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La monnaie. Ce que tout le monde devrait en savoir - Institut Coppet

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Chapitre VI – <strong>La</strong> souveraineté monétaire est uni<strong>que</strong> : la loi deGreshamNous savons ce qu’est la <strong>monnaie</strong> et <strong>que</strong>l<strong>le</strong>s formes el<strong>le</strong> revêt. Une place à part mérited’être faite aux métaux considérés comme précieux qui sont à la base de <strong>tout</strong> système.Avant la guerre, <strong>en</strong> ces temps où régnait une tranquillité dont on ne savait pas apprécier<strong>tout</strong> <strong>le</strong> prix, la primauté de l’or était incontestée. Loin de demeurer caché aux yeux desadorateurs, ce métal s’offrait à tous, réel, prés<strong>en</strong>t, multiforme, justifiant <strong>le</strong> nom de« souverain » qu’il portait <strong>en</strong> Ang<strong>le</strong>terre.<strong>Ce</strong> n’était pas qu’il fût arrivé sans lutte à cette haute situation. Longtemps l’arg<strong>en</strong>t luiavait disputé la place. Les deux métaux s’étai<strong>en</strong>t d’abord juxtaposés sous l’anci<strong>en</strong> régime,l’un servant sur<strong>tout</strong> aux échanges internationaux, l’autre aux transactions intérieures. Al’épo<strong>que</strong> de la Révolution française, l’arg<strong>en</strong>t jouissait de la faveur du législateur, car il étaitconsidéré comme populaire, l’or était regardé comme aristocrati<strong>que</strong>.<strong>Ce</strong>p<strong>en</strong>dant, <strong>en</strong> l’an XI, c’est une sorte de condominium des deux métaux qui s’est établi<strong>en</strong> France sous <strong>le</strong> nom de bimétallisme. Tous deux étai<strong>en</strong>t étalons et, pour qu’on pût sanscrainte se servir indistinctem<strong>en</strong>t de l’un ou de l’autre, la loi <strong>le</strong>s avait liés par un rapportfixe : un kilo d’or valait 15 kilos ½ d’arg<strong>en</strong>t 16 . Mais la souveraineté monétaire, commel’éternité dont par<strong>le</strong> <strong>le</strong> poète, ne saurait être à 2. C’est l’effet d’une règ<strong>le</strong> <strong>que</strong> l’on nomme :loi de Gresham.Pas plus qu’Americ Vespuce n’a découvert l’Améri<strong>que</strong>, Gresham n’a inv<strong>en</strong>té la formu<strong>le</strong>qui porte son nom17 . L’erreur d’un économiste anglais du XIX e sièc<strong>le</strong> lui a valu une gloirequ’il eût d’ail<strong>le</strong>urs méritée à d’autres titres, car il fut un émin<strong>en</strong>t pratici<strong>en</strong> du change. <strong>La</strong> loise formu<strong>le</strong> ainsi : « <strong>La</strong> mauvaise <strong>monnaie</strong> chasse la bonne », ou plus sci<strong>en</strong>tifi<strong>que</strong>m<strong>en</strong>t :« Lors<strong>que</strong> deux <strong>monnaie</strong>s liées par un rapport fixe d’échange circu<strong>le</strong>nt concurremm<strong>en</strong>t dansun pays, cel<strong>le</strong> qui est t<strong>en</strong>ue pour la meil<strong>le</strong>ure t<strong>en</strong>d à disparaître. » Aristophane, qui avaitdéjà noté cette singularité, l’avait plaisamm<strong>en</strong>t ét<strong>en</strong>due à ses compatriotes : <strong>le</strong>s citoy<strong>en</strong>s« bi<strong>en</strong> nés, modestes, probes, habi<strong>le</strong>s aux exercices de la pa<strong>le</strong>stre, de la danse, de lamusi<strong>que</strong> » sont outragés, tandis qu’on louange « des infâmes, des étrangers, des esclaves,des vauri<strong>en</strong>s de mauvaise famil<strong>le</strong>, des nouveaux v<strong>en</strong>us 18 ». <strong>Ce</strong>tte loi s’impose à nouscomme el<strong>le</strong> s’imposait aux anci<strong>en</strong>s.<strong>La</strong> persistance de la règ<strong>le</strong> attribuée à Gresham nous permet de compr<strong>en</strong>dre <strong>que</strong>l<strong>le</strong> est lanature d’une loi naturel<strong>le</strong> : cette loi est d’ordre psychologi<strong>que</strong>, d’où sa solidité, car lapsychologie humaine ne change pas. Aujourd’hui comme autrefois, lors<strong>que</strong> nous avons <strong>en</strong>poche une pièce neuve et une pièce usée, <strong>tout</strong>es deux de même va<strong>le</strong>ur, nous donnonsvolontairem<strong>en</strong>t ou instinctivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> paiem<strong>en</strong>t la deuxième et nous gardons la première :simp<strong>le</strong> manifestation de notre intérêt personnel.Quand donc deux <strong>monnaie</strong>s sont choisies pour étalons et sont liées <strong>en</strong>tre el<strong>le</strong>s, comme ilsemb<strong>le</strong> logi<strong>que</strong> de <strong>le</strong> faire, bi<strong>en</strong> loin de constituer un attelage homogène, el<strong>le</strong>s cherch<strong>en</strong>t àse supplanter l’une l’autre. L’erreur initia<strong>le</strong> vi<strong>en</strong>t d’un divorce <strong>en</strong>tre la loi et <strong>le</strong> fait. En effet,<strong>le</strong> cours de cha<strong>que</strong> <strong>monnaie</strong> sur <strong>le</strong>s marchés libres mondiaux est déterminé par l’offre et lademande, comme celui de <strong>tout</strong>e marchandise, autrem<strong>en</strong>t dit il dép<strong>en</strong>d des quantités16 <strong>Ce</strong> rapport était établi indirectem<strong>en</strong>t par la loi, voyez sur ce point notre Manuel d’économie politi<strong>que</strong>, t. 1,partie III, chap. V, § 3.17 Sir Thomas Gresham était ag<strong>en</strong>t financier du roi d’Ang<strong>le</strong>terre à Anvers au milieu du XVI e sièc<strong>le</strong>.18 Les Gr<strong>en</strong>ouil<strong>le</strong>s.

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