disponibilités attestai<strong>en</strong>t la persistance de l’esprit d’épargne, alors qu’el<strong>le</strong>s témoignai<strong>en</strong>tsimp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t de la vio<strong>le</strong>nce de l’inflation et de la rareté des possibilités d’emploi ?Si l’on se réfère au montant du rev<strong>en</strong>u national, tel qu’il était au début des deux guerresmondia<strong>le</strong>s, on constate <strong>que</strong> l’inflation est plus acc<strong>en</strong>tuée <strong>en</strong>1944 qu’<strong>en</strong> 1914. En effet, lacirculation représ<strong>en</strong>te <strong>en</strong> août 1944 un pourc<strong>en</strong>tage de 180 par rapport à ce rev<strong>en</strong>u contre103 <strong>en</strong> 1919 et la dette flottante un pourc<strong>en</strong>tage de 147 contre 67. Le total de la dettepubli<strong>que</strong> qui s’é<strong>le</strong>vait à 446 milliards <strong>le</strong>1 er septembre 1939 atteignait 1.523 milliards <strong>le</strong>1 erseptembre 1944 dont 1.000 milliards <strong>en</strong>viron portai<strong>en</strong>t intérêt.Pour atteindre de nouvel<strong>le</strong>s couches d’épargnants sans accroître <strong>le</strong> montant de la dette àertrès court terme, <strong>le</strong> législateur a innové <strong>en</strong> créant par décret du 1 mai 1942 des bonsd’épargne à quatre ans remboursab<strong>le</strong>s avant échéance <strong>en</strong> cas de naissance, mariage, achat debi<strong>en</strong> rural et autre circonstance exceptionnel<strong>le</strong>.Les chiffres astronomi<strong>que</strong>s <strong>que</strong> nous v<strong>en</strong>ons de citer expli<strong>que</strong>nt pourquoi <strong>le</strong> « circuit »159s’est fissuré de <strong>tout</strong>es parts . <strong>La</strong> masse monétaire s’est déversée dans une large mesure sur<strong>le</strong> marché noir où <strong>le</strong>s prix ont monté <strong>en</strong> flèche. El<strong>le</strong> a exercé une tel<strong>le</strong> pression <strong>que</strong> <strong>le</strong>sblocages des prix officiels ont eux-mêmes cédé peu à peu. Le « panier de provisions »constitué par des produits légitimem<strong>en</strong>t acquis coûtait au début de 1944 <strong>en</strong>viron 250 francscontre 100 <strong>en</strong> 1939 ; il rev<strong>en</strong>ait à plus de 500 francs quand la ménagère s’adressait aumarché noir, comme el<strong>le</strong> était obligée de <strong>le</strong> faire à défaut de colis familiaux ou d’autresressources personnel<strong>le</strong>s, puis<strong>que</strong> <strong>le</strong>s rations à cette épo<strong>que</strong> ne permettai<strong>en</strong>t pas de vivre. Enraison de cette hausse du coût de la vie, <strong>le</strong>s salaires ont dû être re<strong>le</strong>vés <strong>en</strong> dépit desprincipes, d’abord fragm<strong>en</strong>tairem<strong>en</strong>t, puis d’une manière généra<strong>le</strong> <strong>en</strong> 1943.Au total, du 1er septembre 1939 au 31 août 1944, <strong>le</strong>s dép<strong>en</strong>ses ont été couvertes dans laproportion de 30 % par l’impôt, de 40 % par l’emprunt. L’ouverture du circuit a varié de18 % (deuxième semestre de 1939) à 38 % (huit premiers mois de 1944 160 ).D’un point de vue techni<strong>que</strong>, <strong>le</strong>s paiem<strong>en</strong>ts au comptant se sont multipliés <strong>en</strong> raison del’importance acquise par <strong>le</strong> marché noir où <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>m<strong>en</strong>ts de la main à la main sont derigueur puisqu’eux seuls ne laiss<strong>en</strong>t pas de trace. En même temps, <strong>le</strong> franc s’est effacécomme nous l’avons expliqué puis<strong>que</strong>, sur <strong>le</strong>s