Si l’arg<strong>en</strong>t a été regardé comme indigne de monter sur <strong>le</strong> trône monétaire des nations, il<strong>le</strong> doit à son origine. Il n’est qu’un sous-produit. Dans une proportion de 60 à 70 % du total,on <strong>le</strong> trouve conjointem<strong>en</strong>t avec du cuivre, du plomb, du zinc, du nickel, du cobalt.del’étain. Il échappe donc à la loi des prix. Par exemp<strong>le</strong>, il continue d’être extrait des mines,alors qu’il est surabondant et <strong>que</strong> son cours baisse de plus <strong>en</strong> plus, ce qui serait contraire à<strong>tout</strong>e logi<strong>que</strong> dans <strong>le</strong> cas d’une marchandise ordinaire, mais ce qui est inévitab<strong>le</strong> quand <strong>le</strong>smétaux communs aux<strong>que</strong>ls il se trouve associé sont très demandés. Il est gêné par ses demifrèresqui obéiss<strong>en</strong>t à <strong>le</strong>urs propres lois d’offre et de demande. L’or au contraire est unmétal d’élite, isolé des minerais vulgaires.<strong>La</strong> fantaisie de la nature et <strong>le</strong> caprice des circonstances ont fait <strong>que</strong> <strong>le</strong>s pays producteursd’arg<strong>en</strong>t sont pour la plupart situés <strong>en</strong> Améri<strong>que</strong> et <strong>le</strong>s pays consommateurs <strong>en</strong> Asie. LePérou arrivait jadis <strong>en</strong> tête des premiers 19 , <strong>le</strong> Mexi<strong>que</strong>, <strong>le</strong>s États-Unis et <strong>le</strong> Canada l’ont àpeu près supplanté. Parmi <strong>le</strong>s seconds figur<strong>en</strong>t sur<strong>tout</strong> l’Inde et la Chine dont <strong>le</strong>s habitantssont des thésaurisateurs de métaux précieux. <strong>La</strong> demande industriel<strong>le</strong> est secondaire(arg<strong>en</strong>terie, bijouterie, photographie). Quant à la demande monétaire, el<strong>le</strong> a fléchi depuis<strong>que</strong> <strong>le</strong> métal blanc a été abandonné par <strong>le</strong>s grands Etats europé<strong>en</strong>s. Il est arrivé <strong>que</strong> l’arg<strong>en</strong>ta été démonétisé, à cause du fléchissem<strong>en</strong>t de sa va<strong>le</strong>ur, et <strong>que</strong> cette démonétisation, <strong>en</strong>restreignant la demande, a aggravé <strong>en</strong>core la chute de cette va<strong>le</strong>ur. Le pays responsab<strong>le</strong> decette accélération de la baisse est l’Al<strong>le</strong>magne, qui, profitant de l’indemnité de guerreversée par la France, a décidé d’unifier sa <strong>monnaie</strong> et d’adopter l’étalon d’or <strong>en</strong> 1873.Aux États-Unis, la <strong>que</strong>stion de l’arg<strong>en</strong>t a opposé <strong>le</strong>s habitants des régions industriel<strong>le</strong>s del’est à ceux des contrées agrico<strong>le</strong>s de l’ouest. Les uns étai<strong>en</strong>t soucieux de stabilité etcommerçai<strong>en</strong>t avec l’Europe à étalon d’or, <strong>le</strong>s autres étai<strong>en</strong>t favorab<strong>le</strong>s à une hausse desprix qui pouvait être assurée par une multiplication des frappes monétaires, ils faisai<strong>en</strong>tgrand trafic avec l’Extrême-Ori<strong>en</strong>t à étalon d’arg<strong>en</strong>t et parmi eux figurai<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s producteursde ce métal. <strong>La</strong> lutte fut ard<strong>en</strong>te sur <strong>le</strong> terrain politi<strong>que</strong>, mais là aussi, ce fut l’or qui20triompha <strong>en</strong> 1900 .Au <strong>le</strong>ndemain de la guerre 1914-1918, on put croire <strong>que</strong> l’arg<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>drait sa revanche.D’une part l’offre, accrue p<strong>en</strong>dant la période des hostilités grâce à la demande des métauxcommuns nécessaires aux belligérants, fléchissait après l’armistice ; d’autre part, lademande des Indes et de la Chine augm<strong>en</strong>tait démesurém<strong>en</strong>t. <strong>Ce</strong>s deux pays, <strong>en</strong> effet,avai<strong>en</strong>t largem<strong>en</strong>t approvisionné <strong>le</strong>s alliés qui devai<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur fournir du métal blanc <strong>en</strong>paiem<strong>en</strong>t. Aussi <strong>le</strong> cours de l’arg<strong>en</strong>t se mit-il à monter <strong>en</strong> flèche sur <strong>le</strong> marché de Londres,de 23 11/16 d. l’once de fin <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne p<strong>en</strong>dant l’année 1915 jusqu’au maximum de 89 ½21atteint <strong>le</strong> 1l février 1920 .