Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

10.07.2015 Views

UN DRAME ALGERIENfouillé dans les détails, avait été prévu. Dans beaucoup d'endroits,notamment dans la région de Guelma, les participants à l'émeuteavaient reçu des missions précises. Tel chef français devait être tuépar un tel, de tel groupement. La tuerie collective n'attendait qu'unmot d'ordre pour se déclencher. Un malentendu a, heureusementpour les Français, fait échouer la conspiration, qui aurait puprendre l'ampleur de celle enregistrée en Indochine et sur laquellela presse française a gardé, longtemps, le silence. L'avenir dira si, àla faveur des faiblesses officielles, constatées chaque jour, l'affairemanquée n'est pas partie remise.UN DRAME ALGERIENDANS LA REGION GUELMOISEL'ATTAQUE DE GUELMAJusqu'aux jours tragiques de mai 1945, Guelma était la villeréputée la plus tranquille du département. Soumise aux loisfrançaises avant même la cité constantinoise, elle présentait tousles caractères de nos villes de province dans la métropole. Lesrelations entre Français et indigènes étaient des plus cordiales. Aupoint de vue commercial, Guelma était, pour la région, un centred'approvisionnement. Peu à peu, la colonisation, s'étendant trèsloin dans la banlieue, avait mis en valeur des champs autrefoisincultes, abandonnés à l'envahissement des broussailles et auxrandonnées des animaux sauvages. Des nombreux villages,desservis par les routes ouvertes de Guelma sur Philippeville etBône au Nord, Souk­Ahras et Sédrata au Sud, Constantine àl'Ouest, étaient occupés par des Français et des indigènes vivant entrès bonne intelligence. Les fermes isolées apportaient, dans lepaysage, l'aspect réconfortant et accueillant de leurs toits rouges162163

UN DRAME ALGERIENsurgissant des frondaisons arborescentes, agrémentés d'unecouronne de verdure. La loi du travail créait partout une émulationqu'avaient encore accentuée les difficultés venues de la guerre.Une œuvre a été créée là, fruit de plus d'un siècle de labeur, devolonté tenace, de sacrifices librement consentis. C'est cette œuvrequ'une poignée d'agitateurs, élevés dans nos écoles, instruits auxfrais de la France, ont rêvé de détruire, obéissant à des motsd'ordre ou visant des buts inavouables.L'alerte du 8 mai, à Guelma, surprit d'autant plus que, commepartout, en Afrique du Nord, les cœurs étaient à la joie d'unevictoire non encore officielle, mais annoncée comme définitive etsans appel.Ici, notre tâche est grandement facilitée par un travail que l'on abien voulu nous communiquer et qui constitue l'état chronologiquedu soulèvement de la région guelmoise. Ce document a été établipar le comité de vigilance qui s'est institué dans cette région et oùtoutes les classes de la société française, tous les partis politiquesse sont soudés dans un but de défense commune, en un esprit desolidarité et de collaboration vraiment touchant.Nous n'avons qu'à transcrire, noir sur blanc, un récit qui est unprocès­verbal de constat soigneusement expurgé de toute passionet de toute exagération, une véritable page d'histoire.Mais qu'il nous soit permis de dire, avant d'entrer dans le détaildes faits relevés, que la ville de Guelma a été sauvée grâce àl'entente et à l'action de deux hommes qui ont su, au moment dudanger, galvaniser les énergies françaises qui les entouraient etobtenir ainsi un résultat admirable dans l'effort collectif ayant eufinalement raison de la plus abominable des agressions.Nous voulons parler de M. le sous­préfet Achiary qui seconduisit comme un chef vraiment digne de ce nom et se portasans hésiter aux points les plus dangereux, exposant sa vie pour ladéfense commune.164UN DRAME ALGERIENEt également de M. Maubert, le vénéré maire de Guelma,membre de la municipalité depuis trente­cinq ans dont l'autoritéseconda très heureusement les efforts du représentant del'administration.Après un recul de plusieurs mois déjà, on est frappé,lorsqu'on est appelé à causer avec des habitants de Guelma, del'unanimité des éloges s'adressant à deux hommes qui ont su fairetout leur devoir en des journées vraiment tragiques pour la cité.Ceci dit, entrons dans le récit rédigé par le Comité de vigilancede Guelma pour les journées des 8, 9, 10 et 11 mai 1945.« Les populations étaient depuis quarante­huit heures dansl'attente des événements qui se déroulaient en Europe, et sepréparaient à recevoir l'annonce de la victoire.« Les anciens combattants, chargés officiellement des fêtesdevant célébrer le grand événement, décidaient, pour bien yassocier leurs camarades musulmans, de faire porter le drapeau deleur association par le vice­président indigène : M. BoussouriaAmar.« A l'heure fixée, les cloches et la sirène annonçaient laVictoire.« Il y avait, à ce moment, une grande quantité d'indigènes, tantde la ville que des campagnes, réunis sur la place Saint­Augustinet principalement au café Regui.« Vers 15 heures, des enfants musulmans se rendaient engroupe sur la place de l'école, munis de petits drapeaux. Ilschantaient l'hymne « Oustania » (1). Une foule d'indigènes, quel'on pouvait évaluer à 500 environ, se joignit à eux, créant desremous inquiétants. Cette première tentative de troubler l'ordre(1) Chant national musulman.165

