RLCTCONTRATS ET MARCHÉSPUBLICS1993Illégalité <strong>des</strong> actesdétachables du contratet régularisationEn cas d’annulation par le juge de l’excès de pouvoirde l’acte détachable de la passation du contrat, pourun vice de forme ou de procédure propre à cet acteet affectant les modalités selon lesquelles la personnepublique a donné son consentement, celle-ci peutprocéder à la régularisation de cet acte en adoptantun nouvel acte d’approbation avec effet rétroactif,dépourvu du vice ayant entaché l’acte annulé.CE, 8 juin 2011, n° 327515, Cne de Divonne-les-Bains, à publier au Rec. CECette décision, particulièrement intéressante et dont l’importanceest attestée par sa publication intégrale au recueilLebon, constitue une première illustration <strong>des</strong> possibilités derégularisation <strong>des</strong> irrégularités entachant les conditions depassation d’un contrat.Était en cause un ensemble immobilier situé sur un terrainappartenant au domaine privé de la commune de Divonneles-Bainset sur lequel était implanté un hôtel exploité parune société privée. Celle-ci ne souhaitant pas poursuivrel’exploitation, la commune avait décidé de vendre l’ensembleimmobilier. Toutefois, sur demande d’un conseiller municipal,la délibération autorisant le maire à signer le compromis devente avait été annulée par le tribunal administratif, au motifque l’avis du service <strong>des</strong> domaines ne portait pas sur l’une<strong>des</strong> parcelles concernées. Ce jugement était devenu définitif,conduisant la commune, après avoir obtenu du service <strong>des</strong>domaines confirmation que le prix de vente était satisfaisant, àadopter une nouvelle délibération approuvant rétroactivementla promesse de vente.Saisi par le même conseiller municipal, le tribunal a derechefannulé cette délibération, annulation confirmée par la couradministrative d’appel au motif que, dès lors qu’il était peuprobable que le juge judiciaire constatât la nullité <strong>des</strong> actesde vente, il n’était pas établi que l’annulation de la délibérationinitiale aurait <strong>des</strong> conséquences excessives sur le sortdu contrat de sorte que la nouvelle délibération était inutile,donc illégale.Le raisonnement du Conseil d’État, qui a annulé l’arrêt pourerreur de droit, a été tout autre, puisqu’il a préféré explorer,comme nous l’y invitions dans nos conclusions sous la décision« Commune de Béziers I » (CE, Ass., 28 déc. 2009, n° 304802, RFDadm. 2010, p. 506), la voie de la régularisation.Comme le notait justement le Rapporteur public, BertrandDacosta, « la régularisation implique logiquement que le nouvelacte ait pour effet de valider rétroactivement le contrat tel qu’ila été initialement conclu, sinon il s’agit d’une modification,voire d’un nouveau contrat ». Or, en principe et sauf raresexceptions, l’acte administratif ne peut pas disposer pourle passé. Le Rapporteur public proposait de surmonter cettedifficulté en rappelant que « le principe de non-rétroactivité <strong>des</strong>actes administratifs unilatér<strong>aux</strong> doit connaître un tempéramentlorsque l’acte en cause est indissolublement lié à la conclusiond’un contrat et n’en a été détaché que pour ouvrir une voie derecours au tiers », dès lors que ce principe ne s’applique pasau contrat lui-même (CE, sect., 19 nov. 1999, n° 176261, Fédérationsyndicale Force ouvrière <strong>des</strong> travailleurs <strong>des</strong> postes et télécommunications,Rec. CE 1999, p. 354).<strong>La</strong> décision pose ainsi le principe selon lequel « à la suitede l’annulation, par le juge de l’excès de pouvoir, de l’actedétachable de la passation d’un contrat, il appartient à lapersonne publique de déterminer, sous le contrôle du juge,les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenude la nature de l’illégalité affectant cet acte ; que, s’il s’agitnotamment d’un vice de forme ou de procédure propre àl’acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles lapersonne publique a donné son consentement, celle-ci peutprocéder à sa régularisation, indépendamment <strong>des</strong> conséquencesde l’annulation sur le contrat lui-même ; qu’elle peutainsi, eu égard au motif d’annulation, adopter un nouvel acted’approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayantentaché l’acte annulé ».Puis, statuant comme juge du fond, le Conseil d’État jugeque le conseil municipal pouvait valablement régulariserrétroactivement sa délibération initiale, entachée d’un vicede légalité externe, « dès lors que le nouvel avis du service<strong>des</strong> domaines recueilli entre temps, s’il a porté cette fois surl’ensemble <strong>des</strong> parcelles cédées, a confirmé la précédenteestimation