nécessaire <strong>de</strong> faire pour atténuer l'in<strong>de</strong>scriptible misère d'unetrop gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion qui <strong>la</strong>it contraste avec <strong>la</strong>fortune parfois outrancière <strong>de</strong> certaines autres, tout ce<strong>la</strong> nesaurait être une politique digne <strong>de</strong> <strong>la</strong> France.Ceux d'entre vous qui comme moi ont beaucoup circulé enAfrique du Nord ont dû gar<strong>de</strong>r comme moi un souvenir humiliant.Je vois dans l'extrême Sud algérois <strong>de</strong>s hommes couverts<strong>de</strong> toile <strong>de</strong> sac ou d'une vieille couverture dans <strong>la</strong>quelle onavait fait un trou et qui, sur ces guenilles, portaient <strong>la</strong> Médaillemilitaire, l'un d'eux même <strong>la</strong> Légion d'honneur.J'en ai rougi pour mon pays et j'en ri rougi pour moi-même.(.App<strong>la</strong>udissements au centre el à gauche.)Un fonctionnaire civil <strong>de</strong> rang élevé présent au Maroc m'écrivaitil y - quelques jours :« Pour définir en raccourci <strong>la</strong> cause profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s difficultés<strong>de</strong> <strong>la</strong> France au Maroc, on <strong>de</strong>vrait sans doute dire que <strong>la</strong> Francen'est pas, au Maroc, elle-même. »Voyez-vous, c'est là ce qu'il y a <strong>de</strong> plus grave.M. le prési<strong>de</strong>nt. Monsieur Fonlupt-Esperaber, je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> bien vouloir conclure.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Pour cé<strong>de</strong>r aux instances <strong>de</strong>M. le prési<strong>de</strong>nt...M. le prési<strong>de</strong>nt. Elles sont motivées par l'organisation dudébat.M. Jacques Fonlupt-Esperaber. ... je n'insisterai pas sur lesproblèmes analogues qui se posent en Algérie.Je ne me rappelle pas lequel <strong>de</strong> nos collègues, tout àl'heure, par<strong>la</strong>it <strong>de</strong> « l'Algérie, terre d'élection ». J'ai souri.L'allusion n'était pas méchante, mais en effet elle était trèsvraie en donnant à l'expression un sens fort différent <strong>de</strong> celuidans lequel elle était employée.A côté <strong>de</strong> ces élections qui rappellent par trop celles qui sapratiquent au <strong>de</strong>là du ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> fer, il y a <strong>la</strong> tyrannie exercéesur certains fonctionnaires subalternes par certains fonctionnaires<strong>de</strong> rang plus élevé, et parfois aussi, disons-le, <strong>la</strong> tyrannieexercée par l'homme politique sur le fonctionnaire même <strong>de</strong>rang élevé.Ce<strong>la</strong>, mesdames, messieurs, nous ne pouvons pas l'admettre.Notre rôle vis-à-vis <strong>de</strong> l'Algérie est tout autre. Il est un rôle<strong>de</strong> libéralisme et <strong>de</strong> compréhension, il est aussi un rôle <strong>de</strong>générosité.Il n'est pas posssible que nous continuions à croire que nousfaisons l'Afrique française en accordant 32 milliards <strong>de</strong> subventionsà un pays qui a besoin <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong> milliards etdont nous ne ferons une véritable province française quesi nous consentons cet effort.Je conclurai par une citation que je considère comme prophétique:« L'empire Nord-Ouest africain <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, auquel <strong>la</strong> prise<strong>de</strong> possession du Maroc et <strong>la</strong> réunion <strong>de</strong> l'Algérie *au Soudanpar l'occupation du Sahara ont mis le sceau, sera pour <strong>la</strong>France une cause <strong>de</strong> force ou <strong>de</strong> faiblesse selon qu'il serabien ou mal administré.« U a 30 millions d'habitants. Il en aura, grâce à <strong>la</strong> paix,le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrèsmatériel, riche, peuplé d'habitants rompus au maniement <strong>de</strong>nos armes, habitués à notre discipline, dont l'élite aura reçul'instruction <strong>de</strong> nos écoles.