JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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11.07.2015 Views

nécessaire de faire pour atténuer l'indescriptible misère d'unetrop grande partie de la population qui lait contraste avec lafortune parfois outrancière de certaines autres, tout cela nesaurait être une politique digne de la France.Ceux d'entre vous qui comme moi ont beaucoup circulé enAfrique du Nord ont dû garder comme moi un souvenir humiliant.Je vois dans l'extrême Sud algérois des hommes couvertsde toile de sac ou d'une vieille couverture dans laquelle onavait fait un trou et qui, sur ces guenilles, portaient la Médaillemilitaire, l'un d'eux même la Légion d'honneur.J'en ai rougi pour mon pays et j'en ri rougi pour moi-même.(.Applaudissements au centre el à gauche.)Un fonctionnaire civil de rang élevé présent au Maroc m'écrivaitil y - quelques jours :« Pour définir en raccourci la cause profonde des difficultésde la France au Maroc, on devrait sans doute dire que la Francen'est pas, au Maroc, elle-même. »Voyez-vous, c'est là ce qu'il y a de plus grave.M. le président. Monsieur Fonlupt-Esperaber, je vous demandede bien vouloir conclure.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Pour céder aux instances deM. le président...M. le président. Elles sont motivées par l'organisation dudébat.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. ... je n'insisterai pas sur lesproblèmes analogues qui se posent en Algérie.Je ne me rappelle pas lequel de nos collègues, tout àl'heure, parlait de « l'Algérie, terre d'élection ». J'ai souri.L'allusion n'était pas méchante, mais en effet elle était trèsvraie en donnant à l'expression un sens fort différent de celuidans lequel elle était employée.A côté de ces élections qui rappellent par trop celles qui sapratiquent au delà du rideau de fer, il y a la tyrannie exercéesur certains fonctionnaires subalternes par certains fonctionnairesde rang plus élevé, et parfois aussi, disons-le, la tyrannieexercée par l'homme politique sur le fonctionnaire même derang élevé.Cela, mesdames, messieurs, nous ne pouvons pas l'admettre.Notre rôle vis-à-vis de l'Algérie est tout autre. Il est un rôlede libéralisme et de compréhension, il est aussi un rôle degénérosité.Il n'est pas posssible que nous continuions à croire que nousfaisons l'Afrique française en accordant 32 milliards de subventionsà un pays qui a besoin de centaines de milliards etdont nous ne ferons une véritable province française quesi nous consentons cet effort.Je conclurai par une citation que je considère comme prophétique:« L'empire Nord-Ouest africain de la France, auquel la prisede possession du Maroc et la réunion de l'Algérie *au Soudanpar l'occupation du Sahara ont mis le sceau, sera pour laFrance une cause de force ou de faiblesse selon qu'il serabien ou mal administré.« U a 30 millions d'habitants. Il en aura, grâce à la paix,le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrèsmatériel, riche, peuplé d'habitants rompus au maniement denos armes, habitués à notre discipline, dont l'élite aura reçul'instruction de nos écoles.« Si nou.5 n'avons pas su nous attacher ces peuples, nonseulement nous perdrons notre empire en entier, mais l'unitéque nous lui avons donnée, et qu'il a pour la première foisdepuis que le monde existe, se retournera contre nous. U serapour nous un voisin hostile, redoutable et barbare. »Et le père de Foucault, à qui j'emprunte ces termes, concluait— ce sera aussi ma conclusion;« Un peuple a, envers ses colonies » et je voudrais que tousle puissent comprendre « les devoirs des parents envers leursenfants: les rendre par l'éducatioon et l'instruction égaux ousupérieurs à ce qu'ils sont eux-mêmes. Dieu veuille que nouscomprenions enfin le sens de notre devoir. » (Applaudissementssur divers bancs, au centre et à gauche.)M. le président. La parole est à M. le ministre des affairesmarocaines et tunisiennes.H. Christian Fouchet, ministre des affaires marocaines ettunisiennes. Mes chers collègues, les interpellateurs qui viennentde prendre la parole ont posé au Gouvernement sur despoints précis, des questions précises, auxquelles je me réservede répondre demain, s'ils me le permettent, avec plus de précisionque je ne saurais le faire aujourd'hui. Je répondrai aussi,à ce moment-là, aux orateurs qui doivent encore intervenir dansce débat.Mais je voudrais dès