<strong>Ce</strong>tte situation devait disparaître avec <strong>le</strong>s causes qui l’avai<strong>en</strong>t fait naître. Les débouchéseuropé<strong>en</strong>s se fermèr<strong>en</strong>t et une vio<strong>le</strong>nte crise ravagea l’Extrême-Ori<strong>en</strong>t <strong>en</strong> 1920-1921. Decréanciers, <strong>le</strong>s pays consommateurs d’arg<strong>en</strong>t devinr<strong>en</strong>t débiteurs ; <strong>le</strong>ur demande à Londresdisparut et <strong>le</strong>s cours s’effondrèr<strong>en</strong>t. En 1922, la moy<strong>en</strong>ne annuel<strong>le</strong> était retombée à 34 7/16.A cette épo<strong>que</strong>, la <strong>monnaie</strong> d’arg<strong>en</strong>t semblait condamnée à mourir de langueur. LesIndes anglaises el<strong>le</strong>s-mêmes rattachai<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur <strong>monnaie</strong> à l’or et comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t de v<strong>en</strong>dre<strong>le</strong>urs réserves d’arg<strong>en</strong>t.19 Le Pérou du temps de la domination espagno<strong>le</strong>, c’est-à-dire la Bolivie comprise.20 V. <strong>le</strong> tome premier. de M. J.-L. <strong>La</strong>ughlin : A New Exposition of Money, Credit and Prices, Chicago, 1931.21 Moy<strong>en</strong>ne annuel<strong>le</strong> : 61 7/16 <strong>en</strong> 1920. Les cours de l’arg<strong>en</strong>t à Londres sont exprimés <strong>en</strong> <strong>monnaie</strong>britanni<strong>que</strong> ; ils ne concern<strong>en</strong>t donc <strong>le</strong> rapport or-arg<strong>en</strong>t qu’autant <strong>que</strong> la livre sterling est el<strong>le</strong>-même une<strong>monnaie</strong> d’or. Nous donnons <strong>tout</strong>es <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs de l’arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong> p<strong>en</strong>ce, mais il ne faut pas oublier <strong>que</strong> la livre estel<strong>le</strong>-même dépréciée depuis 1931 par rapport à l’or.
Récemm<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s producteurs américains, politi<strong>que</strong>m<strong>en</strong>t très puissants, ontrecomm<strong>en</strong>cé de s’agiter. Leurs représ<strong>en</strong>tants au Sénat sont peu nombreux, mais hardis. Ilsveu<strong>le</strong>nt, grâce à une action internationa<strong>le</strong>, re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong>s cours tombés à un minimum de 16 d.½ l’once <strong>le</strong> 3 janvier 1933. A Londres, <strong>en</strong> juil<strong>le</strong>t de la même année, ils parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t àpersuader <strong>le</strong>s cinq plus grands pays producteurs de réduire l’offre d’arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong> prohibant <strong>le</strong>sexportations et <strong>en</strong> achetant eux-mêmes une partie de la production ; ils obti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mêmetemps de la Chine l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de ne pas céder de métal blanc prov<strong>en</strong>ant des piècesdémonétisées, et des Indes, celui de limiter <strong>le</strong>s v<strong>en</strong>tes. Les États-Unis eux-mêmes s’oblig<strong>en</strong>tà acquérir l’arg<strong>en</strong>t produit sur <strong>le</strong>ur propre territoire à un cours forfaitaire plus é<strong>le</strong>vé <strong>que</strong> <strong>le</strong>prix pratiqué sur <strong>le</strong> marché libre et à poursuivre ces achats jusqu’au mom<strong>en</strong>t où <strong>le</strong> stockd’arg<strong>en</strong>t sera égal au tiers du stock d’or. Comme ce dernier métal afflue à New-York parmasses de plus <strong>en</strong> plus importantes, la politi<strong>que</strong> américaine ris<strong>que</strong> de dev<strong>en</strong>ir désastreusepour <strong>le</strong>s finances publi<strong>que</strong>s.Les cours ne tard<strong>en</strong>t pas à monter sur <strong>le</strong>-marché libre grâce à la raréfaction de l’offreainsi artificiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t créée, ils atteign<strong>en</strong>t un maximum de 37 d. 1/4 <strong>le</strong> 