très <strong>de</strong> cette situation, nous <strong>de</strong>vons étudier ces pétitions. Songezque le propre iman <strong>de</strong> <strong>la</strong> mosquée impériale a signé unetelle pétition. L'histoire du pistolet sur <strong>la</strong> nuque, on peut s'enservir comme alibi pendant un certain temps, mais s'il estune vertu qu'on ne peut nier aux Marocains c'est leur très grandcourage : ils l'ont prouve en se battant magnifiquement à noscôtés en maintes occasions.Les Oulémas <strong>de</strong> Fez, <strong>de</strong> Salé, <strong>de</strong> Rabat, Jes Chorfas, malgréles risques et les pressions exercées sur eux, ont signé cettepétition ce qui, entre parenthèses, a amené .cette réactionextraordinaire: le Horm <strong>de</strong> Mou<strong>la</strong>y Idriss a été violé.L'asile invio<strong>la</strong>ble a été violé. I.yautey" lui-même avait refusé,par respect <strong>de</strong>s traditions musulmanes, d'y pénétrer, alorsque les marocains l'avaiemt invité à le visiter.Tous les Roguis pourchassés par les sultans ou tous les sultanspourchassés par les Roguis, lorsqu'ils y prenaient ashey trouvaient ai<strong>de</strong> et sauf conduit. C'est <strong>la</strong> première fois dansl'histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition musulmane qu'on a <strong>la</strong>issé commettreune telle vio<strong>la</strong>tion, au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> sainte orthodoxie coranique,car, ne l'oublions pas,.l'une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles SidiMohamed V a été déposé était qu'il n'était pas d'une parfaiteorthodoxie musulmane. Malgré toutes les pressions les Oulémasont refusé <strong>de</strong> revenir sur cette pétition. Peut-être y en aura-t-:iun ou <strong>de</strong>ux qui finiront par cé<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> force. J'en doute, maigretout.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Voulez-vous me permettre <strong>de</strong> vousinterrompre ?M. Pierre Clostermann. Volontiers!M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Vous dites que tous les Oulémas ontsigné ia pétition.M. Pierre Clostermann. Tous, j'en ai <strong>la</strong> liste.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Combien sont-ils ?M. Pierre Clostermann. Nous pouvons les compter.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Je croyais qu'ils étaient quarante surtrois cents à avoir signé cette pétition.M. Pierre Clostermann. Nullement, car il y a les Oulémas,mais aussi les Chorfas...M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Les Oulémas dont vous parlez n'oitpas tous signé <strong>la</strong> pétition.Vous savez les sentiments d'amitié et d'admiration que j'aipour vous. Mais je ne peux pas vous entendre faire le procès<strong>de</strong> mon pays dans cette enceinte sans vous répondre que vousvenez <strong>de</strong> vous tromper. (App<strong>la</strong>udissements sur <strong>de</strong> nombreuxbancs à l'extrême droite et à droite.)Je suis certain, vous connaissant bien, monsieur Clostermann,que vous vous trompez <strong>de</strong> bonne foi, mais vous vous trompez.M. Saïd Mohamed Cheikh, Vous aussi.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Et je profite <strong>de</strong> ce que vous m'avezpermis <strong>de</strong> vous interrompre, pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à M. leministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes s il est exactqu'il existe au ministère <strong>de</strong>s affaires étrangères un dossieraccab<strong>la</strong>ntcondamnant les rapports du sultan déposé avec iesoccupants <strong>de</strong> 1940.Si le fait est exact...M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Il est compagnon <strong>de</strong> <strong>la</strong> Libération,comme vous.