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Un territoire ouvert - Parc naturel régional Livradois-Forez

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Journal du <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional Printemps-Été 2009Photos : PNRLFLa révisionde la Charte du <strong>Parc</strong>suit son cours.L’avant-projet,rédigé à l’issued’un large débatet validé parle Comité syndical,se veut l’expressiond’“un projet partagépour un <strong>territoire</strong>plus <strong>ouvert</strong>sur le monde”.<strong>Un</strong> projet partagéPérimètre étenduLe périmètre du <strong>Parc</strong> s’étend à 9communes de la Loire (Noirétable,La Chamba, La Chambonie, Jeansagnière,Chalmazel, Sauvain, Saint-Bonnet-le-Courreau, Roche etLérigneux) pour assurer une continuitéd’action sur les deux versantsdes Monts du <strong>Forez</strong>. La possibilitéleur est offerte, il appartient à cescommunes de délibérer en tempsutile pour décider de rejoindre leSyndicat mixte.Révision, suite▲ Cette année,après avis du Conseilrégional d’Auvergne, l’avant-projetde Charte a été validé par le Comitésyndical du <strong>Parc</strong>, le 27 avril, puistransmis par la Région au Ministèrede l’Écologie.À l’automne,après avisdu Conseil National de la Protectionde la Nature (CNPN) et de la Fédérationdes <strong>Parc</strong>s,rédaction du projetdéfinitif. Puis, lancement de la procédured’enquête publique.“Nous vivons désormais dansl’ombre portée de catastrophesfutures qui, mises en système,provoqueront peut-être la disparition del’espèce”, écrit le philosophe Jean-PierreDupuy 1 . Des catastrophes futures, deux aumoins sont annoncées : érosion de la biodiversitéet dérèglements climatiques. Précisonsque sous l’intitulé “érosion de labiodiversité”, il ne s’agit pas seulement dela disparition de telle ou telle espèce(faune ou flore) mais de la trame même duvivant qui peut se défaire, se déliter.Dans les deux cas, la responsabilité deshommes, de l’activité humaine, est avérée.Ce qui impose pour le moins, sauf à choisirla voie de la catastrophe, de repenserla place de l’homme dans son environnement,de mettre un sérieux bémol à l’ambitioncartésienne qui invitait l’homme à seconsidérer “comme maître et possesseur dela nature”.<strong>Un</strong> <strong>territoire</strong> <strong>ouvert</strong>Ces deux enjeux, biodiversité et climat, etcette exigence d’humilité figurent enexergue de l’avant-projet de Charte du<strong>Parc</strong>. On dira peut-être que ces enjeux planétairesoutrepassent largement les dimensionsd’un <strong>territoire</strong> au périmètre bienmodeste, rapporté à cette échelle. Précisément,tout le texte de l’avant-projet estmarqué par cette préoccupation d’<strong>ouvert</strong>ureau monde et d’une meilleure prise encompte des enjeux qui concernent l’espèce,la planète. Le réchauffement climatiquenous concernera tous, y comprisdans nos usages les plus quotidiens. Et sila “mondialisation” n’a pas inventé les interdépendances,elle les a accusées. Le motd’ordre qui intime de “penser global et agirlocal” est donc d’une réelle pertinence.“Agir local”, c’est-à-dire ici et maintenant, ànotre porte, en fonction des spécificités <strong>naturel</strong>leset culturelles du <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>.Des objectifs communsLa Charte est un document stratégique quidéfinit, pour l’ensemble du <strong>territoire</strong> et àl’horizon de 12 ans, “ce vers quoi l’on souhaitealler et comment l’on compte y aller”.Il indique aussi, par défaut, ce que l’onsouhaite éviter.La Charte n’a pas de force réglementaire 2 .Elle ne vaut que par l’adhésion des collectivitésqui, en rejoignant le Syndicat mixte,s’engagent à agir en cohérence pour mettreen œuvre les objectifs communs. Ellene vaut, plus largement, que par l’implicationdes habitants. C’est pourquoi le <strong>Parc</strong> avoulu faire de ce processus de révision untemps fort de dialogue et d’échanges avecles forces vives locales et avec ses partenaires.Et la concertation a été large : débatspublics thématiques animés par desspécialistes de la culture, de la biodiversité,de l’économie, des énergies renouvelablesou des paysages ; blog citoyen ; ateliers citoyensmis en place par des groupes d’habitants; commissions de travail sur deuxthèmes : “<strong>Un</strong>e nouvelle relation avec la nature”et “Vers un nouveau vivre ensemble”; ateliers thématiques composés d’élus,des animateurs des ateliers citoyens et desreprésentants des partenaires du <strong>Parc</strong> ; rencontresterritoriales… On peut appelercela, faute de mieux, de la démocratie participative.Elle perdurera, sous des formesqui sont peut-être à inventer. Il est notammentenvisagé que des représentants desateliers citoyens puissent participer auxréunions des instances du <strong>Parc</strong>, sans toutefoisavoir droit de vote afin de respecterles prérogatives de l’autre démocratie - lareprésentative.<strong>Un</strong>e cultureplus solidaireL’avant-projet de Charte, dont on lira le résuméen page 6, invite à “construire unenouvelle culture” pour accompagner – etanticiper sur – les changements qui viennent.<strong>Un</strong>e culture plus solidaire, plus <strong>ouvert</strong>e,qui sache s’appuyer sur lesspécificités du <strong>territoire</strong> en évitant toutetentation de repli identitaire. <strong>Un</strong>e cultureétablie, en somme, sur les trois fondementsdu développement durable : préservationde l’environnement, efficience économiqueet équité sociale. A charge pour le<strong>Parc</strong> d’assurer sa triple mission d’ingénierieauprès des collectivités, de sensibilisationet, surtout, d’expérimentation, c’est-à-direde tenter ce que l’on n’a pas, jusqu’ici, osé.Le philosophe que l’on citait en commençantdit encore que “la fatalité est lasomme de nos démissions”. A rebours dufatalisme, le slogan des <strong>Parc</strong>s <strong>naturel</strong>s régionauxaffirme : “<strong>Un</strong>e autre vie s’inventeici.” Chiche !■▲ En 2010, vote des communes,des Communautés de communes,des Conseils générauxde la Haute-Loire, de la Loireet du Puy-de-Dôme, des Conseilsrégionaux d’Auvergneet de Rhône-Alpes.Après avis définitif du CNPN etde la Fédération des <strong>Parc</strong>s, examendu projet par une commissioninterministérielle pilotéepar le Ministère de l’Écologie.Le décret de classement devraitintervenir en fin d’année.1. Petite métaphysique des tsunamis, éditions du Seuil. Ilconvient de signaler que l’auteur, qui prône un “catastrophismeéclairé”, est très critique à l’égard des notions de“principe de précaution” et de “développement durable”.2. Avec une nuance, cependant. Depuis la loi Paysage de1993, la Charte du <strong>Parc</strong> est opposable aux documentsd’urbanisme. Les SCOT ou PLU doivent donc être compatiblesavec ses orientations.S o m m a i r eCréationet reprised’entreprisespages 2-3Pourraten sentinellepages 4-52010-2022un projetambitieuxpage 6Ecorcheur,Dossard griset…page 7L’invité :Jean-ClaudeMourlevatpage 8N°17


Réuni le 12 mars dernier, à Saint-Gervais-sous-Meymont, un jury, composé d’élus et d’acteursdu monde économique, a distingué dix lauréats parmi une quarantaine de dossiers retenus.La sélection s’effectue selon quatre critères : viabilité du projet, contribution au développementéconomique local, prise en compte de l’environnement, place de l’homme dans l’entrepriseet rôle social de l’entreprise.Le concours est organisé par le <strong>Parc</strong> en partenariat avec tous les acteurs de la création d’activités.Il est doté d’un montant global de 52 000 € de primes aux entreprises grâce à des financementsdes Conseils généraux du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire.Dix contrela criseD’accord, c’est la crise.Mais les dix lauréats de cette 19 e éditiondu concours Création et Reprised’Entreprises en <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>ont décidé de passer outre.Avec nos vœux, redoublés, de réussite.Eco-constructionSamuel Champouillon vient dela Haute-Marne, il passe par larégion parisienne, la Côte d’Oret la Savoie avant d’arriver à La Chaise-Dieu, en janvier 2008. “Ingénieur en mécanique,je m’intéressais beaucoup auxénergies renouvelables. J’ai donc fait uneformation à Chambéry puis, avec leconcours de l’association Oxalis Scop, j’aicréé un bureau d’études thermiques et deconseils en éco-construction.”La mission d’Enthalpie (c’est le nom dubureau, terme emprunté à la thermodynamique),Samuel Champouillon