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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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La Porte, autrefois, avait accordé ce régime aux Français, maisnous n'avions pas constitué l'empire ottoma'n.En l'espèce, dans ce pays où les races sont à ce point confon-'dues, il paraît impossible <strong>de</strong> parler d'autochtones arabes. Nosfrères représentent une mtoorité, certes, mais une minoritésans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> Régence n'aurait pas atteint le <strong>de</strong>gré d'évolutionoù elle est parvenue, minorité constituée <strong>de</strong> familles quiont là-bas leurs maisons et leurs tombeaux.Leur sentiment est aussi qu'ils sont Tunisiens et Français. Ilsconsidèrent qu'ils ne <strong>de</strong>meurent plus sur une terre étrangère,car cette terre, ils en ont tracé les sillons. Ils y ont vécucomme leurs pères. Peu à peu, ils ont construit un mcn<strong>de</strong> nouveau,créé <strong>de</strong>s paysages, ensemencé <strong>de</strong>s champs incultes, p<strong>la</strong>nté<strong>de</strong>s forêts. Cette œuvre est bien à eux. Ils l'ont réalisée à leurimage, c'est-à-dire à <strong>la</strong> nôtre. Et M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil leurfait aujourd'hui <strong>la</strong> plus profon<strong>de</strong> et <strong>la</strong> plus imméritée <strong>de</strong>sinjures.Vous ne leur avez <strong>de</strong>mandé ni conseil ni avis. Vous les avezignorés. Par <strong>la</strong> voix autorisée <strong>de</strong> leurs représentants, ils ont faitentendre les appels les plus émouvants, non pas seulement poureux-mêmes, mais pour <strong>la</strong> présence française. Aucun écho.Peut-être écouterez-vous les <strong>de</strong>rnières objurgations d'un mort.Le colonel <strong>de</strong> <strong>la</strong> Paillonne écrivait il y a quelques semaines:« La recru<strong>de</strong>scence <strong>de</strong>s attentats concrétise l'échec d'une politique.Elle confirme également cette vérité qu'en certains casil ne faut pas payer d aviAice et que <strong>la</strong> bienveil<strong>la</strong>nce est souventinterprétée comme une expression <strong>de</strong> faiblesse. »Certains avancent l'idée que les chefs du Néo-Destour, s'estimantdépassés par leurs troupes terroristes, <strong>de</strong>viendraient beaucoupplus compréhensifs et se montreraient conciliants dansleurs tractations avec le Gouvernement français. Rien n'est plusfaux.Les lea<strong>de</strong>rs néo-<strong>de</strong>stouriens se mettraient aujourd'hui en position<strong>de</strong> vaAjqueurs dans toute conversation.Ils ne feraient aucune concession, bien au contraire. Ils s'attacheraientà brûler les étapes et à instituer leur dictature enéliminant non seulement les Français, mais même les Musulmansmodérés.Le moment est crucial, et il ne comporte pas d'autre alternativeque <strong>la</strong> suivante: premièrement, rétablir rapi<strong>de</strong>ment et totalementl'ordre en employant les moyens voulus; <strong>de</strong>uxièmement,faire savoir très nettement que <strong>la</strong> "France n'entrera jamais enpourparler avec les instigateurs <strong>de</strong>s désordres et <strong>de</strong>s meurtres.Ce<strong>la</strong> n'est peut-être pas suffisant pour convaincre M. le prési<strong>de</strong>ntdu Conseil. Mais en vous inclinant à votre tour, après lerési<strong>de</strong>nt général <strong>de</strong> Tunisie, <strong>de</strong>vant le colonel <strong>de</strong> <strong>la</strong> Paillonne,•vous répondrez peut-être qu'il avait une vue erronée <strong>de</strong>s butsdu Néo-Destour.Alors voici vos interlocuteurs, ceux en qui M. le prési<strong>de</strong>nt duconseil a mis toute sa confiance. Bourguiba, après votre discours<strong>de</strong> Tunis et avant qu'on lui donne les <strong>de</strong>rniers conseils à l'usagedu public français, a