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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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11 faudrait enfin, pour assurer le maximum <strong>de</strong> développementau pays et aux individus, intégrer <strong>la</strong> Tunisie dans un ensembleéconomique nord-africain. Noire Afrique du Nord est en train<strong>de</strong> prendre une p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> choix dans l'économie mondiale. Aumoment où tant d'autres prennent leurs dispositions pour s'yinstaller, sachons, <strong>de</strong> grâce, prendra les nôtres pour y <strong>de</strong>meureret y accomplir notre.travail.Si nous ne pouvons pas, pour le moment, effectuer sur le p<strong>la</strong>n'économique une intégration qui serait pourtant profitable àtous, sachons au moins assurer <strong>la</strong> coordination indispensable à<strong>la</strong>quelle on a trop peu songé jusqu'à présent. Tant que vous parlerezquestions économiques, vous aurez l'oreille <strong>de</strong> nosennemis eux-mêmes dans <strong>la</strong> Régence et ailleurs.Tout ce<strong>la</strong> veut-il dire: continuation du protectorat? Je diraiplutôt qu'il s'agit d'un protectorat secon<strong>de</strong> manière avec préparationdirecte <strong>de</strong> <strong>la</strong> co-souveraineté. Il n'y a aucunement à enrougir. Si ce<strong>la</strong> ne fait pas le compte <strong>de</strong> nos ennemis, c'estregrettable, mais il suffiit que nos amis sachent s'en réjouir.C'est pour eux en même temps que pour nous que nous travaillons.It y a un élément majeur, monsieur le prési<strong>de</strong>nt du conseil,qui fait <strong>la</strong> différence entre 1881 et 1954, c'est <strong>la</strong> présence française.Du fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> nos 1SO.OOO compatriotes quivivent et travaillent là-bas, <strong>la</strong> Tunisie ne peut plus être <strong>la</strong>même. Désormais les Français <strong>de</strong> ia Régence ne sont plus uniquementFrançais, comme les Tunisiens avec qui et pour quiils ont travaillé ne sont plus exclusivement Tunisiens. La coexistencefranco-tunisienne est dorénavant un fait et rien ne pourraaller contre ce<strong>la</strong>.Il y a <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>nts -dans l'histoire. L'Afrique berbère n'apas toujours été arabe - et musulmane. Ce<strong>la</strong> est assez prochepour que les Berbères-s'en souvienne encore très vivement.L'autorité beylicale elle-même, si je ne me trompe, rési<strong>de</strong>aujourd'hui en <strong>la</strong> personne d'un <strong>de</strong>scendant d'un fonctionnaireturc qui, lui non plus, n'était pas spécialement invité.La France a suffisamment marqué son séjour pour que désormais<strong>la</strong> permanence <strong>de</strong> ses inlérêts et <strong>de</strong> sa participation effectiveaux affaires <strong>de</strong> l'E<strong>la</strong>t ne soit pas contestée en Tunisie.Aujourd'hui, ne soyons pas dupes. Ne nous <strong>la</strong>issons passéduire par cette démagogie, qui semblerait peut-être notremeilleure alliée <strong>de</strong> l'heure présente, mais qui serait <strong>de</strong>main,par fa même logique rigoureuse, notre plus impitoyableennemie.Monsieur le prési<strong>de</strong>nt du conseil, ne soyez pas dupe vousmême.Vous vous êtes très gravement eng'agé. En prétendantque le calme revenu dans <strong>la</strong> régence est <strong>la</strong> réponse aux concessionsque vous avez promis <strong>de</strong> faire, vous avez avoué publiquementavoir cédé à l'intimidation. En lerre d'Is<strong>la</strong>m ce<strong>la</strong> veutdire: « perdre <strong>la</strong> face ». Et ce ne sont pas les acc<strong>la</strong>mationsorchestrées qtii y changeront quelque chose.Vous vous préparez actuellement à signer <strong>de</strong>s conventions quevos interlocuteurs, par avarice, ont' dénoncées. Vous avezlivré le peuple tunisien et tons nos amis à un consortium d'extrémistesplus que sensibles aux séductions <strong>de</strong> l'clranger etqui ne connaissent en fait <strong>de</strong> démocratie que ce qu'on a appelélo « suffrage universel <strong>de</strong> fan<strong>la</strong>sia ».Au moment où, en Europe, vous voulez à tout prix prendre<strong>de</strong>s