la définitainsi : “Il s’agit de faire en sorte quel’environnement soit une donnée intégréedès la conception du bâtiment. C’estpourquoi j’interviens le plus en amontpossible en évaluant avec le maître d’ouvrageles besoins énergétiques (souventsurestimés), en réfléchissant avec l’architecteà l’orientation du bâtiment, àl’épaisseur des murs, à la nature des isolants,à la surface du vitrage… Après, ilest possible de définir le type d’énergie renouvelablele mieux adapté.” Ses clientssont des collectivités, des entreprises, desassociations ou des particuliers. Géographiquement,ils sont pour moitié enRhône-Alpes, pour un tiers en Lorraine etun sixième en Auvergne. “Grâce à Internet,les distances ne me posent pas de problème,mais je souhaite évidemmentdévelopper l’activité dans ma régiond’adoption.”Le projet est plus qu’intéressant, le jurydu concours l’a reconnu en le distinguantdoublement, mais pourquoi choisir leplateau casadéen ? “En fait, je ne suis passeul en cause, reconnaît Samuel Champouillon.Avec des amis, nous avions unprojet autour de la création d’activités etde l’habitat groupé. Nous hésitions entrela Savoie et le Limousin, la Haute-Marneet l’Auvergne. Finalement, c’est LaChaise-Dieu qui l’a emporté parce quel’un de nous a repris une exploitationagricole dans un hameau de la commune,et aussi en raison de la qualité del’accueil, de la dynamique associativeque nous avons trouvées ici.” Résultat,trois familles sont venues s’installer sur leplateau et des constructions sont en projetdu côté de Malvières. Eco-construction,cela va sans dire.▲ Enthalpie43160 La Chaise Dieu06 75 49 32 64s.champouillon@enthalpie.org1 er prix etprix EnvironnementLavableLorsquel’enfant paraît… tout lemonde le trouve mignon. Maissait-on qu’à 2 ans et demi delà, il aura “produit” une tonne de déchetsen couches jetables et “consommé” pourcela 4 ou 5 arbres.Katia Lepras-Poulain et Edith Bouthin, respectivementfille et mère l’une de l’autre,le savent. “C’est quand je suis devenuemaman et que ma mère est devenuegrand-mère que tout a commencé, dit ensouriant Katia Lepras-Poulain. Je voulaisutiliser des couches lavables, parce quec’est plus écologique. Mais il était difficiled’en trouver et souvent elles venaient del’étranger.” Mère et grand-mère invententalors un modèle pour l’usage personneld’Anaëlle et le fabriquent elles-mêmes.Comme elles travaillent vite, elles décidentde commercialiser le surplus via Internet.Les débuts sont prometteurs. Aprèsune phase d’essai au sein de la coopérativeAppuy-Créateurs, elles s’émancipentet créent la SARL Bébés Lutins. “L’atelierest sur la commune de Lachaux, où noushabitons. Nous avons une couturière àmi-temps, nous faisons appel, si nécessaire,à un atelier de Roanne mais, àl’avenir, nous aimerions embaucher unepersonne à plein temps pour avoir notreautonomie de production.”Elles ont récemment <strong>ouvert</strong> une boutique,La Caban’O Lutins, à Châteldon.“Le magasin est aussi mon bureau, ditKatia Lepras-Poulain. Nous souhaitionsdisposer d’un lieu pour recevoir nosclients et leur montrer nos produits. Il yavait un local à louer place Jean-Jaurès,c’était parfait, nous pouvions garder cettequalité de vie qu’on ne trouve qu’à lacampagne.” Boutique et Internet cumulés,la demande dépasse largement l’offre.La société Bébés Lutins, quicommercialise aussi d’autres produits depuériculture, a déjà des clients danspresque toute la France.Anaëlle a aujourd’hui 3 ans et demi. Lescouches ne sont qu’un lointain souvenir.Elle se souvient d’en avoir utilisé… quoi ?une vingtaine tout au plus.▲ Caban’O Lutins8 place Jean-Jaurès63290 Châteldon04 73 51 97 24contact@bebes-lutins.comwww.bebes-lutins.com2 e prixR e m i s e d e s p r i x à l a M a i s o n d u P a r c ,l e 3 a v r i l d e r n i e r .En grosBœuf, veau, porc, agneau,commerce de viande en gros,voilà la raison sociale de LaurentFoulhoux depuis avril 2008. “Après21 ans passés dans l’entreprise Bernard,à La Forie, j’avais envie d’indépendance.Mais je ne suis pas devenu concurrent demon ancien employeur qui, lui, vend essentiellementdes salaisons.” Le négociantpart d’un principe simple : “Je m’attacheà travailler sur des “circuits courts”,comme on dit. J’achète des bêtes aux producteursdu <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>, je passe àl’abattoir d’Ambert et je livre aux boucherieset aux grandes surfaces de la région.Le consommateur est assuré d’avoirune traçabilité parfaite et pour le boucherc’est un bon argument de vente.”<strong>Un</strong>e nouvelle activité a toujours des effetsinduits et, ici, ils sont particulièrementpositifs. “En moins d’un an, j’aipassé 200 tonnes, ça compte dans le volumetraité par l’abattoir d’Ambert.” <strong>Un</strong>plan de modernisation est programmépour l’abattoir municipal dont on saitqu’il a connu quelques difficultés.Laurent Foulhoux ne compte pas sesheures, “mettons 10 heures par jour”, nile poids porté à l'épaule en moins d’unan. “C’est le métier qui veut ça.”▲ <strong>Livradois</strong> Viandes, Bourchany63940 Marsac-en-<strong>Livradois</strong>04 73 95 64 0106 70 63 60 303 e prixCamionEnfant,Laurent Wintzer aimaitles camions, comme tous lesgarçons mais plus que tous lesautres. “C’est comme Obélix, je suis tombédans la marmite. Je me souviens encored’avoir, à 7 ans, acheté le numéro 10 dumagazine France Route.” Il obéit quandmême à l’injonction familiale : “Passe tonbac d’abord !” Il passe aussi un DUT Gestionlogistique et transport. En 1995, il intègreles Transports Péronnet (400salariés) à Saint-Etienne.Treize ans plus tard, il est assistant de directionet tenaillé par l’envie de se mettreà son compte. “J’ai su que l’entreprised’Emile Gayard, à Sauvessanges, était àreprendre, elle correspondait parfaitementà mes critères.” La passation de pouvoir aeu lieu en mars dernier.L’entreprise dispose de quatre conducteurs,d’une employée administrative,d’une flotte de dix véhicules. “Mon objectifprioritaire, crise oblige, est de pérenniseret de consolider”, dit le repreneur. Ilentend développer de nouvelles activités :le transport par benne pour les matériauxen vrac et la location de véhicules avecchauffeur. Le secteur d’interventions’étend sur toute la Haute-Loire, le sud duPuy-de-Dôme, avec des échappées surThiers ou Clermont. “Dans le métier, ilfaut savoir respecter le <strong>territoire</strong> de chacun.”Laurent Wintzer en est convaincu, le transportroutier a de beaux jours devant lui :“Il arrive toujours un moment où le train,l’avion ou le bateau atteignent leur limiteet c’est au camion de prendre le relais,d’amener le produit au destinataire final.”▲ Gayard Transport63840 Sauvessanges06 08 27 84 88laurentwintzer@hotmail.fr4 e prixC o n c o u r s


GarageCChez les Janvier, on a le gènede la voiture. Patrice et Pascaltravaillaient au garage RogerJanvier. 27 ans de service pour le premier,qui raconte la suite : “Quand mon père aeu l’âge de la retraite, ma mère a pris lerelais. Puis, quand le tour de ma mère estvenu, mon frère est resté à Viscomtat etmoi j’ai décidé de m’installer à Vollore-Montagne où j’habite depuis 20 ans, dansune maison qui était… l’ancien garage.”L’établissement Patrice Janvier a <strong>ouvert</strong> enaoût dernier : mécanique auto, moto, quad,carrosserie, vente de véhicules neufs oud’occasion, entretien, dépannage et venteen motoculture. “Mon but est simplementd’offrir les services que l’on est en droit d’attendred’un garage de proximité”, dit lenouveau patron avant d’embrayer sur saspécialité : préparateur de voitures de compétition.“Ça me permet de travailler sur unsecteur plus large. J’ai un gars de Roannequi vient de m’amener un moteur, d’autresviennent de Saint-Etienne ou de la Lozère.”Pilote de rallye depuis 1982, Patrice Janviers’est fait une réputation dans le mondefermé du sport automobile. “Sur 20 classements,on a terminé 16 fois 2 ème au généralet 18 fois 1er de notre groupe.” Pendantlongtemps, c’est son épouse, Agnès, quiétait co-pilote. Aujourd’hui, c’est le tour desa fille Pauline, elle n’a pas encore 20 ans.▲ Garage Patrice Janvier63120 Vollore-Montagne04 73 53 78 03janvier.patrice@orange.fr5 e prix ex æquoPhoto : PNRLFAlimentaireAprès“12 ans dans la grandedistribution, je voulaisprendre une nouvelle orientationprofessionnelle, je pensais à uncommerce, à l’alimentation qui est maspécialité. Et quand j’ai vu que la boutiquedu fleuriste au numéro 12 de laroute de Thiers - où il passe 8 000 véhiculespar jour - était à louer, ç’a été le déclic,”raconte Françoise Fournet-Fayard.