JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

autorités françaises sur l'administration de la Régence et derenforcer en même temps les prérogatives des autorités tunisiennes.De véritables transferts de pouvoirs s'opéraient sans contrepartieet sans que des garanties nouvelles nous fussent consentiespour la protection de nos intérêts.. Si l'évolution avait dû se poursuivre dans ce sens, il en seraitrésulté à bref délai de graves menaces pour certains intérêtsessentiels, menaces auxquelles il aurait été de plus en plusdifficile de parer.L'urgence se faisait donc sentir, tant pour ramener le calmeen Tunisie que pour assurer une protection efficace et durabledes intérêts français, de rechercher un règlement d'ensembledu problème tunisien.Ce règlement, le Gouvernement, au terme de l'examenapprofondi qu'il a fait de la situation et des larges consultationsauxquelles il a procédé, a abouti à la conclusion qu'iln'était réalisable que dans le cadre des rapports d'Etats entrela France et la Tunisie et sous forme d'un faisceau de conventionsétroitement solidaires les unes des autres, destinées, touten assurant l'autonomie interne de l'Etat tunisien, à fixer clairementles droits et obligations réciproques des deux pays etles garanties reconnues à la France et aux Français habitantla Tunisie.C'est dans ce sens, vous le savez, que le 31 juillet, à Cartilage,M. le président du conseil a défini, devant Son Altessele Bev, en la soumettant à son agrément, la politique que sepropose de suivre le Gouvernement en Tunisie.Le choc psychologique provoqué par la déclaration françaisedu 31 juillet'a engendré des répercussions immédiates sur leplan de la situation politique et dans le domaine de l'ordrepublic.Le terrorisme — M. Christian Pineau le rappelait tout àl'heure — a connu une régression sensible.Dans les villes, aucun attentat individuel n'a été enregistrédepuis l'assassinat, le 3 août, à Sousse, de M. Beech, ingénieurfrançais des travaux publics.Dans les campagnes, il subsiste une certaine agitation quitend d'ailleurs à s'atténuer. Nos troupes sont encore entréesen contact, à plusieurs reprises au cours de ces dernièressemaines, avec des bandes de fellaghas, notamment dans larégion de Gafsa.Quelques actes de terrorisme assez sporadiques ont encoreeu lieu : attentais individuels, sabotage d'une voie ferrée, incendied'une ferme.L'amélioration du climat en Tunisie s'est manifestée particulièrementlors de la tournée effectuée par le résident généralles 13 et 14 août dans le Sahel, la région de Sfax et celle de Sidibou-Zid,c'est-à-dire toutes les régions qui avaient élé les plustouchées par l'agitation.L'accueil réservé par la population au général de Latoura été extrêmement chaleureux. Dans le Sahel notamment, lerésident général a été l'objet de vives manifestations de sympathie., En raison de la détente ainsi enregistrée, le résident générala déjà prononcé la levée de toutes ies mesures d'éloignementqui avaient dû être prises lors de la période de troubles, àl'exception de cinq décisions d'éloignement frappant des individusparticulièrement dangereux.D'autre part, des mesures de libération conditionnelle etdes mesures cle grâce collective concernant des délits peu importantsou des condamnations déjà purgées dans une largemesure sont actuellement à l'étude.Cependant, conformément aux propositions françaises, unnouveau gouvernement tunisien, chargé à la fois d'assurer lagestion des affaires publiques et de conduire les négociationsavec la France, a été rapidement constitué.Le 2 août, Son Alfesse le Bey a confié la tâche de formerle gouvernement à M. Tahar Ben Amar, nationaliste indépendant,président de la chambre tunisienne d'agriculture.Celui-ci s'est efforcé de constituer un gouvernement d'union,conformément au vœu exprimé par le Gouvernement français,qni souhaitait que les diverses tendances de l'opinion tunisiennefussent représentées clans la nouvelle formation ministérielle.Investi le S août par le Bey, le gouvernement comprend cir.qindépendants, quatre représentants du Néo-Destour et un socialisteS. F. I. O.Ce gouvernement a été formé dans le cadre des réformes du4 mars 1954. Il comprend trois ministres d'Etat sans portefeuille,qui seront plus spécialement chargés, avec le président duconseil, de négocier les futures conventions avec ie Gouvernementfrançais.Il a été assuré de l'appui de la plupart des organisations politiqueset professionnelles tunisiennes. Seul le Vieux-De^toura marqué des réserves à l'égard du nouveau gouvernement, enrappelant son opposition à tous pourparlers avec la France quin'auraient