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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Sur ces <strong>de</strong>ux points d'ailleurs, connaissant beaucoup <strong>de</strong>Tunisiens musulmans, j'ai <strong>la</strong> conviction que l'accord est facileet déjà fait.Deuxième but: le développement <strong>de</strong>s institutions politiquestunisiennes. Une certaine consultation fit du bruit, il y aquelque trente ans, consultation d'un homme pour qui j'aipolitiquement une hostilité profon<strong>de</strong> —et peut-être un peu plus— mais qui était un grand juriste. C'est Joseph Barthélémy,qui affirmait que « <strong>la</strong> réforme constitutionnelle peut êtreréalisée <strong>de</strong>main en Tunisie par accord entre <strong>la</strong> France et lebey » et que « <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> cette réforme ne contrediraiten" aucune manière le régime du protectorat. »intérêts supérieurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, dont les intérêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisiene sont d'ailleurs point séparables mais, au contraire, entièrementsolidaires.La sécurité et <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie, c'est à <strong>la</strong> fois <strong>la</strong>défense du pays tunisien et <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> <strong>la</strong> France dansl'ensemble <strong>de</strong> ses territoires, c'est aussi <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> l'Europeet du mon<strong>de</strong> libie. Sur ce point il n'y a ni transaction, niconcession possible. Ce<strong>la</strong> doit être dit <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon ia plusnette, <strong>la</strong> plus ferme et <strong>la</strong> plus c<strong>la</strong>ire.Que ferions-nous <strong>de</strong>main, Malte n'ayant plus qu'une valeurpurement symbolique, si nous n'étions plus en Tunisie ? C'est<strong>de</strong> Livttre qui disait: « Ils ont les verrous, mais nous avonsles clés. » Les clés, c'est Bïzerte. La réalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> <strong>la</strong>Méditerranée, c'est Bizerte et l'Afrique. Par conséquent, surCe point, il faut être net: ce<strong>la</strong> est et ce<strong>la</strong> doit être.De même en ce qui concerne <strong>la</strong> représentation diplomatique<strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie. Les grands ensembles s'imposent <strong>de</strong> Jour enjour davantage, un débat tout proche nous le démontrera.Comment <strong>la</strong> Tunisie défendrait-elle mieux ses propres intérêtsque par l'organe <strong>de</strong> <strong>la</strong> France qui parle pour un ensemble,qui ne sépare pas ses intérêts <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s Tunisiens ?Cet accord doit être rapi<strong>de</strong> car il y a bien trop longtemps quenous tournons en rond et que nous faisons naître <strong>de</strong>s espéranceset parfois formulons <strong>de</strong>s <strong>de</strong>mi-promesses qui ne sontjamais suivies d'effet.La constitution tunisienne, ce n'est pas une constitution quisera é<strong>la</strong>borée par une assemblée tunisienne, c'est une charteque, d'accord avec nous, le bey accor<strong>de</strong>ra aux Tunisiens. Laréforme constitutionnelle doit se faire sous le régime actueldu traité du Bardo. Les réformes administratives qui serontsa conséquence doivent être faites sous le régime <strong>de</strong> <strong>la</strong> convention<strong>de</strong> <strong>la</strong> Marsa.J'ai déjà posé <strong>la</strong> question au Gouvernement. Je <strong>la</strong> lui poseà nouveau, espérant que cette fois j'aurai une réponse: Somines-nousbien d'accord sur le fait que l'accord établi le serasous le régime même du protectorat et que ce n'est que lorsqu'i<strong>la</strong>ura été conclu que nous passerons à une <strong>de</strong>uxièmepartie <strong>de</strong>s négociations possibles, qui doit aboutir à <strong>la</strong> substitutionau régime du protectorat d'un régime d'association,régime qui, dans notre <strong>la</strong>ngue juridique si incertaine, car jeconnais bien le mot mais je ne connais pas encore <strong>la</strong> chose,s'appelle, paraît-il, l'Union française ?C'est ce que disait mon éminent ami Robert Schuman dansson discours si discuté <strong>de</strong> juin 1950 à Thionville: « Nousaurons pour mission d'amener <strong>la</strong>- Tunisie