Mise en page 1 - Institut Béarnais Gascon

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4 La létre de l’Institut Biarnés e Gascoû 2008Principes fondamentauxpour identifier et promouvoir une langueDistinguer les langues les unes desautres ou, autre facette du mêmeproblème, regrouper des variétésen une seule et même langue, n’est passimple. L’ensemble des “ systèmes linguistiques” qu’utilisent leshumains pour parler partagentcertains traits généraux. Pour demultiples raisons, liées à leur fonctionidentitaire, ces systèmes sontdifférents les uns des autres, aupoint que chacun d’entre nouspossède son propre idiolecte(souvent “ plurilingue ”). Entre cesdeux extrémités, les humains procèdentà des découpages etregroupements divers, fonctionnelset changeants, qui identifientdes ensembles linguistiques à desniveaux variés, appelés notammentfamille de langues, langues, dialectes,sous-dialectes, patois… en françaisselon les milieux. Ils utilisent pour celadivers critères, parfois apparemmentcontradictoires, qui aboutissent à des classificationsdifférentes. On peut considérerqu’un ensemble de pratiques linguistiquesconstitue une langue distincte des autresselon les critères suivants.1) La conscience linguistiqueLes usagers ont conscience, à des degrésdivers, de parler une seule et mêmelangue, soit à travers ses propres variétés(c’est notamment le cas des langues vernaculaires,peu institutionnalisées), soitégalement en faisant référence à unenorme commune (c’est surtout le cas deslangues véhiculaires institutionnalisées).Cette conscience provient en générald’une conscience collective extérieure à lalangue, conscience historique, culturelle,politique… Cette identité sociolinguistiqueest confirmée par le fait que ceux quin’appartiennent pas au groupe et ne parlentpas sa langue lui reconnaissent cetteidentité.2) La dénominationIls utilisent historiquement un nom spécifiquepour désigner la langue, souventconjointement avec des noms pluslocaux, qui en désignent les “ variétés ”internes (locales, sociales…). Cette dénominationhistorique, symbolique et fonctionnelleest dite autoglossonyme parceque ce sont les usagers qui le choisissentet l’emploient effectivement (au contrairedes dénominations savantes, militantesou archaïques).la volontémajoritairedémocratiquementexprimée de nepas considérerla langueen question commeune variété(un “ dialecte ”)de telle autrelangue.3) L’institutionnalisationL’identité collective de cettelangue est affirmée par desinstitutions culturelles,administratives, et notammentpolitiques démocratiquementreprésentatives dugroupe, dans les discours,et dans les textes à valeurjuridique (de “ politiq u el i n g u i s t i q u e ” ) .Lorsqu’il s’agit d’une langue“ locale ”, les institutions“ locales ” sont évidemmentles plus fiables, car les plusproches du terrain et des usagers.4) L’outillage linguistiqueDes attributs linguistiques propres à cettelangue sont constitués et majoritairementdiffusés-employés : outre son nom, un systèmed’écriture spécifique (voire une orthographe),des grammaires, des dictionnaires,des ouvrages didactiques, des textes littéraires,parfois une variété normative de référencemais pas toujours, etc.5) La demande socialeLe cas échéant, la volonté majoritairedémocratiquement exprimée de ne pasconsidérer la langue en question commeune variété (un “ dialecte ”) de telle autrelangue. Car bien sûr il est normal qu’il y aitdes débats à ce sujet : rien n’est jamaisfixé pour l’éternité. C’est souvent le cassur les marges “ structurelles ” de lalangue et pour les langues dites “ minoritaires” qui ne bénéficient pas suffisammentdu critère 3 ci-dessus.Les méthodes employées pour rendrecompte de ces fonctionnements sociauxrelèvent des méthodes d’enquêtes qualitativesde terrain (y compris une analysedes représentations, facteur essentiel) etde recueil de données quantitatives, detype respectivement ethnographique etsociologique. On observe souvent des casen cours d’évolution, répondant partiellementaux critères, dont la dynamiqueconstitue alors un indice déterminant.Comme on le voit, les critères strictementlinguistiques (souvent arbitraires) et celui(très flou dans les faits) del’intercompréhension, ne sont aucunementdécisifs.En ce qui concerne le gascon et le béarnais,la situation (bien documentée) mesemble être la suivante : il est évident quel’ensemble gascon constitue une languedistincte de l’occitan (languedocien etguyennais) au moins aussi clairement quele provençal. Le béarnais est beaucoupplus clairement identifié et soutenu que le(reste du) gascon, au point qu’on peutenvisager que ce soit (ou que celadevienne) une langue distincte