“Après, tout s’est déroulé avec une facilitédéconcertante, étude de marché, démarchesadministratives, recherche desfournisseurs… J’ai bénéficié des conseilsde la CCI de Thiers et d’une aide deCréa’Thiers.”En octobre dernier, elle ouvre son magasinde produits biologiques et régionaux :épicerie, produits laitiers, fruits et légumes,boissons, volailles et boucherie,mais aussi huiles essentielles, cosmétiquesou compléments alimentaires. Ellea choisi le bio par conviction, commeune évidence : “Qui ne voudrait consommerles meilleurs produits tout en respectantl’environnement ?” Mais aussi paropportunité commerciale : “La demandeest de plus en plus forte et, hormis lesquelques rayons de grandes surfaces, l’offreétait inexistante sur l’arrondissementde Thiers.”Le magasin compte plus de 450 références.Les produits sont toujours choisis“au plus près”, il faut donc tenir comptedu rythme saisonnier : pas de cerises enjanvier ni de fraises en mars. La règle deproximité souffre quelques exceptions :soja, bananes ou produits de la mer. FrançoiseFournet-Fayard est confiante :“Quand on a fait le pas, quand on a goûtéau bio, on ne revient pas en arrière.”▲ Bio Dore12 route de Thiers63920 Peschadoires04 73 51 80 265 e prix ex æquoBoulangerieMagali Faure-Osty est informaticienneà Clermont-Ferrand,Frédéric Fauretravaille dans une société de location devaisselle. Le rythme citadin ne leurconvient pas, ils veulent vivre à la campagneet voir grandir leurs enfants auplein air. “On envisageait de reprendreune épicerie mais on s’est vite renducompte qu’en milieu rural ce serait un peujuste.” Alors, Frédéric Faure apprend lemétier de boulanger, il passe son CAP en2007. “Puis nous avons cherché une af-faire à reprendre, en prenant tout le tempsnécessaire, bien conseillés par la CCI deClermont, la Chambre de Métiers du Puyde-Dôme,la Fédération des boulangers oula Société Meunière du Centre.”Ils hésitent entre une bourgade du Sancy etMarsac-en-<strong>Livradois</strong>. Marsac l’emporte. “Larégion est quand même plus peuplée et onest proche d’Ambert.” En août 2008, La passiondu pain ouvre ses portes : boulangerie,pâtisserie mais aussi épicerie, cette activitéreprésentant plus du tiers du chiffre d’affaires.Magali est au magasin, Frédéric entournée quatre jours par semaine et cethiver, malgré la neige, il n’a pas fait fauxbond une seule fois. “On attend le boulangerdans les petits villages.” C’est d’ailleursune boulangère qu’on attend désormaispuisque la tournée est assurée par ElisabethFroissant, embauchée en mars dernier (ànoter que toutes les candidatures étaient féminines).L’entreprise emploie aussi un ouvrierboulanger, Dominique Tournebize quiétait déjà dans la place, et une vendeuse,Stéphanie Bouche.▲ La Passion du Pain14 rue des Écoles63940 Marsac en <strong>Livradois</strong>04 73 95 60 30magali.osty@aliceadsl.fr5 e prix ex æquo6 e prix ex æquoLudi-partiesCAP de carrosserie-peinture, détourpar La Réunion, informaticien,contrat emploi jeune àla communauté de communes du paysde Courpière… Le parcours est sinueux,Stéphane Rouault en convient, mais il saitanticiper quand il le faut. “Je savais bienque le contrat n’allait pas durer, alors j’aicommencé à me consacrer à la fabricationde jeux en bois et à les vendre sur Internet.”Activité commencée dans lecadre de la coopérative Appuy Créateurs.Il dit qu’il a toujours été joueur. Les jeux,ils les inventent au rythme d’un par mois,“même si tous ne sont pas commercialisés”.Son panel est large : jeux d’adresse,de rapidité, de stratégie ou d’équilibre. Ila inventé le Billapoint, le Tournilastik, leBillodrome, le 321… La clientèle potentielleest immense, de 7 à 77 ans et bienau-delà : “J’effectue des prestations dansles maisons de retraite et ça fonctionnetrès bien.” Les produits sont dûment testés: “J’ai pris l’habitude d’organiserchaque mardi soir de l’été des “ludi-par-ties” à la Halle de Vollore. Je viens avecmes jeux, la séance est gratuite, il y ajusqu’à une centaine de personnes et onjoue parfois jusqu’à minuit.” Il réaliseaussi des prototypes à la demande d’autresinventeurs. Il utilise des bois locaux,pin, hêtre, châtaignier et un peu dechêne. Il a des clients dans la France entière,en Espagne, en Belgique ou enSuisse. Il croit à l’avenir des jeux enbois… “Je n’y crois pas, c’est une certitude,quand on voit l’engouement !” Il aimeraitcréer une ludothèque, disposerd’un espace où il pourrait accueillir dupublic et proposer des animations.▲ Ludibois, Rongeron63120 Vollore Ville04 73 53 74 12stephane@ludibois.com6 e prixÉmauxFlorence Alaux travaillait dans lesecteur de la santé, à Clermont-Ferrand. Elle est licenciée enaoût 2003, pour raison économique. Lesentretiens en pure perte et les faux espoirs,elle connaît. “Alors, j’ai décidé de rebondirpar mes propres moyens. J’ai une passionpour les émaux d’art et la céramique, unmétier que j’avais appris, du temps où j’habitaisen Saône-et-Loire.” Elle envisage decréer un atelier-boutique et effectue unstage de gestion à la CCI de Clermont.Le hasard aide à finaliser le projet. FlorenceAlaux est présidente de l’associationAnis Etoile et, à ce titre, conviée à lafoire aux produits biologiques de Châteldon.“C’était en 2006. J’ai été complètementséduite par ce bourg médiéval queje ne connaissais pas du tout et j’ai aussitôtrésolu de poser là mes valises professionnelleset familiales.” L’année suivante,elle achète l’immeuble situé au n° 7 de laplace Jean Jaurès. Après travaux, elleloue les trois étages et, en mai 2008, elleouvre son échoppe, au rez-de-chaussée,à l’enseigne de La Vagabonde.Elle crée des bijoux (médaillons, broches,bagues, boucles d’oreilles…), émaux rehaussésde filets d’or, des pièces uniques“pour des achats coup de cœur”. Les Châteldonnais(des Châteldonnaises surtout)et des touristes ont poussé la porte deson échoppe, ils n’ont écouté que leurcœur, ils sont revenus. “Le bouche àoreille fonctionne bien, mais je voudraism’équiper rapidement pour la commercialisationpar Internet.”▲ La Vagabonde7 place Jean Jaurès63290 Châteldon04 73 94 60 19florence.alaux.ceram@orange.fr7 e prix ex æquoAventureIl est originaire de Marseille, il a étéanimateur socio-culturel en régionlyonnaise. En septembre 2007,Denis Pinot s’installe avec sa famille àCunlhat, “on connaissait la régionpuisque mes beaux-parents y vivent”.Il téléphone au parc de La Forêt del’Aventure du Col de Toutée pour proposerses services, le propriétaire lui proposecarrément de reprendre l’affaire. Letemps d’une remise à niveau des équipementset il est à pied d’œuvre dès la mijuin2008. En octobre, à la fin de lasaison, le parc avait accueilli plus de2 000 personnes, un chiffre conforme auxprévisions. Cette année, il a <strong>ouvert</strong> àPâques, avec trois personnes à pleintemps et une à mi-temps. “Et nous avonscréé un nouveau parcours destiné auxplus petits, à partir d’un mètre…”Il y a en effet un critère de taille. La Forêtde l’Aventure est un “parc acrobatiqueen hauteur”. Sur 2 hectares, on passed’arbre en arbre, à une hauteur de un àdix mètres, en empruntant des passerellesde cordes, en s’arrêtant sur desplates-formes, en se retenant au “câble deligne de vie”. “C’est un loisir familial, quin’exige pas de compétence sportive. Je reçoisparfois des grands-parents qui accompagnentleurs petits-enfants etsouvent ils font les parcours ensemble.”La saison 2009 s’annonce bien. “J’ai eudavantage de temps pour faire la promotion,prendre contact avec des organismes,passer des contrats avec eux,proposer des tarifs préférentiels…”▲ La Forêt de l'Aventuredu Col de Toutée63590 Cunlhat04 73 72 27 5306 72 26 62 47foret.toutee@orange.fr7 e prix ex æquoSi vousavezun projet…L’opération “Création et reprised’Entreprises“ est reconduite.Les candidats sont invitésà remettre leur dossieravant le 31 décembre 2009..▲ ContactEtienne ClairTél. 04 73 95 57 57Photos : Thenote.clair@parc-livradois-forez.org▲ Pour connaîtreles opportunitésd’installationen <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> :1 9 e é d i t i o nwww.capactif.com