vers l'indépendanceau sein <strong>de</strong> l'Union française », ce qui est évi<strong>de</strong>mment <strong>la</strong> définitionet <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> l'indépendance consentie. (App<strong>la</strong>udissementsau centre )Enfin, troisième point, assurer a-ux Français <strong>de</strong> Tunisie <strong>la</strong>certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur avenir.Mesdames, messieurs, distinguer entre <strong>la</strong> France et les Français<strong>de</strong> Tunisie ce<strong>la</strong> n'est pas, ce<strong>la</strong> ne peut pas être, ni auregard <strong>de</strong> <strong>la</strong> morale, ni au regard du bon sens, ni au regard<strong>de</strong> l'intérêt français, s3 désintéresser <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>s intérêts<strong>de</strong>s Français tunisiens.Il m'est arrivé parfois <strong>de</strong> critiquer ces <strong>de</strong>rniers, il est possibleque ce<strong>la</strong> m'arrive encore. Mais je les connais, vous lesconnaissez aussi. J'ai <strong>de</strong>s amis nés en Tunisie — un peu plustard que moi — <strong>de</strong>s hommes qui ont <strong>de</strong>puis longtemps dépassé<strong>la</strong> soixantaine, dont les parents, déjà sous le régime beylical,avant que <strong>la</strong> France n'exerçât un protectorat, étaient présentsen Tunisie, y ont fait souche, dont les enfants et les petitsenfants vivent à Tunis ou dans le bled. II n'est pas possible,il serait illégitime et injuste que nous n'ayons pas le soucimajeur <strong>de</strong> ces hommes dont <strong>la</strong> présence sans doute a servileurs intérêts, ce qui me paraît naturel, mais a servi en mêmetemps les intérêts permanents <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nation, ce dont nousïi'avons pas le droit <strong>de</strong> ne pas tenir compte. (App<strong>la</strong>udissementsau centre.)Des conventions expresses et précises doivent garantir cesdroits.Je me souviens qu'en juin 1952, h cette tribune, je réc<strong>la</strong>maisdéjà <strong>de</strong> telles conventions. A l'heure actuelle en .effet*sauf <strong>la</strong> présence matérielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, sauf <strong>la</strong> présence aussidu rési<strong>de</strong>nt qui peut parler en leur nom — je fais abstractiondï leur pseudo-représentation parlementaire et ce<strong>la</strong> n'a rien <strong>de</strong>dép<strong>la</strong>isant pour les hommes, si ça l'est pour l'institution ellemême— en <strong>de</strong>hors donc du rési<strong>de</strong>nt et <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> <strong>la</strong>force française, il n'existe aucune garantie écrite, aucun engagementprécis sur leurs droits.Mesdames, messieurs, ce<strong>la</strong> n'est pas négligeable. J'évoquais,tout à l'heure, l'existence <strong>de</strong>s tribunaux français en Tunisie.Je ne voudrais pas, sur ce point, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au Gouvernementune réponse trop précise, mais je voudrais à tout le moinsu'il enten<strong>de</strong> cette suggestion. 11 n'est point possible queemain les Français <strong>de</strong> Tunisie se trouvent soumis aux juridictionstunisiennes. Et pourquoi ? Par mépris ? Certes non ! maisparce qu'il faut tout <strong>de</strong> même se souvenir que l'Is<strong>la</strong>m est un'tout, que le Coran renferme <strong>de</strong>s règles juridiques comme ilcontient <strong>de</strong>s affirmations <strong>de</strong> caractère religieux, et qu'en Tunisiele tribunal religieux, le chara, le cadi, juçe non seulement lesquestions <strong>de</strong> statut personnel, mais aussi les successions et lesquestions <strong>de</strong> propriété immobilière, tandis que <strong>la</strong> justice dite<strong>la</strong>ïque juge en tout et pour tout les questions personnelles etmobilières — les juristes savent ce que ce<strong>la</strong> veut dire — et lesquestions pénales.Il n'est pas possible que sur ce point un effort ne soit pasfait et que nous retournions à un régime qui à cet égard meparaît médiéval.Enfin, <strong>de</strong>rnière exigence, nous <strong>de</strong>vons choisir nos interlocuteurs.Sur ce point, un mot seulement. Notre interlocuteur ?mais nous le connaissons bien : c'est avec lui que nous avonstraité, c'est lui qui est le signataire <strong>de</strong>s conventions <strong>de</strong> 1aMarsa, comme du