du gascon,comme l’est devenu le niçois par rapportau provençal, ce qui dans tous les casn’empêche ni proximité, ni solidarité.Plus on prend en compte les contextessociolinguistiques (incluant le paramètredes identités culturelles), meilleur est ledegré de finesse, le degré de précision, del’identification des variétés linguistiques, etdonc la fiabilité et l’efficacité del’identification réalisée, de la politique linguistiqueadaptée mise en œuvre. Car ilfaut s’appuyer sur les fonctionnementssociaux effectifs si l’on espère installerprogressivement et selon une méthodeappropriée dans le corps social une politiqued’aménagement linguistique. Etquand on essaye de mettre en place unepolitique linguistique qui ne prend pas encompte et qui ne vise pas la ou leslangue(s) telle(s) que les usagers les identifient,les nomment, les utilisent, les viventet les veulent, une politique qui brûle lesétapes et vise trop vite trop haut ou troploin, le projet est voué à l’échec, puisqueils ne peuvent se mobiliser pour un dispositifdans lequel ils ne reconnaissent ni leurlangue (sous le nom et souvent la graphieproposés), ni leurs aspirations.Philippe BlanchetProfesseur de sociolinguistiqueUniversité Européennede Bretagne - Rennes 2Laboratoire PREFics EA 3207UMR CNRS 8143Voir les références bibliographiquespage suivante

2008 La létre de l’Institut Biarnés e Gascoû 5Références bibliographiques :Blanchet, Ph., Linguistique de terrain,méthode et théorie (une approche ethnosociolinguistique),Presses Universitairesde Rennes, 2000.Blanchet, Ph. et Harrold Schiffman (Dir.)The Sociolinguistics of Southern “ Occitan” France, Revisited, International Journal ofthe Sociology of Language n° 169,Berlin/New-York, Mouton de Gruyter,2004.Jean-Baptiste Bégarieest honoré par la Municipalitéde Bénéjacq et l’IBGBlanchet, Ph., "L’identification sociolinguistiquedes langues et des variétés linguistiques: pour une analyse complexedu processus de catégorisation fonctionnelle",dans Actes du colloqueIdentification des langues et des variétésdialectales par les humains et par lesmachines, Paris, Ecole NationaleSupérieure des Télécommunications /CNRS, 2004, p. 31-36(HYPERLINK"http://www.limsi.fr/MIDL/actes/session%20I/Blanchet_MIDL2004.pdf"http://www.limsi.fr/MIDL/actes/session%20I/Blanchet_MIDL2004.pdf)La vie de Jean-Baptiste Bégarie,poète mort pour la France en1915, est connue maintenantdes habitants de Bénéjacq, son villagenatal, et de tous les béarnais, grâce àla journée commémorative du 16 aoûtdernier et à la biographie écrite parJean-Albert Trouilhet, lui aussi originairede ce village.Jean-Baptiste Bégarie, jeune poète delangue béarnaise, est mort à 23 ans le17 février 1915, au cours des terriblescombats que se déroulaient à cemoment là dans le Nord de la France.Son enfance à Gomer, ses années dejeunesse où très tôt ses talents depoète furent reconnus et enfin sonengagement pour le pays, Jean-AlbertTrouilhet nous raconte par le détail labrève vie du « poète combattant ».Les photos et les manuscrits issus desarchives familiales, les cartes-postalesdes lieux où il a vécu et combattu, sespoèmes (dans leur graphie d’origine)illustrent la biographie que vientd’éditer l’Institut Béarnais et Gascon.La journée commémorative débutapar une messe en béarnais célébréepar l’Abbé Justin Laban assisté del’Abbé Jean-François Bartaburu, prêtrede la paroisse. Les chants interprétéspar Lous Esbagats d’Asson dirigéspar le Père Firmin Bourguinat donnèrentà cette cérémonie une ferveurrehaussée par le final « Boune Maydou Boun Diu ». La participation del’Escole Simin Palay fut appréciée dela nombreuse assistance présente àcette cérémonie.Il revenait à Jean-Albert Trouilhet deprononcer l’hommage à Jean-Baptiste Bégarie. Il le fit en languebéarnaise devant ses neveux Augusteet l’abbé Jean-Bégarie (GeorgesSaint-Clair en poésie), en présencedes personnalités locales et d’ungrand nombre d’habitants du villageréunis pour l’occasion. MM. Paniagaet Lavigne du Cadet, maire et ancienmaire, dévoilèrent la stèle et direntchacun leur tour, la satisfaction de voirun enfant du village reconnu ethonoré. Madame M.P. Cabanne,représentant M. Rousset, Présidentde Région, releva l’humanisme présentdans l’œuvre poétique de cejeune homme. Alexis Arette déclamaun poème de son cru exaltant lamémoire de ceux qui tombèrent loindu sol natal. L’universitaire DanielAranjo situa l’homme dans sonépoque où l’élan patriotique menatant de jeunes gens au sacrificesuprême.L’après-midi dans la salle du Fronton,une nombreuse assistance seretrouva pour entendre une conférencedonnée par trois universitairesayant publié des travaux sur Jean-Baptiste Bégarie.

