3/ Les rues <strong>et</strong> les déch<strong>et</strong>sAu XVI e siècle, <strong>de</strong>s politiques d’assainissement plus complètes font leur apparition. Conscients <strong>de</strong>l’inefficacité <strong>de</strong>s réglementations passées, Louis XII fait transférer à l’État <strong>la</strong> charge du n<strong>et</strong>toyage <strong>de</strong>srues <strong>et</strong> m<strong>et</strong> en p<strong>la</strong>ce en 1506 le premier service public d’enlèvement <strong>de</strong>s ordures, ou plutôt ducurage <strong>de</strong>s rues, financé par le produit d’un impôt spécial lié à l’habitation. Les Parisiens réticentssont alors nombreux à se déc<strong>la</strong>rer sans domicile fixe. François I er publie en 1539 un édit re<strong>la</strong>tant toutesles réglementations en vigueur (dont l’ordonnance <strong>de</strong> Charles VI <strong>de</strong> 1338, toujours pas appliquée<strong>de</strong>ux siècles plus tard) ; il s’accompagne <strong>de</strong> sévères sanctions. Ce texte royal reprend donc lesinjonctions non respectées : suppression <strong>de</strong>s animaux dans les rues, interdiction <strong>de</strong> j<strong>et</strong>er ordures<strong>et</strong> excréments mais obligation <strong>de</strong> les rassembler dans <strong>de</strong>s seaux <strong>de</strong>vant les portes, construction <strong>de</strong>fosses, propr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> pavage <strong>de</strong>s rues 34 . En outre, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> j<strong>et</strong>er les urines <strong>et</strong> eaux croupies dansle ruisseau ou l’égout face à <strong>la</strong> maison afin <strong>de</strong> faciliter l’évacuation <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>s.Parallèlement, l’hygiène urbaine progresse légèrement au XVII e siècle grâce à une nouvelle étapedans le pavage <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> Paris. En 1605, Henri IV s’engage pour l’aménagement <strong>de</strong>s chausséesparisiennes. Les gran<strong>de</strong>s dalles <strong>et</strong> les carreaux sont remp<strong>la</strong>cés par les “pavés du roi”, <strong>de</strong>s pavés engrès originaires <strong>de</strong>s carrières <strong>de</strong> Fontainebleau, cubiques <strong>et</strong> plus légers, <strong>de</strong> 18 à 20 centimètres <strong>de</strong>côté <strong>et</strong> d’une épaisseur <strong>de</strong> 23 centimètres (8 à 9 pouces). Néanmoins, <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitalesont toujours en terre battue durant les décennies suivantes. La capitale est parfois surnommée parles étrangers “<strong>la</strong> capitale <strong>de</strong> l’ordure <strong>et</strong> du pissat”. La peste réapparaît en 1606 <strong>et</strong> le monarque fuitavec sa cour à Fontainebleau.La volonté <strong>de</strong> Louis XIV “d’assainir” l’air parisien se traduit par <strong>la</strong> nomination en 1667 <strong>de</strong> Nico<strong>la</strong>s<strong>de</strong> <strong>la</strong> Reynie au poste <strong>de</strong> Lieutenant général <strong>de</strong> police (équivalent <strong>de</strong> l’actuel préf<strong>et</strong>), fonctions qu’iloccupe pendant trente ans. Il a en charge <strong>de</strong> fixer <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire respecter un règlement pour <strong>la</strong> propr<strong>et</strong>é<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. Il se <strong>la</strong>nce dans une croisa<strong>de</strong> pour le n<strong>et</strong>toyage <strong>de</strong>s rues parisiennes. Il oblige chacunà ba<strong>la</strong>yer <strong>de</strong>vant sa porte, sa faça<strong>de</strong> ou sa boutique. L’évacuation <strong>de</strong>s eaux par les ruissellementsen surface est toujours en vigueur mais on tente <strong>de</strong> l’optimiser. Les lieux <strong>de</strong> distribution d’eau – lesfontaines publiques – se multipliant dans <strong>la</strong> capitale, il est essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong>ver les rues pavées. Nico<strong>la</strong>s<strong>de</strong> <strong>la</strong> Reynie assure sa charge avec une forte autorité mal accueillie mais qui s’avère efficace. Sastratégie s’appuie sur <strong>la</strong> taxe dite <strong>de</strong>s “boues <strong>et</strong> <strong>la</strong>nternes” ; c<strong>et</strong> impôt datant <strong>de</strong> 1506 est dû parles propriétaires pour le n<strong>et</strong>toiement <strong>de</strong>s rues <strong>et</strong> l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s <strong>la</strong>nternes. Il m<strong>et</strong> également