Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENn'eut pas de suite et le calme revint immédiatement.« Quelques instants après, M. le Sous­Préfet arrivait sur laplace Saint­Augustin, ainsi que le service d'ordre militaire, quidirigea la foule des indigènes vers les emplacements qui lui étaientréservés. A partir de ce moment, les indigènes commencèrent aquitter les lieux, se rendant vers le haut de la ville.« C'était le début de la cérémonie officielle et l'on pouvaitremarquer l'absence presque totale des représentants et desnotables musulmans.« Parmi les anciens combattants, deux seulement étaientprésents : Le vice­président, porteur d'un drapeau, et un autre.« Chez les officiers et les sous­officiers de réserve, le portedrapeauseulement. Un seul élu : M. Bensaci, adjoint au maire.Parmi les notabilités musulmanes, M. Dahel Mohamed Lakhdar, lecheik Zouani, le muphti, le bach adel et quelques autres.« La manifestation se passa dans le calme le plus complet etdans l'enthousiasme de toute la population européenne. Le cortègeofficiel prévu se déroulait, dans l'ordre, à travers la ville.« Il venait d'arriver au point de dislocation lorsque,brusquement, monta de la rue Medjez­Amar, une manifestationd'indigènes composée d'au moins 1.000 individus porteurs depancartes et de banderoles sur lesquelles on pouvait lire : Vive ladémocratie ! A bas l'impérialisme ! libérez Messali ! Vive l'Algérieindépendante ! A bas le communisme !« M. le Sous­Préfet, qui se trouvait sur la place, en compagniedu maire et des autorités, se porta au­devant de la manifestation,qu'il réussit à rejoindre rue Victor­Bernès, à hauteur du magasin« Azzaroé ».« Les premiers rangs des manifestants, comprenant surtout lajeunesse indigène de Guelma, hurlaient le chant nationaliste, nevoulant rien entendre des paroles de sagesse et d'apaisement de166UN DRAME ALGERIENM. le Sous­Préfet et du maire, M. le Sous­Préfet leur rappelantnotamment qu'il les avait conviés à participer à la cérémoniecommune et regrettait que son appel n'ait pas été entendu. « Lesagents du service d'ordre et de la gendarmerie étaient arrivés surles lieux. Une poussée profonde essaya de déborder lespersonnalités européennes et malgré une intervention deM. Fauqueux, président de Combat, bouscula le sous­préfet, lemaire et les autres personnalités. Des coups furent portés.« A cet instant, débouchant du café Croce, un indigène, arméd'une énorme matraque, allait, par derrière, assaillir le sous­préfet,qui ne fut épargné que par l'intervention des personnes quil'entouraient.« Un coup de feu claqua de la foule des manifestants. Les forcesde police, commençant à être débordées, ripostèrent en tirant àblanc, puis en l'air. En voyant des blessés dans le service d'ordre(deux agents, deux gendarmes et l'inspecteur de la Sûreté), ellescontinuèrent à tir réel.« Après un moment de lutte, les manifestants furent rejetés versle théâtre antique, la rue Saint­Augustin et la rue d'Announa.« Dans la soirée, les autorités prenaient les mesures de sécuritéqui s'imposaient : fermeture des cafés, couvre­feu à 21 heures,circulation interdite, carrefours gardés par l'armée, arrestation desmeneurs.« A noter qu'en dehors du bal public annoncé pour 21 h. 30, lecafé Régui avait prévu l'organisation d'une soirée dansante dans lessous­sols de l'établissement, à laquelle auraient été invitées lesautorités civiles et militaires. A la faveur des événements, ce projetétait, a notre avis, destiné à priver de leurs chefs toutes lesorganisations de la ville, ces personnalités se trouvant, de ce fait,isolées dans un lieu où il eût été facile à une poignée d'individus,167