4 La létre de l’<strong>Institut</strong> Biarnés e Gascoû 2008Principes fondam<strong>en</strong>tauxpour id<strong>en</strong>tifier et promouvoir une langueDistinguer les langues les unes desautres ou, autre facette du mêmeproblème, regrouper des variétés<strong>en</strong> une seule et même langue, n’est passimple. L’<strong>en</strong>semble des “ systèmes linguistiques” qu’utilis<strong>en</strong>t leshumains pour parler partag<strong>en</strong>tcertains traits généraux. Pour demultiples raisons, liées à leur fonctionid<strong>en</strong>titaire, ces systèmes sontdiffér<strong>en</strong>ts les uns des autres, aupoint que chacun d’<strong>en</strong>tre nouspossède son propre idiolecte(souv<strong>en</strong>t “ plurilingue ”). Entre cesdeux extrémités, les humains procèd<strong>en</strong>tà des décou<strong>page</strong>s etregroupem<strong>en</strong>ts divers, fonctionnelset changeants, qui id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>tdes <strong>en</strong>sembles linguistiques à desniveaux variés, appelés notamm<strong>en</strong>tfamille de langues, langues, dialectes,sous-dialectes, patois… <strong>en</strong> françaisselon les milieux. Ils utilis<strong>en</strong>t pour celadivers critères, parfois apparemm<strong>en</strong>tcontradictoires, qui aboutiss<strong>en</strong>t à des classificationsdiffér<strong>en</strong>tes. On peut considérerqu’un <strong>en</strong>semble de pratiques linguistiquesconstitue une langue distincte des autresselon les critères suivants.1) La consci<strong>en</strong>ce linguistiqueLes usagers ont consci<strong>en</strong>ce, à des degrésdivers, de parler une seule et mêmelangue, soit à travers ses propres variétés(c’est notamm<strong>en</strong>t le cas des langues vernaculaires,peu institutionnalisées), soitégalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> faisant référ<strong>en</strong>ce à un<strong>en</strong>orme commune (c’est surtout le cas deslangues véhiculaires institutionnalisées).Cette consci<strong>en</strong>ce provi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> générald’une consci<strong>en</strong>ce collective extérieure à lalangue, consci<strong>en</strong>ce historique, culturelle,politique… Cette id<strong>en</strong>tité sociolinguistiqueest confirmée par le fait que ceux quin’apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas au groupe et ne parl<strong>en</strong>tpas sa langue lui reconnaiss<strong>en</strong>t cetteid<strong>en</strong>tité.2) La dénominationIls utilis<strong>en</strong>t historiquem<strong>en</strong>t un nom spécifiquepour désigner la langue, souv<strong>en</strong>tconjointem<strong>en</strong>t avec des noms pluslocaux, qui <strong>en</strong> désign<strong>en</strong>t les “ variétés ”internes (locales, sociales…). Cette dénominationhistorique, symbolique et fonctionnelleest dite autoglossonyme parceque ce sont les usagers qui le choisiss<strong>en</strong>tet l’emploi<strong>en</strong>t effectivem<strong>en</strong>t (au contrairedes dénominations savantes, militantesou archaïques).la volontémajoritairedémocratiquem<strong>en</strong>texprimée de nepas considérerla langue<strong>en</strong> question commeune variété(un “ dialecte ”)de telle autrelangue.3) L’institutionnalisationL’id<strong>en</strong>tité collective de cettelangue est affirmée par desinstitutions culturelles,administratives, et notamm<strong>en</strong>tpolitiques démocratiquem<strong>en</strong>treprés<strong>en</strong>tatives dugroupe, dans les discours,et dans les textes à valeurjuridique (de “ politiq u el i n g u i s t i q u e ” ) .Lorsqu’il s’agit d’une langue“ locale ”, les institutions“ locales ” sont évidemm<strong>en</strong>tles plus fiables, car les plusproches du terrain et des usagers.4) L’outillage linguistiqueDes attributs linguistiques propres à cettelangue sont constitués et majoritairem<strong>en</strong>tdiffusés-employés : outre son nom, un systèmed’écriture spécifique (voire une orthographe),des grammaires, des dictionnaires,des