déc<strong>la</strong>ré:« Ces propositions constituent une étape substantielle et décisivedans <strong>la</strong> voie qui mène à <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> <strong>la</strong> souverainetécomplète <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie. L'indépendance reste l'idéal du peupletunisien. »Vous connaissiez l'étroite liaison existant entre <strong>la</strong> ligue arabeet Bourguiba. M. le ministre Martinaud-Dép<strong>la</strong>t a fait état <strong>de</strong>documents qui montrent l'individu tel qu'il est. Il me suffira <strong>de</strong>citer à mon tour <strong>de</strong>ux discours du chef du Néo-Destour.Le 19 août 1950, à <strong>la</strong> Marsa, ne déc<strong>la</strong>rait-il pas: « Pour untemps encore les affaires étrangères resteront aux Français. Maisnous finirons par avoir nos représentants diplomatiques àl'étranger. »Le 27 août 1950, à Madia : « Le ministre Chenik poursuivra lesnégociations pour mener le pays à l'autonomie interne inexorablement.»Il n'est pas besoin <strong>de</strong> rappeler les nombreuses manifestationsoratoires <strong>de</strong> Bourguiba qui vous sont bien connues.Mais voilà, vous admettez qu'il soit l'inspirateur du Néo-Destouret vous traitez avec lui. 11 est vrai que vous éprouvez lebesoin <strong>de</strong> faire savoir que vous n'êtes nullement solidaire <strong>de</strong>ses opinions. Mais vous le mettez sur le pavois.Il n'en reste pas moins que, grâce à vous, le Néo-Destour estau pouvoir triomphant. Vous aurez chèrement payé l'arrêt <strong>de</strong>sassassinats.Vous croyez donc à <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> négociation avec <strong>de</strong> telspartenaires, avec Bourguiba, meneur du jeu, alors que toutdémontre que ce qui est pour vous une fin en soi ne signifiepour le Néo-Destour qu'un but.Voilà le tragique malentendu, ou voilà <strong>la</strong> vérité sur <strong>la</strong>quelleavec hypocrisie on veut jeter le voile. L'aboutissement <strong>de</strong> votrepolitique est c<strong>la</strong>ir. Nos compatriotes bafoués, nos amis abandonnés,nos ennemis victorieux, et le prési<strong>de</strong>nt du conseil satisfait.Il y avait cependant d'autres possibilités»Bien entendu, nous condamnons toute tentative qui auraitpour but <strong>de</strong> maintenir <strong>la</strong> prépondérance d'une race sur l'autreet nous renonçons à l'idée d'assimi<strong>la</strong>tion.Tenant compte <strong>de</strong>s progrès incontestables accomplis par lesTunisiens, qu'ils soient Arabes, Berbères, Turcs ou Israélites, ilfal<strong>la</strong>it promouvoir une politique d'association, seul conceptpossible dans un pays comme <strong>la</strong> Régence où l'unité ethniquen'existe pas.Tout abandon <strong>de</strong> notre part <strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> souverainetédéléguée par les traités du Bardo et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marsa <strong>de</strong>vrait êtreen ce sens compensé : 1° par l'acceptation <strong>de</strong> Ja Tunisie <strong>de</strong>faire partie <strong>de</strong> l'Union française; 2° par une union financière,économique et douanière ; 3° par l'octroi <strong>de</strong> Ja double nationalitélégitimant l'accès <strong>de</strong>s Français au gouvernement tunisien,dans toutes les assemblées, soit d'ordre légis<strong>la</strong>tif,municipal ou économique, par moitié, pour un <strong>la</strong>ps <strong>de</strong> tempsà déterminer, et ensuite dans une proportion qui implique <strong>la</strong>reconnaissance <strong>de</strong> l'œuvre accomplie par eux.Ce p<strong>la</strong>n aurait pu être mis à exécution avec le concours duBey et, d'autre part, le concours non pas seulement <strong>de</strong>s Tunisiensamis <strong>de</strong> <strong>la</strong> France — et il y en a beaucoup — mais <strong>de</strong>tous ceux qui ne conçoivent l'avenir que dans une union