D’Ambert au JaponIl est mort le 16 juillet 1959, un jeudi,à 22 h 30.Vialatte ne peut l’admettre:“Pourrat serait mort ? le téléphonel’a annoncé ;les téléphones se trompentsouvent.” Puis il s’y résout : “Maismaintenant la radio le dit, de sa voixsans âme. Maintenant c’est un fait accompli.Désormais les jardins ne sontplus qu’un verre vide, et c’est un peucomme si Virgile, une fois de plus, étaitmort.” Chronique du 24 juillet 1959,La Montagne.De nombreuses manifestations scandentce cinquantenaire placé sous ladirection de Michel Zink, professeurau Collège de France.Parmi celles quiont déjà eu lieu,il convient de signalerles Rencontres internationales qui sesont tenues à Clermont-Ferrand les15 et 16 mai dernier ou le spectacled’Henri Gougaud.A noter sur votre agenda pour les semaineset mois à venir :Expositions• Le monde d’Henri Pourrat,“une entrée sensorielle, esthétique etinsolite dans le monde de l’écrivain”.Hôtel Fontfreyde, 34 rue des Gras,Clermont-Ferrand.Jusqu’au 30 août.• Le génie populaire révélé par HenriPourrat, avec des gravures d’IrèneWeiss.Annexe de la mairie, BoulevardHenri IV,Ambert. Du 10 juillet au 5septembre.Musique• Concert de Julos Beaucarne “Le JaseurBoréal” le 12 juin, Maison desJeunes 21h à Ambert.Le lendemain, à la jasserie du Coqnoir, veillée autour des œuvres dePourrat en compagnie d’AnnetteLauras et de Julos Beaucarne.• Concert de Laurent Martin, pianiste,et Brigitte Balleys, cantatrice,au programme :Bach,Chabrier,Messiaen,etc, avec lecture d’extraits deLa veillée de Novembre.Château de Ravel, 11 juillet, à 19 h.• Concert de l’Orchestre National deLyon.Au programme : Intradade Fabian Müller, Rêverie et Capricede Berlioz, Concerto pour violon etorchestre n°2 de Mendelssohn.Abbatiale Saint-Robert, La Chaise-Dieu, 28 août à 15h.Le même jour,conférence d’AnnetteLauras et Joseph Goubier à 17h,salleCziffra.Cinéma• Le chasseur de la nuit, téléfilm deJacques Renard et Jacques Santamaria,<strong>Un</strong>e journée d’Henri Pourrat, filmde Jacques Mény :projections cet automneau cinéma La Façade, à Ambert.Le film de Jacques Mény estdiffusé en permanence pendant l’expositionde l’Hôtel Fontfreyde.Photos : Albert Monier © Centre Henri PourratOriginaire du Cantal,professeur de lettresclassiques à Paris,Marie-Hélène Lafona beaucoup lu Pourrat.Elle lui a consacréune thèse.Attention ! sa lectureest doublementdangereuse ;elle surprendrales inconditionnelsdu patriarche ambertois,elle pourrait convertirles réticents(il y en a).Entretien.Pourrat,Photo : David Ignaszewski-koboy“sentinelleentre deux mondes”L’écrivain que certains s’obstinent àqualifier de “régionaliste” est aussi célébré,sous diverses formes, en Argentine,au Canada, en Irlande, enBelgique,enTchéquie,en Lettonie ouau Japon.▲ Société des Amis d’HenriPourrat, 1 boulevard Lafayette63000 Clermont-Ferrandwww.henripourrat.com▲ LeTrésor des contes,dont l’édition Gallimarden treize volumes était épuisée,vient de paraître chez Omnibus endeux (forts) volumes, 25,90 € pièce.Gaspard des montagnes est toujoursdisponible en édition de poche.- Comment une jeune Cantalienne rencontre-t-ellele vieux Pourrat ?- Je rencontre Gaspard. On m’offre l’éditionde poche en deux volumes en août1979 et je la lis, in situ, en septembre, prèsde La Chaise-Dieu. Je ne lis rien d’autre dePourrat jusqu’en 1987 quand, après l’agrégation,je décide de faire une thèse sur cetteœuvre-là.Jusqu’à l’automne dernier, en 2008, j’ai crun’avoir rien lu d’autre de Pourrat avant ledébut de la thèse. La mémoire est capricieuse,je n’ai retrouvé que tout récemment,intactes, les bribes d’un conte que j’avais luen classe de cinquième, à Saint-Flour, dansles années 74-75. C’est un conte du Fil. Filfatidique d’un peloton acheté à la foire parune fiancée qui coud sa robe de mariée et,au moment de célébrer l’union très chrétienne,dans l’église pleine, se retrouve nue,ou en chemise, la robe cousue au fil ensorcelés’étant défaite autour d’elle. La filleest écrasée de honte. Je ne me souviens derien d’autre. Et ne veux pas, et ne peux pasaller vérifier, retrouver la lettre du conte etla couleur du fil, vert je crois… Ce seraitrompre le charme ; je ne peux pas réveillerles fantômes textuels.- Deux textes donc, pour tout bagage.- Oui. L’un oublié, enfoui, lacunaire. L’autre,Gaspard, labyrinthique et enveloppant.<strong>Un</strong> conte et un roman, et je m’embarquepour une thèse. Je dis à ce moment-là, etpense aujourd’hui encore que l’intuitionétait juste, que Pourrat me semblait être leseul écrivain à se tenir en sentinelle à la lisièreentre le monde des livres auquel mesétudes me donnaient accès et le mondepaysan d’où je viens, en ligne directe sansgénération intermédiaire.Pourrat est seul, et le choisissant, je vaistravailler là, sur cette ligne de faille qui meconstitue, entre le paysan et le lettré, le populaireet le littéraire. D’où le titre de mathèse : Du conte au roman dans l’œuvred’Henri Pourrat.Je crois aujourd’hui que mon intuition reposaitsur deux socles, l’un presque identifiéalors, l’autre très enfoui, pas du toutexhumé à ce moment-là. Le premier, c’estla langue. Je n’avais jamais lu ça ; ça m’aparlé à l’oreille, tout près du corps. Çasonnait juste, et étrange, et venu de loin,de profond. Je me suis embarquée. L’autre,c’était, pour le dire vite, que, ayant dèsl’enfance, puissamment contracté le goûtdu sang, de la peur, de la honte, de la culpabilité,du secret et des macérations qu’ilimplique, j’ai trouvé du grain à moudredans ce registre chez Pourrat, évidemment.Non moins évidemment aussi, je me doisd’assumer une lecture de Pourrat très partialeet partielle. Il y a constamment, chezlui, une tension à la fois ardente et patiente,confiante, vers une spiritualité quidonne sens au monde. Et je ne le suis passur ce point ; je vois, je lis, j’entends, maisL e s b o n s c o n t e


Photo : Albert Monier © Centre Henri Pourratje reste au bord, du côté du sang, de ladouleur, du monde navré, du côté de lapeur…- Le “collecteur de vieux dires” et le romancierfont-ils chambre à part oubien sont-ils pris dans une étreinte indémêlable?- “Etreinte indémêlable” me paraît opportun.L’objet de mon travail de thèse fut cependantde tenter de démêler l’écheveauou l’étreinte, au moins en ce qui concerneGaspard et Le Chasseur de la nuit. La collectedes “vieux dires” commence dès1908. Pourrat recueille auprès de MarieVisseyrias, domestique à Champetières, leconte du maître des quarante voleurs et desa pauvre femme ; ce texte, dont il rassembleplusieurs versions, deviendra leconte fondateur du roman, des Gaspard.Le travail des Gaspard commence en octobre1918 et ne s’achèvera qu’en 1931avec la parution du quatrième et derniervolume de ce que Pourrat appelait “lalongue histoire à cent histoires”. A l’intérieurde la trame du roman, Pourrat insèreles “cent histoires”, autres contes plus oumoins longs, sombres ou facétieux, voired’inspiration religieuse et volontiers édifiante,bribes diverses, proverbes, dictons,etc, qui, pour la plupart, ont leur sourcedans les dossiers de la collecte.“Etreinte” il y a, indéniable, féconde etconstante. D’ailleurs le conte fondateur desGaspard sera publié dans Le Trésor, en1957, sous le titre Les Yeux rouges. Et dansces années d’après-guerre, entièrement dominéespar l’écriture des treize volumes duTrésor, Pourrat donnera, en 1951, un ultimeroman, Le Chasseur de la nuit, dontle titre est encore celui d’un conte. Romandans lequel le conte, inséré dès le premierchapitre, incarne tout le poids du destin,de la menace fatale qui pèse sur Célestin,jeune paysan bien décidé, justement, à nepas s’en laisser conter et à faire sa vie…“Etreinte indémêlable”, et nécessaire, tant ilsemble que les seuls romans de Pourratqui, à mon sens valent vraiment, Gaspardet Le Chasseur de la nuit, sont adossés à lacollecte orale et par elle irrigués, nourris.- Vous dites que Pourrat a “pris souffle– lui qui souffrait de tuberculose – auprèsde ceux de la terre, les modestes,les taiseux”. La fidélité à ceux-ci n’exigeait-t-ellepas qu’il écrivit dans leurlangue, l’occitan ?