aujourd'hui faire le point de la politiquedu Gouvernement à l'égard de la Tunisie et faire en mêmetemps un rapide exposé sur la situation marocaine.Dès la fin de la guerre, la nécessité est apparue d'orientervers des voies nouvelles la politique suivie jusqu'alors enTunisie. Il n'était pas possible dès ce moment d'ignorer lepuissant mouvement d'émancipation qui agitait, en Afriquecomme en Asie, la plupart des peuples soumis à la tutelledes puissances dites coloniales.Ce mouvement avait été accéléré par les conditions mêmesdans lesquelles s'était déroulé le conllit mondial et par ia résonancequ'avaient eue chez ces peuples les principes proclaméspar les alliés dans la charte de l'Atlantique.Les dispositions de la charte l des Nations unies auxquellesnous avions souscrit portaient elles-mêmes la marque de cetesprit nouveau favorable aux aspirations des peuples non autonomes.Successivement nous allions voir accéder à l'autonomieet à l'indépendance plusieurs états soumis jusqu'alors au statutcolonial et dont l'émancipation devait bientôt prendre valeurd'exemple.11 aurait été dangereux pour nous de ne pas prendre consciencede ces aspirations nouvelles. Il n'aurait pas non plusété conforme à nos traditions libérales de nous refuser à leurdonner satisfaction dans la mesure où elles paraissaient légitimeset où elles ne portaient pas atteinte à nos intérêtsessentiels.Aussi le préambule de notre Constitution votée en 1946 proclame-t-ilque « fidèle à sa mission traditionnelle la Franceentend conduire les peuples dont elle a la charge à la libertéde s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquementleurs propres affaires. »C'était déjà l'engagement solennel d'acheminer les'peuplesdépendants vers le régime d'autonomie interne.En Tunisie, nous pouvions d'autant moins nous refuser àcette évolution que, grâce à notre présence déjà ancienne dansce pays, une nombreuse élite s'y était constituée. Formée dansnos écoles, influencée par nos modes de penser, elle aspiraità participer plus largement à la gestion des affaires publiques.M. Halleguen disait tout à l'heure qu'il ne pensait pas que lepeuple tunisien d ésirât se mêler de ses propres affaires. Jelui rappelle une phrase du maréchal Lyautey qui, en 1920,disait: « Ce serait absolument une illusion de croire que lesNord-Africains acceptent l'ignorance des affaires publiques danslaquelle ils sont tenus. Ils "en souffrent et ils en causent. »M. Jean Félix-Tchicaya. C'était en 1920!M. le ministre des affaires marocaines et tunisiennes. Pxaisonde plus.M. Joseph Halleguen. Monsieur le ministre, me permettez-vousdo vous interrompre ?M. le ministre des affaires marocaines et tunisiennes. Volontiers.M. Joseph Halleguen. J'ai simplement dit que lorsqu'on adonné au peuple tunisien l'occasion de prouver son affectionpour les méthodes démocratiques par l'octroi de franchisescommunales, il avait prouvé à l'égard de ces franchises uneparfaite indifférence.M. Mostefa Benbhamed. Vous savez aussi bien que moi pourquoi.M. le ministre des affaires marocaines et tunisiennes. C'estdans ces conditions que tous les gouvernements précédents sesont engagés dans une politique de réformes qui tendait àaccroître progressivement la participation des Tunisiens dansli fonctionne ment des institutions, dans le cadre des pouvoirsque donnait à la France la convention de La Marsa.En ce qui concerne l'initiative des réformes, les mêmes gouvernementsont cherché à or ie a ter les institutions tunisieniidsdans un sens plus démocratique, tout en introduisant danscelles-ci des dispositions assurant la garantie des droits de laFrance et des Français.Je m'excuse d'être un peu austère dans l'exposé rapide queje fais de l'évolution de la politique de réformes poursuivie parla France depuis 1945, mais je le crois ulile pour la clarté dudossier et l'exposé de la politique française en Tunisie.Lorsque le général Mast fut nommé résident général en 1943, .l'administration de la Régence, si elle ne cessait d'être exercéeau nom du Bey, n'en était pas moins très largement, pour nepas dire totalement, entre les mains des hauts fonctionnairesfrançais. Ceux-ci géraient la totalité des services administratifs;les secteurs ministériels qui étaient placés sous l'autorité desministres tunisiens comprenaient seulement la justice — àl'exception de la justice française — les affaires caïdales etmunicipales ainsi que les hatoous.