du service mentionnée dans la délibération du16 septembre 2002 et qu’ainsi, le consentement que lacollectivité avait donné par cette délibération a été régulièrementréitéré ».Emmanuel GLASERAvocat associé, cabinet Veil JourdeRLCT1994Appréciation par le juge<strong>des</strong> conséquences del’annulation de l’actedétachable sur le contratIl n’appartient pas au juge de l’exécution, dansle cadre de l’appréciation de l’atteinte excessiveà l’intérêt général, de rechercher si l’entreprise, quile saisit de conclusions tendant à ce qu’il soit enjointau pouvoir adjudicateur de saisir le juge du contratpour voir constater la nullité de ce contrat, se prévautde manquements susceptibles de l’avoir lésée,fût-ce de façon indirecte en avantageantune entreprise concurrente.CE, 11 mai 2011, n° 337927, Sté Lyonnaise <strong>des</strong> E<strong>aux</strong>, à mentionner<strong>aux</strong> tables du Rec. CE<strong>La</strong> présente décision apporte deux précisions intéressantes,l’une relative à l’intercommunalité, l’autre <strong>aux</strong> conséquencessur le contrat de l’annulation de l’acte détachable.En 2001, les communes membres du Syndicat intercommunal<strong>des</strong> e<strong>aux</strong> et de l’assainissement du canton de Guîtres (SIEA),créé en 1961, décidèrent de se regrouper dans une communautéde communes, instituée par arrêté préfectoral du 24 décembre.Néanmoins, quatre ans plus tard, le SIEA entreprit de34 REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES • SEPTEMBRE 2011 • N° 71
econduire les délégations de service public de distribution del’eau potable et d’assainissement. <strong>La</strong> société Lyonnaise <strong>des</strong>e<strong>aux</strong>, délégataire sortant, n’ayant pas été reconduite, obtint,en appel, l’annulation <strong>des</strong> délibérations du comité syndical et<strong>des</strong> décisions de signer les contrats, mais vit ses conclusionsà fins d’injonction rejetées par la cour.Le Conseil d’État était saisi en cassation d’un pourvoi de lasociété dirigé contre le rejet de ses conclusions et d’un pourvoiincident du syndicat dirigé contre l’annulation <strong>des</strong> délibérationset décisions.Le pourvoi incident posait la question de savoir à quelle dateavait lieu le transfert de compétences : à la date de création dunouvel établissement ou à la date de dissolution de l’ancien ?L’article L. 5214-21 du Code général <strong>des</strong> collectivités territoriales(CGCT) dispose que « lorsque <strong>des</strong> communes ontdécidé de créer une communauté de communes et que cesmêmes communes, à l’exclusion de toute autre, étaient antérieurementassociées dans un syndicat de communes, lacommunauté de communes ainsi créée est substituée deplein droit à ces syndicats de communes pour la totalité <strong>des</strong>compétences qu’ils exercent. / <strong>La</strong> communauté de communesest également substituée de plein droit, pour les compétencesqu’elle exerce, au syndicat de communes inclus en totalité dansson périmètre. / Dans les cas prévus <strong>aux</strong> premier et deuxièmealinéas précédents, ainsi que dans celui où un syndicat decommunes se trouve inclus en totalité dans le périmètre d’unecommunauté de communes appelée à exercer l’ensemble <strong>des</strong>compétences de cet établissement public, l’ensemble du personneldu syndicat est réputé relever du nouvel établissementpublic dans les conditions de statut et d’emploi qui sont lessiennes (…) ».En même temps, l’article R. 5214-1-1 de ce code prévoit quel’arrêté instituant la communauté de communes constate ladissolution de l’établissement public de coopération intercommunale(EPCI) préexistant et détermine les conditionsde sa liquidation, ce qui peut donner à penser que l’EPCI nedisparaît qu’avec l’arrêté préfectoral (v. allant dans le sens d’unetelle lecture : CE, 14 oct. 2005, n° 255179, Cne de Pagny-sur-Moselle,Rec. CE tables 2005, p. 754, 767 et 768).Le Conseil d’État opte, toutefois, clairement, comme le luiproposait le Rapporteur public, Nicolas Boulouis, pour lapremière solution qui a l’avantage de la simplicité. Il jugeainsi « qu’il résulte de ces dispositions qu’une communautéde communes est, dès sa création, substituée de plein droit àun syndicat de communes dont le périmètre coïncide avec lesien, pour l’ensemble <strong>des</strong> compétences jusqu’alors exercées parce syndicat, même si ces compétences ne fi gurent pas dans lesstatuts de la communauté de communes ; que le syndicat decommunes est dissous de plein droit par l’effet de la création dela communauté de communes ; que l’absence de constat de cettedissolution dans l’arrêté préfectoral autorisant cette créationne saurait faire obstacle