11.07.2015 Views

JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

La confédération internationale <strong>de</strong>s syndicats libres est animéepar l'une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux centrales syndicalistes <strong>de</strong>s Etats-Unis, <strong>la</strong>puissante American Fédération ôf Labour. A cette confédération,l'union générale <strong>de</strong>s travailleurs tunisiens a adhéré enjuillet 1951.Depuis lors, il n'est pas d'événement politique en Tunisie,il n'est pas <strong>de</strong> congrès syndical ou politique qui n'ait provoqué<strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux organisations <strong>de</strong>s manifestationscomminatoires à l'égard du Gouvernement français.Le 0 juin 1954 — et c'est là où je vou<strong>la</strong>is en venir — lejournal 'As Sabah publiait les propositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> confédérationinternationale <strong>de</strong>s syndicats libres en vue <strong>de</strong> résoudre le problèmefranco-tunisien.Je ne puis, hé<strong>la</strong>s, lire à l'Assemblée en entier ce documentqui est fort détaillé et je le regrette, car elle y aurait reconnuau passage <strong>la</strong> texture inême <strong>de</strong>s initiatives et du programmedu Gouvernement.Mais <strong>de</strong> ce que je citerai, elle pourra mesurer les difficultésque nos négociateurs rencontreront, face à leurs interlocuteursdu Néo-Destour qu'ils ont mis en p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> position légaleque Bourguiba souhaitait pour eux et qui disposent <strong>de</strong> telsappuis, <strong>de</strong> telles comp<strong>la</strong>isances internationales.Elle verra les risques que le Gouvernement a pris sur lui <strong>de</strong>faire courir au pays.Voici <strong>la</strong> proposition n° 3:« Conclusion, dit le document, d'un protocole <strong>de</strong> base qui<strong>de</strong>vra :« a) Reconnaître sans équivoque <strong>la</strong> souveraineté tunisienne...»J'arrête là ma citation: il suffit <strong>de</strong> se reporter au manifestelu par le prési<strong>de</strong>nt du conseil le 31 juillet à Son Altesse leBev <strong>de</strong> Tunis.Le paragraphe b) est un <strong>de</strong>s points les plus intéressants etles plus redoutables. Le Gouvernement a accepté <strong>de</strong> revenirau seul traité du Bardo, origine du protectorat. Mais c'est exactementlà que vou<strong>la</strong>it le mener le Néo-Destour qui toujours adénoncé ce traité connus imposé par <strong>la</strong> force et parce que cetraité fait <strong>de</strong> nous un occupant provisoire. Il stipule, en effet,que l'occupation militaire cessera quand il aura été reconnuque l'administraliou locale est en état <strong>de</strong> garantir le maintien<strong>de</strong> l'ordre.Voilà <strong>la</strong> base étroite sur <strong>la</strong>quelle vous allez négocier, monsieurle ministre, parce que, d'un geste, votre prési<strong>de</strong>nt ducouseil a cru <strong>de</strong>voir ba<strong>la</strong>yer l'apport contractuel ou tacite <strong>de</strong>soixante-dix années <strong>de</strong> coexistence franco-tunisienne. Et vousne tenez pas encore votre papier.Déjà, un important dignitaire <strong>de</strong>stourien, compagnon <strong>de</strong> BenYoussef au Caire, M. Bouhafa, a proc<strong>la</strong>mé à <strong>la</strong> radio que <strong>la</strong>France <strong>de</strong>vrait retirer ses troupes <strong>de</strong> Tunisie.Et voici <strong>la</strong> proposition dè <strong>la</strong> confédération internationale <strong>de</strong>ssvndicats libres. Vous y verrez toutes les embûches et touteslès exigences que vous retrouverez au cours <strong>de</strong> vos conversations:u Préciser minutieusement <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> France dansles domaines <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>fense, <strong>de</strong>s affaires étrangères et surtoutce qui concerne le maintien 6ur le territoire tunisien et dansles points stratégiques <strong>de</strong> forces armées françaises pour <strong>la</strong>défense du mon<strong>de</strong> libre en attendant <strong>la</strong> formation