UN DRAME ALGERIENprêts à tout, de les tenir à leur merci.« Le mercredi 9 mai, des hordes d'indigènes sont signalées dansles environs. Le matin, vers 9 heures, la gendarmerie barre la routeà une bande de 500 à 700 émeutiers armés d'armes diverses, ycompris des armes de guerre, route de Constantine, vers labriqueterie. Les gendarmes, assaillis, ripostent en battant enretraite vers leur voiture. De nombreux manifestants semblenttouchés.« A onze heures, le sous­préfet convoque MM. Champ,président des Anciens Combattants, Garrimel, président de laFrance combattante, et Cheylan, secrétaire de l'Union locale desSyndicats (1) ainsi que le colonel commandant d'armes et lecommissaire de police. Il était décidé, à la suite de la réunion, deconstituer une milice civile, pour apporter son concours aux forcesde police pressées de toutes parts.« La presque totalité de la population française guelmoisevenait se faire inscrire et, en fin de soirée, la Milice se voyaitconfier la garde des points sensibles, qui ne pouvaient être tenuspar l'armée, en raison de ses faibles effectifs, c'est­à­dire : la citéindigène, la porte de Constantine, le carrefour du cinéma, lecarrefour du monument aux morts, le quartier des H.B.M., enfinles patrouilles constantes, tant diurnes que nocturnes.« L'après­midi, une colonne de 4 à 500 émeutiers armésmontait le ravin venant de Millésimo et bordant la route deGuelma. Une patrouille de gendarmerie s'oppose à leur action auxenvirons de la ferme Cheyrol. Après échange de coups de feu, lesémeutiers se replient, laissant quelques victimes.« L'après­midi, toujours vers le cimetière de Guelma, descolonnes d'assaillants armés tentent encore d'investir la ville. Ils(1) M. Cheylan a participé à la défense de Guelma. Il a été de ce chef rayé de la C.G.T. dYdger.Ses camarades français de la section locale se sont solidarisés avec lui en une éloquente affirmation.168UN DRAME ALGERIENsont contenus par les tirailleurs et les gendarmes; munis d'armesautomatiques.« Dans la soirée, l'action salutaire de l'aviation parbombardements et mitraillages dirigés contre de nombreuxgroupes entourant la ville fait des dégâts dans les rangs desémeutiers.« Vers le soir et jusqu'à 23 heures, des camions montés par desmiliciens partaient dégager le village de Petit et ramener lapopulation.« Un véhicule se dirigeant sur Bled Gaffar avec des gendarmeset des miliciens était stoppé au 9e kilomètre, avant la fermeDubois, où des hordes excitées, décharnées, ne voulurent rienentendre aux paroles de sagesse de l'adjudant­chef Cantais, luirépondant :Nous acceptons de mourir pour notre cause et notre foi. Levéhicule dut faire demi­tour sans livrer combat, se trouvant dansun état trop grand d'infériorité (1).« Il fallut attendre l'arrivée des renforts militaires en blindéspour aller dégager, les jours suivants, les villages de Bled Gaffar,Lapaine, Kellermann, Gallieni, Gounod.« Le jeudi 10 mai, à Millésimo et à Petit, les tirailleurs, lesSénégalais et les gendarmes entrent plusieurs fois en action.« Dans la vallée de la Seybouse et immédiatement au­dessus dumarché aux bestiaux, l'aviation, à plusieurs reprises, bombarde etmitraille les points qui entourent la ville et sont occupés par lesagresseurs.« Diverses actions, moins importantes, ont pu avoir lieu,notamment lors des sorties effectuées par les forces de policeciviles ou militaires qui se dévouaient pour aller dégager certainesfermes ou des villages.(1) Nous donnons plus loin des détails sur la belle défense de la ferme Dubois.169

UN DRAME ALGERIENn'eut pas <strong>de</strong> suite et le calme revint immédiatement.« Quelques instants après, M. le Sous­Préfet arrivait sur laplace Saint­Augustin, ainsi que le service d'ordre militaire, quidirigea la foule <strong>de</strong>s indigènes vers les emplacements qui lui étaientréservés. A partir <strong>de</strong> ce moment, les indigènes commencèrent aquitter les lieux, se rendant vers le haut <strong>de</strong> la ville.« C'était le début <strong>de</strong> la cérémonie officielle et l'on pouvaitre<strong>ma</strong>rquer l'absence presque totale <strong>de</strong>s représentants et <strong>de</strong>snotables musul<strong>ma</strong>ns.« Parmi les anciens combattants, <strong>de</strong>ux seulement étaientprésents : Le vice­prési<strong>de</strong>nt, porteur d'un drapeau, et un autre.