Quant aux institutions représentatives, elles n'existaient avantguerre en Tunisie qu'à l'état d'ébauche. Le Grand Conseil, crééen 1922, ne disposant d'ailleurs que d'attributions financières,était constitué essentiellement par des représentants français —ceux-ci en majorité — et tunisiens.Une deuxième étape ne fut effectivement réalisée qu'en août1947, alors que M. Mons était devenu résident général à Tunis.Elle porta à la fois sur Je gouvernement et sur l'administrationen donnant des responsabilités plus larges aux Tunisiens parla création des ministères de la santé publique, du travail, del'agriculture et du commerce, et le conseil des ministres secomposa désormais de six ministres tunisiens et de sept hautsfonctionnaires français, y compris le résident.Malgré ces réformes de 1957, on ne peut cependant affirmer— et les événements n'ont cessé de le montrer — que lemouvement nationaliste ait cessé de se développer. En fait, undivorce de plus en plus net s'est créé entre le gouvernementet l'administration, d'une part, les milieux tunisiens évolués,d'autre part, et l'opposition n'a cessé de gagner du terrain.le fonctionnement du Grand Conseil se heurtait lui-même àdes difficultés de plus en .plus grandes. En avril 1950, sonAltesse le Bev s'adressa au Président de la République poursouligner l'impatience du peuple tunisien de voir réaliser desréformes substantielles et nécessaires dans les institutions dela Régence.Pour répondre au vœu de son Altesse le Bey et de 1 élitepolitique tunisienne, le gouverneront français s'st alors décidéa définir plus nettement les objectifs de la politique en Tunisieet à accentuer l'évolution déjà en cours.Le 13 juin, dans son discours d'arrivée dans la capitale de laRégence, M. Périllier proclama solennellement Ja volonté dugouvernement français d'acheminer la Tunisie vers son autonomieinterne. . .Après la constitution d'un nouveau gouvernement tunisien ausein duquel figurait le secrétaire général du Néo-Destour, uncommuniqué commun du résident général et du gouvernementtunisien fut publié, précisant que la tâche de ce gouvernementserait de négocier, au nom de son Altesse le Bey, les modificationsinstitutionnelles qui par étapes successives doivent conduirela Tunisie vers l'autonomie interne.Aussitôt les premières mesures étaient prises dans ce sens.Le 7 septembre 1950, un décret beylical supprima les c «nseillersfrançais placés auprès des ministres tunisiens. Le S février1951* la structure du gouvernement tunisien fut de nouveauprofondément remaniée en vue d'accroître les responsabilitésrie l'élément tunisien et de restreindre le contrôle français.Le conseil des ministres comprit désormais un nombre égalde membres français et de membres tunisiens. Sa piésidencefut confiée au premier ministre. Le résident général s en retiradéfinitivement. Le visa du secrétaire général sur ies arrêtésministériels fut supprimé et remplacé par une formule d'assentimentrésidentiel.En ce qui concerne l'accès à la fonction publique, des contingentsfurent prévus pour le recrutement des fonctionnairesfrançais, un quart, un tiers ou la moitié suivant les catégoriesd'emplois.A 'peine ce train de réformes avait-il été mis en place quenos partenaires tunisiens demandèrent que, conformément auxpromesses d'autonomie interne qui leur avaient été faites, l'onpassât à une élape nouvelle plus substantielle, et dont lemémoire de M. Chenik du 31 octobre 1951 fixant les trois pointsessentiels: d'abord la constitution d'un gouvernement tunisienhomogène ; ensuite la création d'une assemblée tunisienneélue, également homogène; enfin la « tunisification » de lafonction publique.On sait dans quelles conditions, à la «uite de la lettre du15 décembre 1951, les conversations engagées avec M. Clienikéchouèrent sur la question de la participation des Français auxnouvelles institutions tunisiennes.En insistant pour obtenir l'accord du gouvernement tunisienau principe d'une telle participation, le Gouvernementfrançais s'exposa alors au reproche de vouloir consacrer leprincipe de cosouveraineté formellement rejeté par les nationalistestunisiens et de vouloir revenir sur les promesses antérieuresd'autonomie interne.Il n'est pas nécessaire de rappeler les conséquences de cetéchec, la vague de terrorisme qui depuis de longs mois aensanglanté la Régence et a gravement menacé l'amitié francotunisienne.Après ia constitution du gouvernement BaccoucJie, en 1952,un nouveau projet de réformes fut élaboré