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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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nécessaire <strong>de</strong> faire pour atténuer l'in<strong>de</strong>scriptible misère d'unetrop gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion qui <strong>la</strong>it contraste avec <strong>la</strong>fortune parfois outrancière <strong>de</strong> certaines autres, tout ce<strong>la</strong> nesaurait être une politique digne <strong>de</strong> <strong>la</strong> France.Ceux d'entre vous qui comme moi ont beaucoup circulé enAfrique du Nord ont dû gar<strong>de</strong>r comme moi un souvenir humiliant.Je vois dans l'extrême Sud algérois <strong>de</strong>s hommes couverts<strong>de</strong> toile <strong>de</strong> sac ou d'une vieille couverture dans <strong>la</strong>quelle onavait fait un trou et qui, sur ces guenilles, portaient <strong>la</strong> Médaillemilitaire, l'un d'eux même <strong>la</strong> Légion d'honneur.J'en ai rougi pour mon pays et j'en ri rougi pour moi-même.(.App<strong>la</strong>udissements au centre el à gauche.)Un fonctionnaire civil <strong>de</strong> rang élevé présent au Maroc m'écrivaitil y - quelques jours :« Pour définir en raccourci <strong>la</strong> cause profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s difficultés<strong>de</strong> <strong>la</strong> France au Maroc, on <strong>de</strong>vrait sans doute dire que <strong>la</strong> Francen'est pas, au Maroc, elle-même. »Voyez-vous, c'est là ce qu'il y a <strong>de</strong> plus grave.M. le prési<strong>de</strong>nt. Monsieur Fonlupt-Esperaber, je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> bien vouloir conclure.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Pour cé<strong>de</strong>r aux instances <strong>de</strong>M. le prési<strong>de</strong>nt...M. le prési<strong>de</strong>nt. Elles sont motivées par l'organisation dudébat.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. ... je n'insisterai pas sur lesproblèmes analogues qui se posent en Algérie.Je ne me rappelle pas lequel <strong>de</strong> nos collègues, tout àl'heure, par<strong>la</strong>it <strong>de</strong> « l'Algérie, terre d'élection ». J'ai souri.L'allusion n'était pas méchante, mais en effet elle était trèsvraie en donnant à l'expression un sens fort différent <strong>de</strong> celuidans lequel elle était employée.A côté <strong>de</strong> ces élections qui rappellent par trop celles qui sapratiquent au <strong>de</strong>là du ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> fer, il y a <strong>la</strong> tyrannie exercéesur certains fonctionnaires subalternes par certains fonctionnaires<strong>de</strong> rang plus élevé, et parfois aussi, disons-le, <strong>la</strong> tyrannieexercée par l'homme politique sur le fonctionnaire même <strong>de</strong>rang élevé.Ce<strong>la</strong>, mesdames, messieurs, nous ne pouvons pas l'admettre.Notre rôle vis-à-vis <strong>de</strong> l'Algérie est tout autre. Il est un rôle<strong>de</strong> libéralisme et <strong>de</strong> compréhension, il est aussi un rôle <strong>de</strong>générosité.Il n'est pas posssible que nous continuions à croire que nousfaisons l'Afrique française en accordant 32 milliards <strong>de</strong> subventionsà un pays qui a besoin <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong> milliards etdont nous ne ferons une véritable province française quesi nous consentons cet effort.Je conclurai par une citation que je considère comme prophétique:« L'empire Nord-Ouest africain <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, auquel <strong>la</strong> prise<strong>de</strong> possession du Maroc et <strong>la</strong> réunion <strong>de</strong> l'Algérie *au Soudanpar l'occupation du Sahara ont mis le sceau, sera pour <strong>la</strong>France une cause <strong>de</strong> force ou <strong>de</strong> faiblesse selon qu'il serabien ou mal administré.« U a 30 millions d'habitants. Il en aura, grâce à <strong>la</strong> paix,le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrèsmatériel, riche, peuplé d'habitants rompus au maniement <strong>de</strong>nos armes, habitués à notre discipline, dont l'élite aura reçul'instruction <strong>de</strong> nos écoles.« Si nou.5 n'avons pas su nous attacher ces peuples, nonseulement nous perdrons notre empire en entier, mais l'unitéque nous lui avons donnée, et qu'il a pour <strong>la</strong> première fois<strong>de</strong>puis que le mon<strong>de</strong> existe, se retournera contre nous. U serapour nous un voisin hostile, redoutable et barbare. »Et le père <strong>de</strong> Foucault, à qui j'emprunte ces termes, concluait— ce sera aussi ma conclusion;« Un peuple a, envers ses colonies » et je voudrais que tousle puissent comprendre « les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong>s parents envers leursenfants: les rendre par l'éducatioon et l'instruction égaux ousupérieurs à ce qu'ils sont eux-mêmes. Dieu veuille que nouscomprenions enfin le sens <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>voir. » (App<strong>la</strong>udissementssur divers bancs, au centre et à gauche.