<strong>Ce</strong> rythme harmonieux et irrésistib<strong>le</strong> qui <strong>en</strong>traîne <strong>tout</strong>es <strong>le</strong>s économies se compose depériodes alternées de hausse et de baisse des prix, <strong>le</strong>s premières dites de prospérité, <strong>le</strong>sdeuxièmes de dépression. L’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de ces deux périodes forme <strong>le</strong> cyc<strong>le</strong> qui s’ét<strong>en</strong>d surun interval<strong>le</strong> de 7 à 11 années et dont la crise est <strong>le</strong> point culminant. Nous ne nousdemanderons pas pourquoi il <strong>en</strong> est ainsi. Les causes du rythme ont fait l’objet de savantesétudes et demeur<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core <strong>que</strong>l<strong>que</strong> peu mystérieuses. Que <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur ne soit pas surpris deconstater l’abs<strong>en</strong>ce de solution définitive <strong>en</strong> une matière aussi ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong>. L’économiepoliti<strong>que</strong> est une sci<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>core <strong>en</strong> <strong>en</strong>fance et el<strong>le</strong> est loin de prés<strong>en</strong>ter la simplicitéqu’imagin<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s réformateurs <strong>en</strong> chambre 91 .Les hommes aurai<strong>en</strong>t pu s’accommoder de ce long bercem<strong>en</strong>t. Ils n’avai<strong>en</strong>t qu’à prévoirl’alternance et à mode<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s élém<strong>en</strong>ts de l’économie sur <strong>le</strong> rythme lui-même. Ainsi ilsaurai<strong>en</strong>t pu laisser ces élém<strong>en</strong>ts glisser sur la p<strong>en</strong>te de la dépression de manière à conserver<strong>en</strong>tre eux un parallélisme approximatif. Quand <strong>le</strong>s salaires baiss<strong>en</strong>t dans la même proportion<strong>que</strong> <strong>le</strong> coût de la vie, personne n’est lésé. Mais, précisém<strong>en</strong>t, l’esprit humain ne se plie pasau rythme, il se projette dans l’av<strong>en</strong>ir suivant une ligne droite : quand <strong>le</strong>s prix mont<strong>en</strong>t, ilagit comme si cette asc<strong>en</strong>sion devait être éternel<strong>le</strong>, il exagère la hausse, puis il est surprispar la baisse et cherche à s’opposer à el<strong>le</strong>. Alors <strong>tout</strong> espoir de parallélisme s’efface, chacunrésiste au mouvem<strong>en</strong>t dans la mesure de ses forces. Nous avons vu, par exemp<strong>le</strong>, <strong>que</strong> <strong>le</strong>souvriers n’admettai<strong>en</strong>t point <strong>le</strong> fléchissem<strong>en</strong>t de <strong>le</strong>urs salaires nominaux <strong>en</strong> dépit dumainti<strong>en</strong> de <strong>le</strong>urs salaires réels. Il <strong>en</strong> résulte <strong>que</strong> <strong>le</strong>s élém<strong>en</strong>ts de l’économie suiv<strong>en</strong>t desori<strong>en</strong>tations différ<strong>en</strong>tes. Les fléchissem<strong>en</strong>ts sont inégaux et <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t ces redoutab<strong>le</strong>sécarts <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s prix, <strong>le</strong>s coûts et <strong>le</strong>s rev<strong>en</strong>us, qui sont la plus sûre cause des troub<strong>le</strong>s et desmaux. Dans la plupart des États, <strong>le</strong>s pouvoirs publics nous offr<strong>en</strong>t une excel<strong>le</strong>nte illustrationde cette doub<strong>le</strong> erreur : <strong>en</strong> période de prospérité, ils ne song<strong>en</strong>t pas à économiser pour faireface aux difficultés qui surgiront dans <strong>le</strong>s périodes de crise et, quand cel<strong>le</strong>s ci sont v<strong>en</strong>ues,ils mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ou même accroiss<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s charges fisca<strong>le</strong>s. Au total : exagération de lahausse des prix, puis résistance à la baisse. Tels sont <strong>le</strong>s motifs pour <strong>le</strong>s<strong>que</strong>ls la période dedépression pr<strong>en</strong>d un caractère de désastre.Au lieu d’agir sur <strong>le</strong>s causes, comme la logi<strong>que</strong> <strong>le</strong> voudrait, au lieu de modérer <strong>le</strong>s abusde crédit qui p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s périodes de prospérité amplifi<strong>en</strong>t la hausse, et de briser <strong>le</strong>srésistances qui s’oppos<strong>en</strong>t à la baisse, des Gouvernem<strong>en</strong>ts mal inspirés se sont efforcés demodifier directem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s prix pour mettre fin à la dépression. Et puis<strong>que</strong> la <strong>monnaie</strong> exerceune influ<strong>en</strong>ce sur <strong>le</strong>s prix, ils se sont adressés à el<strong>le</strong>. C’est ainsi qu’ils ont été am<strong>en</strong>és àprati<strong>que</strong>r une politi<strong>que</strong> de direction.