par le Gouvernementfrançais. En en présentant les grandes lignés au Parlement,le 19 juin le Gouvernement confirmait une fois de plus,par la bouche de M. Robert Schuman, sa volonté de voir laTunisie s'acheminer vers l'autonomie interne. Ce plan de réformesétait présenté comme une nouvelle étape.Cependant, dès qu'ils furent connus à. Tunis, les textes dece projet suscitèrent la plus vive opposition de l'opinion nationaliste,et dans sa lettre du 9 septembre 1952, adressée à M. lePrésident de Ja République, Son Altesse le Bey se déclara horsd'état d'y souscrire.Seul le* sceau des décrets concernant la réforme des municipalitéset des conseils de caïdat fut ol)tenue en décembre 1952,non sans peine et après une démarche exceptionnellementpressante du Gouvernement français.L'hiver dernier, dans ia période de détente qui a suivi sonarrivés en Tunisie, M. Voizard s'est efforcé à son tour demettre sur pied un nouveau programme de réformes institutionnelles.Les réformes qui ont vu le jour le 4 mars derniermarquaient à coup sûr des progrès substantiels vers 1a réalisationde l'autonomie interne.La parité était rompue au sein du. gouvernement tunisien, quise composait désormais de huit membres tunisiens et dequatre membres français. L'assentiment du résident généralsur les arrêtés ministériels était supprimé et les attributionsdu secrétaire général étaient à nouveau réduites au profit decelles du premier ministre.Une assemblée tunisienne élue au suffrage universel étaitcréée, à laquelle devaient s'adjoindre, seulement en matièrebudgétaire, les membres de la' délégation représentative desFrançais de Tunisie, institution résidentielle, et les membresdes chambres économiques.Bien qu'elles eussent été acceptées par Son Altesse le Bey sces nouvelles réformes se heurtèrent aussitôt à l'oppositionquasi unanime des milieux nationalistes.L'agitation ayant repris, le ministère M'Zali dut démissionnersans qu'un nouveau gouvernement pût être constitué, l'administrationdevant être confiée à un cabinet de fonctionnaires.Quant aux élections yuévues à l'assemblée tunisienne, l'onne pouvait songer à les entreprendre dans le climat de troublesqui s'était alors instauré dans la Régence.A la fin de juillet, mes chers collègues, le bilan de la politiquede réformes s'avérait donc particulièrement décevant etinquiétant.Malgré les efforts entreplis par les gouvernements successifs,il fallait bien reconnaître que l'on aboutissait à un échec dansJa mise en place de nouvelles institutions régulières dans laRégence. Alors que l'agitation ne cessait de" croître, aucungouvernement tunisien ne pouvait être formé. La constitutiond'assemblées représentatives, dont la Tunisie est privée depuisia disparition du grand conseil en décembre 1951, paraissaitajournée à une échéance plus éloignée que jamais.Enfin, les conseils municipaux et les conseils de caïdat élusau printemps cie 1953 ne pouvaient fonctionner dans des conditionsnormales.A quelles raisons faut-il imputer ces échecs successifs ?Avant tout au caractère fragmentaire des réformes entrepriseset au fait que, surtout au cours de ces dernières années,elles ont toujours paru dépassées par les événements.Du jour où l'on avait choisi de s'orienter vers un régimed'autonomie interne et où des promesses solennelles avaientété faites en ce sens, il était fatal que nous nous heurtions,sur le choix et le rythme des étapes, à des impatiences de laport d'un mouvement nationaliste qui n'a cessé d'aller eu serenforçant.De là le malaise qui n'a cesse de régner en Tunisie au coursde ces dernières années, même dans la période où l'ordrepublic n'était pas menacé.Les hésitations et ies timidités de notre part ont été considéréescomme des reculs ou des dérobades par rapport aux engagementsque nous avions pris. C'est cette apparence d'une politiquedite en dents de scie, maintes fois dénoncée, qui a étédans une large mesure à l'origine des troubles qui ont ensanglanteJa Régence en 1952 et qui ont si gravement compromisle climat politique de ce pays.De plus, l'autonomie interne que nous avions promise nousnous sommes abstenus de la définir. De ià, de dangereuseséquivoques. Tandis que nous nous efforcions, nous fondantsur les droits que nous tirons de la convention de la Marsa,cîe donner une nouvelle structure aux institutions tunisiennesavec la préoccupation de garantir par cette voie institutionnelleles intérêts de la Fiance et des Français de Tunisie, lesnationalistes tunisiens manifestaient de plus en plus de hâtepour obtenir des institutions proprement tunisiennes. Il v avaitJa une source dè conflits pratiquement insolubles.Iî convient enfin de souligner que la politique de réformessuivie jusqu'à présent n'était pas sans présenter de graves dangerspour la sauvegarde des droits de la France et des droitsces français en Tunisie.Cette politique de concessions successives avait pour effetû amenuiser toujours davantage le contrôle exercé par les