1 er mai 1935. LesGouvernem<strong>en</strong>ts étrangers qui utilis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core l’arg<strong>en</strong>t craign<strong>en</strong>t de ne pouvoir arrêterl’exode des pièces dont la va<strong>le</strong>ur commercia<strong>le</strong> dépasse la va<strong>le</strong>ur léga<strong>le</strong> ; ils démonétis<strong>en</strong>tces pièces et <strong>le</strong>ur substitu<strong>en</strong>t du papier-<strong>monnaie</strong> 22 . Ainsi la <strong>monnaie</strong> chinoise s’<strong>en</strong>fuit et <strong>le</strong>stransactions sont gênées à l’intérieur. En vain <strong>le</strong> Gouvernem<strong>en</strong>t de Nankin prohibe-t-il cessorties, il ne parvi<strong>en</strong>t pas à arrêter <strong>le</strong> courant ; il décide <strong>en</strong> novembre 1935 de r<strong>en</strong>oncer àfrapper des pièces d’arg<strong>en</strong>t, exige la livraison des stocks et remet des bil<strong>le</strong>ts <strong>en</strong> échange. <strong>La</strong>politi<strong>que</strong> américaine de valorisation aboutit donc à une situation• désastreuse pour l’av<strong>en</strong>irdu métal blanc qu’el<strong>le</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait assurer : el<strong>le</strong> amène <strong>le</strong>s autres Etats et même celui quijusqu’alors était <strong>le</strong> plus grand demandeur d’arg<strong>en</strong>t, à passer au régime du papier.On compr<strong>en</strong>d <strong>que</strong> M. Roosevelt ait dû modifier son attitude. A Londres, <strong>le</strong>s cours seti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre 19 et 22 d. <strong>en</strong> janvier 1936. Quel<strong>que</strong>s t<strong>en</strong>tatives se poursuiv<strong>en</strong>t : des accordssont conclus <strong>en</strong> vue d’achats directs au Mexi<strong>que</strong>, au Canada, <strong>en</strong> Chine, des spéculateurspouss<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s cours par instants, mais <strong>le</strong>s politi<strong>que</strong>s agressives semb<strong>le</strong>nt abandonnées. En1936, l’administration américaine achète toujours l’arg<strong>en</strong>t extrait des mines nationa<strong>le</strong>s à unprix suré<strong>le</strong>vé qui correspond à peu près au doub<strong>le</strong> du cours mondial.<strong>Ce</strong>p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s atta<strong>que</strong>s contre la politi<strong>que</strong> de l’arg<strong>en</strong>t se multipli<strong>en</strong>t. Au début de 1938,<strong>le</strong> prix d’achat du métal produit aux États-Unis est réduit et l’accord conclu avec <strong>le</strong>Mexi<strong>que</strong> est dénoncé. Le1 er janvier 1939, <strong>le</strong> stock monétaire américain d’arg<strong>en</strong>t s’élève à 2milliards ½ d’onces de fin contre moins d’un milliard <strong>en</strong> Chine et un peu plus d’un demimilliardaux Indes. En juil<strong>le</strong>t une satisfaction est donnée aux arg<strong>en</strong>tistes par un légerrelèvem<strong>en</strong>t du prix payé aux nationaux, mais <strong>en</strong> revanche <strong>le</strong> prix d’achat du métal étrangerest abaissé. D’autre part ; la production reste é<strong>le</strong>vée : 169 millions d’onces <strong>en</strong> 1933, 254 <strong>en</strong>1936, 265 <strong>en</strong> 1938. Le cours fléchit à Londres au-dessous de 18 d. au début de juil<strong>le</strong>t 1939 ;<strong>le</strong> rapport or-arg<strong>en</strong>t est de 100 à 1 et de petites mines mexicaines doiv<strong>en</strong>t fermer.Nous verrons plus loin ce qu’il est adv<strong>en</strong>u de ce métal p<strong>en</strong>dant la réc<strong>en</strong>te guerre, périodeévidemm<strong>en</strong>t anorma<strong>le</strong>.Concluons avec l’auteur d’un livre réc<strong>en</strong>t : « Il est vain de vouloir recol<strong>le</strong>r des œufs 23 . »Toutes <strong>le</strong>s grandes politi<strong>que</strong>s de valorisation (caoutchouc, café, sucre, blé, etc.) ontabouti à des échecs, cel<strong>le</strong> de l’arg<strong>en</strong>t n’a pas mieux réussi. Mais <strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons de l’histoire sontrarem<strong>en</strong>t comprises.22 Tel est <strong>le</strong> cas du Mexi<strong>que</strong>.23 Dickson H. Leav<strong>en</strong>s, Silver Money, Bloomington, 1939, p. 350.
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