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Renflouez le Titanic ! - Bibliothèque

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L'agent Peter Jones patrouillait sur <strong>le</strong> sentier qui bordait Ohio Drive lorsqu'ilremarqua l'homme assis sur <strong>le</strong> banc du parc. Au premier abord, Jones crut queSeagram n'était qu'un clochard ivre qui se dorait au so<strong>le</strong>il. Il songea à l'arrêter, maisse dit que ce serait une perte de temps : un vagabond mis à l'ombre se retrouvaitdans <strong>le</strong>s rues moins de vingt-quatre heures plus tard. Jones trouvait que cela ne valaitguère l'effort de remplir d'interminab<strong>le</strong>s rapports.Et puis quelque chose dans l'aspect de l'homme ne correspondait pas austéréotype de l'âme perdue. Jones contourna discrètement un grand orme et serapprocha du banc public. Un examen plus attentif vint confirmer ses soupçons.Certes, <strong>le</strong>s yeux rouges au regard flou, l'air absent de l'alcoolique étaient bien là, toutcomme <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s voûtées, mais il y avait des petits détails qui ne collaient pas : <strong>le</strong>schaussures étaient bien cirées, <strong>le</strong> costume de bonne coupe et repassé avec soin, <strong>le</strong>visage bien rasé et <strong>le</strong>s ong<strong>le</strong>s soignés. Et puis il y avait <strong>le</strong> revolver.Seagram <strong>le</strong>va <strong>le</strong>ntement <strong>le</strong>s yeux et son regard rencontra <strong>le</strong> visage d'unpolicier noir. Au lieu de trouver une expression méfiante et hosti<strong>le</strong>, il aperçut un visagequi rayonnait d'une sincère compassion.« Vous ne croyez pas que vous sautez bien vite à des conclusions ? ditSeagram.- Mon vieux, si jamais j'ai vu un cas classique de dépression suicidaire, c'estbien vous. »Jones fit <strong>le</strong> geste de s'asseoir. « Vous permettez que je partage votre banc ?- C'est une propriété municipa<strong>le</strong> », dit Seagram avec indifférence.Jones s'assit avec prudence à un mètre environ de Seagram, allongeaconfortab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s jambes et s'accouda au dossier, gardant <strong>le</strong>s mains bien en vue etloin de l'étui qui contenait son pisto<strong>le</strong>t d'ordonnance.« Moi, vous voyez, je choisirais novembre, murmura-t-il. Avril, c'est quand <strong>le</strong>sf<strong>le</strong>urs s'ouvrent et que <strong>le</strong>s arbres deviennent verts, mais novembre, c'est quand <strong>le</strong>temps devient désagréab<strong>le</strong>, que <strong>le</strong> vent vous glace jusqu'à l'os et que <strong>le</strong> ciel esttoujours triste et nuageux.Oui, c'est <strong>le</strong> mois que te choisirais pour en finir avec la vie. »Seagram serrait plus fort <strong>le</strong> Coït, regardant Jones avec appréhension, enattendant qu'il fît un geste.« Vous vous considérez sans doute comme une sorte d'expert en matière desuicide ?- Pas vraiment, dit Jones. En fait, vous êtes <strong>le</strong> premier que je prenne sur <strong>le</strong> fait.La plupart du temps, j'arrive sur <strong>le</strong>s lieux longtemps après que tout soit terminé. Parexemp<strong>le</strong>, prenez <strong>le</strong>s noyés : ce sont <strong>le</strong>s pires. Les cadavres tout gonflés et noircis, <strong>le</strong>syeux en bouillie dans <strong>le</strong>urs orbites après s'être fait grignoter par <strong>le</strong>s poissons. Et puis ily a ceux qui sautent. J'ai vu un jour un type qui avait sauté d'un immeub<strong>le</strong> de trenteétages. Il a atterri sur <strong>le</strong>s pieds. Les os de ses jarrets lui sortaient par <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s...- Je n'ai pas besoin de ça, ricana Seagram. Je n'ai pas besoin d'un nègre deflic pour me raconter des histoires d'horreur. »La colère brilla un instant dans <strong>le</strong> regard de Jones, puis s'éteignit aussitôt. Ilprit un mouchoir dans sa poche et essuya avec soin la bande de cuir intérieure de sacasquette. « Dites-moi, monsieur...- Seagram. Autant que vous <strong>le</strong> sachiez. Ça ne changera rien.- Dites-moi, M. Seagram, comment comptez-vous vous y prendre ? Une bal<strong>le</strong>dans la tempe, dans <strong>le</strong> front ou dans la bouche ?- Qu'est-ce que ça peut faire, <strong>le</strong> résultat sera <strong>le</strong> même.

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