en p<strong>la</strong>cel’éc<strong>la</strong>irage public d’où découle l’expression “Paris ville lumière”.Malgré tous ces résultats, Paris est toujours sous Louis XVI <strong>et</strong> à <strong>la</strong> Révolution <strong>la</strong> tristement célèbre“ville <strong>de</strong> boue”. Les cours d’eau <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale sont dans un état épouvantable, leurs quais sont<strong>de</strong>s <strong>la</strong>trines improvisées <strong>et</strong> les vidangeurs malhonnêtes y déversent leurs chargements. Et pourtant,les trois quarts <strong>de</strong>s Parisiens achètent chaque jour aux porteurs d’eau leur eau <strong>de</strong> boisson issue dufleuve.3434/ “Paris, une <strong>histoire</strong> en images – Architecture, économie, culture, société… 2000 ans <strong>de</strong> vie urbaine”, P. Varejka, Parigramme, 2007.<strong>histoire</strong>, arts <strong>et</strong> littérature / COLLÈGE <strong>et</strong> lycée
IV.Le XIX e siècle :le grand changementCadre historique général• 1804 : Début du règne <strong>de</strong> Napoléon I er• 1815 : Les Cent Jours <strong>et</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> restauration, début du règne <strong>de</strong> Louis XVIII• 1830 : Début du règne <strong>de</strong> Louis-Philippe I er• 1832 <strong>et</strong> 1854 : épidémies <strong>de</strong> choléra• 1833 : Nomination <strong>de</strong> Rambuteau préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Seine• 1848 : Proc<strong>la</strong>mation <strong>de</strong> <strong>la</strong> II e République <strong>et</strong> élection <strong>de</strong> Louis-Napoléon Bonaparte• 1852 : Proc<strong>la</strong>mation du Second Empire, Napoléon III Empereur <strong>de</strong>s Français• 1853 : Nomination du Baron Haussmann préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Seine• 1870 : Proc<strong>la</strong>mation <strong>de</strong> <strong>la</strong> III e RépubliqueA. Des conditions pour le changement1/ Le choléra, facteur <strong>de</strong> déclenchement <strong>de</strong>s consciencesLe XIX e siècle marque un tournant fondamental dans l’<strong>histoire</strong> sanitaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. C’est au début<strong>de</strong> ce siècle que réapparaît <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die qui forme avec <strong>la</strong> peste le couple épidémique <strong>de</strong> référence :le choléra. Importé <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s par les marins ang<strong>la</strong>is, il aensuite traversé <strong>la</strong> Manche. Les épiso<strong>de</strong>s <strong>de</strong> 1832, 1849<strong>et</strong> 1854 sont les plus marquants <strong>et</strong> attribuent au choléraune gran<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce dans l’imaginaire collectif (figure 25).Pour ces trois épidémies, 18 000, 16 000, 9 000 morts sontrespectivement dénombrés à Paris, principalement dansles quartiers popu<strong>la</strong>ires. Il continue <strong>de</strong> sévir jusqu’en 1892,année durant <strong>la</strong>quelle il fait 2 000 morts dans le département<strong>de</strong> <strong>la</strong> Seine, dont 1 000 à Paris.© Roger-Violl<strong>et</strong>Figure 25 : Le choléra à Paris en 1832L’absence d’assainissement explique <strong>la</strong> propagation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ma<strong>la</strong>die très virulente, qui se transm<strong>et</strong>par les vomissures <strong>et</strong> les diarrhées. Une première observation faite par le Préf<strong>et</strong> Eugène Poubelleconstitue une première hypothèse incriminant l’eau. Il remarque que <strong>la</strong> mortalité dans <strong>la</strong> rue <strong>de</strong>Chaillot accuse une différence importante entre les <strong>de</strong>ux côtés <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue : 45 habitants du côté <strong>de</strong>snuméros impairs, contre 5 <strong>de</strong> l’autre côté. Or, l’eau distribuée du côté impair provient alors <strong>de</strong> <strong>la</strong>Seine, où se déversent les égouts, alors que celle du côté pair est pompée dans le canal <strong>de</strong> l’Ourcq.De <strong>la</strong> même façon, l’eau <strong>de</strong>s puits est contaminée, les quartiers pauvres sont donc les plus touchés.Le choléra constitue une menace terrible pour le peuple parisien <strong>et</strong> fait réagir très rapi<strong>de</strong>ment lesautorités, qui concentrent leur action autour <strong>de</strong> l’alimentation en eau.35<strong>histoire</strong>, arts <strong>et</strong> littérature / COLLÈGE <strong>et</strong> lycée