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. ... il appartient au Gouvernement<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l'Ordre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Libération <strong>de</strong> créer un jury d'honneurpour examiner ce dossier.Nous ne pouvons pas admettre, si le fait n'est pas exact, queces rumeurs circulent. Nous ne pouvons pas tolérer non plusque <strong>la</strong> France soit mise en accusation dans l'enceinte <strong>de</strong> l'Assembléenationale. (App<strong>la</strong>udissements sur <strong>de</strong> nombreux bancsà l'extrême droite et à droite et sur quelques bancs à gauche.)M. le prési<strong>de</strong>nt. M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines ettunisiennes <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong> parole. Je vais <strong>la</strong> lui donner, maisauparavant, je prie instamment M. Clostermann <strong>de</strong> ne plus se<strong>la</strong>isser interrompre, d'autant plus que son temps <strong>de</strong> parole vabientôt être épuisé.La parole est à M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines ettunisiennes.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Monsieurle prési<strong>de</strong>nt, je ne peux que regretter le tour que prendle débat ce soir. Il semble qu'il dégénère en interpel<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>collègue à collègue.C'est le Gouvernement qui est interpellé. Je constate d'ailleursque mon ami M. Clostermann interpelle en ce moment le gouvernementprécé<strong>de</strong>nt. Le .Gouvernement actuel, qui est solidaire<strong>de</strong> <strong>la</strong> continuité gouvernementale, ne peut que fairetoutes les réserves nécessaires sur les déc<strong>la</strong>rations <strong>de</strong> M. Clostermann.Il les écoute comme il a écouté cet après-midi celles <strong>de</strong>sautres interpel<strong>la</strong>teurs et il lui répondra à ia fin <strong>de</strong> ce débat.M. Jean Silvandre. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong> parole pour un rappel aurèglement.M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. Silvandre, pour un rappe<strong>la</strong>u règlement.M. Jean Silvandre. Je suis surpris <strong>de</strong> constater que, commele disait un jour notre collègue, M. Naegelen, il y a <strong>de</strong>'ux catégoriesd'orateurs.M. le prési<strong>de</strong>nt. Nullement. A quel article du règlement vousréferez-vous ?M. Jean Silvandre. Je me suis vu appliquer le règlement. J'aiéprouvé ce harcèlement, si je puis dire, <strong>de</strong> M. le prési<strong>de</strong>nt etme suis incliné avec déférence. Cependant, je dois faire remarquerque d'autres orateurs — je n'ai rien contre l'ancien ministre<strong>de</strong> l'intérieur — ont pu <strong>la</strong>rgement user <strong>de</strong> leur temps <strong>de</strong>parole.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. C'est exact.M. Jean Silvandre. Il y a donc bien <strong>de</strong>ux catégories d'orateurs.(App<strong>la</strong>udissements"à gauche el sur divers bancsjM. le prési<strong>de</strong>nt. Désormais j'appliquerai le règlement avecune certaine rigueur.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. J'aurais voulu que M. le ministre,qui a déc<strong>la</strong>ré qu'il répondra à M. Clostermann, me donnât aussil'assurance d'une réponse sur le point que j'ai évoqué.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Vousn'êtes pas interpel<strong>la</strong>teur.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Je vous interpelle 1M. le prési<strong>de</strong>nt. Monsieur <strong>de</strong> Benouville, c'est à M. Jeministre qu'il appartient <strong>de</strong> juger s'il doit vous répondre.Monsieur Clostermann, étant donné que votre temps <strong>de</strong> paroleest limité, je vous invite, dans votre propre intérêt, à neplus vous <strong>la</strong>isser interrompre. 