Quant aux institutions représentatives, elles n'existaient avantguerre en Tunisie qu'à l'état d'ébauche. Le Grand Conseil, crééen 1922, ne disposant d'ailleurs que d'attributions financières,était constitué essentiellement par <strong>de</strong>s représentants français —ceux-ci en majorité — et tunisiens.Une <strong>de</strong>uxième étape ne fut effectivement réalisée qu'en août1947, alors que M. Mons était <strong>de</strong>venu rési<strong>de</strong>nt général à Tunis.Elle porta à <strong>la</strong> fois sur Je gouvernement et sur l'administrationen donnant <strong>de</strong>s responsabilités plus <strong>la</strong>rges aux Tunisiens par<strong>la</strong> création <strong>de</strong>s ministères <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique, du travail, <strong>de</strong>l'agriculture et du commerce, et le conseil <strong>de</strong>s ministres secomposa désormais <strong>de</strong> six ministres tunisiens et <strong>de</strong> sept hautsfonctionnaires français, y compris le rési<strong>de</strong>nt.Malgré ces réformes <strong>de</strong> 1957, on ne peut cependant affirmer— et les événements n'ont cessé <strong>de</strong> le montrer — que lemouvement nationaliste ait cessé <strong>de</strong> se développer. En fait, undivorce <strong>de</strong> plus en plus net s'est créé entre le gouvernementet l'administration, d'une part, les milieux tunisiens évolués,d'autre part, et l'opposition n'a cessé <strong>de</strong> gagner du terrain.le fonctionnement du Grand Conseil se heurtait lui-même à<strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> plus en .plus gran<strong>de</strong>s. En avril 1950, sonAltesse le Bev s'adressa au Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République poursouligner l'impatience du peuple tunisien <strong>de</strong> voir réaliser <strong>de</strong>sréformes substantielles et nécessaires dans les institutions <strong>de</strong><strong>la</strong> Régence.Pour répondre au vœu <strong>de</strong> son Altesse le Bey et <strong>de</strong> 1 élitepolitique tunisienne, le gouverneront français s'st alors décidéa définir plus nettement les objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique en Tunisieet à accentuer l'évolution déjà en cours.Le 13 juin, dans son discours d'arrivée dans <strong>la</strong> capitale <strong>de</strong> <strong>la</strong>Régence, M. Périllier proc<strong>la</strong>ma solennellement Ja volonté dugouvernement français d'acheminer <strong>la</strong> Tunisie vers son autonomieinterne. . .Après <strong>la</strong> constitution d'un nouveau gouvernement tunisien ausein duquel figurait le secrétaire général du Néo-Destour, uncommuniqué commun du rési<strong>de</strong>nt général et du gouvernementtunisien fut publié, précisant que <strong>la</strong> tâche <strong>de</strong> ce gouvernementserait <strong>de</strong> négocier, au nom <strong>de</strong> son Altesse le Bey, les modificationsinstitutionnelles qui par étapes successives doivent conduire<strong>la</strong> Tunisie vers l'autonomie interne.Aussitôt les premières mesures étaient prises dans ce sens.Le 7 septembre 1950, un décret beylical supprima les c «nseillersfrançais p<strong>la</strong>cés auprès <strong>de</strong>s ministres tunisiens. Le S février1951* <strong>la</strong> structure du gouvernement tunisien fut <strong>de</strong> nouveauprofondément remaniée en vue d'accroître les responsabilitésrie l'élément tunisien et <strong>de</strong> restreindre le contrôle français.Le conseil <strong>de</strong>s ministres comprit désormais un nombre égal<strong>de</strong> membres français et <strong>de</strong> membres tunisiens. Sa piési<strong>de</strong>ncefut confiée au premier ministre. Le rési<strong>de</strong>nt général s en retiradéfinitivement. Le visa du secrétaire général sur ies arrêtésministériels fut supprimé et remp<strong>la</strong>cé par une formule d'assentimentrési<strong>de</strong>ntiel.En ce qui concerne l'accès à <strong>la</strong> fonction