En fin de saison, <strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong> peut s’attaquer aux fruits endommagésCliché E.C. Burkness, University of Minnesotaet elle n’abîme rien dans <strong>la</strong> maison(mis à part d’éventuelles tachesjaunes sur les murs lorsqu’elle estdérangée ou écrasée) mais <strong>la</strong> cohabitationpeut s’avérer très désagréable: les insectes peuvent setrouver partout, en grand nombreet émettre une substance jaunâtremalodorante et toxique (mais sansdanger pour l’homme).De ces deux premiers points découlentune série d’autres problèmes.Les coccinelles sont le symbolemême de l’insecte utile et de <strong>la</strong> luttebiologique ; or, <strong>la</strong> commercialisationirréfléchie de cette espècepourrait discréditer <strong>la</strong> lutte biologiqueaux yeux du grand public. Il ya également un problème éthiquedes plus délicats à discuter :l’homme a-t-il le droit de jouer àl’apprenti sorcier en manipu<strong>la</strong>nt <strong>la</strong>nature comme il le fait et surtoutsans prendre de précautions élémentaires? Ce choix et les risquesqui y sont liés impliquent non seulementles citoyens d’aujourd’huimais également les générations àvenir. Un autre problème estd’ordre politique : plusieurs paysont importé et commercialisé sansprécaution une espèce invasive quise répand dans des pays voisins quine l’ont jamais introduite. Enfin,elle pourrait poser un problèmeQue dit <strong>la</strong> loi belge ?En Wallonie, selon <strong>la</strong> nouvelle loi sur <strong>la</strong>conservation de <strong>la</strong> nature (2001), l’introductiondans <strong>la</strong> nature d’espèces non indigènesest interdite à l’exclusion des espècesservant à l’agriculture et à <strong>la</strong> sylviculture.L’introduction d’Harmonia axyridis sembledonc légale en Wallonie puisqu’il n’existepas de loi traitant du cas particulier de <strong>la</strong>lutte biologique. Cependant, <strong>la</strong> directiveeuropéenne Habitats indique que les Étatsmembres devront veiller à réglementer l’introductionintentionnelle d’espèces nonindigènes de manière à ce qu’elles ne portentaucun préjudice aux habitats naturelsou aux espèces indigènes sans distinguerles espèces utilisées pour l’agriculture.En F<strong>la</strong>ndre, toutes les espèces de coccinellesindigènes sont protégées (KB 22-09-1980). Il est interdit de les tuer, chasser,garder en captivité, transporter, perturber,détruire leurs habitats, etc. Quant auxespèces exotiques, une décision de l’exécutifde <strong>la</strong> communauté f<strong>la</strong>mande(21/04/1993) interdit l’introduction dans <strong>la</strong>nature d’espèces non indigènes sauf aprèsl’octroi d’un permis. Ce permis ne peut êtreattribué qu’après avoir étudié les conséquencesde l’introduction sur <strong>la</strong> faune indigène.Comme ceci n’est pas le cas, ilsemble donc que l’introduction d’Harmoniaaxyridis soit illégale en F<strong>la</strong>ndre ! Les circonstancesexactes dans lesquelles cetteespèce a envahi nos écosystèmes sontcependant difficiles à mettre en évidence.Toute légis<strong>la</strong>tion devrait donc non seulementréglementer l’introduction (l’actionde relâcher) des espèces non indigènesmais aussi leur commercialisation.économique supplémentaire àcause de son habitude de se nourrirde fruits en fin de saison. Il a étémontré que <strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong>ne s’attaque qu’aux fruits déjà endommagés.Cependant, des problèmesont déjà été rencontrésdans des vignobles américains : lescoccinelles sont récoltées avec leraisin lors des vendanges et les substancesqu’elles émettent modifientle goût du vin.La commercialisation de <strong>la</strong><strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong> est d’autantplus malheureuse qu’une espèce indigène<strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> à deux points,produite en masse et commercialiséeauprès de particuliers, ne poseaucun des problèmes que l’onconnaît avec H. axyridis (mais elleest plus chère, comme on l’a vu plushaut…). De plus, <strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong>a été importée il y a une di-La <strong>Coccinelle</strong> à sept points, Coccinel<strong>la</strong> 7-punctata, est un hôte naturel fréquent dans nos jardins.De même taille que <strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong>, elle s’en distingue par <strong>la</strong> couleur du pronotum.Cliché J. MentensInsectes 10 n°136 - 2005 (1)