à la substitution de la communautéde communes au syndicat ».Le pourvoi principal conduisait, lui, à s’interroger sur l’officedu juge de l’injonction saisi après annulation de la délibérationautorisant la passation d’un contrat et de la décision dele signer.On se souvient que la jurisprudence traditionnelle (en dernierlieu : CE, 10 déc. 2003, n° 248950, Institut de recherche pour le développement,Rec. CE 2003, p. 501, BJCP 2004, n° 33, p. 136 concl.Piveteau D., note R. S. et CE, 19 déc. 2007, n° 291487, Syndicatintercommunal d’alimentation en eau potable du Confolentais, Rec.CE tables 2007, p. 939, BJCP 2008, n° 57, p. 123, concl. Boulouis N.,note R. S.) a été adaptée <strong>aux</strong> conséquences de l’adoption deCONTRATS ET MARCHÉS PUBLICSla décision d’Assemblée « Commune de Béziers » (CE, Ass.,28 déc. 2009, n° 304802) par la décision « OPHRYS » (CE, 21févr. 2011, n° 337349, à publier au Rec. CE, RLCT 2011/67, n° 1898,note Glaser E.). Par celle-ci, le Conseil d’État a jugé « quel’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’impliquepas nécessairement la nullité dudit contrat ; qu’il appartientau juge de l’exécution, après avoir pris en considération lanature de l’illégalité commise, soit de décider que la poursuitede l’exécution du contrat est possible, éventuellement sousréserve de mesures de régularisation prises par la personnepublique ou convenues entre les parties, soit, après avoirvérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessiveà l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique derésilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, euégard à une illégalité d’une particulière gravité, d’inviter lesparties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défautd’entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afinqu’il en règle les modalités s’il estime que la résolution peutêtre une solution appropriée ».Dans la présente affaire, la cour, pour apprécier l’existenced’une atteinte excessive à l’intérêt général, s’était demandée sile manquement dont se prévalait l’entreprise requérante étaitsusceptible de l’avoir lésée, dans la logique de la jurisprudence« Smirgeomes » (CE, sect., 3 oct. 2008, n° 305420, AJDA 2008,p. 1855, BJCP 2008, n° 61, p. 451, concl. Dacosta B. et obs. SchwartzR., RLCT 2008/41, n° 1178, note Glaser E., Bulletin d’actualité <strong>La</strong>myDroit public <strong>des</strong> affaires, 2008, H, obs. Fornacciari M. et Grive<strong>aux</strong> D.).Une telle façon de procéder pouvait avoir sa logique, puisquela décision « OPHRYS », comme la jurisprudence antérieure,impose au juge de l’injonction de prendre en compte la naturede l’illégalité commise et, comme dans la jurisprudence« Béziers I », ne l’autorise à ordonner la résolution du contratqu’en cas d’illégalité d’une particulière gravité.Mais, comme le soulignait Nicolas Boulouis, « dans une matièredéjà complexe, c’est brouiller les repères que de faire deces éléments – qui ne sont en principe pertinents que devantle juge du référé précontractuel, n’ont par eux-mêmes aucunlien avec l’intérêt général, et peuvent n’être qu’une toile defond – de véritables points d’appui de l’analyse qui doit êtremenée par le juge de l’acte détachable ».Le Conseil d’État censure, en conséquence, le raisonnementde la cour sur le terrain de l’erreur de droit.Saisi, ensuite, comme juge d’appel, de ces conclusions à fi nsd’injonction, le Conseil d’État les rejette par un raisonnementparticulièrement intéressant.Il résultait de ce qu’il avait jugé s’agissant de la date du transfertde compétences que les actes en cause avaient été adoptés,en novembre 2006, par un EPCI qui n’était plus compétenten la matière depuis décembre 2001, illégalité qui constituecertainement « un vice d’une particulière gravité » au sens dela jurisprudence « Commune de Béziers ». Toutefois, commenous y invitions le Conseil d’État dans nos conclusions souscette décision et comme dans la décision précédemmentcommentée, la formation de jugement a exploré plus avantla voie de la régularisation.En effet, à la date où le Conseil d’État, statuant comme jugede l’injonction, devait se prononcer, la situation avait sensiblementévolué, puisque, par l’effet d’une série d’actes dansle détail <strong>des</strong>quels il n’est pas nécessaire d’entrer, les contratsavaient été repris par la nouvelle autorité compétente en matièrede distribution d’eau potable et d’assainissement à compterdu 1 er décembre 2010. Il aurait été, dans ces conditions,absurde de résilier les contrats, dès lors que, comme le notaitjustement le Rapporteur public « entre les actes détachablesREPÈRESN° 71 • SEPTEMBRE 2011 • REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 35