traité du Bardo, c'est ie bey. D'accord, maisle bey n'est pas seul. Il est seul à avoir qualité pour engager<strong>la</strong> Tunisie, mais il normal qu'il ait à côté <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>s hommes<strong>de</strong> confiance avec qui nécessairement nous <strong>de</strong>vons négocier,à <strong>la</strong> condition d'avoir nous aussi confiance en eux.C'est en ne comprenant pas à temps ia nécessité d'une négociationavec <strong>de</strong>s hommes représentant le bey, qualifiés par leurformation et par <strong>la</strong> confiance du Bey pour négocier avec nous,que nous avons donné à certains éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiontunisienne une influence grandissante et considérable que jeregrette moins que certains <strong>de</strong> mes collègues.Je me souviens cependant qu'il y a <strong>de</strong>ux ans les choix eussentpu être différents. Je ne me p<strong>la</strong>ins pas car, connaissant <strong>la</strong> plupart<strong>de</strong>s hommes qui siègent c<strong>la</strong>ns le gouvernement tunisienactuel, je crois que les choix ont été bons et crue nous trouveronsen face <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s interlocuteurs va<strong>la</strong>bles.Voilà, mesdames, messieurs, comment il me semble que doivese poser <strong>la</strong> question, quant aux institutions.Toutefois, car il faut être c<strong>la</strong>ir, il me sera permis <strong>de</strong> retenirencore un point que j'al<strong>la</strong>is oublier.11 faut que nous soyons francs et loyaux. Il ne faut pastricher. 11 ne faut surtout pas mentir et, 'ce qui est infinimentplus dangereux, dissimuler par une pseudo-habileté une partie<strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité.N'en dép<strong>la</strong>ise à certains <strong>de</strong> nos collègues, il est <strong>de</strong> toutecertitu<strong>de</strong>, <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce, que, ni en droit ni en fait, nousne pouvons réc<strong>la</strong>mer pour nos compatriotes français <strong>de</strong> Tunisie<strong>de</strong>s droits politiques. Ces droits sont liés à <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>national et c'est pour ce<strong>la</strong> que, tout à l'heure, je disais que <strong>la</strong>théorie <strong>de</strong> <strong>la</strong> cosouveraineté avait permis une équivoque.11 est possible cependant <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s formules d'accord.Après 1890 et pendant <strong>de</strong> nombreuses années, il y a eu unesorte <strong>de</strong> conseil consultatif à côté du rési<strong>de</strong>nt. Une formuleplus simple encore consisterait à créer une assemblée économiqueparticipant d'ailleurs à <strong>la</strong> gestion commune <strong>de</strong>s affaires,mais où seraient représentés, non pas les personnes, mais lesintérêts, les groupements, les corporations, les chambres <strong>de</strong>commerce, les chambres <strong>de</strong> métiers, <strong>la</strong> chambre <strong>de</strong>s mines.Enfin —- et je ne suis pas tellement sûr- que sur ce pointl'opinion tunisienne n'ait pas subi, <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans, unetrès forte évolution — il n'est pas impossible <strong>de</strong> faire appelà <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> ia double souveraineté.Mesdames, messieurs, ne pensez-vous pas que le Françaisprésent en Tunisie, ayant souvent, même dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionautochtone, un considérable crédit moral, pourrait être àl'assemblée tunisienne un représentant utile, s'il était en Tunisietraité comme citoyen ?Certes, les Français n'auraient sans doute pas dans lesassemblées une représentation <strong>de</strong> masse que rien d'ailleurs nejustifierait, mais nous aurions une représentation <strong>de</strong> qualitéqui serait légitime et qui, par surcroît, servirait, d'une façonje crois évi<strong>de</strong>nte, les intérêts mêmes <strong>de</strong>s éléments tunisiens.Mesdames, messieurs, à côté <strong>de</strong>s institutions, il se posenécessairement, dans toute vie politique, d'autres questions, àdire vrai plus graves encore.Le problème fondamental dans <strong>la</strong> vie collective n'est pasun problème d'organisation, c'est un problème <strong>de</strong> contacts, <strong>de</strong>

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