UN DRAME ALGERIENsurgissant <strong>de</strong>s frondaisons arborescentes, agrémentés d'unecouronne <strong>de</strong> verdure. La loi du travail créait partout une émulationqu'avaient encore accentuée les difficultés venues <strong>de</strong> la guerre.<strong>Un</strong>e œuvre a été créée là, fruit <strong>de</strong> plus d'un siècle <strong>de</strong> labeur, <strong>de</strong>volonté tenace, <strong>de</strong> sacrifices librement consentis. C'est cette œuvrequ'une poignée d'agitateurs, élevés dans nos écoles, instruits auxfrais <strong>de</strong> la France, ont rêvé <strong>de</strong> détruire, obéissant à <strong>de</strong>s motsd'ordre ou visant <strong>de</strong>s buts inavouables.L'alerte du 8 <strong>ma</strong>i, à Guel<strong>ma</strong>, surprit d'autant plus que, commepartout, en Afrique du Nord, les cœurs étaient à la joie d'unevictoire non encore officielle, <strong>ma</strong>is annoncée comme définitive etsans appel.Ici, notre tâche est gran<strong>de</strong>ment facilitée par un travail que l'on abien voulu nous communiquer et qui constitue l'état chronologiquedu soulèvement <strong>de</strong> la région guelmoise. Ce document a été établipar le comité <strong>de</strong> vigilance qui s'est institué dans cette région et oùtoutes les classes <strong>de</strong> la société française, tous les partis politiquesse sont soudés dans un but <strong>de</strong> défense commune, en un esprit <strong>de</strong>solidarité et <strong>de</strong> collaboration vraiment touchant.Nous n'avons qu'à transcrire, noir sur blanc, un récit qui est unprocès­verbal <strong>de</strong> constat soigneusement expurgé <strong>de</strong> toute passionet <strong>de</strong> toute exagération, une véritable page d'histoire.Mais qu'il nous soit permis <strong>de</strong> dire, avant d'entrer dans le détail<strong>de</strong>s faits relevés, que la ville <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong> a été sauvée grâce àl'entente et à l'action <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux hommes qui ont su, au moment dudanger, galvaniser les énergies françaises qui les entouraient etobtenir ainsi un résultat admirable dans l'effort collectif ayant eufinalement raison <strong>de</strong> la plus abominable <strong>de</strong>s agressions.Nous voulons parler <strong>de</strong> M. le sous­préfet Achiary qui seconduisit comme un chef vraiment digne <strong>de</strong> ce nom et se portasans hésiter aux points les plus dangereux, exposant sa vie pour ladéfense commune.164UN DRAME ALGERIENEt également <strong>de</strong> M. Maubert, le vénéré <strong>ma</strong>ire <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong>,membre <strong>de</strong> la municipalité <strong>de</strong>puis trente­cinq ans dont l'autoritéseconda très heureusement les efforts du représentant <strong>de</strong>l'administration.Après un recul <strong>de</strong> plusieurs mois déjà, on est frappé,lorsqu'on est appelé à causer avec <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong>, <strong>de</strong>l'unanimité <strong>de</strong>s éloges s'adressant à <strong>de</strong>ux hommes qui ont su fairetout leur <strong>de</strong>voir en <strong>de</strong>s journées vraiment tragiques pour la cité.Ceci dit, entrons dans le récit rédigé par le Comité <strong>de</strong> vigilance<strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong> pour les journées <strong>de</strong>s 8, 9, 10 et 11 <strong>ma</strong>i 1945.« Les populations étaient <strong>de</strong>puis quarante­huit heures dansl'attente <strong>de</strong>s événements qui se déroulaient en Europe, et sepréparaient à recevoir l'annonce <strong>de</strong> la victoire.« Les anciens combattants, chargés officiellement <strong>de</strong>s fêtes<strong>de</strong>vant célébrer le grand événement, décidaient, pour bien yassocier leurs ca<strong>ma</strong>ra<strong>de</strong>s musul<strong>ma</strong>ns, <strong>de</strong> faire porter le drapeau <strong>de</strong>leur association par le vice­prési<strong>de</strong>nt indigène : M. BoussouriaA<strong>ma</strong>r.« A l'heure fixée, les cloches et la sirène annonçaient laVictoire.« Il y avait, à ce moment, une gran<strong>de</strong> quantité d'indigènes, tant<strong>de</strong> la ville que <strong>de</strong>s campagnes, réunis sur la place Saint­Augustinet principalement au café Regui.« Vers 15 heures, <strong>de</strong>s enfants musul<strong>ma</strong>ns se rendaient engroupe sur la place <strong>de</strong> l'école, munis <strong>de</strong> petits drapeaux. Ilschantaient l'hymne « Oustania » (1). <strong>Un</strong>e foule d'indigènes, quel'on pouvait évaluer à 500 environ, se joignit à eux, créant <strong>de</strong>sremous inquiétants. Cette première tentative <strong>de</strong> troubler l'ordre(1) Chant national musul<strong>ma</strong>n.165

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