecture de l’arrêt de la Cour qui rappelle les élémentsde droit et de fait jugés par le tribunal de première instance laissepenser que le tribunal administratif n’a pas fondé son rejet dela demande de la société privée sur un motif légal mais sur unmotif contractuel, l’absence de préjudice lié au contrat lui-même.B.– L’arrêt de la cour administrative d’appelDevant la Cour (CAA Lyon, 4 févr. 2010, n° 08LY00253), la sociétéprivée demandait au juge « d’annuler le jugement n° 0508418du Tribunal administratif de Lyon en date du 22 novembre 2007,en ce qu’il a, d’une part, rejeté sa demande de condamnation dudépartement de la Loire à lui verser la somme de 220 141,67 eurosen réparation du préjudice résultant de l’exploitation du complexeimmobilier et de loisirs de Chalmazel, d’autre part, faisant droità une demande reconventionnelle, l’a condamnée à verser audépartement de la Loire la somme de 11 449,73 euros TTC au titrede l’arriéré de factures de fuel et d’électricité livrés au complexe ».À l’appui de sa demande, le requérant avançait notamment queles préjudices nés de la vétusté <strong>des</strong> installations ne pouvaientrester à sa charge au seul motif qu’il aurait accepté d’exploiterl’immeuble en l’état. Il rappelait que l’article 5-1 du contratne l’obligeait à faire son affaire que du mobilier et du petitmatériel répertorié en annexe et non de la vétusté générale del’immeuble. Que par ailleurs son offre mentionnait la nécessitépour le bailleur d’effectuer <strong>des</strong> trav<strong>aux</strong> de remise <strong>aux</strong> <strong>normes</strong>de l’immeuble ce qui démontre les obligations de ce dernier.<strong>La</strong> partie défenderesse, à l’appui de sa défense, avançaitquant à elle que le contrat dont l’exécution donne lieu à litige42 REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES • SEPTEMBRE 2011 • N° 71
e mportait occupation du domaine public et délégation de servicepublic et que l’article 5-1 du contrat obligeait le preneurà maintenir le tout en bon état de fonctionnement. Elle considéraitqu’une telle clause de maintient en l’état s’appliquaità l’ensemble <strong>des</strong> installations et pas seulement au matériel.On le voit, l’argumentation <strong>des</strong> deux parties, devant le tribunaladministratif comme devant la Cour était avant tout fondéesur l’interprétation du contrat.<strong>La</strong> Cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugementdu tribunal et a rejeté l’ensemble <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> indemnitaires,tant celles présentées par la société privée que celles présentéespar le département.En effet, et pour la Cour, il n’existait pas d’obligation contractuelleentre les parties dès lors que l’arrêté préfectoral ayantprononcé la dissolution du syndicat mixte n’avait pas transféréau département de la Loire les droits et obligations nés de laconvention conclue contre la société privée et le syndicat mixte.Il faut relever que l’on pourrait considérait que la Cour a jugéultra petita dès lors qu’aucune partie et en l’espèce le départementn’avait soulevé le moyen de droit tiré de l’inexistence derelations contractuelles entre les parties.Tel n’est pas le cas, la Cour a utiliséle fondement de l’article R. 611-7 duCode de justice administrative en informantpréalablement les parties qu’elleétait susceptible de soulever d’office lemoyen tiré de l’inexistence de relation,et partant d’obligation contractuelleentre les parties, l’arrêté préfectoral du30 octobre 2003 n’ayant pas transféréau département de la Loire les droitset obligations nés de la convention conclue le 29 juin 2000pour trois ans entre le syndicat mixte et la SARL.On sait que l’article précité permet au juge d’informer lesparties qu’il est susceptible de soulever d’office un moyen.Les parties doivent en être informées avant la séance de jugementet peuvent présenter leurs observations sur le moyencommuniqué.En tout état de cause, la Cour s’est fondée sur les dispositionsde l’article L. 5211-25-1 du Code général <strong>des</strong> collectivités territoriales(CGCT) qui dispose que « En cas de retrait de lacompétence transférée à un établissement public de coopérationintercommunale (...) le solde de l’encours de la dette contractéepostérieurement au transfert de compétence est réparti (...) entreles communes qui se retirent (...). A défaut d’accord (...) cetterépartition est fi xée par arrêté du (...) représentant de l’Etatdans le (...) département (...) / Les contrats sont exécutés dansles conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accordcontraire <strong>des</strong> parties. <strong>La</strong> substitution de personne morale <strong>aux</strong>contrats conclus par les établissements publics de coopérationintercommunale n’entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisationpour le cocontractant (...) » mais aussi de l’articleL. 