marchés rég<strong>le</strong>m<strong>en</strong>tés, <strong>le</strong>s consommateurs ontdû fournir des tickets extraits de <strong>le</strong>urs cartes de rationnem<strong>en</strong>t et puis<strong>que</strong> <strong>le</strong>s trocs sontdev<strong>en</strong>us de plus <strong>en</strong> plus fré<strong>que</strong>nts. Ainsi, d’une part, la <strong>monnaie</strong> est passée au second plan,d’autre part el<strong>le</strong> a pris clandestinem<strong>en</strong>t une bruta<strong>le</strong> et excessive revanche. De tel<strong>le</strong>sconsé<strong>que</strong>nces sont inévitab<strong>le</strong>s <strong>en</strong> régime d’économie dirigée. En faire grief à l’homme quicherche à échapper aux règ<strong>le</strong>m<strong>en</strong>ts est peine perdue. Quand un système est manifestem<strong>en</strong>tinadapté à la psychologie humaine, il est sage de chercher à modifier <strong>le</strong> système et non la161psychologie .P<strong>en</strong>dant l’occupation, <strong>le</strong>s pouvoirs publics ont pris peu de nouvel<strong>le</strong>s mesures d’ordretechni<strong>que</strong> <strong>en</strong> matière monétaire. L’institution d’un contrô<strong>le</strong> des changes a <strong>en</strong><strong>le</strong>vé au Fondsde régularisation l’objet même de son activité. Les opérations sont passées depuis lors parl’Office des changes et <strong>le</strong> cours a été fixé par voie d’autorité. Régularisation et stabilisationn’ont plus eu de s<strong>en</strong>s. Pourtant <strong>le</strong> Fonds n’a pas été supprimé, il est resté chargé del’administration et de la comptabilité, il est dev<strong>en</strong>u une sorte de service annexe de l’Officedes changes.159 Sur <strong>le</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t du circuit dans son <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>, voyez notre brochure, Esquisse de l’économiefrançaise sous l’occupation al<strong>le</strong>mande, Paris, 1945, chap. IV, par. 3.160 P. Beautier, L’inflation <strong>en</strong> France au cours des deux guerres, thèse dactylographiée. Paris, 1944.161 Sur <strong>le</strong>s mouvem<strong>en</strong>ts des prix <strong>en</strong> économie dirigée et <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’inflation, voyez notre Manueld’Economie politi<strong>que</strong>, 2e éd., t. I, p. 268 ; t. II, p. 256.
<strong>Ce</strong>t Office lui-même, dép<strong>en</strong>dant de la Ban<strong>que</strong> de France, a été transformé <strong>en</strong> octobre1940 <strong>en</strong> un établissem<strong>en</strong>t public doté de la personnalité civi<strong>le</strong> et de l’autonomie financière,placé sous l’autorité du Ministre des Finances.Enfin la hausse des cours des métaux a été tel<strong>le</strong> <strong>que</strong> <strong>le</strong> prix de revi<strong>en</strong>t des piècesdivisionnaires a dépassé <strong>le</strong>ur va<strong>le</strong>ur nomina<strong>le</strong> et qu’il a fallu à la fois supprimer la pièce decinq c<strong>en</strong>times et recourir à l’aluminium et au zinc. Les pièces divisionnaires sont dev<strong>en</strong>uesd’une surpr<strong>en</strong>ante légèreté.Chapitre XXIII – L<strong>en</strong>demain de libérationDans <strong>le</strong>s pays libérés, <strong>le</strong> phénomène monétaire qui attire <strong>tout</strong> d’abord <strong>le</strong>s regards desnouveaux gouvernants est l’excès manifeste de la circulation. <strong>La</strong> première condition duretour à une situation saine est évidemm<strong>en</strong>t l’arrêt des émissions de bil<strong>le</strong>ts, mais el<strong>le</strong> exigeun équilibre budgétaire qui semb<strong>le</strong> diffici<strong>le</strong> à obt<strong>en</strong>ir, puis<strong>que</strong> <strong>le</strong> déficit