« Si nou.5 n'avons pas su nous attacher ces peuples, nonseulement nous perdrons notre empire en entier, mais l'unitéque nous lui avons donnée, et qu'il a pour <strong>la</strong> première fois<strong>de</strong>puis que le mon<strong>de</strong> existe, se retournera contre nous. U serapour nous un voisin hostile, redoutable et barbare. »Et le père <strong>de</strong> Foucault, à qui j'emprunte ces termes, concluait— ce sera aussi ma conclusion;« Un peuple a, envers ses colonies » et je voudrais que tousle puissent comprendre « les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong>s parents envers leursenfants: les rendre par l'éducatioon et l'instruction égaux ousupérieurs à ce qu'ils sont eux-mêmes. Dieu veuille que nouscomprenions enfin le sens <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>voir. » (App<strong>la</strong>udissementssur divers bancs, au centre et à gauche.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. le ministre <strong>de</strong>s affairesmarocaines et tunisiennes.H. Christian Fouchet, ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines ettunisiennes. Mes chers collègues, les interpel<strong>la</strong>teurs qui viennent<strong>de</strong> prendre <strong>la</strong> parole ont posé au Gouvernement sur <strong>de</strong>spoints précis, <strong>de</strong>s questions précises, auxquelles je me réserve<strong>de</strong> répondre <strong>de</strong>main, s'ils me le permettent, avec plus <strong>de</strong> précisionque je ne saurais le faire aujourd'hui. Je répondrai aussi,à ce moment-là, aux orateurs qui doivent encore intervenir dansce débat.Mais je voudrais dès aujourd'hui faire le point <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiquedu Gouvernement à l'égard <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie et faire en mêmetemps un rapi<strong>de</strong> exposé sur <strong>la</strong> situation marocaine.Dès <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre, <strong>la</strong> nécessité est apparue d'orientervers <strong>de</strong>s voies nouvelles <strong>la</strong> politique suivie jusqu'alors enTunisie. Il n'était pas possible dès ce moment d'ignorer lepuissant mouvement d'émancipation qui agitait, en Afriquecomme en Asie, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s peuples soumis à <strong>la</strong> tutelle<strong>de</strong>s puissances dites coloniales.Ce mouvement avait été accéléré par les conditions mêmesdans lesquelles s'était déroulé le conllit mondial et par ia résonancequ'avaient eue chez ces peuples les principes proc<strong>la</strong>méspar les alliés dans <strong>la</strong> charte <strong>de</strong> l'At<strong>la</strong>ntique.Les dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> charte l <strong>de</strong>s Nations unies auxquellesnous avions souscrit portaient elles-mêmes <strong>la</strong> marque <strong>de</strong> cetesprit nouveau favorable aux aspirations <strong>de</strong>s peuples non autonomes.Successivement nous allions voir accé<strong>de</strong>r à l'autonomieet à l'indépendance plusieurs états soumis jusqu'alors au statutcolonial et dont l'émancipation <strong>de</strong>vait bientôt prendre valeurd'exemple.11 aurait été dangereux pour nous <strong>de</strong> ne pas prendre conscience<strong>de</strong> ces aspirations nouvelles. Il n'aurait pas non plusété conforme à nos traditions libérales <strong>de</strong> nous refuser à leurdonner satisfaction dans <strong>la</strong> mesure où elles paraissaient légitimeset où elles ne portaient pas atteinte à nos intérêtsessentiels.Aussi le préambule <strong>de</strong> notre Constitution votée en 1946 proc<strong>la</strong>me-t-ilque « fidèle à sa mission traditionnelle <strong>la</strong> Franceentend conduire les peuples dont elle a <strong>la</strong> charge à <strong>la</strong> liberté<strong>de</strong> s'administrer eux-mêmes et <strong>de</strong> gérer démocratiquementleurs propres affaires. »C'était déjà l'engagement solennel d'acheminer les'peuplesdépendants vers le régime d'autonomie interne.En Tunisie, nous