Ru <strong>de</strong> Ménilmontant ougrand égout à ciel ouvert4/ Les premiers égoutsLes premiers tronçons d’égouts sont construits sous Louis IX <strong>et</strong> Philippe Le Bel aux XII e <strong>et</strong> XIV e siècles,mais ils ne concernent que <strong>de</strong>s <strong>de</strong>meures royales ou religieuses. Leur développement est très lent,faute <strong>de</strong> moyens, <strong>de</strong> volonté politique <strong>et</strong> <strong>de</strong> concertation pour construire ou entr<strong>et</strong>enir les ouvrages.L’essentiel du réseau d’évacuation <strong>de</strong>s eaux usées est alors constitué par les p<strong>et</strong>its cours d’eau parisiens,parmi lesquels les ruisseaux du Bac, <strong>de</strong> Montreuil, <strong>de</strong> Ménilmontant <strong>et</strong> <strong>de</strong> Saint-Germain, aujourd’huidisparus, <strong>et</strong> <strong>la</strong> Grange-Batelière, toujours existante (cadre sur <strong>la</strong> Grange-Batelière).La Grange-BatelièreDe nos jours, trois cours d’eau s’écoulent dans Paris : <strong>la</strong> Seine <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux rivières souterraines : <strong>la</strong>Bièvre <strong>et</strong> <strong>la</strong> Grange-Batelière. Une grange batelière est un bâtiment adossé ou surplombantun cours d’eau, perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> faire accoster <strong>de</strong>s bateaux, <strong>de</strong> les décharger <strong>et</strong> <strong>de</strong> stoker lesmarchandises sur p<strong>la</strong>ce. À Paris, ce nom vient d’une ferme fortifiée (<strong>la</strong> Grange Bataillée).C<strong>et</strong>te rivière méconnue, située dans le 9 ème arrondissement, se j<strong>et</strong>ait dans le ru <strong>de</strong> Ménilmontant.Transformée progressivement en égout, elle est couverte au XIX e siècle, mais son tracé suit toujours<strong>la</strong> rue du même nom. Elle passe sous le magasin du Printemps Haussmann. Une croyance veut qu’un<strong>la</strong>c souterrain, alimenté par <strong>la</strong> Grange-Batelière, s’éten<strong>de</strong> sous l’opéra Garnier. Il s’agit en fait <strong>de</strong>cuves remplies d’eau en cas d’incendie ; <strong>la</strong> rivière coule à quelques dizaines <strong>de</strong> mètres <strong>de</strong> là.Mais c<strong>et</strong>te légen<strong>de</strong> a été reprise <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>enue par le célèbre roman <strong>de</strong> Gaston Leroux, LeFantôme <strong>de</strong> l’Opéra, publié en 1910. Quelques décennies plus tard, dans le film La Gran<strong>de</strong>Vadrouille réalisé en 1966 par Gérard Oury, De Funès <strong>et</strong> Bourvil s’échappent <strong>de</strong> l’opéra Garnieren barque sur <strong>la</strong> Grange-Batelière pour fuir les Allemands 18 .Durant <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié du XIV e siècle, Hugues Aubriot, prévôt <strong>de</strong> Paris, imagine <strong>la</strong> création d’unréseau d’égouts. Plus concrètement, il fait couvrir <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> rigole située entre <strong>la</strong> colline <strong>de</strong> Montmartre<strong>et</strong> le ru <strong>de</strong> Ménilmontant dans lequel elle se j<strong>et</strong>te. C’est le premier égout voûté <strong>et</strong> maçonné connusous le sol parisien <strong>de</strong>puis les instal<strong>la</strong>tions gallo-romaines 19 . Ce proj<strong>et</strong>Autour <strong>de</strong> l’enceinte les douves danslesquelles se j<strong>et</strong>tent les égouts <strong>et</strong> quirejoignent le ru <strong>de</strong> MénilmontantLa Seine estdétournée pourremplir lesdouvesperm<strong>et</strong> d’éviter les o<strong>de</strong>urs <strong>et</strong> d’empêcher le dépôt <strong>de</strong> gros déch<strong>et</strong>s.Mais l’ouvrage n’a pas l’eff<strong>et</strong> attendu. Il subit les conséquences <strong>de</strong>sfaibles pentes <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> curage ; il est en eff<strong>et</strong> impossible <strong>de</strong>curer une galerie couverte d’un mètre <strong>de</strong> hauteur. Le système d’égoutest vite engorgé, les débor<strong>de</strong>ments sont fréquents <strong>et</strong> génèrent lesnuisances habituelles. Le cours du ru <strong>de</strong> Ménilmontant est modifié <strong>et</strong>décrit une gran<strong>de</strong> boucle, il <strong>de</strong>vient le Grand Égout. Dans le Paris <strong>de</strong><strong>la</strong> fin du Moyen-Âge, les douves <strong>de</strong> l’enceinte fortifiée sont utiliséescomme exutoire aux quelques égouts maçonnés construits alors, quicollectent les eaux <strong>de</strong> ruissellement drainées par les ruisseaux tracésau milieu <strong>de</strong>s rues 20 (figure 17).Tracé <strong>de</strong>s égoutsEnceinte <strong>de</strong> Charles V© SIAAPLa Bièvre est détournéecomme égoutFigure 17 : Les égouts <strong>de</strong> Paris sous Charles V2218/ http://keblo1515.free.fr/souterrinterdit/c<strong>de</strong>au.htmhttp://www.paristoric.com/fr/paris-visite/tourisme-arrondissements/paris-9eme-arrondissement/1082-paris-9eme-<strong>la</strong>-grange-bateliere.html?&tmpl=component19/ Exposition Les figures <strong>de</strong> l’assainissement, La Cité <strong>de</strong> l’Eau <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Assainissement, <strong>Siaap</strong>, 2010.20/ Les égouts <strong>et</strong> l’évacuation <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>s, J.-M. Mouchel, Université <strong>de</strong> tous les savoirs, 2003 : http://www.canal-u.tv/producteurs/universite_<strong>de</strong>_tous_les_savoirs/dossier_programmes/les_conferences_ <strong>de</strong>_l_annee_2003/ca_c_est_paris/les_egouts_<strong>et</strong>_l_evacuation_<strong>de</strong>s_<strong>de</strong>ch<strong>et</strong>s<strong>histoire</strong>, arts <strong>et</strong> littérature / COLLÈGE <strong>et</strong> lycée
