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écœuré. « Avez-vous envisagé aussi, avec <strong>le</strong> même souci du détail, <strong>le</strong>sconséquences d'un échec ? »Prevlov <strong>le</strong> regarda, son sourire était toujours là, un peu crispé maintenant. «L'échec a été envisagé, Camarade. Mais espérons avec ferveur que nous n'auronspas à recourir à notre option fina<strong>le</strong>. » II désigna <strong>le</strong> grand blip sur l'écran radar. « Ceserait navrant de devoir cou<strong>le</strong>r une seconde fois et pour l'éternité <strong>le</strong> navire <strong>le</strong> pluslégendaire du monde. »Tout au fond des entrail<strong>le</strong>s du vieux paquebot, Spencer et son équipe depompage s'acharnaient à faire fonctionner <strong>le</strong>s pompes à diesel. Travaillant parfoisseuls dans ces froides et sombres cavernes d'acier, sans rien d'autre que <strong>le</strong> pitoyab<strong>le</strong>réconfort de petits projecteurs, ils vaquaient sans se plaindre à <strong>le</strong>ur tâche de maintenir<strong>le</strong> navire à flot.Ils éprouvèrent quelque surprise en constatant que dans certainscompartiments <strong>le</strong>s pompes n'arrivaient pas à compenser l'eau qui pénétrait.Vers sept heures, <strong>le</strong> temps s'était irrémédiab<strong>le</strong>ment détérioré. Le baromètreétait tombé au-dessous de sept cent quarante millimètres et continuait à baisser. Le<strong>Titanic</strong> tanguait et roulait, et embarquait par-dessus son étrave d'énormes vagues quivenaient battre <strong>le</strong>s cloisons du pont.La visibilité dans la nuit et la pluie était devenue presque nul<strong>le</strong>. La seu<strong>le</strong> façondont <strong>le</strong>s hommes des remorqueurs pouvaient apercevoir <strong>le</strong> grand navire, c'était quandde temps en temps un éclair jetait sa brève lueur sur sa silhouette fantomatique. Mais<strong>le</strong>ur principal souci, c'était <strong>le</strong> câb<strong>le</strong> qui disparaissait à l'arrière dans <strong>le</strong> tourbillon deseaux déchaînées. La tension constante qu'il subissait était énorme; chaque fois que <strong>le</strong><strong>Titanic</strong> était frappé de p<strong>le</strong>in fouet par une vague gigantesque, <strong>le</strong>s hommesregardaient, fascinés, <strong>le</strong> câb<strong>le</strong> se tendre hors de l'eau et émettre d'horrib<strong>le</strong>sgrincements de protestation.Butera ne quittait pas la passerel<strong>le</strong>, gardant sans cesse <strong>le</strong> contact avec <strong>le</strong>shommes travaillant au cabestan sur la plage arrière. Soudain une voix sortant du hautpar<strong>le</strong>urvint crépiter au-dessus du hur<strong>le</strong>ment du vent qui se déchaînait dehors. «Commandant ?- Ici <strong>le</strong> commandant, répondit-il dans un téléphone.- Ici l'enseigne Kelly au cabestan, Commandant. Il se passe quelque chose detrès bizarre ici.- Voudriez-vous vous expliquer, Enseigne ?- Eh bien, Commandant, on dirait que <strong>le</strong> câb<strong>le</strong> est devenu fou. D'abord il abasculé à bâbord et voilà maintenant qu'il porte sur tribord suivant, je dois dire,Commandant, un ang<strong>le</strong> inquiétant.- Bon, tenez-moi au courant. » Butera re<strong>le</strong>va la manette et en abaissa uneautre. « Uphill, vous m'entendez ? Ici Butera. » Sur <strong>le</strong> Morse, Uphill répondit presqueaussitôt. « Al<strong>le</strong>z-y.- Je crois que <strong>le</strong> <strong>Titanic</strong> s'est écarté sur tribord.- Vous pouvez calcu<strong>le</strong>r sa position ?- Négatif. La seu<strong>le</strong> indication, c'est l'ang<strong>le</strong> du câb<strong>le</strong>. »II s'ensuivit un si<strong>le</strong>nce de quelques instants, tandis qu’Uphill examinait soustous ses aspects ce développement inattendu. Puis sa voix revint dans <strong>le</strong> haut-par<strong>le</strong>ur: « Pour l'instant, nous ne filons guère plus de quatre nouds. Nous n'avons pas d'autre