pouvions d'autant moins nous refuser àcette évolution que, grâce à notre présence déjà ancienne dansce pays, une nombreuse élite s'y était constituée. Formée dansnos écoles, influencée par nos mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> penser, elle aspiraità participer plus <strong>la</strong>rgement à <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s affaires publiques.M. Halleguen disait tout à l'heure qu'il ne pensait pas que lepeuple tunisien d ésirât se mêler <strong>de</strong> ses propres affaires. Jelui rappelle une phrase du maréchal Lyautey qui, en 1920,disait: « Ce serait absolument une illusion <strong>de</strong> croire que lesNord-Africains acceptent l'ignorance <strong>de</strong>s affaires publiques dans<strong>la</strong>quelle ils sont tenus. Ils "en souffrent et ils en causent. »M. Jean Félix-Tchicaya. C'était en 1920!M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Pxaison<strong>de</strong> plus.M. Joseph Halleguen. Monsieur le ministre, me permettez-vousdo vous interrompre ?M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Volontiers.M. Joseph Halleguen. J'ai simplement dit que lorsqu'on adonné au peuple tunisien l'occasion <strong>de</strong> prouver son affectionpour les métho<strong>de</strong>s démocratiques par l'octroi <strong>de</strong> franchisescommunales, il avait prouvé à l'égard <strong>de</strong> ces franchises uneparfaite indifférence.M. Mostefa Benbhamed. Vous savez aussi bien que moi pourquoi.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. C'estdans ces conditions que tous les gouvernements précé<strong>de</strong>nts sesont engagés dans une politique <strong>de</strong> réformes qui tendait àaccroître progressivement <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>s Tunisiens dansli fonctionne ment <strong>de</strong>s institutions, dans le cadre <strong>de</strong>s pouvoirsque donnait à <strong>la</strong> France <strong>la</strong> convention <strong>de</strong> La Marsa.En ce qui concerne l'initiative <strong>de</strong>s réformes, les mêmes gouvernementsont cherché à or ie a ter les institutions tunisieniidsdans un sens plus démocratique, tout en introduisant danscelles-ci <strong>de</strong>s dispositions assurant <strong>la</strong> garantie <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> <strong>la</strong>France et <strong>de</strong>s Français.Je m'excuse d'être un peu austère dans l'exposé rapi<strong>de</strong> queje fais <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> réformes poursuivie par<strong>la</strong> France <strong>de</strong>puis 1945, mais je le crois ulile pour <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté dudossier et l'exposé <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique française en Tunisie.Lorsque le général Mast fut nommé rési<strong>de</strong>nt général en 1943, .l'administration <strong>de</strong> <strong>la</strong> Régence, si elle ne cessait d'être exercéeau nom du Bey, n'en était pas moins très <strong>la</strong>rgement, pour nepas dire totalement, entre les mains <strong>de</strong>s hauts fonctionnairesfrançais. Ceux-ci géraient <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s services administratifs;les secteurs ministériels qui étaient p<strong>la</strong>cés sous l'autorité <strong>de</strong>sministres tunisiens comprenaient seulement <strong>la</strong> justice — àl'exception <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice française — les affaires caïdales etmunicipales ainsi que les hatoous.
