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« Tous <strong>le</strong>s matins, c'est la même chose, fit Dana, agacée. Si seu<strong>le</strong>ment jepouvais m'organiser et préparer mes affaires la veil<strong>le</strong> au soir, mais j'attends toujours ladernière minute. »Marie s'approcha de Dana. « Si tu mettais ta jupe b<strong>le</strong>ue ? »Dana décrocha la jupe du cintre, puis la jeta sur-la moquette. « La barbe ! J'aienvoyé <strong>le</strong> corsage qui va avec chez <strong>le</strong> teinturier.- Si tu ne fais pas attention, tu vas avoir l'écume à la bouche.- Je n'y peux rien, fit Dana. Depuis quelque temps, tout semb<strong>le</strong> al<strong>le</strong>r mal.- Tu veux dire : depuis que tu as plaqué ton mari.- La dernière chose dont j'aie besoin maintenant, c'est un sermon.- Calme-toi, mon chou. Si tu veux lâcher ta colère sur quelqu'un, alors plantetoidevant une glace. »Dana restait là, tendue comme une poupée mécanique dont on a trop remonté<strong>le</strong>s ressorts.Marie sentait venir une crise de larmes et opéra un repli stratégique.« Calme-toi. Prends ton temps. Je vais descendre faire tourner <strong>le</strong> moteur. »Dana attendit que <strong>le</strong> bruit léger des pas de Marie se fût éloigné avant depasser dans la sal<strong>le</strong> de bains et d'ava<strong>le</strong>r deux comprimés. Dès que <strong>le</strong> tranquillisantcommença à faire son effet, el<strong>le</strong> passa calmement une robe de toi<strong>le</strong> turquoise, sedonna un coup de peigne, chaussa une paire de mocassins et descendit l'escalier.Pendant <strong>le</strong> trajet jusqu'aux bureaux de l'ANRO, Dana paraissait gaie et p<strong>le</strong>ined'entrain tandis que son pied battait la mesure aux accents de la radio de la voiture.« Un comprimé ou deux ? demanda Marie.- Hein ?- J'ai dit un comprimé ou deux ? On peut toujours parier quand, d'un instant àl'autre, de garce tu te transformes en ange, que tu as pris des tranquillisants.- C'est vrai ce que je disais à propos du sermon.- D'accord, mais je te préviens, ma vieil<strong>le</strong>. Si jamais je te trouve un soirallongée par terre avec une overdose, je reprendrai tranquil<strong>le</strong>ment mes petites affaireset je disparaîtrai dans la nuit. Je ne peux pas supporter <strong>le</strong>s scènes mortuairesspectaculaires.- Tu exagères. »Marie la regarda. « Tu crois ? Tu prends ça comme d'autres gobent desvitamines.- Je vais très bien, fit Dana d'un ton de défi.- Tu par<strong>le</strong>s. Tu es <strong>le</strong> cas classique de la femme déprimée et frustrée. Et,permets-moi d'ajouter, de la pire espèce.- Il faut du temps pour émousser la peine.- La peine, mon œil. Tu veux dire que ça émousse tes remords.- Je ne me ferai pas l'illusion de croire que ce que j'ai fait de mieux c'est dequitter Gène. Mais je suis convaincue que c'était la chose à faire.- Tu ne crois pas qu'il a besoin de toi ?- J'espérais toujours qu'il ferait un geste dans ma direction, mais chaque foisque nous sommes ensemb<strong>le</strong>, nous nous bagarrons comme des chats de gouttière. Ilm'a chassée de sa vie, Marie.C'est toujours la même histoire : quand un homme comme Gène devient unesclave de son travail, il élève autour de lui un mur infranchissab<strong>le</strong>. Et la raisonstupide, d'une stupidité incroyab<strong>le</strong>, c'est parce qu'il s'imagine que partager sesproblèmes me précipite automatiquement en première ligne aussi. Un homme peut