d'une arméetunisienne capable <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cer ces forces armées ». La formationd'une armée tunisienne!La confédération ajoute: « La présence <strong>de</strong> ces forces arméesfrançaises ne doit pas intervenir dans les questions intérieures<strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie, questions qui relèvent <strong>de</strong>s attributions <strong>de</strong>s autoritéstunisiennes. »Nous voici donc renvoyés aux dispositions <strong>de</strong> caractère provisoiredu traité du Bardo. Mais <strong>la</strong> c<strong>la</strong>use <strong>de</strong> caractère permanent,fon<strong>de</strong>ment du protectorat tombe. Ne disposant plus <strong>de</strong><strong>la</strong> police et ne pouvant utiliser l'armée à une fin intérieure, ilnous est interdit d'assumer l'obligation que nous fait ce traité<strong>de</strong> protéger le Bey et sa dynastie contre tout danger, y comprisun danger intérieur.Le protectorat mourra donc malgré vos dénégations, monsieurle ministre. Depuis <strong>de</strong>s semaines, vous niez ce<strong>la</strong>, mais c'estpourtant dans <strong>la</strong> ligne <strong>de</strong> votre négociation.Pour apercevoir les conséquences redoutables, et pour <strong>la</strong>France et pour le souverain <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaissance<strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté tunisienne, il suffisait cet après-midid'entendre M. Fonlupt-Esperaber, par exemple, et vous-même,monsieur le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes.Notre collègue, qui est <strong>de</strong> ceux qui, en toute bonne foi idéaliste,ont poussé à <strong>la</strong> mise en terre du protectorat, se montreterriblement anxieux, et pour cause, d'éviter à tout prix l'électiond'une assemblée constituante tunisienne qui, pourtant,serait l'expression même <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle souveraineté tunisienne.Il est amené à réc<strong>la</strong>mer une charte oclroyce pour <strong>la</strong> Tunisiece qui n'a jamais passé pour un procédé démocratique.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. C'est le seul qui soit juridiquementpossible.M. François Quilici. Je veux bien!Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous évertuez àprouver que vos conventions nous garantiront mieux que notreprotectorat.Devant <strong>la</strong> commission <strong>de</strong>s affaires étrangères, vous vousétonniez môme que <strong>la</strong> France n'ait rien en propre en Tunisie.;Mais nous étions beaucoup mieux garantis dans ie passé, parce;que <strong>la</strong> question ne se posait pas. Et je m'étonne que vous ayez 1<strong>de</strong> ces étonnements, car dans nos archives vous avez sûrement<strong>la</strong> p<strong>la</strong>idoirie prononcée en 1923 par M. Geouffre <strong>de</strong> La Pra<strong>de</strong>lle<strong>de</strong>vant <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haye, à <strong>la</strong> suite du refus <strong>de</strong> l'Angleterre,<strong>de</strong> nous <strong>la</strong>isser naturaliser les anglo-maltais <strong>de</strong> <strong>la</strong> Régence. 1Le jurisconsulte du quai d'Orsay a fait ressortir <strong>la</strong> notiond'un jus soli français en Tunisie "et <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong>-Bretagne s'estfinalement inclinée. Ce jus soli, issu du protectorat, est à monsens irremp<strong>la</strong>çable par le biais d'une convention opposable à<strong>de</strong>s tiers.Or, dans <strong>la</strong> Tunisie souveraine, les Français, selon le mot 1<strong>de</strong> Bourguiba et <strong>de</strong> votre propre aveu, seront <strong>de</strong>s étrangers:privilégiés et protégés. Mais du moment où le pays sera remis!