publique, <strong>de</strong>s contingentsfurent prévus pour le recrutement <strong>de</strong>s fonctionnairesfrançais, un quart, un tiers ou <strong>la</strong> moitié suivant les catégoriesd'emplois.A 'peine ce train <strong>de</strong> réformes avait-il été mis en p<strong>la</strong>ce quenos partenaires tunisiens <strong>de</strong>mandèrent que, conformément auxpromesses d'autonomie interne qui leur avaient été faites, l'onpassât à une é<strong>la</strong>pe nouvelle plus substantielle, et dont lemémoire <strong>de</strong> M. Chenik du 31 octobre 1951 fixant les trois pointsessentiels: d'abord <strong>la</strong> constitution d'un gouvernement tunisienhomogène ; ensuite <strong>la</strong> création d'une assemblée tunisienneélue, également homogène; enfin <strong>la</strong> « tunisification » <strong>de</strong> <strong>la</strong>fonction publique.On sait dans quelles conditions, à <strong>la</strong> «uite <strong>de</strong> <strong>la</strong> lettre du15 décembre 1951, les conversations engagées avec M. Clienikéchouèrent sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>s Français auxnouvelles institutions tunisiennes.En insistant pour obtenir l'accord du gouvernement tunisienau principe d'une telle participation, le Gouvernementfrançais s'exposa alors au reproche <strong>de</strong> vouloir consacrer leprincipe <strong>de</strong> cosouveraineté formellement rejeté par les nationalistestunisiens et <strong>de</strong> vouloir revenir sur les promesses antérieuresd'autonomie interne.Il n'est pas nécessaire <strong>de</strong> rappeler les conséquences <strong>de</strong> cetéchec, <strong>la</strong> vague <strong>de</strong> terrorisme qui <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> longs mois aensang<strong>la</strong>nté <strong>la</strong> Régence et a gravement menacé l'amitié francotunisienne.Après ia constitution du gouvernement BaccoucJie, en 1952,un nouveau projet <strong>de</strong> réformes fut é<strong>la</strong>boré par le Gouvernementfrançais. En en présentant les gran<strong>de</strong>s lignés au Parlement,le 19 juin le Gouvernement confirmait une fois <strong>de</strong> plus,par <strong>la</strong> bouche <strong>de</strong> M. Robert Schuman, sa volonté <strong>de</strong> voir <strong>la</strong>Tunisie s'acheminer vers l'autonomie interne. Ce p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> réformesétait présenté comme une nouvelle étape.Cependant, dès qu'ils furent connus à. Tunis, les textes <strong>de</strong>ce projet suscitèrent <strong>la</strong> plus vive opposition <strong>de</strong> l'opinion nationaliste,et dans sa lettre du 9 septembre 1952, adressée à M. lePrési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Ja République, Son Altesse le Bey se déc<strong>la</strong>ra horsd'état d'y souscrire.Seul le* sceau <strong>de</strong>s décrets concernant <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong>s municipalitéset <strong>de</strong>s conseils <strong>de</strong> caïdat fut ol)tenue en décembre 1952,non sans peine et après une démarche exceptionnellementpressante du Gouvernement français.L'hiver <strong>de</strong>rnier, dans ia pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> détente qui a suivi sonarrivés en Tunisie, M. Voizard s'est efforcé à son tour <strong>de</strong>mettre sur pied un nouveau programme <strong>de</strong> réformes institutionnelles.Les réformes qui ont vu le jour le 4 mars <strong>de</strong>rniermarquaient à coup sûr <strong>de</strong>s progrès substantiels vers 1a réalisation<strong>de</strong> l'autonomie interne.La parité était rompue au sein du. gouvernement tunisien, quise composait désormais <strong>de</strong> huit membres tunisiens et <strong>de</strong>quatre membres français. L'assentiment du rési<strong>de</strong>nt généralsur les arrêtés ministériels était supprimé et les attributionsdu secrétaire général étaient à nouveau réduites au profit <strong>de</strong>celles du premier ministre.Une assemblée tunisienne élue au suffrage universel étaitcréée, à <strong>la</strong>quelle <strong>de</strong>vaient s'adjoindre, seulement en matièrebudgétaire, les membres <strong>de</strong> <strong>la</strong>' délégation représentative <strong>de</strong>sFrançais <strong>de</strong> Tunisie, institution rési<strong>de</strong>ntielle, et les membres<strong>de</strong>s chambres économiques.Bien qu'elles eussent été acceptées par Son Altesse le Bey