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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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ASSEMBLEE NATIONALE 1 SEANCE DU 26 AOUT 1954 4257Si l'Organisation <strong>de</strong>s Nations Unies , était restée fidèle à sonobjectif essentiel, qui est d'empêcher <strong>la</strong> guerre et d'imposer <strong>la</strong>paix, si elle ne s'était pas transformée en une sorte <strong>de</strong> théâtrepour auditions cinématographiées, elle aurait dû, à n'en pasdouter, se saisir du protblème nouveau et examiner s'il neserait pas possible d'imposer à tous les Etats le respect <strong>de</strong>sfrontières.Le mardi 10 août, je suis intervenu pour interroger très rapi<strong>de</strong>ment,en quelques minutes, le Gouvernement sur ses intentionsen ce qui concerne l'intervention <strong>de</strong> divers Etats à l'intérieur<strong>de</strong>s frontières <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie, dont <strong>la</strong> France, en vertu <strong>de</strong>straités, assure <strong>la</strong> protection.Je ne reviendrai pas sur les faits que j'ai signalés, sur les"origines <strong>de</strong> ces interventions. Je me permets cependant <strong>de</strong> vousrappeler que, le U mars 1951, s'était constitué à Londres uncomité dit « <strong>de</strong> vigi<strong>la</strong>nce », dont le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>vait effectuer<strong>de</strong>s démarches et à Tripoli et au Caire.Le 23 août 1951, a eu lieu l'extraordinaire visite <strong>de</strong> M. Bourguibaà Londres. J'ai rappelé les propos qu'il avait tenus <strong>de</strong>vant<strong>de</strong>s <strong>parlementaires</strong>, à <strong>la</strong> Chambré <strong>de</strong>s Lords et à <strong>la</strong> Chambre<strong>de</strong>s Communes, en v.ue d'assurer un contact entre les fonctionnairesbritanniques en Libye et les consuls britanniques enTunisie.Le 14 décembre .1952, s'est produit le premier accrochagedans le Sud tunisien avec un <strong>de</strong>s commandos formés, armés,entraînés en territoire libyen.Au cours <strong>de</strong> l'année 1953, <strong>la</strong> formation <strong>de</strong> commandos, lesimportations d'armes et <strong>de</strong> munitions ont été nombreuses.Je crois savoir que chacun <strong>de</strong>s passages <strong>de</strong> nouveaux commandosétait signalé par le représentant <strong>de</strong> <strong>la</strong> France à Tripoli,au rési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> France en Tunisie et, probablement, auquaï d'Orsay. Il ne semble pas, d'ailleurs, cjue ces communicationsrégulières aient troublé leur sérénité.Alors, mesdames, messieurs, l'inévitable s'est produit. Laprise <strong>de</strong> Dien-Bien-Phu, après 55 jours et 55 nuits <strong>de</strong> résistance,déclencha toute une campagne <strong>de</strong> presse dans les pays arabes,contre <strong>la</strong> France. La capitu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Dien-Bien-Phu sonnait, poureux, le g<strong>la</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> force française.La presse libyenne <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue arabe — je ne parle pas <strong>de</strong> celle'<strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue italienne — s'est manifestée dans <strong>de</strong>s commentairesparticulièrement violents. Je puis vous citer les articles quiont paru, le U mai, dans le journal tvipolitain Trablous elGharab, ies 5 et 17 mai dans l'hebdomadaire tripolitain Al Ahhabar,et le 10 mai dans le périodique cyrénéen, Al Bache<strong>la</strong>îr.Ces articles ont déclenché une suite <strong>de</strong> guéril<strong>la</strong>s, dont ilest inutile <strong>de</strong> vous rappeler les sang<strong>la</strong>nts épiso<strong>de</strong>s. Je vous<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> vous rappeler que chacun <strong>de</strong> ces commandos a étéformé, équipé et armé,en Tripolitaine,Il v avait d'abord une seul centre <strong>de</strong> formation à Castel Benito,à trente kilomètres au sud <strong>de</strong> Tripoli. Un autre a été créé àZavia, à trente-<strong>de</strong>ux kilomètres à l'ouest <strong>de</strong> Tripoli.On connaît mal les chefs <strong>de</strong> ces