intime<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux nations.Evi<strong>de</strong>mment, il excluait tous pourparlers avec le Néo-Destourtant que cet organisme n'aurait pas reconnu nos droits et ceux<strong>de</strong> nos ressortissants. Il commandait aussi une fermeté absolue'vis-à-vis du terrorisme.Il n'eut pas été difficile, en employant les moyens voulus,d'y mettre lin.Hé<strong>la</strong>s! on a préféré, au lieu <strong>de</strong> punir le crime, honorer lecriminel.IJne telle altitu<strong>de</strong> a forcément <strong>de</strong>s répercussions dans <strong>de</strong>sifgions aussi sensibles que l'Afrique du Nord. On y a vu unepreuve <strong>de</strong> faiblesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. C'est en ce sens qu'on a pudire avec raison à cette tribune, malgré les dénégations impuissantesdu Gouvernement <strong>de</strong>vant les faits, qu'il y avait uneétroite corré<strong>la</strong>tion entre le discours <strong>de</strong> Tunis et le sang verséà Fez et à Petitjean.M. Pierre Clostermann. C'est absolument faux.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. C'estabsolument inexact.M. Jean Grousseaud. Certes, vous paraissez, tout au moinsdans l'immédiat, beaucoup plus pru<strong>de</strong>nt au Maroc qu'en Tunisie.Vous convenez qu'il faut d'abord faire cesser l'agitation avant<strong>de</strong> passer aux réformes.M. Maurice Rabier. C'est vous qui créez l'agitation par vosparoles impru<strong>de</strong>ntes, qui font du mal à <strong>la</strong> France.M. Jean Grousseaud. Nous sommes en ce point d'accord, etnous souhaitons que vous nous en donniez à nouveau <strong>la</strong> solennelleassurance.Nous vous suivons aussi dans l'énumération <strong>de</strong>s changementsindispensables: réformes municipale, économique et sociale.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes adéc<strong>la</strong>ré :« La seule politique qui permette <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>r l'œuvrefrançaise au Maroc est une politique qui ne nous aliène ni lemon<strong>de</strong> berbère ni le mon<strong>de</strong> arabe, ni le bled ni les villes, niles féodaux ni les prolétaires, ni les conservateurs ni <strong>la</strong> jeunesseprogressiste ».Ce programme apparaît comme singulièrement compliqué.P<strong>la</strong>ire à tout le mon<strong>de</strong> est bien difficile.Monsieur Je ministre, vous vous en apercevrez rapi<strong>de</strong>mentlorsque vous connaîtrez plus à fond <strong>la</strong> situation au Maroc, etvous verrez alors qu'à l'instar du meunier <strong>de</strong> <strong>la</strong> fal<strong>de</strong>, en p<strong>la</strong>isantà ceux-ci on dép<strong>la</strong>ît forcément à ceux-là.Le tout est <strong>de</strong> savoir faire un choix, et un bon. Quelle politiqueentend-on suivre et que veut-on obtenir ?Tout le mon<strong>de</strong> s'accor<strong>de</strong> à estimer <strong>de</strong>s réformes nécessaires,mais personne n'est d'accord sur ce qu'elles doivent être.On peut continuer le système actuel du protectorat. On peutenvisager l'indépendance du Maroc. On peut enfin tenter d'instituerun régime d'association interne compatible avec lestraités. 11 est évi<strong>de</strong>nt que les trois hypothèses comman<strong>de</strong>ntune conduite différente.La formule du protectorat telle qu'elle a été pratiquée ces<strong>de</strong>rnières années suppose une popu<strong>la</strong>tion peu évoluée, incapable<strong>de</strong> se diriger en se fiant à <strong>la</strong> tutelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation protectrice.Il nous apparaît que tel n'est pas le cas du Maroc, où lespopu<strong>la</strong>tions arabes et berbères ont fait <strong>de</strong>s progrès constants.Nous ne pensons pas qu'il serait sage <strong>de</strong> régir les Marocains<strong>de</strong> 19&4 avec les moyens employés vingt ans auparavant.

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