- Les livres de Pourrat, et Pourrat lui-même,ont "pris souffle" auprès de ceux de la terredans la mesure où tous les textes de Pourratqui, du moins à mon sens, valent et durentet font oeuvre sont adossés à uneoralité dont il s'est constamment nourri. LeTrésor des Contes c'est d'abord un labyrinthe,celui des dossiers de la collectecommencée pendant l'été de 1908, quandune femme de la Chapelle-Agnon conte àHenri Pourrat les tours du lutin et les mé-Photo : © Jean-Gabriel Séruzierfaits du Diable achetant les âmes perdues; collecte patiemment conduite, dansles environs d'Ambert, pendant les aprèsmidide toute une vie d'homme, et qu'ilimporte, Henri Pourrat en a très vite uneconscience aiguë, de ne pas laisser sedessécher entre les pages d'un herbier, cequi eût été une trahison et un abandon.Pour redonner vie et verdeur, ce sont lesmots de Pourrat lui-même, il n'est de recoursque dans la langue, il faut en inventerune, l'occitan eut inévitablementconduit à limiter la réception des contesrestaurés à un cercle d'initiés déjà acquisà la cause. Il faut chercher autre chose, etl'oser, et tenir cette gageure, sans mollir. Ilfaut travailler la matière des mots, desphrases, écouter beaucoup, attendre, recommencer...Henri Pourrat a laissé derrièrelui, outre ses manuscrits, les tracesde ce travail têtu, en l'occurrence ses Cahiersd'expressions où il notait dans un savantdésordre les tournures et façons dedire qui lui semblaient remarquables. CesCahiers sont à l'évidence une sorte deTrésor avant Le Trésor, un dédale fécondoù s'enracine sa langue dans ce qu'elle ade plus singulier et juste, au sens musicaldu terme.- Le 14 octobre 1940, Pétain vient “à larencontre du peuple travailleur”, àAmbert. Pourrat raconte l’événementdans Le chef français, véritable ode auMaréchal. En 1941, il obtient le prixGoncourt pour Vent de Mars.- C'est le sempiternel serpent de mer... Jedirai seulement que Pourrat n'était enrien un opportuniste. Ses convictionsn'avaient rien à voir avec l'air du temps,elles étaient ancrées dans son rapport à laterre, au monde paysan, aux choses vertes,rapport, je l'ai dit, constitutif de toute sonoeuvre, et rapport vital.- Le “goût du sang”, la parole redonnéeaux “modestes” et même à ceux quiont “quelque chose de démonté dansla tête”, un <strong>territoire</strong> restreint… Pourrataurait pu être Faulkner.- Sans doute ne lui a-t-il manqué quel'Amérique, l'alcool, et le désespoir....- Vous avez publié six ouvrages, un septièmeest annoncé pour l’automne.Avez-vous “pris souffle” dans l’œuvrede Pourrat ?- Pris "souffle" ? Appris en tout cas, qu'ilétait possible d'écrire à cette charnière, àcette lisière entre monde paysan, premier,pré carré des origines infimes, et mondedes villes, monde citadin de la culture officielle.Appris à lire, Ramuz par exemple, et c'estconsidérable. Appris à écrire, aussi, sur lechantier des manuscrits, à l'établi, piècesen main ; appris cette ténacité, flairé latrace sûre d'un constant désir de lalangue*.■* Tous les ouvrages de Marie-Hélène Lafon témoignent dece “constant désir de la langue”, de Liturgie aux Derniers Indiens.Ils sont publiés aux éditions Buchet-Chastel.Empruntantla formuleà Saint Réal,Stendhal dit quele roman est“un miroirqu’on promènele long d’un chemin”Sans trop s’en tenirà la lettre, on peuten déduireque les écrivainsfont voirdes paysageset qu’en retourles paysages invitentà la lecture.C’est tout bénéficepour le lecteur,ou le promeneur,appelez-le commevous voudrez,en <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>il y trouveratoujours son conte.s f o n t l e s …Paysagesd’écrivainsVoilà comment toute l’histoirea commencé. Annette et JeanLauras souhaitaient remettreen service, et en état, la célèbre Route deGaspard des montagnes, itinéraire touristiquequelque peu délaissé. Sollicité, le<strong>Parc</strong> a dit banco, tout en proposantd’élargir le cercle, d’ouvrir d’autres pistes,de déployer plus largement le paysagelittéraire du <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> qui est richeet, pour reprendre le mot que Vialattes’appliquait à lui-même, “notoirementméconnu”.<strong>Un</strong> groupe de travail s’est constitué, sousla houlette du <strong>Parc</strong>, avec la Société desAmis d’Henri Pourrat, Dany Hadjadj 1 ,l’ABLF, le Centre culturel du Pays d’Ambert,le Tranfo, les Offices de Tourisme etSyndicats d’Initiative…Boîtier magiquePuisque l’époque est aux nouvelles technologies,portables de préférence, on apensé à un guide électronique et ambulatoire,un e-guide de poche pour l’appelerpar son nom. La chose n’a l’air derien, un boîtier qui tient dans la poche eneffet, et dans la main quand c’est l’heured’être guidé. Pour l’instant, il guide les visiteurs,touristes ou autochtones, sur troisitinéraires 2 , deux se parcourant à pied, letroisième en voiture.Commençons par le nord, par Thiers.Doté d’un système GPS, le e-guide estaverti que le promeneur est arrivé à bonport. C’est à son tour de le prendre par lamain. Il le conduit à la déc<strong>ouvert</strong>e de laVallée des Usines, du Creux de l’Enfer, del’îlot Navaron, raconte (mais oui, il parleaussi) l’histoire de la ville, convoque JeanAnglade, l’enfant du pays, et, plus longuement,George Sand qui a situé là lespéripéties de son roman La ville noire.D’une simple pression de l’index surl’écran, on peut aussi demander au boîtiermagique une biographie de GeorgeSand, son portrait, des images anciennesde la cité des couteliers et, finalement,exiger une invitation pour filer au sud.Le e-guide vous attend devant la mairieronde. En signe de bienvenue, il vousoffre un extrait de la pochade de JulesRomains. On est à Ambert, qui ne l’avait1. Dany Hadjadj est membre de la Fédération des maisonsd’écrivains et des patrimoines littéraires. Elle estégalement maître d’ouvrage de la publication de la correspondancePourrat-Vialatte.2. L’opération a bénéficié de financements du Conseil régionald’Auvergne, du Conseil général du Puy-de-Dômeet de l’<strong>Un</strong>ion européenne (Leader).3. Disponible dans les Offices de Tourisme de Thiers etd’Ambert et au Village de vacances de Saint-Amant.Location à la demi-journée (5 €) ou à la journée (8 €).4. De François Graveline, cité ici pour L’invention du Massifcentral, on lira aussi Majestés romanes (éditions PhileasFogg), superbe récit avec une longue pause en <strong>Livradois</strong>.deviné ? On entre dans le jardin au sonde la musique d’Emmanuel Chabrier dontVerlaine disait qu’il était “gai comme lespinsons et mélodieux comme les rossignols”.On est au pays de Pourrat, qui nele sait ? On va jusqu’à la gare pour voir lastatue de Vialatte à qui le sculpteur PhilippeKaeppelin a fait une tête lunaire autantqu’irréfutable.Diversité du reliefOn n’en a pas fini avec Pourrat. Il esttemps de prendre la voiture et de s’engagersur la Route de Gaspard des montagnes,une boucle de 60 km qui vad’Ambert, où dort le conteur et romancier,à Saint-Amant-Roche-Savine où naquitGaspard. On fait étape au Dolmen deBoisseyre, aux Escures, à Notre-Dame deMons… A chaque pause, le e-guide dit unpeu de l’histoire, celle du roman et celledu pays. Il montre des gravures d’Angeliet un extrait du film de Claude Santelliavec Bernard Noël dans le rôle titre.Le e-guide entre en service dès le 1erjuin 3 . A l’avenir, d’autres circuits pourraientêtre créés, dans la Vallée desRouets, sur les Hautes Chaumes ou à LaChaise-Dieu.Les nouvelles technologies n’ayant pasrendu le bon vieux papier obsolète, le<strong>Parc</strong> édite également un livret de 24pages qui célèbre, lui aussi sur le modedéambulatoire, les noces de la littératureet du <strong>territoire</strong>. En plus des montagnesdéjà citées, avec Pourrat en point culminant,on croise d’autres écrivains quicontribuent à la diversité du relief : RoseCombe, Lucien Gachon, Antoine Sylvère,Claude Dravaine, Jacques Lacarrière,François Graveline 4 ou l’étrange ImagoSekoya. De ces noces-là pourraient naîtred’autres initiatives, des animations autourdu livre, des actions pour encourager lacréation contemporaine… ■L e s é d i t i o n s d e l a M o n t m a r i e ,e n p a r t e n a r i a t a v e c l e P a r c ,p u b l i e n t u n e b i o g r a p h i ed ’ E m m a n u e l C h a b r i e r s i g n é eJ a c q u e s G i r a r d . L ’ o u v r a g ee s t a c c o m p a g n é d ’ u n C D M é l o d i e s ,q u a t r e m a i n s e t p i a n o s o l o –Laurent Martin et Eric Cerantola, piano,B r i g i t t e B a l l e y s , m e z z o - s o p r a n o .Déjà parus dans la même collection :C o c o C h a n e l , L u c i e n G a c h o ne t R o s e C o m b e .w w w . e d i t i o n s - m o n t m a r i e . c o m