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. le ministre <strong>de</strong>s affairesmarocaines et tunisiennes.H. Christian Fouchet, ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines ettunisiennes. Mes chers collègues, les interpel<strong>la</strong>teurs qui viennent<strong>de</strong> prendre <strong>la</strong> parole ont posé au Gouvernement sur <strong>de</strong>spoints précis, <strong>de</strong>s questions précises, auxquelles je me réserve<strong>de</strong> répondre <strong>de</strong>main, s'ils me le permettent, avec plus <strong>de</strong> précisionque je ne saurais le faire aujourd'hui. Je répondrai aussi,à ce moment-là, aux orateurs qui doivent encore intervenir dansce débat.Mais je voudrais dès aujourd'hui faire le point <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiquedu Gouvernement à l'égard <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie et faire en mêmetemps un rapi<strong>de</strong> exposé sur <strong>la</strong> situation marocaine.Dès <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre, <strong>la</strong> nécessité est apparue d'orientervers <strong>de</strong>s voies nouvelles <strong>la</strong> politique suivie jusqu'alors enTunisie. Il n'était pas possible dès ce moment d'ignorer lepuissant mouvement d'émancipation qui agitait, en Afriquecomme en Asie, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s peuples soumis à <strong>la</strong> tutelle<strong>de</strong>s puissances dites coloniales.Ce mouvement avait été accéléré par les conditions mêmesdans lesquelles s'était déroulé le conllit mondial et par ia résonancequ'avaient eue chez ces peuples les principes proc<strong>la</strong>méspar les alliés dans <strong>la</strong> charte <strong>de</strong> l'At<strong>la</strong>ntique.Les dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> charte l <strong>de</strong>s Nations unies auxquellesnous avions souscrit portaient elles-mêmes <strong>la</strong> marque <strong>de</strong> cetesprit nouveau favorable aux aspirations <strong>de</strong>s peuples non autonomes.Successivement nous allions voir accé<strong>de</strong>r à l'autonomieet à l'indépendance plusieurs états soumis jusqu'alors au statutcolonial et dont l'émancipation <strong>de</strong>vait bientôt prendre valeurd'exemple.11 aurait été dangereux pour nous <strong>de</strong> ne pas prendre conscience<strong>de</strong> ces aspirations nouvelles. Il n'aurait pas non plusété conforme à nos traditions libérales <strong>de</strong> nous refuser à leurdonner satisfaction dans <strong>la</strong> mesure où elles paraissaient légitimeset où elles ne portaient pas atteinte à nos intérêtsessentiels.Aussi le préambule <strong>de</strong> notre Constitution votée en 1946 proc<strong>la</strong>me-t-ilque « fidèle à sa mission traditionnelle <strong>la</strong> Franceentend conduire les peuples dont elle a <strong>la</strong> charge à <strong>la</strong> liberté<strong>de</strong> s'administrer eux-mêmes et <strong>de</strong> gérer démocratiquementleurs propres affaires. »C'était déjà l'engagement solennel d'acheminer les'peuplesdépendants vers le régime d'autonomie interne.En Tunisie, nous pouvions d'autant moins nous refuser àcette évolution que, grâce à notre présence déjà ancienne dansce pays, une nombreuse élite s'y était constituée. Formée dansnos écoles, influencée par nos mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> penser, elle aspiraità participer plus <strong>la</strong>rgement à <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s affaires publiques.M. Halleguen disait tout à l'heure qu'il ne pensait pas que lepeuple tunisien d ésirât se mêler <strong>de</strong> ses propres affaires. Jelui rappelle une phrase du maréchal Lyautey qui, en 1920,disait: « Ce serait absolument une illusion <strong>de</strong> croire que lesNord-Africains acceptent l'ignorance <strong>de</strong>s affaires publiques dans<strong>la</strong>quelle ils sont tenus. Ils "en souffrent et ils en causent. »M. Jean Félix-Tchicaya. C'était en 1920!M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Pxaison<strong>de</strong> plus.M. Joseph Halleguen. Monsieur le ministre, me permettez-vousdo vous interrompre ?M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Volontiers.M. Joseph Halleguen. J'ai simplement dit que lorsqu'on adonné au peuple tunisien l'occasion <strong>de</strong> prouver son affectionpour les métho<strong>de</strong>s démocratiques par l'octroi <strong>de</strong> franchisescommunales, il avait prouvé à l'égard <strong>de</strong> ces franchises uneparfaite indifférence.M. Mostefa Benbhamed. Vous savez aussi bien que moi pourquoi.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. C'estdans ces conditions que tous les gouvernements précé<strong>de</strong>nts sesont engagés dans une politique <strong>de</strong> réformes qui tendait àaccroître progressivement <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>s Tunisiens dansli fonctionne ment <strong>de</strong>s institutions, dans le cadre <strong>de</strong>s pouvoirsque donnait à <strong>la</strong> France <strong>la</strong> convention <strong>de</strong> La Marsa.En ce qui concerne l'initiative <strong>de</strong>s réformes, les mêmes gouvernementsont cherché à or ie a ter les institutions tunisieniidsdans un sens plus démocratique, tout en introduisant danscelles-ci <strong>de</strong>s dispositions assurant <strong>la</strong> garantie <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> <strong>la</strong>France et <strong>de</strong>s Français.Je m'excuse d'être un peu austère dans l'exposé rapi<strong>de</strong> queje fais <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> réformes poursuivie par<strong>la</strong> France <strong>de</strong>puis 1945, mais je le crois ulile pour <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté dudossier et l'exposé <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique française en Tunisie.Lorsque le général Mast fut nommé rési<strong>de</strong>nt général en 1943, .l'administration <strong>de</strong> <strong>la</strong> Régence, si elle ne cessait d'être exercéeau nom du Bey, n'en était pas moins très <strong>la</strong>rgement, pour nepas dire totalement, entre les mains <strong>de</strong>s hauts fonctionnairesfrançais. Ceux-ci géraient <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s services administratifs;les secteurs ministériels qui étaient p<strong>la</strong>cés sous l'autorité <strong>de</strong>sministres tunisiens comprenaient seulement <strong>la</strong> justice — àl'exception <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice française — les affaires caïdales etmunicipales ainsi que les hatoous.

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