11 est loisible à ceux <strong>de</strong> noscollègues qui veulent intervenir sur un point <strong>de</strong> votre interpel<strong>la</strong>tion<strong>de</strong> se faire inscrire, <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s orateurs n'étant pasclose.M. Pierre <strong>de</strong> Benouville. Je le répète, un rapport existe auministère <strong>de</strong>s affaires étrangères sur l'activité <strong>de</strong> l'anciensultan.M. Pierre Clostermann. Mon cher collègue, je pose également<strong>la</strong> même question au Gouvernement. Car je tiens à vous direque, si un dossier <strong>de</strong> cette nature existait, si <strong>la</strong> preuve <strong>de</strong>ce que vous avancez était apportée, je changerais totalementet immédiatement d'opinion — et, avec moi, un très grandnombre <strong>de</strong> Marocains — à l'égard <strong>de</strong> Sidi Mohamed benYoussef, j'en donne ma parole d'honneur.Monsieur le ministre, j'attends dfkfc avec beaucoup d'impatienceet d'intérêt votre réponse à ce propos.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. MonsieurClostermann, je vous répondrai <strong>de</strong>main, mais je regrettedès maintenant que vous n'avez pas fait ce discours l'année<strong>de</strong>rnière !M. Pierre Clostermann. L'année <strong>de</strong>rnière, après les événementsgraves qui se sont déroulés, il fal<strong>la</strong>it un certain recul,il fal<strong>la</strong>it certaines preuves. Or, les Français habitant au Maroc<strong>de</strong>puis fort longtemps ne s'étaient pas eux-mêmes, à l'époque,rendu parfaitement compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation, comme ils commencentà le faire maintenant. C'est ainsi que <strong>la</strong> chambre <strong>de</strong>commerce <strong>de</strong> Casab<strong>la</strong>nca et le patronat français en sont venusà changer d'opinion sur <strong>la</strong> validité <strong>de</strong> l'opération du20 août 1953.Monsieur <strong>de</strong> Benouville, vous m'avez posé une question surles ulemas.M. le prési<strong>de</strong>nt. Monsieur Clostermann, je vous en prie, *•adressez-vous à l'Assemblée et au Gouvernement en particulier.M. Pierre Clostermann. Les journaux ont parlé <strong>de</strong>s quaranteulemas <strong>de</strong> Fès. Il y a ceux <strong>de</strong> Fès, mais il y a aussi ceux<strong>de</strong> Rabat et <strong>de</strong> Salé." Il n'y en a pas trois cents. Actuellement,ils sont cent trente-quatre, sur lesquels une douzaine environdoivent être immobilisés, soit par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, soit par legrand âge.Les trois secrétaires du pa<strong>la</strong>is impérial ont signé <strong>la</strong> pétitionen cause, ainsi que tous les a<strong>de</strong>ls <strong>de</strong> toutes les mosquées <strong>de</strong>Rabat et <strong>de</strong> Fès. Ils sont sur <strong>la</strong> liste <strong>de</strong> cette pétition dontvous connaissez, monsieur le ministre, l'original. Le prési<strong>de</strong>ntet les membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Casab<strong>la</strong>nca, lesconseillers municipaux marocains <strong>de</strong> Casab<strong>la</strong>nca, Bouchard, lepropre pacha <strong>de</strong> Casab<strong>la</strong>nca, qui a été nommé par Ben Arafa,ont signé.
ASSEMBLEE NATIONALE — 2" SEANCE DU 20 AOUT 1954 4281Amroq, le caïd <strong>de</strong> Khemfra, qui a signé, n'est-ce pas unberbèreL'annéé <strong>de</strong>rnière, on disait que 250 caïds avaient signé linepétition contre Sidi Mohamed Ben Youssef. On n'en a jamaisdonné <strong>la</strong> liste, sinon indirectement, sous forme <strong>de</strong> promotionsdans l'ordre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Légion d'honneur ! Cette promotion venaitellerécompenser le dévouement à <strong>la</strong> cause française ou étaitellele prix du silence ?A l'occasion <strong>de</strong> l'Aïd El Kébir, cette année, lors du serment<strong>de</strong> fidélité à Ben Arafa, on recueil<strong>la</strong>it cinquante-cinq signatures.Trois jours après, <strong>de</strong>mandant le renouvellement <strong>de</strong> ce