« Chez les officiers et les sous­officiers <strong>de</strong> réserve, le portedrapeauseulement. <strong>Un</strong> seul élu : M. Bensaci, adjoint au <strong>ma</strong>ire.Parmi les notabilités musul<strong>ma</strong>nes, M. Dahel Mohamed Lakhdar, lecheik Zouani, le muphti, le bach a<strong>de</strong>l et quelques autres.« La <strong>ma</strong>nifestation se passa dans le calme le plus complet etdans l'enthousiasme <strong>de</strong> toute la population européenne. Le cortègeofficiel prévu se déroulait, dans l'ordre, à travers la ville.« Il venait d'arriver au point <strong>de</strong> dislocation lorsque,brusquement, monta <strong>de</strong> la rue Medjez­A<strong>ma</strong>r, une <strong>ma</strong>nifestationd'indigènes composée d'au moins 1.000 individus porteurs <strong>de</strong>pancartes et <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>roles sur lesquelles on pouvait lire : Vive ladémocratie ! A bas l'impérialisme ! libérez Messali ! Vive l'Algérieindépendante ! A bas le communisme !« M. le Sous­Préfet, qui se trouvait sur la place, en compagniedu <strong>ma</strong>ire et <strong>de</strong>s autorités, se porta au­<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>nifestation,qu'il réussit à rejoindre rue Victor­Bernès, à hauteur du <strong>ma</strong>gasin« Azzaroé ».« Les premiers rangs <strong>de</strong>s <strong>ma</strong>nifestants, comprenant surtout la<strong>jeunesse</strong> indigène <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong>, hurlaient le chant nationaliste, nevoulant rien entendre <strong>de</strong>s paroles <strong>de</strong> sagesse et d'apaisement <strong>de</strong>166UN DRAME ALGERIENM. le Sous­Préfet et du <strong>ma</strong>ire, M. le Sous­Préfet leur rappelantnotamment qu'il les avait conviés à participer à la cérémoniecommune et regrettait que son appel n'ait pas été entendu. « Lesagents du service d'ordre et <strong>de</strong> la gendarmerie étaient arrivés surles lieux. <strong>Un</strong>e poussée profon<strong>de</strong> essaya <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>r lespersonnalités européennes et <strong>ma</strong>lgré une intervention <strong>de</strong>M. Fauqueux, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Combat, bouscula le sous­préfet, le<strong>ma</strong>ire et les autres personnalités. Des coups furent portés.« A cet instant, débouchant du café Croce, un indigène, arméd'une énorme <strong>ma</strong>traque, allait, par <strong>de</strong>rrière, assaillir le sous­préfet,qui ne fut épargné que par l'intervention <strong>de</strong>s personnes quil'entouraient.« <strong>Un</strong> coup <strong>de</strong> feu claqua <strong>de</strong> la foule <strong>de</strong>s <strong>ma</strong>nifestants. Les forces<strong>de</strong> police, commençant à être débordées, ripostèrent en tirant àblanc, puis en l'air. En voyant <strong>de</strong>s blessés dans le service d'ordre(<strong>de</strong>ux agents, <strong>de</strong>ux gendarmes et l'inspecteur <strong>de</strong> la Sûreté), ellescontinuèrent à tir réel.« Après un moment <strong>de</strong> lutte, les <strong>ma</strong>nifestants furent rejetés versle théâtre antique, la rue Saint­Augustin et la rue d'Announa.« Dans la soirée, les autorités prenaient les mesures <strong>de</strong> sécuritéqui s'imposaient : fermeture <strong>de</strong>s cafés, couvre­feu à 21 heures,circulation interdite, carrefours gardés par l'armée, arrestation <strong>de</strong>smeneurs.« A noter qu'en <strong>de</strong>hors du bal public annoncé pour 21 h. 30, lecafé Régui avait prévu l'organisation d'une soirée dansante dans lessous­sols <strong>de</strong> l'établissement, à laquelle auraient été invitées lesautorités civiles et militaires. A la faveur <strong>de</strong>s événements, ce projetétait, a notre avis, <strong>de</strong>stiné à priver <strong>de</strong> leurs chefs toutes lesorganisations <strong>de</strong> la ville, ces personnalités se trouvant, <strong>de</strong> ce fait,isolées dans un lieu où il eût été facile à une poignée d'individus,167

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