B. Eau <strong>et</strong> hygiène dans Paris1/ Abreuver <strong>la</strong> villeLa ville qui se développe doit être alimentée en eau. La qualité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ressource est l’une <strong>de</strong>spremières préoccupations <strong>de</strong>s Parisiens. L’aqueduc gallo-romain a été abandonné à une dateindéterminée. Quelques sources sont présentes sur <strong>la</strong> rive droite mais ne suffisent pas à alimenter<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. L’eau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Seine est donc puisée <strong>et</strong> exploitée par <strong>la</strong> corporation <strong>de</strong>s porteurs d’eau.Mais <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> l’eau du fleuve est médiocre <strong>et</strong> ceux qui en ont <strong>la</strong> possibilité lui préfèrent l’eau <strong>de</strong>spuits, pourtant elle-même contaminée par le développement urbain.Aux XII e <strong>et</strong> XIII e siècles, le système d’adduction d’eau se développe. Les religieux prennent en charge<strong>la</strong> construction <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux aqueducs <strong>et</strong> <strong>de</strong> fontaines, les autorités <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville n’assumant que peu <strong>de</strong>responsabilités dans ces travaux. Des sources situées au nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville alimentent les aqueducs<strong>de</strong> Belleville <strong>et</strong> du Pré-Saint-Gervais. Paris compte 18 fontaines publiques en 1500 (dont 17 en rivedroite), constituant le principal mo<strong>de</strong> d’approvisionnement en eau, mais le débit est inconstant <strong>et</strong>peu d’eau arrive finalement au cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale 13 .2/ L’hygiène corporelleL’hygiène est présente dans les traités médiévaux, celle <strong>de</strong>s mains <strong>et</strong> <strong>de</strong>s parties du corps visibles, lereste étant recouvert d’habits sur lesquels le regard se porte. L’entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong>s vêtements n’a cependantpas vocation à se prévenir d’une ma<strong>la</strong>die. L’objectif est du domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> morale <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> courtoisie.À <strong>la</strong> fin du XIII e siècle, Paris compte 21 étuves <strong>et</strong> bains publics. Dansles étuves, on vient profiter d’un bain <strong>de</strong> vapeur, éventuellementaccompagné <strong>de</strong> vin <strong>et</strong> d’un repas (figure 16). La fréquentation <strong>de</strong> ceslieux est alors si courante que certains artisans ou autres domestiquesse voient proposer comme sa<strong>la</strong>ire une séance aux étuves 14 . La pratiquedu bain est emplie <strong>de</strong> prestige <strong>et</strong> <strong>de</strong> noblesse, comme en témoignel’auteur d’une contenance <strong>de</strong>s fames datée du XIV e siècle :“Mult <strong>la</strong> tiendrait à dédainSi elle ne prenait souvent le bain.”© BPK, Berlin, Dist. RMN / Ruth SchachtFigure 16 : Bains publics à <strong>la</strong> fin du Moyen-ÂgeEnluminure. Faits <strong>et</strong> Dits mémorables <strong>de</strong> Maxime Valère (Vol.2, folio 244 recto).Des bains en Bourgogne, dans Factorum <strong>et</strong> dictorum memorabiliorum libri novem,manuscrit réalisé à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’Antoine <strong>de</strong> Bourgogne, vers 1470.Pour aller plus loin :Sciences <strong>et</strong> techniques> Les types <strong>de</strong> pollutions2013/ “Paris, 2000 ans d’<strong>histoire</strong>”, J. Favier, Fayard, 1997.14/ “Le propre <strong>et</strong> le sale, L’hygiène du corps <strong>de</strong>puis le Moyen-Âge”, G. Vigarello, Seuil, Points Histoire, 1987.<strong>histoire</strong>, arts <strong>et</strong> littérature / COLLÈGE <strong>et</strong> lycée
3/ Les pollutions <strong>de</strong>s rues <strong>et</strong> <strong>de</strong>s cours d’eauAu cours du Moyen-Âge, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>et</strong> les activités urbaines se <strong>de</strong>nsifient, générant <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>stoujours plus nombreux. De nombreux témoignages rapportent l’amoncellement, lors <strong>de</strong> fortsépiso<strong>de</strong>s pluvieux, <strong>de</strong> déch<strong>et</strong>s dans les bas quartiers, sur les p<strong>la</strong>ces ou les parvis d’église. Lesquelques égouts <strong>de</strong> l’époque gallo-romaine ont disparu par manque <strong>de</strong> volonté, <strong>de</strong> ressources<strong>et</strong> d’autorité. Bien loin <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cloaca Maxima <strong>de</strong> l’Antiquité romaine (cadre page 12 <strong>et</strong> figure 9),l’évacuation <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>s est assurée les jours <strong>de</strong> pluie par le lessivage <strong>de</strong>s eaux qui ruissellent <strong>et</strong>les entraînent vers <strong>la</strong> Seine, mais