v i t e d i tLe Laskar Théâtrea dix ansDeux ans à Bongheat, huit ansà Mauzun, le compte est bon.Le Laskar Théâtre a fêté sondixième anniversaire, à Mauzunbien sûr, du 1 er au 3 mai.Au programme : spectacles,concerts, cirque, carnaval,“chapigâteau” et les riresqui vont avec. En prime, unerépétition publiquede la nouvelle créationde la compagnie, Le songede Don Quichotte. “Nous avonsfait le choix de travailler en milieurural parce que nous pensonsque la campagne est un lieude rencontres, de dynamisme.Nous avons réussi à nous constituer,ici, un public, il était normalque nous lui réservions la primeurde cette nouvelle création”,dit le directeur artistique,Laurent Cramesnil.En dix ans, la Compagnie(quatre personnes) a créésix spectacles présentésdans les communes voisines,en particulier celles dela communauté de communesde Billom-Saint-Dier, sanss’interdire des échappées dansles grandes villes. Elle a organiséle festival des Arts de la piste.Elle accueille des troupesthéâtrales et d’autres artistesdans ses locaux, l’ancien gîterural communal.Elle assure des animationspédagogiques, avec un atelierpour les adultes, chaque premierdimanche du mois, et un atelieritinérant qui se déplace dansles établissements scolairesà la demande.Le Laskar Théâtre a pris l’optioncomique. Laurent Cramesnilla défend résolument :“Le clown transgresse les règles,son masque – le nez rouge –introduit un décalage.Il est toujours dans une positionpérilleuse : si le publicne s’intéresse pas à lui, il peuten mourir.”Bon anniversaire et longue vie.BaladesRéédition d’un grand classique :Balades et randonnées dansle <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>. Le meilleur guidepour arpenter le <strong>territoire</strong> d’esten ouest, du nord au sud,en 36 itinéraires de petiterandonnée (à pied et à VTT)et 27 sentiers de déc<strong>ouvert</strong>e.<strong>Un</strong>e édition Chamina, “revueet actualisée” comme il se doit.En vente partout, 15€.<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> - n° 17Printemps-été 2009Journal du <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régionalBP 17 - 63880 Saint-Gervais-sous-MeymontTél. 04 73 95 57 57 - Fax 04 73 95 57 84info@parc-livradois-forez.orgwww.parc-livradois-forez.org.Directeur de publication : Tony BernardConception et rédaction : la vie comme elle vaCréation graphique et réalisation :Vice VersaImpression : FusiumImprimé sur papier recyclé.Tirage : 61 000 exemplairesN° d’ISNN 1628-4372Dépôt légal : deuxième trimestre 20092010 - 2022<strong>Un</strong> projet ambitieux1. <strong>Un</strong> soclepatrimonial, facteurd’appartenanceConnaître le patrimoine <strong>naturel</strong>pour le préserver et maintenirla biodiversité. Le <strong>Parc</strong> poursuivra sestravaux de recherche, d’inventaire et desuivi de certaines espèces rares ou vulnérables(faune et flore) et des sites remarquables.Il prendra davantage en compte lanature quotidienne qu’on dit parfois “ordinaire”et qui est cependant indispensable àla préservation de la biodiversité. Il veilleraà l’équilibre avec les activités humaines. Ils’appuiera sur un Conseil scientifique pourorienter les priorités.Construire les paysages de demain.Le paysage est une constructioncollective, chacun est acteur (et responsable)de son évolution. Depuis 2007, le <strong>Parc</strong>a mis en place des ateliers favorisant une“approche plurielle” des paysages ; cetteorientation sera accentuée. Sur la base duSchéma paysager du <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> (élaboréen 2008) et en partenariat avec lescollectivités et les organismes compétents,il accompagnera l’élaboration de documentsd’urbanisme exigeants pour maintenirla singularité des paysages.Transmettre et investir les patrimoinesculturels d’hier etd’aujourd’hui. Par patrimoine culturel,on entend le bâti (à usage d’habitation,d’activité artisanale, industrielle, agricole)mais aussi les savoir-faire, la langue, lamusique, la littérature ou la gastronomie.Le <strong>Parc</strong> s’attachera à améliorer la connaissancede ce patrimoine pour le sauvegarder,l’enrichir, le faire vivre. Il soutiendrales initiatives, les expressions artistiquescontemporaines parce qu’une culture nevit qu’en mouvement.Photo : BessonPhotos : PNRLFL’avant-projet de Chartedéfinit quatre grands axes d’actionqui constituent un projet ambitieuxpour le <strong>territoire</strong>. Ce projet – il faudraitle rappeler à chaque ligne –ne se conçoit qu’avec l’informationla plus large et la participation activedes habitants du <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>.Résumé express.2. <strong>Un</strong> “<strong>territoire</strong>de ressources”au servicedes habitantsPréserver la ressource en eau etles milieux aquatiques. La ressourceen eau reste vulnérable. Le <strong>Parc</strong> préconiseraune gestion exemplaire (économie, résorptiondes pollutions). Il assurera la miseen œuvre du Schéma d’Aménagement etde Gestion des Eaux de la Dore. Le bassinversant de l’Ance fera l’objet d’une attentionparticulière.Pour une gestion durable de laforêt. Il convient de maintenir la gestionen futaies jardinées et de réfléchir, en tenantcompte du changement climatique, auremplacement des résineux arrivés à maturité.Le <strong>Parc</strong> suscitera des études pour identifierles nouveaux débouchés possibles etdévelopper des filières locales, y comprisde seconde transformation. Il contribuera àla création de labels de qualité.Des pratiques agricoles respectueusesde l’environnement. Enpartenariat avec les professionnels, le <strong>Parc</strong>engagera une politique volontariste pourque les exploitations agricoles soient plusautonomes : autonomie fourragère, énergétique,commerciale (circuits courts) et financière.Il encouragera le développementde l’agriculture biologique et favoriseral’installation des agriculteurs.<strong>Un</strong> tourisme durable de natureet de patrimoines. L’objectif estd’accroître l’attractivité du <strong>territoire</strong> en misantsur le label <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong>, en offrantdes garanties en termes de qualité des espaces,des paysages et de l’accueil, enmettant l’accent sur un “tourisme de rencontres”.Il est nécessaire d’améliorer l’organisationtouristique locale et deproposer de nouveaux “produits”.Valoriser les ressources enénergies renouvelables. Le <strong>Parc</strong>s’est engagé à diviser par 4 les émissionsde gaz à effet de serre d’origine énergétiqued’ici 2050. <strong>Un</strong>e gestion économe(qui reste prioritaire) n’y suffira pas. Il fautégalement recourir aux énergies renouvelableset, en particulier, faire du bois lapremière ressource énergétique pour lechauffage, notamment dans l’habitat et leséquipements collectifs.3. Des pratiquesplus durablespour une“autre vie”Performance environnementaleet sociale des entreprises.Faire du <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> “un <strong>territoire</strong>d’excellence en matière de production responsable”c’est répondre à la fois à uneattente sociétale et à l’attente des clientsdes entreprises. Le <strong>Parc</strong> encouragera l’innovationet les bonnes pratiques, il accompagnerala mutation du secteur dubâtiment vers l’éco-construction.Développer l’éco-mobilité.Le <strong>Parc</strong>entend favoriser des modes de transports alternatifsmoins polluants et moins consommateursen énergies fossiles. Il appuiera fortementle projet de développement de lavoie ferrée Peschadoires-Estivareilles-Darsac (transport des marchandises et usagetouristique). Il favorisera le recours auxmodes de transport doux et le co-voiturage.Vivre mieux en consommantmoins d’énergie. Près d’un tiers de laconsommation actuelle d’énergie peutêtre économisée en adoptant des comportementsplus responsables et en améliorantl’efficacité énergétique desbâtiments. Le <strong>Parc</strong> aidera les collectivitéslocales à devenir exemplaires pour la gestionénergétique de leur patrimoine et del’éclairage public.Pour un urbanisme “frugal”.L’urbanisation récente, notamment sur lessecteurs les plus soumis aux pressionspéri-urbaines, est souvent synonyme deconsommation excessive d’espace, d’impactpaysager discutable et de banalité architecturale.Le <strong>Parc</strong> aidera les collectivitésà se doter de documents d’urbanisme efficaceset il veillera à la qualité des projetsd’aménagement.“Outiller” les collectivités locales.Le <strong>Parc</strong> joue, auprès des communesadhérentes, le rôle de servicestechniques dont elles ne peuvent disposerindividuellement. Il les accompagneradans leur effort pour mettre en œuvre despratiques plus durables. Ces démarchespourront se traduire par des Agendas 21locaux.4. L’hommeau cœur du projet.Les habitants du <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> sont lespremiers acteurs de l’avenir de leur <strong>territoire</strong>,par une citoyenneté active, respectueusede la vie, solidaire et <strong>ouvert</strong>e sur lemonde.Des idées aux actes. Pour favoriserl’engagement éco-citoyen de chacun, le<strong>Parc</strong> mettra à la disposition du public lesconnaissances acquises. Il organisera desactions de communication, au besoin“inattendues”. Il renforcera l’éducation desjeunes au développement durable et impliqueradavantage les habitants dans sesactions.Plus de solidarité. Certaines évolutionstendent à affaiblir la cohésion sociale: disparition de certains services collectifs(qui aggrave l’isolement), vieillissementde la population, accroissement desinégalités de revenus (dans et hors du <strong>territoire</strong>).Le <strong>Parc</strong> entend agir pour davantagede solidarité entre les habitants, entreles générations et entre les <strong>territoire</strong>s.Ouverture aux autres et aumonde. Dès sa création, le <strong>Parc</strong> a faitde la culture l’un des piliers de son actionconsidérant qu’elle permet aux habitantsà la fois de s’ouvrir au monde et de prendreconscience de la singularité de leur<strong>territoire</strong>. Le <strong>Parc</strong> encouragera les acteursculturels à mieux s’organiser en réseaux. Ilaidera les collectivités à mettre en œuvreleur politique culturelle et favorisera lesprojets “de pointe”.■G r a n d s a x e s