Quant aux institutions représentatives, elles n'existaient avantguerre en Tunisie qu'à l'état d'ébauche. Le Grand Conseil, crééen 1922, ne disposant d'ailleurs que d'attributions financières,était constitué essentiellement par <strong>de</strong>s représentants français —ceux-ci en majorité — et tunisiens.Une <strong>de</strong>uxième étape ne fut effectivement réalisée qu'en août1947, alors que M. Mons était <strong>de</strong>venu rési<strong>de</strong>nt général à Tunis.Elle porta à <strong>la</strong> fois sur Je gouvernement et sur l'administrationen donnant <strong>de</strong>s responsabilités plus <strong>la</strong>rges aux Tunisiens par<strong>la</strong> création <strong>de</strong>s ministères <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique, du travail, <strong>de</strong>l'agriculture et du commerce, et le conseil <strong>de</strong>s ministres secomposa désormais <strong>de</strong> six ministres tunisiens et <strong>de</strong> sept hautsfonctionnaires français, y compris le rési<strong>de</strong>nt.Malgré ces réformes <strong>de</strong> 1957, on ne peut cependant affirmer— et les événements n'ont cessé <strong>de</strong> le montrer — que lemouvement nationaliste ait cessé <strong>de</strong> se développer. En fait, undivorce <strong>de</strong> plus en plus net s'est créé entre le gouvernementet l'administration, d'une part, les milieux tunisiens évolués,d'autre part, et l'opposition n'a cessé <strong>de</strong> gagner du terrain.le fonctionnement du Grand Conseil se heurtait lui-même à<strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> plus en .plus gran<strong>de</strong>s. En avril 1950, sonAltesse le Bev s'adressa au Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République poursouligner l'impatience du peuple tunisien <strong>de</strong> voir réaliser <strong>de</strong>sréformes substantielles et nécessaires dans les institutions <strong>de</strong><strong>la</strong> Régence.Pour répondre au vœu <strong>de</strong> son Altesse le Bey et <strong>de</strong> 1 élitepolitique tunisienne, le gouverneront français s'st alors décidéa définir plus nettement les objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique en Tunisieet à accentuer l'évolution déjà en cours.Le 13 juin, dans son discours d'arrivée dans <strong>la</strong> capitale <strong>de</strong> <strong>la</strong>Régence, M. Périllier proc<strong>la</strong>ma solennellement Ja volonté dugouvernement français d'acheminer <strong>la</strong> Tunisie vers son autonomieinterne. . .Après <strong>la</strong> constitution d'un nouveau gouvernement tunisien ausein duquel figurait le secrétaire général du Néo-Destour, uncommuniqué commun du rési<strong>de</strong>nt général et du gouvernementtunisien fut publié, précisant que <strong>la</strong> tâche <strong>de</strong> ce gouvernementserait <strong>de</strong> négocier, au nom <strong>de</strong> son Altesse le Bey, les modificationsinstitutionnelles qui par étapes successives doivent conduire<strong>la</strong> Tunisie vers l'autonomie interne.Aussitôt les premières mesures étaient prises dans ce sens.Le 7 septembre 1950, un décret beylical supprima les c «nseillersfrançais p<strong>la</strong>cés auprès <strong>de</strong>s ministres tunisiens. Le S février1951* <strong>la</strong> structure du gouvernement tunisien fut <strong>de</strong> nouveauprofondément remaniée en vue d'accroître les responsabilitésrie l'élément tunisien et <strong>de</strong> restreindre le contrôle français.Le conseil <strong>de</strong>s ministres comprit désormais un nombre égal<strong>de</strong> membres français et <strong>de</strong> membres tunisiens. Sa piési<strong>de</strong>ncefut confiée au premier ministre. Le rési<strong>de</strong>nt général s en retiradéfinitivement. Le visa du secrétaire général sur ies arrêtésministériels fut supprimé et remp<strong>la</strong>cé par une formule d'assentimentrési<strong>de</strong>ntiel.En ce qui concerne l'accès à <strong>la</strong> fonction publique, <strong>de</strong>s contingentsfurent prévus pour le recrutement <strong>de</strong>s fonctionnairesfrançais, un quart, un tiers ou <strong>la</strong> moitié suivant les catégoriesd'emplois.A 'peine ce train <strong>de</strong> réformes avait-il été mis en p<strong>la</strong>ce quenos partenaires tunisiens <strong>de</strong>mandèrent que, conformément auxpromesses d'autonomie interne qui leur avaient été faites, l'onpassât à une é<strong>la</strong>pe nouvelle plus substantielle, et dont lemémoire <strong>de</strong> M. Chenik du 31 octobre 1951 fixant les trois pointsessentiels: d'abord <strong>la</strong> constitution d'un gouvernement