serment,on n'en obtenait plus que vingt et une.On parle <strong>de</strong>s berbères. Comment se fait-il que tous les grandsratissages, toutes les opérations <strong>de</strong> police les plus importantesse soient faites en pays berbère, à Tiflet, Khemisset ? Pourquoiles ratissages chez les Beni-Snassem ? Pourquoi cette agitationà Marrakech, dans le Tad<strong>la</strong> ?Il y a le caïd Baho, certes, mais tout le mon<strong>de</strong> sait aussiparfaitement qu'il veut être pacha <strong>de</strong> Fès. II ne s'en cachepas et l'a dit à plusieurs <strong>de</strong> ses amis. Il est naturellementprêt à jouer cette carte.Pourquoi a-t-on relevé les caïds <strong>de</strong>s Marliissi, <strong>de</strong>s Artyoussi ?Ce sont pourtant <strong>de</strong>s membres pur sang <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s tribusberbères. Lassen est en rési<strong>de</strong>nce surveillée, ainsi que Lavadi,grands chefs berbères entre tous.A propos <strong>de</strong> ratissages, il serait bon que le Gouvernementfrançais démentit au moins certains articles, comme celuiparu dans le Times du 23 août 1954.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Il l'afait cet après-midi, par ma bouche.M. Pierre Clostermann. Maintenant qu'il est démenti, il nefaut plus que se reproduisent <strong>de</strong>s événements <strong>de</strong> ce genre.C'est un journaliste écossais et <strong>de</strong>ux journalistes américainsqui sont venus chez moi, certain soir, m'en entretenir. Ilsétaient encore troublés <strong>de</strong> ce qu'ils avaient vu. N'oubliez pasque le colonel Périaud, chef <strong>de</strong>s services spéciaux chargés <strong>de</strong>sopérations <strong>de</strong> ratissage, a appris son métier chez les S. O. L. !Ce<strong>la</strong> explique bien <strong>de</strong>s choses.Qui profite <strong>de</strong> cette situation ? Le parti communiste marocain,qui compte <strong>de</strong> 350 à 380 membres marocains actifs. Selon<strong>la</strong> tactique que nous avons bien connue dans <strong>la</strong> résistance,ils « noyautent » les organisations nationalistes, les dirigent et,toujours au moment voulu, leur homme est là pour mettrele feu à <strong>la</strong> mèche.Rappelez-vous l'attentat <strong>de</strong> Port-Liautey et le déraillementdu train. On a arrêté, dans les 48 heures, une vingtaine <strong>de</strong>pauvres bougres qu'on a copieusement rossés, selon <strong>la</strong> bonnerègle, et qu'on a <strong>la</strong>issés pendant huit mois en prison. Maisle tribunal militaire a été obligé <strong>de</strong> reconnaître leur innocenceet <strong>de</strong> les faire relâcher, car l'attentat avait été commis par<strong>de</strong>s spécialistes. D'où venaient-ils ? Relisez le compte rendu<strong>de</strong>s débats qui se sont déroulés <strong>de</strong>vant ce tribunal, monsieurle ministre, et les conclusions <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux experts français envoyéslà-bas.Il n'y a pas que les Marocains à incriminer en pareil cas.Il y a aussi tous les Espagnols qui ont été expulsés par Franco,tous les Portugais mis à <strong>la</strong> porte par Sa<strong>la</strong>zar, tous les Italiensqui ont fui Mussolini et qui se sont fixés là-bas. Et il estsouvent plus facile pour un étranger que pour un citoyenfrançais d'obtenir un permis <strong>de</strong> travail au Maroc. Ce n'est "pasune critique, c'est une constatation que je fais pratiquementquotidiennement, étant le prési<strong>de</strong>nt d'un syndicat industrieltrès important du Maroc.M. Jean-Marie Bouvier O'Cottereau. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong> parolepour un rappel au règlement.M. le prési<strong>de</strong>nt. Je vous fais observer, monsieur BouvierO'Cottereau, que vous êtes inscrit comme orateur dans ledébat et que vous pourrez donc intervenir par <strong>la</strong> suite.D'aulre part, j'attire l'attention <strong>de</strong> M. Clostermann sur le"fait qu'il a déjà, compte tenu <strong>de</strong>s interruptions, <strong>la</strong>rgementdépassé le temps <strong>de</strong> parole dévolu à son groupe...M. Pierre <strong>de</strong> Cénouville. II n'y a pas <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> parolepour une interpel<strong>la</strong>tion.M. le prési<strong>de</strong>nt. ... et je l'invite à abréger son intervention,à conclure ie plus rapi<strong>de</strong>ment possible, afin que d'autresmembres <strong>de</strong> son groupe aient <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> s'exprimer.M. Jean-Marie Bouvier O'Cottereau. Monsieur le prési<strong>de</strong>nt,c'est précisément ce que je vou<strong>la</strong>is vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> dire ànotre collègue.M, le prési<strong>de</strong>nt. Je savais que je traduisais votre nensée.(Sourires.)M. Pierre Cf®stermann. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Gouvernement français— j'ai prévenu récemment M. le prési<strong>de</strong>nt Mendès-France,et l'on a vu que mes informations étaient bonnes puisque, lesurlen<strong>de</strong>main, 1a presse en donnait <strong>la</strong> confirmation — s'il va<strong>la</strong>isser Franco accor<strong>de</strong>r, dans quelques jours, l'autonomieinterne à <strong>la</strong> zone espagnole, dont le souverain reconnu esttoujours Ben Youssef, et nous mettre dans l'obligation d©répondre, <strong>de</strong>vant l'O. N. U. et <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> Ligue arabe déchaînée— maintenant qu'elle est débarrassée <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> Suez et<strong>de</strong> l'Iran — <strong>de</strong> <strong>la</strong> détention du souverain d'un territoire étranger.Le problème risque d'être extrêmement gênant pour nous.Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au prési<strong>de</strong>nt du conseil d'étendre sa c<strong>la</strong>irvoyancejusqu'au Maroc.Il faut tenir compte <strong>de</strong> l'opinion d'un Marocain dont <strong>la</strong>francophilie est actuellement indiscutable, ainsi que sa bonnefoi et sa loyaufé. Or voici <strong>la</strong> lettre <strong>de</strong> cet ami <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, du18 août 1954. Vous allez <strong>la</strong> recevoir si vous ne l'avez déjà.Son auteur est un pacha en fonctions, chef <strong>de</strong> bataillon <strong>de</strong>l'armée française, disciple du maréchal Leclerc, chevalier <strong>de</strong><strong>la</strong> Légion d'honneur, Croix <strong>de</strong> guerre <strong>de</strong>s T. O. E., <strong>de</strong>ux palmesau titre <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre 1939-1945, une palme T. O. E. Ecoutez:« J'ai eu l'honneur, comme nombre <strong>de</strong> mes camara<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>servir sur- les champs d3 bataille <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> l'amitié francomarocaine.« Cette amitié désintéressée, scellée dans le sang au cours<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux guerres, n'est pas l'apanage exclusif d'une fraction,mais celui du peuple marocain tout entier qui, pendant <strong>de</strong>sannées douloureuses pour <strong>la</strong> France, a fait preuve d'un loyalismesans reproche sous l'égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> son souverain.« Fidèle à <strong>la</strong> France, je lui dois, dans ces temps troublés,<strong>la</strong> vérité :« Ce ne serait pas servir ia cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> vraie et sincère amitiéfranco-marocaine que <strong>de</strong> <strong>la</strong> travestir. C'est pourquoi aujourd'huij'estime qu'il m'est un <strong>de</strong>voir sacré <strong>de</strong> loyauté etd'honneur <strong>de</strong> rompre ie silence que je me suis imposé.« Le peuple marocain... n'a jamais été aussi attaché à <strong>la</strong>personne <strong>de</strong> son souverain légitime...