aussi dans tous les ruisseaux qui s’écoulent alors dans Paris <strong>de</strong>puisles buttes <strong>de</strong> Montmartre, Belleville, Le Pré-Saint-Gervais, Ménilmontant <strong>et</strong> Montparnasse. On peutdistinguer <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> pollutions.Pour aller plus loin :Sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie> Les cours d’eau égouts> L’autoépuration• Pollutions organiques humaines <strong>et</strong> animalesLa ville est parsemée <strong>de</strong> quelques dispositifs individuels pour collecter les excréments, mais ennombre bien insuffisant. Ce sont les aisements, cloaques, privées, r<strong>et</strong>raits, longaignes. Des fossesd’aisances sont installées dans les maisons d’une certaine importance. Ailleurs, les <strong>la</strong>trines sontrudimentaires <strong>et</strong> consistent majoritairement en <strong>de</strong> simples fosses à ciel ouvert. On trouve plusrarement <strong>de</strong>s <strong>la</strong>trines directement installées sur les rivières. Sous Philippe-Auguste, le stockage enprofon<strong>de</strong>ur se développe avec les “trous punais”, sorte <strong>de</strong> puisards <strong>de</strong> faible profon<strong>de</strong>ur accueil<strong>la</strong>ntles matières fécales. Une fois saturés, ils peuvent atteindre les habitations <strong>et</strong> contaminer gravementles réserves d’eaux souterraines <strong>de</strong>s puits 15 .Les dispositifs d’aisance étant peu nombreux, l’urine <strong>et</strong> les excréments humains sont j<strong>et</strong>és dans <strong>la</strong>rue <strong>et</strong> y croupissent. On se débarrasse également <strong>de</strong>s détritus alimentaires : ossements, boyaux oueaux sales. Ces gestes persistent malgré les diverses ordonnances municipales qui ne viennent pasà bout <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s Parisiens. Quant aux bouchers <strong>et</strong> charcutiers, ils opèrent directement dans<strong>la</strong> rue, sang <strong>et</strong> abats putréfiés se répan<strong>de</strong>nt sur le sol <strong>et</strong> attirent insectes, vers <strong>et</strong> rongeurs 16 .Les animaux (vo<strong>la</strong>illes, <strong>la</strong>pins, porcs, ânes, chevaux) font partie intégrante <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>et</strong> vivent entoute liberté dans l’espace resserré <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue, qui accueille les déjections associées. Des animauxsauvages sont aussi présents dans <strong>la</strong> capitale : loups <strong>et</strong> sangliers se rencontrent dans les rues déjàpeuplées <strong>de</strong> rats <strong>et</strong> souris propagateurs <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies.• Pollutions chimiquesNous possédons moins <strong>de</strong> documents décrivant les pollutions chimiques. Les diverses professionsmanuelles qui s’exercent dans <strong>la</strong> rue ont un impact notable sur le milieu environnant. Les pluiesqui lessivent les sols transportent les impur<strong>et</strong>és extraites <strong>de</strong>s activités textiles, du travail du cuir <strong>et</strong>autres artisanats urbains. La Seine <strong>et</strong> <strong>la</strong> Bièvre pâtissent particulièrement <strong>de</strong> ces activités artisanalespolluantes qui se concentrent sur leurs rives. Elles sont submergées <strong>de</strong> pollutions qu’elles ne peuventplus dégra<strong>de</strong>r naturellement ; leurs capacités d’autoépuration sont dépassées.Le vocabu<strong>la</strong>ire imagé <strong>de</strong> <strong>la</strong> pollutionLe vocabu<strong>la</strong>ire médiéval illustre l’omniprésence <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>s dans <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> l’époque. Les noms<strong>de</strong> rue <strong>de</strong> l’époque témoignent <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation désastreuse autour <strong>de</strong> ces cloaques à ciel ouvert :rue Sale, Foireuse, <strong>de</strong>s Basses-Fosses, du R<strong>et</strong>rait, <strong>de</strong>s Aisances, du Cul-<strong>de</strong>-Sac, <strong>de</strong> Mer<strong>de</strong>rouilleou encore Bougerue du Pipi 17 . Le vocabu<strong>la</strong>ire quotidien n’est pas en reste. Le vocabu<strong>la</strong>ireordurier est présent dans les injures <strong>et</strong> les disputes, où le dégout inspiré s’exprime en fonction<strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur, <strong>de</strong> <strong>la</strong> consistance ou <strong>de</strong> l’accumu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s matières fécales…15/ “La pollution au Moyen Âge : dans le royaume <strong>de</strong> France <strong>et</strong> dans les grands fiefs”, J.-P. Leguay, Éditions Jean-Paul Gisserot, 1999.16/ P. Lorentz <strong>et</strong> D. Sandron, op. cit.17/ “Vivre <strong>et</strong> travailler dans <strong>la</strong> rue au Moyen Age”, T. Leguay, Ouest France, 1984.21<strong>histoire</strong>, arts <strong>et</strong> littérature / COLLÈGE <strong>et</strong> lycée