pas pour objectif l'indépendance totale de 1a Tunisie,Sur l'invitation du Gouvernement français, MM. Tahir BenAmar et Masmoudi se sont rendus à Paris les 17 et 18 août.Au cours des conversations très cordiales qui ont eu lieu,les conditions générales dans lesquelles se dérouleront les prochainesnégociations francoduni-iennes ont été étudiées.Le communiqué commun publié à l'issue des entretiens mentionneofficiellement l'accord de Son Altesse le Bey et du.gouvernementtunisien aux propositions faites le 31 juillet supalais de Carthage par M. le président Mendès-France et indiqueque les négociations s'ouvriront au début de septembie àTunis, pour se poursuivre à Paris.Quelque hâte que nous ayons d'atteindre le but que nousnous sommes fixés, nous ne" devons pas d'ailleurs nous dissimulerque ces négociations ne pourront être menées à bienen quelques semaines. Le programme que nous avons à rempklrest vaste.Le domaine que couvrira chacune des conventions que nousprévoyons est encore mal défini. Ces conventions ne peuvents'improviser et chacune d'elles eSige une étude approfondiequi reste à faire.Au stade des travaux préliminaires où nous sommes, je nepuis soumeltre à l'Assemblée, à titre indicatif, qu'une énumérationprovisoire des conventions que nous envisageons, énumérationqui sera sujette à revision selon les nécessités queferont apparaître les études auxquelles vont procéder les deuxgouvernements avec des experts qualifiés.Une convention devra définir et garantir les droits et intérêtsdes Français en Tunisie et des Tunisiens en France, tant en cequi concerne leur établissement, leur accès aux professions,leurs droits de propriété, la protection de leurs droits dans tousles domaines qu'en ce qui concerne leur statut personnel enmatière de juridiction, d'enseignement, d'exercice des cultes etde représentation.Une convention judiciaire réglera le fonctionnement des tribunauxfrançais, ainsi que celui des juridictions mixtes.Une convention culturelle assurera à la fois la place du Françaisclans la vie du pays et son enseignement dans les établissementfrançais ou tunisiens. Elle fixera en même temps leSmodalités de coopération de la France dans tous fes domainesculturels et scientifiques.Les conventions économiques et monétaires matérialiserontles relations existant déjà entre la France et la Tunisie enmatière financière, douanière, monétaire et dans le domaine ducommerce extérieur. Elles préciseront les modalités de participationde la France au développement économique de la régencepar ses investissements tant publics que privés.Une convention fixera le statut des Français fonctionnairesde la régence en garantissant les droits acquis de ceux qui sontactuellement en service et les droits des retraités. Elle prévoiraégalement les modalités selon lesquelles, dans l'avenir,les Français pourront être appelés à servir dans les administrationstunisiennes. Elle prévoira aussi toutes les formes decollaboration administrative et technique qui pourront être établiestant dans le domaine public que dans le domaine privéentre les deux pays.D'autres conventions devront préciser les conditions danslesquelles, compte tenu cle l'octroi cle l'autonomie interne, laFrance continuera à assumer, comme par le passé, les responsabilitésmilitaires et diplomatiques en Tunisie.Enfin, une convention générale sera négociée qui, couvrantl'edifice que nous voulons construire, liera entre elles lesdiverses conventions particulières qui auront été conclues etplacera — nous le souhaitons — les nouvelles relations entre laFrance et la Tunisie dans un cadre qui dépasse l'une et l'autre,en donnant à ces relations une valeur d'exemple.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Me permettez-vous cle vousinterrompre, monsieur le ministre ?M. le ministre des affaires marocaines et tunisiennes. Je vousen prie.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Monsieur le ministre, je vousai posé il y a quelques instants, en l'absence de M. le présidentdu conseil, une question que j'avais déjà posée au coursde la séance du 10 août, M. Mendès-France étant alors à sonbanc.Permettez-moi de reprendre cette question, que je posaisdans les termes suivants :cf Tout cela requiert, et c'est pour moi le point essentiel,que la réforme constitutionnelle... » — dont, jusqu'à présent,monsieur le ministre, vous n'avez pas parlé, vous n'avez parléque des conventions partielles — « ... soit réalisée tant que subsistele régime du protectorat, c'est-à-dire par le Bey, seulsouverain, disposant seul du pouvoir constituant et a'gissantavec notre accord formel.