« Le collège <strong>de</strong>s oulémas, théologiens <strong>de</strong> l'Is<strong>la</strong>m, vient, avecforce et compétence, <strong>de</strong> confirmer, selon les principes immuables<strong>de</strong> notre religion, le sentiment presque unanime <strong>de</strong> <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l'empire chérifien. Cette opinion s'affirmeraitchaque jour davantage si <strong>la</strong> crainte n'habitait certains chefstraditionnels.« Soldat qui ne sait pas far<strong>de</strong>r <strong>la</strong> vérité, je vous ai dit avecfranchise et sincérité <strong>la</strong> pensée intime <strong>de</strong> mes compatriotes.« Les Marocains savent combien <strong>la</strong> France a donné à <strong>la</strong>cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté, ils savent combien son apport est granddans <strong>la</strong> civilisation. Us ont confiance en elle, car jamais, aucours <strong>de</strong>s siècles, elle n'a <strong>la</strong>issé l'injustice et <strong>la</strong> haine s'érigeren principes.« Dans l'épreuve que traverse l'amitié franco-marocaine, ilsfont confiance à <strong>la</strong> France, à son Gouvernement et à vous,monsieur l'ambassa<strong>de</strong>ur, pour que l'amour si cher au grandmaréchal Lvautev dissipe à jamais les malentendus qui ontassombri les re<strong>la</strong>tions entre nos <strong>de</strong>ux peuples.« Vous comprendrez, monsieur l'ambassa<strong>de</strong>ur, que l'aggravation<strong>de</strong> <strong>la</strong> situation, <strong>la</strong> tension qui règne partout au" Marocm'aient amené à sortir <strong>de</strong> ma réserve.« En agissant autrement, j'aurais été indigne <strong>de</strong> mon passé,<strong>de</strong> ma famille et <strong>de</strong> mon attachement à <strong>la</strong> France. »Ce pacha, je le répète, est en fonctions actuellement: Est-ilun ennemi <strong>de</strong> <strong>la</strong> Franee ?C'est encore un officier, un jeune capitaine marocain —quatorze citations au litre <strong>de</strong> sa Croix <strong>de</strong> guerre, otfieier <strong>de</strong><strong>la</strong> Légion d'honneur — qui disait <strong>de</strong>vant moi à M. l'ambassa<strong>de</strong>urLacoste: « Monsieur l'ambassa<strong>de</strong>ur, j'ai pleuré <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes<strong>de</strong> sang le jour où vous avez touché à mon sultan et c'estpourquoi j'ai <strong>de</strong>mandé à partir pour l'Indochine, car j'aimetrop <strong>la</strong> France ».Mes ehers collègues, pourrez-vous croire que cette lettre queje vais, lire, qui date à peine <strong>de</strong> trois mois, est celle d un« aigre et féroce ennemi <strong>de</strong> <strong>la</strong> France ». La voici:« En tant que souverain marocain, nous nous <strong>de</strong>vions <strong>de</strong>faire du Maroc un pays évolué, capable <strong>de</strong> gérer sainementses propres alfaires. Dans notre esprit, une telle évolution,loin <strong>de</strong> <strong>de</strong>sservir l'amitié franco-marocaine, ne pouvait, bienau contraire, que <strong>la</strong> consoli<strong>de</strong>r et l'affermir.« Mais l'incompréhension et l'intrigue prévalurent là où<strong>de</strong>vaient l'emporter ia sagesse et <strong>la</strong> modération et c'est ainsique, faisant fi du long chemin parcouru ensemble, <strong>de</strong>s sacrificesmutuellement consentis, on a voulu faire avaliser par lepeuple français une décision comme celle du 20 août 1953.« Or, ce peuple <strong>de</strong> France, votre excellence... — c'est unelettre adressée au pacha Bekkaï — ... le connaît aussi bienque nous, car tous <strong>de</strong>ux, et à <strong>de</strong>s titres divers, nous avonscombattu pour lui. à un moment où le sort <strong>de</strong>s armes a faitadopter à beaucoup <strong>de</strong> personnes une expectative réservée,pour le moins que l'on puisse dire.