Une coccinelle indigène utilisée en lutte biologique : Adalia bipunctata - Cliché P. Ve<strong>la</strong>y – OPIEzaine d’années aux États-Unis oùelle pose les problèmes que nousavons décrits. Ce qui s’est passé étaitdonc tout à fait prévisible.■ Que peut-on faire pour nosespèces indigènes ?La <strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong> est très résistanteau froid et on ne luiconnaît pas, pour le moment, deprédateur ou de parasite suffisammentspécialisé. Son imp<strong>la</strong>ntationdéfinitive en Belgique (et enEurope) est donc très probablementinéluctable. Il est donc inutilede tuer les individus de<strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong> que l’on rencontre.La seule réaction que nouspuissions avoir est d’en tirer lesleçons pour l’avenir, afin d’éviterque ce<strong>la</strong> se reproduise, notammenten mettant en p<strong>la</strong>ce un systèmelégis<strong>la</strong>tif qui permettraitd’exercer un contrôle et d’évaluerl’impact des agents utilisés enlutte biologique. rPourquoi s’agrège-t-elle en hiver dans les maisons ? Et que faire ?Toutes nos espèces de coccinelles passent l’hiver à l’état adulte à un rythme de vie ralenti, àl’abri dans les feuilles mortes, au pied des p<strong>la</strong>ntes, dans les mousses, entre les aiguilles depin ou d’épicéa, dans les crevasses des écorces ; quelques-unes hivernent dans des cavitésnaturelles (arbre creux…) ou leurs équivalents modernes : les habitations humaines. Les individusde certaines espèces sont solitaires mais beaucoup se rassemblent, parfois en trèsgrand nombre. Elles déposent à cet effet un signal chimique odorant (phéromone) qui leurpermet de se regrouper sur un même site, lequel est souvent réutilisé d’une année sur l’autrepar des coccinelles de générations successives. Il n’est pas rare d’observer des rassemblementsde plusieurs espèces différentes. Les coccinelles possèdent, en général, des couleursvives (aposématiques) pour prévenir un éventuel prédateur de leur mauvais goût et de leurtoxicité. En se rassemb<strong>la</strong>nt comme elles le font, elles renforcent ce signal coloré et auraientmoins de chance de subir un acte de prédation durant l’hivernation. Les rassemblements de<strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> <strong>asiatique</strong> débutent généralement en octobre, dans les jours plus chauds qui suivent<strong>la</strong> première période de froid.Dans les maisons, les coccinelles ne se reproduisent pas et ne se nourrissent pas. Elles s’eniront dès les premiers jours du printemps. On peut donc les <strong>la</strong>isser en p<strong>la</strong>ce si elles negênent pas. Dans le cas contraire, on évitera l’emploi d’insecticides. À <strong>la</strong> lutte chimique, nocive,on préférera <strong>la</strong> lutte mécanique curative : ba<strong>la</strong>i et/ou aspirateur 5 . Une fois capturées, lescoccinelles peuvent être tuées ou relâchées à l’extérieur ou dans un endroit où elles negênent pas. Une fois mises à <strong>la</strong> porte, les coccinelles risquent cependant de revenir, attiréespar le signal chimique dont elles ont marqué l’habitation. Pour éviter ce problème, il faut lestuer en les p<strong>la</strong>çant quelques heures au congé<strong>la</strong>teur. Quant à <strong>la</strong> lutte préventive par moustiquaire,bouchage de trous, etc., même en étant très minutieux, le résultat est décevant 6 . Onveillera à ne pas persécuter à l’occasion <strong>la</strong> <strong>Coccinelle</strong> à deux points, Adalia bipunctata, indigènequi s’agrège également dans les maisons en hiver, mais en groupes bien plus restreints, etqui subit déjà durement <strong>la</strong> concurrence avec Harmonia axyridis.5 Sur les usages de l’aspirateur en entomologie, on (re)lira l’article paru dans Insectes n°124 (2002),en ligne à www.inra.fr/opie-insectes/pdf/i124fraval2.pdf6 Le problème est analogue à celui des mouches dans les greniers : voir dans Insectes n°126 (2002),en ligne à www.inra.fr/opie-insectes/pdf/i126fraval.pdfUn agrégat de coccinelles s’apprêtant à passerl’hiver dans une habitation en BelgiqueCliché Jeroen MentensEn vente à l’OPIE…L'OPIE propose d'avril à septembre,des adultes de <strong>la</strong><strong>Coccinelle</strong> à deux points, Adaliabipunctata, c<strong>la</strong>ssique et autochtone,efficace dévoreuse de puceronsdans les arbustes etarbres fruitiers.Les auteursr T. Adriaens est écologiste àl'Instituut voor Natuurbehoud, institutionscientifique de <strong>la</strong>Communauté f<strong>la</strong>mande.r L. Hautier est chercheur au départementLutte biologique et ressourcesphytogénétiques du Centre wallon derecherches agronomiques, institutionscientifique de <strong>la</strong> Région wallonne.r G. San Martin et N. Ottart étudientl’impact d’Harmonia axyridissur <strong>la</strong> faune indigène à l’UniversitéLibre de Bruxelles au sein du <strong>la</strong>boratoired’Éco-éthologie évolutive .T. Adriaens et G. San Martin participentégalement à <strong>la</strong> coordination dugroupe de travail Coccinu<strong>la</strong>.Insectes 11 n°136 - 2005 (1)