K i r r r … k i r r r … k i r r r …P i e - g r i è c h eà t ê t e r o u s s ePhoto : Michel QuiotPhoto : LemoigneBruno Gilbert dit qu’il a vu, à proximité du château de Mauzun,un couple formé d’une pie-grièche écorcheuret d’une pie-grièche à tête rousse.On peut se réjouir du métissage mais,s’agissant des effectifs,l’apparentement ne laisse pas d’inquiéter.“Cela signifie que la pie-griècheà tête rousse n’a pu trouverun partenaire de son espèce ;lequel aurait eusa préférence, bien sûr.”piesP i e - g r i è c h eDe mal eng r i s e?Fierset fanguinairesAvec cette particularité typographiqued’époque qui le fait passerpour un naturaliste zézayant, Buffoncélèbre le courage des piesgrièches.<strong>Un</strong>e précision liminaire à l’intentiondes plus néophytes. La piebavarde et les pies-grièchesn’ont aucune parenté. La première appartientà l’ordre des corvidés, les autres sontde la famille des lanidés. La bavarde estcommune et bien portante, de plus fort gabaritaussi. “Pie” signifie simplement “dedeux couleurs”. On dit bien une jument pieou une vache pie-rouge et nul ne songeraità les classer parmi la gent ailée.Masque de Zorro“Grièche”. Le Petit Robert se contente dedire que le mot a un “sens péjoratif”. EmileLittré est plus disert : “Usité seulement encomposition et signifiant douloureux, méchant: ortie-grièche, pie-grièche.” Plus loindans l’alphabet, il confirme ; au sens figuré,pie-grièche “se dit d’une femme méchante,acariâtre”. Bruno Gilbert, ornithologue àses heures, a participé à l’enquête sur les effectifsdes pies-grièches conduite par la LPOen 2007-2008 1 et il coordonne, pour l’Auvergne,l’enquête menée cette année sur lapie-grièche grise. Il rapporte que “les anciensdisaient souvent qu’aucun autre oiseaune pouvait vivre dans les parages de lapie-grièche”, trop acariâtre sans doute, etP i e - g r i è c h e é c o r c h e u r , m â l eméchante avec ça. C’est faux, évidemment.L’enquêteur admet aussi que “jusque dansles années 50 les ornithologues eux-mêmesavaient peu d’intérêt pour cet oiseau”. Finissons-enavec une injuste renommée.D’abord les pies-grièches sont oiseaux debeau plumage, aisément reconnaissables àce masque de Zorro qu’elles arborent entout temps, un bandeau noir à hauteur desyeux et qui barre leurs joues. En Auvergne,elles sont de trois espèces : écorcheur, grise,à tête rousse 2 . <strong>Un</strong> peu cavalièrement, maispar commodité, on les appellera désormaisÉcorcheur, Dossard gris et Tête rousse.Les pies-grièches ont une conception dugarde-manger qui pourrait leur valoir, àtoutes, le titre d’écorcheur. Elles empalentle surplus de leur chasse sur les épines desbuissons ou aux piques des barbelés depuisque le fil barbelé a été inventé, en 1874, parJ.-F. Glidden, éleveur dans l’Illinois. C’est lemoyen de se constituer des réserves pourles périodes de disette et aussi de dépecerplus aisément les proies les plus volumineuses.A quelques nuances près, le régimealimentaire est semblable : insectes, oisillons,petits mammifères (campagnols,musaraignes), à l’occasion lézards et petitsamphibiens.Photo : Michel QuiotCri d’alarmeLa vie courante ne diffère guère d’une espèceà l’autre. Les pies-grièches nichent enmai. Le nid est une construction rudimentairede brindilles, racines et herbessèches, agrémentée de plumes et de poilspour Tête rousse et Dossard gris. La femellecouve de 4 à 7 œufs pendant unequinzaine de jours. <strong>Un</strong> mois plus tard, lesjeunes connaissent suffisamment les rudimentsde la navigation aérienne pourvoler de leurs propres ailes. Autre traitcommun : le ramage. Le chant des piesgrièchespasse pour un pot pourri composéd’imitations d’autres passereauxpartageant le même milieu 3 . Mais BrunoGilbert précise que les pies-grièches sonttrès discrètes, leur chant peu audible et raremententendu. “On les repère davantageà leur cri d’alarme, celui de la pie-grièchegrise est un “tscheikk tscheilkk” très grinçant.”Elle profère aussi un “kirrr ; kirrr”strident, comme un convive peu affableréclamant d’urgence une boisson.Dossard gris est le plus corpulent, d’unpoids pouvant atteindre 55 grammes etd’une envergure, toutes ailes déployées,de 34 centimètres quand les deux autresculminent, dans l’ordre, à 47 grammes et28 centimètres.L’usage migratoire brouille encore un peules distinctions. Dès septembre, Écorcheurs’exile vers des contrées plus clémentes,en Afrique tropicale ou en Afrique du Sud.Tête rousse choisit également l’Afrique tropicaleou bien les régions du sud de l’Arabie.Dossard gris est sédentaire, adoptedurant tout l’hiver un comportement erratique,toujours en quête de nourriture,descendant de la montagne pour aller serestaurer en plaine.Vient maintenant le temps des comptes.Pour l’Écorcheur, les chiffres de l’enquête2007-2008, rapportés à ceux d’un recensementeffectué en 1993, montrent une certainestabilité. Ses effectifs auvergnats sontestimés entre 60 000 et 80 000 couples. Lesrésultats sont catastrophiques pour Têterousse, moins de 250 couples en Auvergne.Derniers bastionsEn 15 ans, Dossard gris a vu sa populationfondre de moitié ou presque, une populationévaluée aujourd’hui à moins de 1 000couples. “Les derniers bastions de la piegrièchegrise se situent désormais au-dessusde 1 000 mètres d’altitude, essentiellementdans le Puy-de-Dôme où se trouve peut-êtreson plus gros effectif national, dit Bruno Gilbert.C’est l’une des raisons pour laquellenous poursuivons l’inventaire de cette espèce.”Les causes de ces régressions ? On a le sentimentd’ânonner une vieille litanie : la modificationdes paysages (les pies-grièchesont besoin d’espaces <strong>ouvert</strong>s avec des buissons,des arbustes, des haies), la modificationdes pratiques agricoles, l’herbe coupéeavant floraison pour l’ensilage, le recoursaux pesticides, le fumier remplacé par lesengrais… Au bilan, des rythmes <strong>naturel</strong>sperturbés. Il serait urgent d’y songer, de tenterd’y remédier, sauf à voir les pies-grièchesdevenir vraiment “acariâtres”. Ou à ne plusles voir du tout.…■1. Enquête coordonnée, pour l’Auvergne, par Jean-PierreDulphy et réalisée comme d’habitude avec le concoursde bénévoles.2. On ne parlera pas ici de la pie-grièche à poitrine roseni de la pie-grièche méridionale qui ne sont présentesque dans le sud de la France.3. Certains observateurs à l’ouie fine assurent que les migratricesimitent le chant d’oiseaux exotiques qu’ellesont entendu lors de leurs pérégrinations hivernales.▲ www.lpo-auvergne.org“Ces oifeaux, quoique petits,quoique délicats de corps & de membres,doivent néanmoins par leurcourage, par leur large bec, fort &crochu, & par leur appétit pour lachair,être mis au rang des oifeaux deproie,même des plus fiers & des plusfanguinaires ;on est toujours étonnéde voir l’intrépidité avec laquelle unepetite pie-girèche combat contre lespies, les corneilles, les crefferelles,tous oifeaux beaucoup plus grands& plus forts qu’elle ; non feulementelle combat pour fe défendre, maisfouvent elle attaque,& toujours avecavantage, furtout lorfque le couplefe réunit pour éloigner de leurs petitsles oifeaux de rapine ; elles n’attendentpas qu’ils approchent, ilfuffit qu’ils paffent à leur portéepour qu’elles aillent au-devant ;ellesles attaquent à grands cris, leur fontdes bleffures cruelles, & les chaffentavec tant de fureur qu’ils fuient fouventfans ofer revenir ; & dans cecombat inégal contre d’auffi grandsennemis, il est rare de les voir fuccomberfous la force, ou fe laifferemporter ; il arrive feulementqu’elles tombent quelquefois avecl’oifeau contre lequel elles fe fontaccrochées avec tant d’acharnementque le combat ne finit quepar la chute & la mort de tousdeux.”Photo : B. Gilbert