sces nouvelles réformes se heurtèrent aussitôt à l'oppositionquasi unanime <strong>de</strong>s milieux nationalistes.L'agitation ayant repris, le ministère M'Zali dut démissionnersans qu'un nouveau gouvernement pût être constitué, l'administration<strong>de</strong>vant être confiée à un cabinet <strong>de</strong> fonctionnaires.Quant aux élections yuévues à l'assemblée tunisienne, l'onne pouvait songer à les entreprendre dans le climat <strong>de</strong> troublesqui s'était alors instauré dans <strong>la</strong> Régence.A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> juillet, mes chers collègues, le bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique<strong>de</strong> réformes s'avérait donc particulièrement décevant etinquiétant.Malgré les efforts entreplis par les gouvernements successifs,il fal<strong>la</strong>it bien reconnaître que l'on aboutissait à un échec dansJa mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> nouvelles institutions régulières dans <strong>la</strong>Régence. Alors que l'agitation ne cessait <strong>de</strong>" croître, aucungouvernement tunisien ne pouvait être formé. La constitutiond'assemblées représentatives, dont <strong>la</strong> Tunisie est privée <strong>de</strong>puisia disparition du grand conseil en décembre 1951, paraissaitajournée à une échéance plus éloignée que jamais.Enfin, les conseils municipaux et les conseils <strong>de</strong> caïdat élusau printemps cie 1953 ne pouvaient fonctionner dans <strong>de</strong>s conditionsnormales.A quelles raisons faut-il imputer ces échecs successifs ?Avant tout au caractère fragmentaire <strong>de</strong>s réformes entrepriseset au fait que, surtout au cours <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières années,elles ont toujours paru dépassées par les événements.Du jour où l'on avait choisi <strong>de</strong> s'orienter vers un régimed'autonomie interne et où <strong>de</strong>s promesses solennelles avaientété faites en ce sens, il était fatal que nous nous heurtions,sur le choix et le rythme <strong>de</strong>s étapes, à <strong>de</strong>s impatiences <strong>de</strong> <strong>la</strong>port d'un mouvement nationaliste qui n'a cessé d'aller eu serenforçant.De là le ma<strong>la</strong>ise qui n'a cesse <strong>de</strong> régner en Tunisie au cours<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières années, même dans <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> où l'ordrepublic n'était pas menacé.Les hésitations et ies timidités <strong>de</strong> notre part ont été considéréescomme <strong>de</strong>s reculs ou <strong>de</strong>s déroba<strong>de</strong>s par rapport aux engagementsque nous avions pris. C'est cette apparence d'une politiquedite en <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> scie, maintes fois dénoncée, qui a étédans une <strong>la</strong>rge mesure à l'origine <strong>de</strong>s troubles qui ont ensang<strong>la</strong>nteJa Régence en 1952 et qui ont si gravement compromisle climat politique <strong>de</strong> ce pays.De plus, l'autonomie interne que nous avions promise nousnous sommes abstenus <strong>de</strong> <strong>la</strong> définir. De ià, <strong>de</strong> dangereuseséquivoques. Tandis que nous nous efforcions, nous fondantsur les droits que nous tirons <strong>de</strong> <strong>la</strong> convention <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marsa,cîe donner une nouvelle structure aux institutions tunisiennesavec <strong>la</strong> préoccupation <strong>de</strong> garantir par cette voie institutionnelleles intérêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fiance et <strong>de</strong>s Français <strong>de</strong> Tunisie, lesnationalistes tunisiens manifestaient <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> hâtepour obtenir <strong>de</strong>s institutions proprement tunisiennes. Il v avaitJa une source dè conflits pratiquement insolubles.Iî convient enfin <strong>de</strong> souligner que <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> réformessuivie jusqu'à présent n'était pas sans présenter <strong>de</strong> graves dangerspour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et <strong>de</strong>s droitsces français en Tunisie.Cette politique <strong>de</strong> concessions successives avait pour effetû amenuiser toujours davantage le contrôle exercé par les

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