à l'autorité tunisienne sous <strong>la</strong> garantie d'un contrôle intérieur;français, pensez-vous que les autres puissances attendront pourexiger, au bénéfice <strong>de</strong> leurs ressortissants, les mêmes privilègeset <strong>la</strong> même protection ?Il a fallu <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière guerre et sa défaite pour amener l'Italieà renoncer à ses avantages capitu<strong>la</strong>ires. Pense-t-on qu'elle,pourra, qu'elle voudra seulement résister à l'appel <strong>de</strong> ses ressortissantset ne profitera pas <strong>de</strong> l'occasion pour ressaisir sesavantages ? Or, en raison <strong>de</strong> leur nombre, tout près <strong>de</strong> ba<strong>la</strong>ncerle nombre <strong>de</strong>s Français — et vous le savez, monsieurle ministre — <strong>la</strong> naturalisation massive, dès qu'elle fut possible,d'Italiens dans <strong>la</strong> Régence, a été une mesure <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>nationale.Notre voisine ne sera pas <strong>la</strong> seule à revendiquer. Ecoutezune proposition <strong>de</strong> <strong>la</strong> confédération internationale <strong>de</strong>s syndicatslibres.« Préciser les moyens <strong>de</strong> défendre les droits économiqueset sociaux <strong>de</strong>s minorités étrangères dans le cadre du respect<strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté tunisienne et du respect <strong>de</strong>s droits individuelset collectifs <strong>de</strong> tous les cohabitants. »Les Tunisiens n'ont pas voulu, non pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> cosouveraineté— elle est morte, et <strong>de</strong>puis longtemps — mais <strong>de</strong> <strong>la</strong> col<strong>la</strong>borationau sein d'une assemblée mixte. Maintenant, ils aurontleur assemblée. Sans grand risque d'erreur, on peut affirmerque vous allez restaurer en Tunisie un régime <strong>de</strong> capitu<strong>la</strong>tionsqui pèsera plus lourd sur elle que l'acte d'Algésiras surle Maroc.L'ingérence étrangère — et là, je vous pose une questionprécisé, monsieur le minisire — est-ce que, sous prétexte <strong>de</strong>souveraine équité, vous allez l'accepter dans votre dispositifinstitutionnel ?Comme vous, <strong>la</strong> confédération <strong>de</strong>s svndicats libres a prévu,le 6 juin, <strong>la</strong> création d'un tribunal administratif et d'une courarbitrale. Le prési<strong>de</strong>nt du conseil a reçu <strong>de</strong> nombreuses délégations<strong>parlementaires</strong> et il m'a été répété que l'un <strong>de</strong> noscollègues l'avait interrogé sur <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> cette cour.Le prési<strong>de</strong>nt du conseil avait précisé: trois magistrats françaiset trois tunisiens, plus un prési<strong>de</strong>nt. Mais, quand on luiavait <strong>de</strong>mandé quelle serait <strong>la</strong> nationalité du prési<strong>de</strong>nt, il s'étaitdérobé.Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, monsieur le ministre, si <strong>la</strong> réponse à cettequestion n'est pas incluse dans cette proposition, que je vaisvous lire, <strong>de</strong> <strong>la</strong> confédération internationale <strong>de</strong>s svndicatsliDres :« Instituer une commission composée <strong>de</strong> magistrats françaiset tunisiens et présidée par un magistrat nommé par <strong>la</strong> Courinternationale <strong>de</strong> justice <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haye. »D'évi<strong>de</strong>nce il ne peut s'agir que d'un magistrat d'une tiercenationalité. Allez-vous admettre un étranger pour arbitrer lesconflits entre l'Etat tunisien que vous venez non pas <strong>de</strong> restaurermais <strong>de</strong> créer et <strong>la</strong> France ? Je n'insiste pas davantagesur ce point.Ces propositions ont paru le 6 juin; le gouvernement a étéconstitué le 17. Le 2 juillet l'Union générale <strong>de</strong>s travailleurstunisiens tenait son cinquième congrès à Tunis. M. FennerBroakwav, député travailliste et prési<strong>de</strong>nt du comité internationaldu congrès <strong>de</strong>s peuples dépendants y prononçait un discours.11 disait avec une remarquable précision: « Je veuxproposer au nouveau prési<strong>de</strong>nt du conseil français d'entreprendreimmédiatement après le problème indochinois <strong>de</strong>s négociationsavec les véritables représentants du peuple tunisien,c'est-à-dire M. Habib Bourguiba et ses amis politiques ».

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!