l ’ i n v i t éA Saint-Petersbourg,l’appartement où vivait Dostoïevskia été reconverti en musée.Les gardiennes sont très vigilantes,et même un brin revêches.Si vous approchez de trop prèsle manuscrit des FrèresKaramazov posé sur le bureauou le chapeau conservésous une cloche de verre,vous vous exposez à coup sûrà de très fermes remontrances.Jean-Claude Mourlevat, lui,a eu le privilège de s’asseoirdans le fauteuil de l’écrivain.Je dis j’ai à direce quePhotos : Éditions GallimardJean-ClaudeMourlevatest un privilégié,on le pressent dèsqu’il évoque les annéesd’enfance au Moulin de laCour, commune de Job 1 .On en a confirmationlorsqu’il convoque la Tantine.“Eugénie Béal, cousinede mon père et qu’on appelaitla Tantine, était institutrice àClermont. C’est elle qui a créé lemanuel Rémi et Colette dans lequeldes générations ont appris àlire. Elle nous apportait un peu dela civilisation. Elle nous a offert notrepremier tourne-disques… J’entendsencore Fernandel qui disait Les Lettres demon moulin.” Il y a aussi le grand-pèrematernel qui a raconté à Henri Pourratl’histoire du paysan qui a trouvé un miroiren labourant et dont la femme était“laide comme sept culs”. Pourrat l’a engrangéedans son Trésor.“Au cirage”Les privilèges n’ont qu’un temps, le bonheuraussi. L’heure sonne de l’entrée ensixième au Lycée Blaise Pascal, à Ambert.“J’avais dix ans, je n’étais pas prêt pourl’internat.” Jean-Claude Mourlevat a racontécette année-là (c’est le titre d’unechanson de Claude François, et c’est lamême année) dans un récit triste et drôleen même temps, léger et émouvant. Lelivre, paru aux éditions Arléa, s’intitule Jevoudrais rentrer à la maison. C’est toutdire. Tous les internes, ses “classards” aumoins, s’y reconnaîtront : la toilette vite expédiéeparce que l’eau est décidément tropfroide ; le singe (autrement dénommé corned-beef)et les œufs durs sauce Aurorequi reviennent chaque semaine ; l’angoissenocturne des bleus – “On te l’a déjà passéeau cirage ?” – ; la gifle, imméritée,reçue du proviseur ; la prof chahutéeet celle dont on a aperçu un peu delingerie sous une jupe stricte ; la fillette, assisedans le car, à laquelle un fanfaron intimede “baisser le capot parce qu’on voit lemoteur” ; le surgé qui tire les cheveux auras de l’oreille, là où ça fait le plus mal…“Ce n’était pas l’enfer, mais la souffranced’un enfant ne se mesure pas. Cette annéem’est restée en travers de la gorge, en fairele récit n’en a pas apaisé la tristesse.”Il redouble et s’acclimate, ou presque. Ilpatiente en devenant bon élève. Après lebac, l’adolescent a besoin d’air, il veut voirle monde. Il poursuit ses études à Strasbourg,Toulouse, Stuttgart, Bonn et Paris.Il traverse l’Atlantique et arpente, sac audos, les trois Amériques. Il voyage en Inde,destination obligée de l’époque. Il dit qu’ilest resté “clean” ; on comprend qu’il n’apas fumé de cette herbe qui fait voir descréatures psychédéliques. Reçu au CAPESd’allemand, il enseigne à La Bourboule, àHambourg et en Normandie, tout en continuantde bourlinguer.En 1987, il quitte l’Education nationalepour faire le clown… “La formule est unpeu cavalière. En fait, je faisais déjà duthéâtre dans les établissements où j’enseignaiset, en 1987 en effet, j’ai pris uneannée de disponibilité et je me suis inscrità L’Ecole des Bouffons, à Paris. <strong>Un</strong>e écolede théâtre très sérieuse où j’ai beaucoupappris et où j’ai déc<strong>ouvert</strong> que c’était le jeuclownesque qui m’attirait.” Il invente unpersonnage, Anatole, il monte sur scène,seul, avec un chapeau, un nez rouge,“mais sans trop d’outrance dans le personnage”.Il donne au moins 600 représentations“dans de beaux théâtres et plussouvent dans des salles des fêtes pas toujoursadaptées”. Le public est conquis àchaque fois et l’enseignant devient intermittentdu spectacle. Clown, donc… “Maispour faire rire, il faut aller chercher deschoses en soi, laisser affleurer ses faiblesses.C’est plus profond qu’on ne croit.”En AfriqueSans faiblir, l’intermittent s’installe sur leversant Est des Monts du <strong>Forez</strong>, s’occupede mise en scène avec la compagnie Metafor,domiciliée à Montbrison. Et il crée unautre personnage, Guedoulde, sur l’airde Parlez-moi d’amour, c’est le titre duspectacle. Anatole était très bavard, Guedouldeest muet. Ça aide pour l’exportation.Guedoulde emmène son créateur,flanqué désormais d’un régisseur, enAfrique, en Inde, au Pakistan, Indonésie,Sri-Lanka ou Bangladesh. Le saltimbanquene faiblit pas, mais il fatigue un peu. “Lespectacle était très physique, je perdaisdeux kilos à chaque représentation, troisen Inde où il faisait très chaud. Et j’ai commencéà avoir des problèmes de dos.” Alors,il commence à entendre ce que ses amislui répètent souvent : “Tu devrais écrire.”L’injonction s’entend au sens intransitif. Ils’y met, il s’y tient, il va vite.Il publie son premier livre, chez Mango, en1997, L’Histoire de l’enfant et de l’œuf, puisun premier roman, La Balafre, puis unautre, en 2000, L’Enfant Océan, les deuxchez Pocket Jeunesse. “Avec L’EnfantOcéan, tout a basculé, j’ai su que je pourraisen vivre. Les enseignants se sont emparésde ce livre, il est étudié en classe,recommandé par des manuels scolaires.”Il est dans la “littérature jeunesse” 2 , il ne levit en rien comme une contrainte. “Jepense au lecteur bien sûr, j’évite les référencestrop codées, mais je ne me bride pas,je dis ce que j’ai à dire. On est tenu à lasincérité, quand un enfant vous pose unequestion il n’y a pas de contournementpossible.” Ses lecteurs, il les rencontre souvent- “J’adore ça” - et ils lui en posent desquestions, dont celle-ci : “Où allez-vouschercher tout ça ?” Il répond sans contournement,autant que possible, si on savaitd’où elles viennent les histoires… La Balafrevient peut-être de la photo d’unejeune fille juive que ses grands-parentsavaient cachée pendant la guerre. L’EnfantOcéan commence avec une histoire vraiede cartable jeté dans un puits et après ellechemine en compagnie du Petit Poucet deCharles Perrault. Pour La Rivière à l’envers,“les chapitres dégringolaient en moi enveux-tu en voilà, ma main n’allait pasassez vite”. Cornebique est né grâce à unorage qui a forcé l’auteur, en virée à vélo,à s’abriter, grâce aussi aux ballades deWoody Guthrie.A fonddans le romanesquePour Le Combat d’hiver 3 , on croit savoir…Aux premières pages, on est dans une salled’étude, les élèves s’ennuient, ce pourraitêtre une salle du lycée Blaise Pascal. MaisHelen Dormann s’ennuie tellement qu’elledemande à aller voir sa “consoleuse”.Etrange. On rencontre bientôt les consoleuses,puis des “hommes-chiens” et le“peuple-cheval”. L’étrange fait son cheminet dérange ce que l’on croyait savoir. Lesujet est grave, politique même, et le récittoujours palpitant. Anna Gavalda a eu cecommentaire à propos du Combat d’hiver :“Écriture superbe d’un auteur qui aime seslecteurs. Qui les aime, les respecte et les honore.”Il honore tout aussi bien les lecteursqui ne peuvent plus prétendre à la catégorie“jeunesse”. De son dernier ouvrage,Le Chagrin du roi mort, qui vient juste deparaître, Jean-Claude Mourlevat dit simplement: “Je suis allé à fond dans le romanesque,sans me retenir.”L’Enfant Océan a dépassé les 800 000exemplaires, Le Combat d’hiver est traduiten douze langues. Pourtant Jean-ClaudeMourlevat avoue qu’il hésite encore à répondre“écrivain” quand on lui demandeson métier. Mais c’est bien à ce titre qu’il apu s’asseoir dans le fauteuil de Dostoïevski.“J’étais invité par le Centre culturelfrançais de Saint-Petersbourg. Aprèsune séance de lecture, la directrice m’aconvié à visiter le musée et… à m’asseoir.”C’est bien à titre de confrère, non ? ■1. Alain Mourlevat, frère aîné de Jean-Claude, raconte lesannées 50 au Moulin de la Cour dans un savoureux récit,Meunier tu dors…, qui commence par un vibrant éloge dusabot. Aux éditions de la Montmarie.2. Et entre temps il est passé chez Gallimard Jeunesse oùsont publiés ses ouvrages récents.3. Le Combat d’hiver a été lauréat du Livre élu en <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>,entre autres distinctions.

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