commandos. Si, les frèresSassoues sont tunisiens, un autre serait <strong>de</strong> nationalité tsipolitaine.On a constaté qu'un troisième était à <strong>la</strong> fois blond etmuet, d'où on a conclu qu'il était anglo-saxon (Sourires.) Unautre serait algérien.A quelque nationalité qu'ils appartiennent, ces chefs <strong>de</strong> commandosrecrutent leurs hommes surtout dans le Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong>Tunisie. Des victimes <strong>de</strong> leurs raids, le 26 mai, ont reconnuque ces « brigands », pour parler comme le quai d'Orsay,étaient <strong>de</strong>s sudistes en raison <strong>de</strong> leur accent particulier.Des recruteurs circu<strong>la</strong>ient en Tunisie et ils expédiaient individuellementen Tripolitaine celles qui, parmi les recrues, paraissaientparticulièrement aptes à figurer dans un commando. Ellesétaient entraînées et encadrées, dans <strong>la</strong> mesure où les ressourcesen gra<strong>de</strong>s, en armes èt en munitions le permettaient.Voilà le bi<strong>la</strong>n, d'ailleurs incomplet, <strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong> <strong>la</strong>Libye. Je vous rappelle que cet Etat est l'enfant <strong>de</strong> l'Organisation<strong>de</strong>s Nations Unies. J'ajoute que son budget est partiellementalimenté par le contribuable français.Qu'entend faire le Gouvernement pour mettre un terme à cesinterventions ï Le 10 août, M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil m'a"répondu que « les interventions étrangères étaient inadmissibleset que le Gouvernement était résolu à ne pas les tolérer pluslongtemps ».Je vous avoue ingénument — je regrette l'absence <strong>de</strong> M. leprési<strong>de</strong>nt du conseil, car je le lui aurais dit volontiers — queje ne retrouve pas dans cette formule d'une savante imprécisionet d'une pieuse modération, les caractères du style <strong>de</strong>M. Mendès-France.Précisant mon interpel<strong>la</strong>tion du 10 août, je m'adresse à vous,monsieur le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes quivoulez bien m'écouter.Allez-vous exiger ia fermeture immédiate <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux centres <strong>de</strong>formation militaire pour commandos et <strong>la</strong> cessation immédiate<strong>de</strong>s envois d'argent, d'armes et <strong>de</strong> munitions ?Allez-vous exiger <strong>de</strong> l'Etat, que vous subventionnez aux fraisdu contribuable français, <strong>de</strong>s réparations pour les <strong>de</strong>structionsopérées et pour les meurtres commis ?Allez-vous enlin porter ies garnisons traditionnelles <strong>de</strong> Ghatet <strong>de</strong> Ghadamès à <strong>de</strong>s effectifs suffisants, pour empêcher cesimportations d'armes et <strong>de</strong> munitions ramassées sur les champs<strong>de</strong> bataille ?A ce sujet, j'indique en passant qu'il ne s'agit pas seulementd'armes ramassées sur les champs <strong>de</strong> bataiile d'Afrique. J'aisignalé, dans une question écrite que j'ai posée au Gouvernement,qu'il s'était créé en Pologne et en Tchécoslovaquie<strong>de</strong>ux agences pour l'exportation <strong>de</strong>s armes démodées et <strong>de</strong>celles ramassées sur les champs <strong>de</strong> bataiile d'Europe et que<strong>de</strong>s démarches avaient été effectuées, notamment au Caire, pouxl'écoulement <strong>de</strong> ces différentes marchandises.Par conséquent, il est nécessaire <strong>de</strong> surveiller les passages,car ces armes et ces munitions sont glissées dans <strong>de</strong>s convoisplus pacifiques et d'autres sont débarquées sur les côtes <strong>de</strong> <strong>la</strong>Tunisie.Je rappelle à l'Assemblée, qu'il existe une roca<strong>de</strong> du sud,par <strong>la</strong>quelle les armes et les munitions passent du sud <strong>de</strong> <strong>la</strong>Tunisie dans le sud <strong>de</strong> l'Algérie et dans le sud marocain. C'estcette roca<strong>de</strong> que jadis M. le gouverneur Naegelen, par uneintervention énergique, fit couper. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'elle soitcle nouveau coupée.Mais <strong>la</strong> Libye, mesdames, messieurs, n'est, pas le seul Etatqui s'arroge le droit, en raison <strong>de</strong> son ancienneté historique et<strong>de</strong> sa supériorité politique, à intervenir à l'intérieur <strong>de</strong>s frontières<strong>de</strong> Tunisie.L'Egypte intervient, elle aussi, <strong>de</strong> trois manières différentes.Il y a d'abord une propagan<strong>de</strong> exercée méthodiquement surles étudiants nord-africains inscrits à l'université <strong>de</strong> Paris. 1Au mois d'octobre 1953, j'ai signalé cette action au prési<strong>de</strong>ntGeorges Bidault et, le 9 novembre, je lui ai écrit unelettre dont je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong> permission <strong>de</strong> vous lirequelques lignes :« Je suis heureux que vous ayez bien voulu partager mamanière <strong>de</strong> voir sur les inconvénients graves, que présente <strong>la</strong>concentration à Paris <strong>de</strong>s étudiants tunisiens et marocainspour poursuivre leurs étu<strong>de</strong>s supérieures en France.« Hier encore mon attention a été attirée sur ce fait parM. le recteur <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong> Paris. 11 m'a notamment signaléqu'une équipe spécialement dressée et préparée entrait immédiatementen contact avec le nouvel étudiant d'Afrique duNord dès son débarquement dans <strong>la</strong> capitale.« Je puis vous affirmer qu'à Clermont-Ferrand ou à Montpellier, l'action <strong>de</strong> ces commandos et celle <strong>de</strong>s servicesétrangers serait moins facile. »secretsSur le second mo<strong>de</strong> d'intervention, j'ai <strong>de</strong>s renseignementsassez vagues. 11 m'a été affirmé qu'il existait au Caire uncentre <strong>de</strong> formation pour saboteurs et 'terroristes. Ce centreavait envoyé <strong>de</strong>s élèves brevetés opérer non seulement sur locanal <strong>de</strong> Suez contre les campements ang<strong>la</strong>is, mais égalementen Tunisie et au Maroc. Les professeurs <strong>de</strong> ce centre <strong>de</strong> formationseraient, dit-on, d'anciens nazis, voire quelques Russes.Quant au troisième mo<strong>de</strong> d'intervention, tout le mon<strong>de</strong> leconnaît: c'est <strong>la</strong> radio, La Voix <strong>de</strong>s Arabes. La <strong>de</strong>rnière émission<strong>de</strong> La Voix <strong>de</strong> s Arabes, qui date du 20 courant, a été signaléedans <strong>la</strong> presse. Elle avait pour but cle contrebattre les essais<strong>de</strong> col<strong>la</strong>boration franco-tunisiens en vue d'un accord sur làsouveraineté interne.Le Gouvernement entend-il admettre qu'un pays, qui nousest uni par <strong>de</strong>s traditions à peu près sécu<strong>la</strong>ires," intervienne,lui aussi, à l'intérieur <strong>de</strong>s frontières d'un Etat dont nous<strong>de</strong>vons assurer <strong>la</strong> protection ?Je me permets <strong>de</strong> citer un épiso<strong>de</strong> qui, je crois, pourrait rassurerle Gouvernement sur ses moyens.d'action.J'ai dit que <strong>la</strong> capitu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Dien-Bien-Phu avait déclenchéun torrent d'attaques et d'insultes dans <strong>la</strong> presse <strong>de</strong>s diverspays arabes. Un seul pays a élé correct, l'Egypte; ses journauxont gardé le silence.Pourquoi ? Je veux bien espérer qu'il s'agit là d'un souvenir<strong>de</strong> <strong>la</strong> vieille amitié franco-égyptienne, peut-être aussi d'uneplus gran<strong>de</strong> fidélité à <strong>la</strong> courtoisie musulmane. Mais le faitest qu'au moment même où était annoncée <strong>la</strong> perte <strong>de</strong> Dien-Bien-Phu, se trouvait au Caire une délégation <strong>de</strong> financiersqui négociait avec le gouvernement égyptien un emprunt<strong>de</strong>stiné à permettre le développement cle l'outil<strong>la</strong>ge égvptien.Y a4-il là une re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> cause à effet ? Est-ce simplement unecoïnci<strong>de</strong>nce ?En tout cas, le fait démontre qu'il est possible <strong>de</strong> trouver,pour obliger un pays à respecter le droit et à cesser ses interventions,<strong>de</strong>s moyens plus efficaces qu'une note diplomatiqueet moins douloureux qu'un bombar<strong>de</strong>ment.

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