garanties contre le danger allemand, voici qu'en Afrique duNord — et en quel point stratégique ! — vous cé<strong>de</strong>z le pouvoirà ceux qui ont été les alliés <strong>de</strong> l'Allemagne, qui sont <strong>de</strong>meurésnos adversaires et, qui plus est, le proc<strong>la</strong>ment ouvertement.L'union <strong>de</strong> l'Europe et <strong>de</strong> l'Afrique est inscrite dans le développementnormal <strong>de</strong>s événements. Je crains fort que, par <strong>de</strong>spropositions qui ont l'apparence du courage, mais, en fait <strong>la</strong>signilication <strong>de</strong> <strong>la</strong> facilité, vous n'ayez singulièrement compromis<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce que déviait y tenir l'Union française, et le rôleque <strong>la</strong> France <strong>de</strong>vrait y jouer. 1App<strong>la</strong>udissements à l'eairêmedroite.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. <strong>de</strong> Monsabert. (App<strong>la</strong>udissementsà l'extrême droite.)M. Joseph <strong>de</strong> Monsabert. Mesdames, messieurs, je regretteque le prélu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s interpel<strong>la</strong>tions sur <strong>la</strong> Tunisie, il y a unequinzaine <strong>de</strong> jours, n'ait pas été saisi par le Gouvernementcomme une occasion <strong>de</strong> répondre aux questions précises quilui étaient posées. J'espère qu'il en sera différemment aujourd'huiet qu'à l'issue <strong>de</strong> ce débat ie pays, nos compatriotes <strong>de</strong>Tunisie, nos amis tunisiens, Son Altesse le Bey et, <strong>de</strong> l'autrecôté, tous ceux qui ne rêvent que <strong>de</strong> pêcher en eau troublepour nous éliminer sauront c<strong>la</strong>irement sur quoi nous comptonsfaire reposer nos <strong>de</strong>stinées en Tunisie et, plus généralement, enAfrique du Nord.Dans ma <strong>de</strong>rnière intervention j'émettais <strong>de</strong>s doutes sur ceministère <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge union nationale tunisienne qui <strong>de</strong>vait é<strong>la</strong>borer,avec nos représentants, les « compléments » — suivantle mot <strong>de</strong> noire ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes— aux traités du Bardo et <strong>de</strong> La Marsa.Aujourd'hui le doute n'est plus permis. Chacun <strong>de</strong> nos inlerrlocuteurs aura peut-être <strong>la</strong> parole plus ou moins hardie, plusou moins timorée; mais le véritable interlocuteur est celui quel'on n'appelle plus — cruelle ironie du sort! — que d'un titrebien français: le seigneur <strong>de</strong> La Ferté.La <strong>de</strong>rnière visite <strong>de</strong> M. Tahar ben Amar l'a bien prouvé,,nous allons « en Bourguiba ». Que ce soit <strong>de</strong> notre gré ou non— si non, c'est d'autant plus regrettable — 1e fait ne peut êtrecontroversé.Il est inutile <strong>de</strong> nous illusionner sur le ralentissement duterrorisme non plus que sur le prétendu enthousiasme témoigné,par exemple, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> réception <strong>de</strong> notre rési<strong>de</strong>nt généralà Sousse. On y a sans doute crié beaucoup plus « Vive Bourguiba! » que « Vive <strong>la</strong> France ! ».Or, vous aviez dit <strong>de</strong> cet homme, monsieur le prési<strong>de</strong>nt duconseil, qu'il n'était pas susceptible <strong>de</strong> rechercher une ententesincère avec <strong>la</strong> France.Il faudra donc le convaincre ou le combattre.Cependant, déjà, <strong>de</strong>rrière lui se dresse <strong>la</strong> haine bien connued'un Sa<strong>la</strong>h ben Youssef et le chantage du Caire.Malgré les déc<strong>la</strong>rations apaisantes que l'on prête au seigneur<strong>de</strong> <strong>la</strong> Ferté, le danger subsiste d'une solution considérée par leDestour comme provisoire, l'étape <strong>de</strong> Bourguiba prenant éventuellementle nom <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Sa<strong>la</strong>h Farhat.C'est c<strong>la</strong>ns ces conditions que nous allons, dans le cadre dutraité du Bardo, discuter un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> souveraineté interne