du budget français,évalué vers <strong>le</strong> milieu de l’année 1945, est de l’ordre de 250 milliards de francs.Pour opérer une ponction, <strong>le</strong>s pouvoirs public sont eu recours à l’emprunt et à l’impôt.L’emprunt est <strong>le</strong> moy<strong>en</strong> normal d’éta<strong>le</strong>r pour ainsi dire l’inflation dans <strong>le</strong> temps. Sonémission est facilité par l’abondance des disponibilités qu’atteste un taux d’intérêtétonnamm<strong>en</strong>t bas : <strong>le</strong> taux d’escompte de la Ban<strong>que</strong> de France tombe à 1,625% au début de1945.Dès novembre 1944, <strong>le</strong> Gouvernem<strong>en</strong>t français lance un emprunt perpétuel qui luifournit 164 milliards de francs dont 127 d’arg<strong>en</strong>t frais et lui permet de rembourserintégra<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s avances provisoires cons<strong>en</strong>ties par la Ban<strong>que</strong> de France à l’État et deréduire légèrem<strong>en</strong>t la circulation. Au début de 1945, profitant du bon marché de l’arg<strong>en</strong>t, ilconvertit <strong>en</strong> 3 % <strong>le</strong>s r<strong>en</strong>tes 4 % et 4 ½ % et allège ainsi d’un milliard et demi par an lacharge des arrérages.Comme impôts, <strong>le</strong>s pouvoirs publics décrèt<strong>en</strong>t <strong>en</strong> 1945 un impôt sur <strong>le</strong> capital dit desolidarité, malgré la condamnation portée depuis longtemps contre cette forme decontribution par <strong>le</strong>s spécialistes de la sci<strong>en</strong>ce financière, et une taxe sur l’<strong>en</strong>richissem<strong>en</strong>tdestinée à frapper la plus-value « réel<strong>le</strong> » des patrimoines <strong>en</strong>registrée <strong>en</strong>tre <strong>le</strong> 1 erjanvier1940 et <strong>le</strong>4 juin 1945. Le r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t escompté (80 milliards de francs <strong>en</strong> 1946, 130 au total)n’est pas suffisant pour justifier la désorganisation des marchés, la pénalisation del’épargne, l’arbitraire des évaluations. De tels impôts exceptionnels ne sont admissib<strong>le</strong>s <strong>que</strong>pour liquider une situation et non pour couvrir un déficit budgétaire.Enfin il semb<strong>le</strong> logi<strong>que</strong>, après une inflation, de songer à une déflation. On nomme ainsi<strong>tout</strong>e réduction du volume monétaire, sans modification du volume des échanges.Si la définition de la déflation est symétri<strong>que</strong> de cel<strong>le</strong> de l’inflation, <strong>le</strong>s effets ne <strong>le</strong> sontnul<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t. Toute contraction monétaire t<strong>en</strong>d à faire baisser <strong>le</strong>s prix, conformém<strong>en</strong>t à lanotion quantitative, et comme <strong>le</strong>s élém<strong>en</strong>ts des coûts de production sont diffici<strong>le</strong>m<strong>en</strong>tcompressib<strong>le</strong>s (impôts, salaires, intérêts), <strong>le</strong>s profits s’am<strong>en</strong>uis<strong>en</strong>t, <strong>le</strong>s chefs d’<strong>en</strong>treprises’inquièt<strong>en</strong>t, <strong>le</strong> chômage s’accroît, bref des résistances s’affirm<strong>en</strong>t. C’est pour ce motifqu’un plan de déflation graduel<strong>le</strong> et modérée établi <strong>en</strong> 1920 <strong>en</strong> France dut être abandonnétrois ans après.Le seul exemp<strong>le</strong> de déflation brusquée qui ait été opérée avant nos jours est celui de laTchécoslovaquie. <strong>La</strong> loi du 25 février 1919 avait ordonné l’estampillage des bil<strong>le</strong>ts de
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