ouvrages didactiques, des textes littéraires,parfois une variété normative de référ<strong>en</strong>cemais pas toujours, etc.5) La demande socialeLe cas échéant, la volonté majoritairedémocratiquem<strong>en</strong>t exprimée de ne pasconsidérer la langue <strong>en</strong> question commeune variété (un “ dialecte ”) de telle autrelangue. Car bi<strong>en</strong> sûr il est normal qu’il y aitdes débats à ce sujet : ri<strong>en</strong> n’est jamaisfixé pour l’éternité. C’est souv<strong>en</strong>t le cassur les marges “ structurelles ” de lalangue et pour les langues dites “ minoritaires” qui ne bénéfici<strong>en</strong>t pas suffisamm<strong>en</strong>tdu critère 3 ci-dessus.Les méthodes employées pour r<strong>en</strong>drecompte de ces fonctionnem<strong>en</strong>ts sociauxrelèv<strong>en</strong>t des méthodes d’<strong>en</strong>quêtes qualitativesde terrain (y compris une analysedes représ<strong>en</strong>tations, facteur ess<strong>en</strong>tiel) etde recueil de données quantitatives, detype respectivem<strong>en</strong>t ethnographique etsociologique. On observe souv<strong>en</strong>t des cas<strong>en</strong> cours d’évolution, répondant partiellem<strong>en</strong>taux critères, dont la dynamiqueconstitue alors un indice déterminant.Comme on le voit, les critères strictem<strong>en</strong>tlinguistiques (souv<strong>en</strong>t arbitraires) et celui(très flou dans les faits) del’intercompréh<strong>en</strong>sion, ne sont aucunem<strong>en</strong>tdécisifs.En ce qui concerne le gascon et le béarnais,la situation (bi<strong>en</strong> docum<strong>en</strong>tée) mesemble être la suivante : il est évid<strong>en</strong>t quel’<strong>en</strong>semble gascon constitue une languedistincte de l’occitan (languedoci<strong>en</strong> etguy<strong>en</strong>nais) au moins aussi clairem<strong>en</strong>t quele prov<strong>en</strong>çal. Le béarnais est beaucoupplus clairem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tifié et sout<strong>en</strong>u que le(reste du) gascon, au point qu’on peut<strong>en</strong>visager que ce soit (ou que celadevi<strong>en</strong>ne) une langue distincte du gascon,comme l’est dev<strong>en</strong>u le niçois par rapportau prov<strong>en</strong>çal, ce qui dans tous les casn’empêche ni proximité, ni solidarité.Plus on pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> compte les contextessociolinguistiques (incluant le paramètredes id<strong>en</strong>tités culturelles), meilleur est ledegré de finesse, le degré de précision, del’id<strong>en</strong>tification des variétés linguistiques, etdonc la fiabilité et l’efficacité del’id<strong>en</strong>tification réalisée, de la politique linguistiqueadaptée mise <strong>en</strong> œuvre. Car ilfaut s’appuyer sur les fonctionnem<strong>en</strong>tssociaux effectifs si l’on espère installerprogressivem<strong>en</strong>t et selon une méthodeappropriée dans le corps social une politiqued’aménagem<strong>en</strong>t linguistique. Etquand on essaye de mettre <strong>en</strong> place unepolitique linguistique qui ne pr<strong>en</strong>d pas <strong>en</strong>compte et qui ne vise pas la ou leslangue(s) telle(s) que les usagers les id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t,les nomm<strong>en</strong>t, les utilis<strong>en</strong>t, les viv<strong>en</strong>tet les veul<strong>en</strong>t, une politique qui brûle lesétapes et vise trop vite trop haut ou troploin, le projet est voué à l’échec, puisqueils ne peuv<strong>en</strong>t se mobiliser pour un dispositifdans lequel ils ne reconnaiss<strong>en</strong>t ni leurlangue (sous le nom et souv<strong>en</strong>t la graphieproposés), ni leurs aspirations.Philippe BlanchetProfesseur de sociolinguistiqueUniversité Europé<strong>en</strong>nede Bretagne - R<strong>en</strong>nes 2Laboratoire PREFics EA 3207UMR CNRS 8143Voir les référ<strong>en</strong>ces bibliographiques<strong>page</strong> suivante

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