accompagné<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong>stinées à assurer <strong>la</strong> présence française.On rétorquera qu'il n'existe pas en Tunisie d'autre partiorganisé que le Destour. Je ne pense pas que l'on puissecroire qu'il y a <strong>de</strong>s partis là-bas comme en France et, en définitive,ceux" qui nous faisaient confiance n'avaient pas lieudans leur idée <strong>de</strong> constituer <strong>de</strong> parti.Mais lé véritable interlocuteur, celui avec qui, à travers sesminisires, nous allons traiter, ne doit-il pas être, d'après letraité du Bardo, le Bey lui-même? Et justement il faut noteren passant le soin qu'a eu l'équipe tunisienne en p<strong>la</strong>ce d'éliminerl'entourage beylical <strong>de</strong> son conseil.Quoi qu'il en soit, si l'entente se réalise nous croirons avoirconstruit un monument définitif.En sera-t-il <strong>de</strong> même <strong>de</strong> l'autre côté ?Si nous n'y prenons gar<strong>de</strong>, si notre prestige ne reste pasassuré, si nos précautions <strong>de</strong> présence ont quelques <strong>la</strong>cunes,si nous ne gardons pas étroitement le maintien <strong>de</strong> l'ordre, leDestour, parti totalitaire à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong> fasciste et hitlérienne — jecite toujours notre ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes(App<strong>la</strong>udissements sur plusieurs bancs à l'extrêmedroite) —fera, soyez-en sûrs, les élections sous <strong>la</strong> menace <strong>de</strong>smitraillettes et établira sa dictature.Le Bey sera alors soumis ou renversé et les conventions passéesavec lui considérées comme nulles.Ce sera <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième étape, celle qu'escompte le Deslour, <strong>de</strong>Bourguiba en Sa<strong>la</strong>h ben Youssef, pour conquérir <strong>la</strong> souverainetécomplète et réc<strong>la</strong>mer noire départ, peut-être avec l'appuiet les conseils <strong>de</strong> bienveil<strong>la</strong>nts alliés.Et quel est pourtant aujourd'hui encore le sentiment profonddu peuple tunisien, <strong>de</strong> nos amis d'abord, qui aiment 'notreculture et qui sentent vraiment où son|t les intérêts communsà nos <strong>de</strong>ux pays, <strong>de</strong> nos clients <strong>de</strong> toits ordres qui vivent <strong>de</strong>;ces intérêts, <strong>de</strong> nos anciens militaires 'enfin qui n'ont rien à^attendre que <strong>de</strong> nous ? ;Voilà ceux que nous risquons <strong>de</strong> rejfeter, par <strong>la</strong> peur, dans,'les rangs d'une révolte dont ils seraient les premières vie-'tinres.Vous comprendrez, monsieur le prési<strong>de</strong>nt du conseil, que :nous attendions <strong>de</strong> vous aujourd'hui une déc<strong>la</strong>ration solennelle, Jdissipant toute équivoque et précisant les contours <strong>de</strong>s môles'inébran<strong>la</strong>bles autour <strong>de</strong>squels doit s'asâurer <strong>la</strong> pérennité <strong>de</strong> <strong>la</strong> i1France dans <strong>la</strong> régence.Vous ne pouvez avoir <strong>la</strong> prétention <strong>de</strong> satisfaire tous les,espoirs, mais les premiers à ne pas décevoir ne sont-ils pas jceux qui assurent pour noire autorité, et notre rayonnement,,<strong>la</strong> continuité <strong>de</strong> notre œuvre civilisatrice au sein <strong>de</strong> l'unionfranco-lunisienne ?Et c'est pourquoi je mets en tête <strong>de</strong> ces môles l'établissementd'une véritable communauté franco-tunisienne. Rien <strong>de</strong> durablene peut se faire sans elle.Suivant qu'elle sera intime ou lâche, que les intérêts serontconjugués ou non, que <strong>la</strong> voix <strong>de</strong>s uis et <strong>de</strong>s autres pourrapc faire entendre avec <strong>la</strong> même résonance, ce sera <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration<strong>de</strong>s esprits et <strong>de</strong>s cœurs ou <strong>la</strong> haine avec toutes sesconséquences.C'est pourquoi l'on peut dire que <strong>la</strong> première condition <strong>de</strong><strong>la</strong> présence française en Tunisie, c'est <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s Français,en Tunisie.

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