5721-7-1 du CGCT qui dispose quand à lui que « L’arrêté dedissolution détermine sous la réserve du droit <strong>des</strong> tiers et dansle respect <strong>des</strong> dispositions de l’article L. 5211-25-1 et L. 5211-26,les conditions dans lesquelles le syndicat est liquidé ».Elles tire de ces dispositions législatives que l’arrêté prononçantla dissolution d’un établissement public de coopérationintercommunale ne peut désigner la collectivité qui succède<strong>aux</strong> droits et obligations de l’établissement dissout que pourles contrats en cours et que si les droits <strong>des</strong> tiers doiventêtre réservés, lesquels peuvent trouver leur cause dans <strong>des</strong>contrats arrivés à échéance, il revient à l’arrêté de définir, lecas échéant, les modalités propres à assurer cette sauvegarde.Un syndicat mixtepouvait être dissous à lademande <strong>des</strong> personnesmorales qui le composentpar arrêté motivé dureprésentant de l’Étatdans le département.INTERCOMMUNALITÉEn d’autres termes et pour le juge de seconde instance il n’appartientpas <strong>aux</strong> collectivités qui étaient membres d’un syndicatdissout, ou à l’une d’elles, d’assumer <strong>des</strong> compétences ou <strong>des</strong>obligations contractées par ledit syndicat et que ne lui aurait pasdévolu expressément l’arrêté de dissolution. Dans ces conditions :– la SARL ne peut rien demander à un ancien membre dusyndicat ;– en contrepartie, un ancien membre du syndicat ne peutrien demander à un créancier éventuel de l’ancien syndicat.Deux grands principes devaient donc être tirés de l’arrêt :– seul l’arrêté préfectoral de dissolution peut décider de mettreà la charge d’un ou plusieurs anciens membres d’un syndicat<strong>des</strong> créances ou <strong>des</strong> charges ;– il n’existe pas de solidarité sur les créances d’un syndicat <strong>des</strong>anciens membres de ce dernier et encore moins une solidaritéentre anciens membres du syndicat.III – LES RÈGLES DE DROIT APPLICABLESEn liminaire, il faut rappeler que le syndicat dissous était composéd’une commune et d’un département.Dans ces conditions, les textes <strong>applicables</strong>n’étaient pas ceux du titre 1 er dulivre VII relatif au syndicat mixte dès lorsque ce titre n’est applicable qu’au syndicatcomposé de communes et d’établissementspublics de coopération intercommunale(EPCI) ou exclusivement d’EPCI,mais du titre 2 du même livre relatif <strong>aux</strong>syndicats mixte associant les collectivitésterritoriales, <strong>des</strong> groupements de collectivitésterritoriales et d’autres personnes morales de droit public.Aux termes de l’article L. 5721-7 CGCT <strong>applicables</strong> au cas del’espèce, un syndicat mixte pouvait être dissous à la demande <strong>des</strong>personnes morales qui le composent par arrêté motivé du représentantde l’État dans le département, ce qui a été le cas en l’espèce.Le texte précité précise par ailleurs que l’arrêté de dissolutiondétermine, dans le respect du droit <strong>des</strong> tiers et <strong>des</strong> dispositionsde l’article L. 5211-25-1 du CGCT les conditions de liquidationdu syndicat.L’article précité qui s’applique à tous les EPCI précise :– que les biens meubles et immeubles mis à la disposition del’établissement sont restitués <strong>aux</strong> membres antérieurementcompétents et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeurnette comptable. Il en est de même du solde de l’encours dela dette éventuelle afférente à ces biens ;– les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurementau transfert de compétence sont répartis entre lesmembres qui reprennent la compétence ou qui se retirent del’établissement public. De même, le solde de l’encours de ladette contractée postérieurement au transfert de compétenceest réparti dans les mêmes conditions.On peut donc relever que les conséquences de la dissolutiond’un syndicat mixte dépendent de deux fondements juridiques :– l’arrêté préfectoral de dissolution qui détermine les conditionsde la liquidation du syndicat mixte ;– le CGCT qui édicte les règles de base à respecter dans l’arrêtépréfectoral.IV – LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT<strong>La</strong> Haute juridiction administrative a d’abord relevé que, sur lefondement de l’article L. 5721-7 du CGCT il appartenait au préfetde la Loire de déterminer les conditions de liquidation du syndicat.REPÈRESN° 71 • SEPTEMBRE 2011 • REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 43