<strong>Ce</strong>p<strong>en</strong>dant l’inflation a laissé de si mauvais souv<strong>en</strong>irs <strong>que</strong> certains ont jugé prud<strong>en</strong>t de nepas la désigner sous ce nom. Tout est affaire de mot. Il a suffi d’appe<strong>le</strong>r reflation uneaugm<strong>en</strong>tation arbitraire du volume de la <strong>monnaie</strong> pour donner à l’inflation l’appar<strong>en</strong>ced’une comp<strong>en</strong>sation apportée à une déflation antérieure, d’une rectification à une chuteinsolite et imprévue des prix. <strong>La</strong> reflation évo<strong>que</strong> <strong>le</strong> retour à un prix normal, expressiondépourvue de <strong>tout</strong>e signification, puis<strong>que</strong> la seu<strong>le</strong> normalité <strong>en</strong> matière de prix consiste dansune alternance 92 . Le moy<strong>en</strong> de procéder à une reflation, id<strong>en</strong>ti<strong>que</strong> à celui qui permet de91 Voyez A. Aftalion, Les crises périodi<strong>que</strong>s de surproduction, Paris, 1913 ; J. Lescure, Des crisesgénéra<strong>le</strong>s et périodi<strong>que</strong>s de surproduction, 4 e éd., Paris, 1932 ; J. Schumpeter, Theorieder Wirtschaftlich<strong>en</strong>Entwickelung, trad, franç., Paris, 1935 ; G. von Haber<strong>le</strong>r, Prospérité et dépression, G<strong>en</strong>ève, 1939 ; L. Baudin,Le mécanisme des prix, Paris, 1940 ; J.-M. De<strong>le</strong>ttrez, Les réc<strong>en</strong>tes théories des crises fondées sur <strong>le</strong>s disparitésdes prix, Paris, 1941. Nous passerons sous si<strong>le</strong>nce <strong>le</strong>s rythmes autres <strong>que</strong> <strong>le</strong> rythme cycli<strong>que</strong> : variationssaisonnières et mouvem<strong>en</strong>ts de longue durée. <strong>Ce</strong>s derniers sont visib<strong>le</strong>s sur la courbe <strong>que</strong> nous avons tracée(lignes A B C).92 Il existe <strong>en</strong> économie politi<strong>que</strong> un prix normal, mais qui n’a aucun rapport avec <strong>le</strong> prix prét<strong>en</strong>du normaldont il est ici <strong>que</strong>stion.
déc<strong>le</strong>ncher une inflation, est l’accroissem<strong>en</strong>t de la quantité de <strong>monnaie</strong> sous la forme réel<strong>le</strong>ou scriptura<strong>le</strong>. Le « dirigeant » compte donc sur <strong>le</strong> jeu de la théorie quantitative. Noussavons <strong>que</strong>l<strong>le</strong> est son imprud<strong>en</strong>ce. Il soulève une vanne qui laissera d’abord passer un tropfaib<strong>le</strong> courant d’eau pour irriguer la campagne, il l’ouvrira <strong>en</strong>suite plus largem<strong>en</strong>t et nepourra plus la fermer : <strong>le</strong> pays sera inondé.Il est vrai <strong>que</strong> d’autres méthodes de direction plus compliquées peuv<strong>en</strong>t être utilisées. <strong>La</strong>ban<strong>que</strong> c<strong>en</strong>tra<strong>le</strong> peut augm<strong>en</strong>ter ou diminuer <strong>le</strong> volume monétaire <strong>en</strong> agissant sur deux<strong>le</strong>viers de manœuvre. Nous connaissons <strong>le</strong> premier : <strong>le</strong> taux de l’escompte, <strong>que</strong> <strong>le</strong>sdirigeants font alors varier <strong>en</strong> raison des mouvem<strong>en</strong>ts des prix intérieurs et non plus <strong>en</strong>raison des mouvem<strong>en</strong>ts internationaux de l’or. Quand <strong>le</strong> taux s’élève, <strong>le</strong>s ouvertures decrédit diminu<strong>en</strong>t, de même <strong>que</strong> la demande d’une marchandise fléchit quand son prixaugm<strong>en</strong>te, et par suite la quantité de <strong>monnaie</strong> scriptura<strong>le</strong> se réduit. L’inverse a lieu quand <strong>le</strong>taux baisse. Mais ce dernier raisonnem<strong>en</strong>t n’est pas toujours correct : il ne suffit pas deproposer des crédits pour <strong>que</strong> <strong>le</strong>s <strong>en</strong>treprises <strong>le</strong>s utilis<strong>en</strong>t, el<strong>le</strong>s ne <strong>le</strong>s accepteront pas si el<strong>le</strong>scraign<strong>en</strong>t