tunisienhomogène ; ensuite <strong>la</strong> création d'une assemblée tunisienneélue, également homogène; enfin <strong>la</strong> « tunisification » <strong>de</strong> <strong>la</strong>fonction publique.On sait dans quelles conditions, à <strong>la</strong> «uite <strong>de</strong> <strong>la</strong> lettre du15 décembre 1951, les conversations engagées avec M. Clienikéchouèrent sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>s Français auxnouvelles institutions tunisiennes.En insistant pour obtenir l'accord du gouvernement tunisienau principe d'une telle participation, le Gouvernementfrançais s'exposa alors au reproche <strong>de</strong> vouloir consacrer leprincipe <strong>de</strong> cosouveraineté formellement rejeté par les nationalistestunisiens et <strong>de</strong> vouloir revenir sur les promesses antérieuresd'autonomie interne.Il n'est pas nécessaire <strong>de</strong> rappeler les conséquences <strong>de</strong> cetéchec, <strong>la</strong> vague <strong>de</strong> terrorisme qui <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> longs mois aensang<strong>la</strong>nté <strong>la</strong> Régence et a gravement menacé l'amitié francotunisienne.Après ia constitution du gouvernement BaccoucJie, en 1952,un nouveau projet <strong>de</strong> réformes fut é<strong>la</strong>boré par le Gouvernementfrançais. En en présentant les gran<strong>de</strong>s lignés au Parlement,le 19 juin le Gouvernement confirmait une fois <strong>de</strong> plus,par <strong>la</strong> bouche <strong>de</strong> M. Robert Schuman, sa volonté <strong>de</strong> voir <strong>la</strong>Tunisie s'acheminer vers l'autonomie interne. Ce p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> réformesétait présenté comme une nouvelle étape.Cependant, dès qu'ils furent connus à. Tunis, les textes <strong>de</strong>ce projet suscitèrent <strong>la</strong> plus vive opposition <strong>de</strong> l'opinion nationaliste,et dans sa lettre du 9 septembre 1952, adressée à M. lePrési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Ja République, Son Altesse le Bey se déc<strong>la</strong>ra horsd'état d'y souscrire.Seul le* sceau <strong>de</strong>s décrets concernant <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong>s municipalitéset <strong>de</strong>s conseils <strong>de</strong> caïdat fut ol)tenue en décembre 1952,non sans peine et après une démarche exceptionnellementpressante du Gouvernement français.L'hiver <strong>de</strong>rnier, dans ia pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> détente qui a suivi sonarrivés en Tunisie, M. Voizard s'est efforcé à son tour <strong>de</strong>mettre sur pied un nouveau programme <strong>de</strong> réformes institutionnelles.Les réformes qui ont vu le jour le 4 mars <strong>de</strong>rniermarquaient à coup sûr <strong>de</strong>s progrès substantiels vers 1a réalisation<strong>de</strong> l'autonomie interne.La parité était rompue au sein du. gouvernement tunisien, quise composait désormais <strong>de</strong> huit membres tunisiens et <strong>de</strong>quatre membres français. L'assentiment du rési<strong>de</strong>nt généralsur les arrêtés ministériels était supprimé et les attributionsdu secrétaire général étaient à nouveau réduites au profit <strong>de</strong>celles du premier ministre.Une assemblée tunisienne élue au suffrage universel étaitcréée, à <strong>la</strong>quelle <strong>de</strong>vaient s'adjoindre, seulement en matièrebudgétaire, les membres <strong>de</strong> <strong>la</strong>' délégation représentative <strong>de</strong>sFrançais <strong>de</strong> Tunisie, institution rési<strong>de</strong>ntielle, et les membres<strong>de</strong>s chambres économiques.Bien qu'elles eussent été acceptées par Son Altesse le Bey sces nouvelles réformes se heurtèrent aussitôt à l'oppositionquasi unanime <strong>de</strong>s milieux nationalistes.L'agitation ayant repris, le ministère M'Zali dut démissionnersans qu'un nouveau gouvernement pût être constitué, l'administration<strong>de</strong>vant être confiée à un cabinet <strong>de</strong> fonctionnaires.Quant aux élections yuévues à l'assemblée tunisienne, l'onne pouvait songer à les entreprendre dans le climat <strong>de</strong> troublesqui s'était alors instauré dans <strong>la</strong> Régence.A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> juillet, mes chers collègues, le bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique<strong>de</strong> réformes s'avérait donc particulièrement décevant etinquiétant.Malgré les efforts entreplis par les gouvernements successifs,il fal<strong>la</strong>it bien reconnaître que l'on aboutissait à un échec dansJa mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> nouvelles institutions régulières dans <strong>la</strong>Régence. Alors que l'agitation ne cessait <strong>de</strong>" croître, aucungouvernement tunisien ne pouvait être formé. La constitutiond'assemblées représentatives, dont <strong>la</strong> Tunisie est privée <strong>de</strong>puisia disparition du grand conseil en décembre 1951, paraissaitajournée à une échéance plus éloignée que jamais.Enfin, les conseils municipaux et les conseils <strong>de</strong> caïdat élusau printemps cie 1953 ne pouvaient fonctionner dans <strong>de</strong>s conditionsnormales.A quelles raisons faut-il imputer ces échecs successifs ?Avant tout au caractère fragmentaire <strong>de</strong>s réformes entrepriseset au fait que, surtout au cours <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières années,elles ont toujours paru dépassées par les événements.Du jour où l'on avait choisi <strong>de</strong> s'orienter vers un régimed'autonomie interne et où <strong>de</strong>s promesses solennelles avaientété faites en ce sens, il était fatal que nous nous heurtions,sur le choix et le rythme <strong>de</strong>s étapes, à <strong>de</strong>s impatiences <strong>de</strong> <strong>la</strong>port d'un mouvement nationaliste qui n'a cessé d'aller eu serenforçant.De là le ma<strong>la</strong>ise qui n'a cesse <strong>de</strong> régner en Tunisie au cours<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières années, même dans <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> où l'ordrepublic n'était pas menacé.Les hésitations et ies timidités <strong>de</strong> notre part ont été considéréescomme <strong>de</strong>s reculs ou <strong>de</strong>s déroba<strong>de</strong>s par rapport aux engagementsque nous avions pris. C'est cette apparence d'une politiquedite en <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> scie, maintes fois dénoncée, qui a étédans une <strong>la</strong>rge mesure à l'origine <strong>de</strong>s troubles qui ont ensang<strong>la</strong>nteJa Régence en 1952 et qui ont si gravement compromisle climat politique <strong>de</strong> ce pays.De plus, l'autonomie interne que nous avions promise nousnous sommes abstenus <strong>de</strong> <strong>la</strong> définir. De ià, <strong>de</strong> dangereuseséquivoques. Tandis que nous nous efforcions, nous fondantsur les droits que nous tirons <strong>de</strong> <strong>la</strong> convention <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marsa,cîe donner une nouvelle structure aux institutions tunisiennesavec <strong>la</strong> préoccupation <strong>de</strong> garantir par cette voie institutionnelleles intérêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fiance et <strong>de</strong>s Français <strong>de</strong> Tunisie, lesnationalistes tunisiens manifestaient <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> hâtepour obtenir <strong>de</strong>s institutions proprement tunisiennes. Il v avaitJa une source dè conflits pratiquement insolubles.Iî convient enfin <strong>de</strong> souligner que <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> réformessuivie jusqu'à présent n'était pas sans présenter <strong>de</strong> graves dangerspour <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et <strong>de</strong>s droitsces français en Tunisie.Cette politique <strong>de</strong> concessions successives avait pour effetû amenuiser toujours davantage le contrôle exercé par les