5/ Une légis<strong>la</strong>tion inefficaceL’état <strong>de</strong> propr<strong>et</strong>é <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie publique à l’époque médiévale n’est pas ignoré <strong>de</strong>s souverains. À partirdu XII e siècle en particulier, différentes mesures se succè<strong>de</strong>nt mais se heurtent à l’indiscipline <strong>de</strong>scitadins qui ne respectent pas les instructions re<strong>la</strong>tives à l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s rues.Le premier règlement <strong>de</strong> police sanitaire est ordonné par Philippe-Auguste en 1184, après avoir subià sa fenêtre les mauvaises o<strong>de</strong>urs générées par le passage d’un chariot dans <strong>la</strong> boue. Il ordonnele pavage <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> Paris, mais seules les quatre rues les plus importantes sont alors pavées,correspondant à “<strong>la</strong> croisée <strong>de</strong> Paris”, avec le Grand Châtel<strong>et</strong> pour centre (figure 18). Le pavage <strong>de</strong>sautres rues <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale incombe aux riverains, ce qui r<strong>et</strong>ar<strong>de</strong> <strong>de</strong> plusieurs siècles sa mise en œuvre.De lour<strong>de</strong>s <strong>et</strong> gran<strong>de</strong>s dalles d’un mètre <strong>de</strong> côté sont utilisées. Mais difficiles à manœuvrer, ellessont remp<strong>la</strong>cées au XIV e siècle par <strong>de</strong>s pierres d’une dimension plus restreinte (50 à 60 centimètres<strong>de</strong> côté <strong>et</strong> <strong>de</strong> 15 à 20 centimètres d’épaisseur)que l’on nomme les “carreaux” (cadre sur lesexpressions liées au mot carreau). La mesure estsuivie <strong>de</strong> <strong>la</strong> création d’un poste <strong>de</strong> fonctionnaire,le voyer, chargé <strong>de</strong> l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s voies publiques.Figure 18 : Le pavage <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> ParisPhilippe Auguste donne l’ordre <strong>de</strong> paver les rues <strong>de</strong> Paris(1185) <strong>et</strong> <strong>de</strong> clore <strong>de</strong> hauts murs le bois <strong>de</strong> Vincennes (1183).Miniature dans Bernard Gui, fleur <strong>de</strong>s Chroniques, après 1384,Besançon (Bm, ms 677, f° 69v)(extrait <strong>de</strong> “At<strong>la</strong>s <strong>de</strong> Paris au Moyen Âge”,P. Lorentz <strong>et</strong> D. Sandron, Éditions Parigramme, 2006).© Besançon, bibliothèque municipaleL’un d’eux rédige en 1270 un mémoire confirmant les problèmes <strong>de</strong> salubrité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époquedurant <strong>la</strong>quelle seul le “tout-à-<strong>la</strong>-rue” est pratiqué. C’est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque que date l’anecdotesuivante. Saint Louis se rend à l’église <strong>de</strong>s Cor<strong>de</strong>liers pour y entendre les mâtines ; il chevauche<strong>de</strong> nuit quand il reçoit sur <strong>la</strong> tête le contenu d’un pot <strong>de</strong> chambre. L’auteur du crime, un étudiantmo<strong>de</strong>ste, verra ses étu<strong>de</strong>s payées, le souverain vou<strong>la</strong>nt récompenser le jeune homme “parce qu’ilest très méritant <strong>de</strong> se lever si tôt pour travailler”.La légis<strong>la</strong>tion reste floue quant aux responsabilités vis-à-vis <strong>de</strong>l’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s rues jusqu’à l’ordonnance signée par Philippe VIen 1348. On y traite du n<strong>et</strong>toyage <strong>de</strong>s rues, <strong>de</strong> l’écoulement<strong>de</strong>s ruisseaux, ou encore du transport <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>s vers <strong>de</strong>spoints d’où ils sont évacués. Le principe est <strong>de</strong> contraindreles habitants à entr<strong>et</strong>enir <strong>la</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie qui fait face àleur habitation. Le contenu <strong>de</strong>s pots <strong>de</strong> chambre est alorstoujours j<strong>et</strong>é par les fenêtres, mais le j<strong>et</strong> doit être précédé <strong>de</strong>l’avertissement “Gare à l’eau !” répété trois fois (figure 19).© Droits réservés.Figure 19 : Sauve qui peut !Gravure hol<strong>la</strong>ndaise anonyme du XVI e siècle.Source : Histoire illustrée <strong>de</strong> 5 000 ans d’hygiène publique, M. Paquier,Éditions Johan<strong>et</strong>, 2000.23<strong>histoire</strong>, arts <strong>et</strong> littérature / COLLÈGE <strong>et</strong> lycée