de travail<strong>le</strong>r à perte <strong>en</strong> raison de la chute des prix. <strong>Ce</strong> moy<strong>en</strong> est donc insuffisant<strong>en</strong> temps de dépression.En outre, une tel<strong>le</strong> méthode suppose <strong>que</strong> la ban<strong>que</strong> c<strong>en</strong>tra<strong>le</strong> sera suivie par <strong>le</strong>s autresétablissem<strong>en</strong>ts, ce qui est loin d’être vrai dans tous <strong>le</strong>s pays. L’opinion publi<strong>que</strong> el<strong>le</strong>-mêmepeut r<strong>en</strong>dre diffici<strong>le</strong> un mouvem<strong>en</strong>t du taux d’escompte <strong>en</strong> cas de hausse des prix ; el<strong>le</strong> necompr<strong>en</strong>d pas sa nécessité quand règne l’atmosphère d’optimisme des périodes deprospérité.Le deuxième moy<strong>en</strong> consiste dans <strong>le</strong>s opérations sur <strong>le</strong> « marché ouvert », quis’adress<strong>en</strong>t au public. L’<strong>Institut</strong> c<strong>en</strong>tral achète des va<strong>le</strong>urs lorsqu’il veut gonf<strong>le</strong>r lacirculation, il <strong>en</strong> v<strong>en</strong>d quand il désire la contracter. A cet effet, il doit disposer d’unportefeuil<strong>le</strong>-titres considérab<strong>le</strong>. Encore faut-il <strong>que</strong> <strong>le</strong> Gouvernem<strong>en</strong>t ne craigne pas dedéprécier ses r<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> permettant de <strong>le</strong>s v<strong>en</strong>dre par pa<strong>que</strong>ts dans un but monétaire.Quel <strong>que</strong> soit <strong>le</strong> procédé utilisé, <strong>le</strong>s inconvéni<strong>en</strong>ts de la politi<strong>que</strong> de direction sontnombreux.Tout d’abord, il y a dans la formu<strong>le</strong> de Fisher un élém<strong>en</strong>t qui échappe à l’action despouvoirs publics. Nous l’avons indiqué : c’est la vitesse de circulation. Si donc <strong>le</strong>sparticuliers méfiants restreign<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s transactions ou thésauris<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t où <strong>le</strong>Gouvernem<strong>en</strong>t accroît <strong>le</strong> volume monétaire, une comp<strong>en</strong>sation <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s deux mouvem<strong>en</strong>tss’établit, <strong>le</strong> premier membre de l’égalité ne change pas et <strong>le</strong>s prix ne sont pas modifiés.C’est un échec pour <strong>le</strong>s dirigeants. <strong>Ce</strong>ux-ci chercheront peut-être à augm<strong>en</strong>ter plus <strong>en</strong>core laquantité de <strong>monnaie</strong>, mais <strong>le</strong>s porteurs craindront alors de voir se déprécier cette <strong>monnaie</strong> etfuiront devant el<strong>le</strong>. <strong>La</strong> vitesse de circulation s’accélérera brus<strong>que</strong>m<strong>en</strong>t et <strong>le</strong>s prix, sous ladoub<strong>le</strong> influ<strong>en</strong>ce de l’action des particuliers et de cel<strong>le</strong> des pouvoirs publics, monterontbeaucoup plus vite <strong>que</strong> ces derniers ne l’aurai<strong>en</strong>t souhaité. C’est <strong>le</strong> processus <strong>que</strong> nousconnaissons. Il est déterminé par des facteurs psychologi<strong>que</strong>s <strong>que</strong> <strong>le</strong> Gouvernem<strong>en</strong>t ne peutmaîtriser et qu’il s’obstine trop souv<strong>en</strong>t à méconnaître.D’autre part, <strong>que</strong>l est ce niveau général des prix <strong>que</strong> l’on désire é<strong>le</strong>ver ? Il n’existe pas ;c’est toujours à un indice partiel <strong>que</strong> l’on se réfère, Un niveau général <strong>devrait</strong> compr<strong>en</strong>dretous <strong>le</strong>s services, marchandises, titres ayant fait l’objet de transactions monétaires ; il esttrès diffici<strong>le</strong> à établir et seul M. Carl Snyder a t<strong>en</strong>té de <strong>le</strong> faire aux États-Unis 93 . Quel indicepartiel devons-nous donc choisir ? Autant d’auteurs, autant de théories. Prati<strong>que</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>le</strong>s93 C. Snyder, Business Cyc<strong>le</strong>s and Measurem<strong>en</strong>ts, New-York, 1927. Les difficultés considérab<strong>le</strong>s <strong>que</strong>soulève la <strong>que</strong>stion d’un indice général sont traitées dans <strong>le</strong> chapitre III de la section III de notre ouvragé sur <strong>La</strong><strong>monnaie</strong> et la formation des prix.
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