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« II est trop tard pour modifier notre stratégie maintenant, dit Sloyouk. Leshommes et <strong>le</strong>s navires sont en place. Nous irons de l'avant comme prévu.- Mais, et <strong>le</strong> capitaine Prevlov ? Vous al<strong>le</strong>z bien ordonner son arrestation ? »Sloyouk toisa Marganine d'un regard glacé. « Non, Lieutenant, il va rester àson poste.- On ne peut pas lui faire confiance, fit Marganine, désespéré. Vous avez vu<strong>le</strong>s preuves...- Je n'ai rien vu qui ne puisse être fabriqué, riposta Sloyouk. Votre petit paquetarrive trop bien ficelé, trop soigneusement noué d'un ruban pour qu'on y croie aupremier abord. Non, ce que je vois, c'est un jeune arriviste qui veut poignarder sonsupérieur dans <strong>le</strong> dos afin de gravir l'échelon suivant. Les purges n'existaient déjàplus quand vous êtes né, Lieutenant. Vous avez joué un jeu dangereux et vous avezperdu.- Je vous assure...- Assez ! fit Sloyouk d'un ton dur comme du granit. Je suis certain que <strong>le</strong>byzanium sera bel et bien à bord d'un navire soviétique dans moins de trois jours ; unévénement qui prouvera la loyauté du capitaine Prevlov et votre culpabilité. »Le <strong>Titanic</strong> demeurait immobi<strong>le</strong> et inerte contre l'assaut incessant des vaguesqui déferlaient autour de son énorme masse, puis resserraient <strong>le</strong>s rangs etpoursuivaient <strong>le</strong>ur chemin vers quelques rives lointaines et inconnues. Il était là àdériver dans <strong>le</strong> courant, ses ponts détrempés fumant sous l'éclat déclinant du so<strong>le</strong>il dusoir. C'était un navire mort revenu parmi <strong>le</strong>s vivants.Un navire mort, mais pas désert. L'habitac<strong>le</strong> construit sur <strong>le</strong> pont suré<strong>le</strong>vé audessusdu salon des premières classes avait été vite démonté pour laisser la place àl'hélicoptère, et bientôt une navette régulière achemina à bord hommes et matérielpour s'attaquer à la tâche ardue de corriger la gîte et de préparer <strong>le</strong> navire au longremorquage jusqu'au port de New York.Pendant quelques brèves minutes après qu'on eut rapatrié sur <strong>le</strong> Capricornel'équipage à demi asphyxié du Deep Fathom, Giordino avait eu <strong>le</strong> <strong>Titanic</strong> pour lui toutseul. Jamais il n'avait songé qu'il était <strong>le</strong> premier homme à poser <strong>le</strong> pied sur ces pontsen soixante-seize ans, et bien qu'il fît encore grand jour, il n'avait osé tenter aucuneexploration. Chaque fois qu'il contemplait ces deux cent soixante-cinq mètres de long,il avait <strong>le</strong> sentiment de regarder une crypte humide et couverte de vase. D'un gestenerveux, il alluma une cigarette, s'assit sur un cabestan mouillé et attendit l'invasionqui ne fut pas longue à venir.Pitt n'éprouvait aucun malaise en montant à bord, mais plutôt un sentiment derespect. Il monta jusqu'à la passerel<strong>le</strong> et resta là seul, plongé dans la légende du<strong>Titanic</strong>. Dieu seul savait, il y avait pensé cent fois, ce qui s'était passé ce dimanchesoir il y avait près de huit décennies, lorsque <strong>le</strong> commandant Edward J. Smith était ence même endroit et qu'il se rendait compte que son beau navire était en train desombrer sous ses pieds avec <strong>le</strong>nteur mais sans rémission.À quoi pensait-il, sachant que <strong>le</strong>s canots de sauvetage ne pouvaient contenirque onze cent quatre-vingts personnes, alors que pour son voyage inaugural <strong>le</strong> naviretransportait deux mil<strong>le</strong> deux cents passagers et hommes d'équipage ? Puis il sedemanda ce que <strong>le</strong> vénérab<strong>le</strong> commandant aurait pensé s'il avait su que <strong>le</strong>s ponts deson navire seraient de nouveau foulés un jour par des hommes qui de son tempsn'étaient même pas encore nés.