UN DRAME ALGERIENréfor<strong>ma</strong>nt les décisions <strong>de</strong>s tribunaux français.On signalait que, dans chaque mechta ou groupementd'habitations, un juge était désigné pour régler les différends ou lesinci<strong>de</strong>nts se présentant entre musul<strong>ma</strong>ns. Pour le village d'ElMilia, ce juge se nom<strong>ma</strong>it Guellil Mohamed. Pour le villagevoisin, indigène, El Adjonkia, c'était un nommé Lebsir Mohamed..Ces juges n'hésitaient pas à intervenir dans un litige où un Françaisétait intéressé. C'est ainsi que M. P... ne pouvant obtenir lerèglement d'une <strong>de</strong>tte <strong>de</strong> 600 francs, avait eu la curiosité <strong>de</strong>s'adresser à Guellil Mohamed. Ce <strong>de</strong>rnier avait convoqué ledébiteur indigène. En vingt quatre heures, le créancier étaitdésintéressé. Les fonds avaient été avancés, disaiton, par unecaisse commune, alimentée par <strong>de</strong>s cotisations importantes.On ajoutait que Lebsir Mohamed n'avait pas hésité à faire cetteproposition à <strong>de</strong>s gendarmes : « Lorsque vous aurez <strong>de</strong>scontraintes par corps pour mon village, remettezles moi. J'enréglerai le montant. » Comme on lui <strong>de</strong><strong>ma</strong>ndait s'il prêterait sonconcours pour la recherche <strong>de</strong>s insoumis et déserteurs, Lebsiraurait répondu : « Donnezmoi les noms, nous examinerons lescas. »Le groupement qui <strong>ma</strong>ndatait les <strong>ma</strong>gistrats occultes, prêts àremplacer les juges français, lorsque l'autorité changerait <strong>de</strong> <strong>ma</strong>ins,était connu, organisé. Il fonctionnait ouvertement, en vertu <strong>de</strong>notre législation sur la liberté d'association. Ce groupement avait<strong>de</strong>s filiales dans toutes les campagnes <strong>algérien</strong>nes. Il avait, danschaque commune, <strong>de</strong>s centaines d'adhérents. Il avait pris ce titre :Les Amis du Manifeste et <strong>de</strong> la Liberté, et cela résu<strong>ma</strong>it, en peu <strong>de</strong>mots, le programme d'é<strong>ma</strong>ncipation intégrale poursuivi par lesorganisateurs et largement financé par la <strong>ma</strong>sse indigène (1).158UN DRAME ALGERIENA ElMilia, une police indigène était créée et fonctionnait en<strong>ma</strong>intes occasions. Elle intervenait dans les cas <strong>de</strong> disputes,d'ivrognerie, etc. Elle le faisait, d'abord, sans violences, avecdouceur, puis, au besoin, plus énergiquement. Elle obtenait <strong>de</strong>srésultats.Des groupes <strong>de</strong> scouts circulaient dans les rues du cheflieu <strong>de</strong>la commune. <strong>Un</strong> jour, un défilé a eu lieu à Catinat. Les scoutsobservaient <strong>de</strong>s alignements parfaits. Sur la poitrine, comme unedécoration, ils portaient une inscription arabe qui signifie : « Soisprêt. »On ne se faisait aucune illusion, à ElMilia, sur la portée <strong>de</strong> telspréparatifs. On était bien en présence d'une organisation <strong>de</strong> choc et<strong>de</strong> remplacement, prête à agir au premier signal. Les armesabondaient, dans le bled, et c'étaient <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> guerre... Elles ysont toujours, du reste.Les mouvements à tendance antifrançaise se sont surtout<strong>ma</strong>nifestés à ElMilia à partir <strong>de</strong> janvier 1945. Chaque vendredi,après la prière du soir, dans un local situé près <strong>de</strong> la mosquée, <strong>de</strong>sréunions, auxquelles assistaient une centaine <strong>de</strong> personnes,entendaient <strong>de</strong>s orateurs locaux. <strong>Un</strong> hymne national indigène surl'Algérie libre était chanté dans ce local appelé « La Me<strong>de</strong>rsa ».Dans une réunion tenue le 10 <strong>ma</strong>rs, il fut annoncé que l'unioncomplète était, désor<strong>ma</strong>is, conclue entre le Parti populaire <strong>algérien</strong>(P.P.A.) les oula<strong>ma</strong>s et les partisans <strong>de</strong> Ferhat Abbas. Et l'onaccla<strong>ma</strong> Ferhat Abbas comme chef régional. C'est alors que secréa la section <strong>de</strong>s Amis du Manifeste qui englobait Taher, Collo etElMilia. C'est <strong>de</strong>puis lors que s'affir<strong>ma</strong>it plus particulièrement(1) Les instructions ouvertes, un peu partout, à la suite <strong>de</strong> l'émeute du 8 <strong>ma</strong>i, ont recueilli, avecles listes <strong>de</strong>s adhérents, <strong>de</strong>s témoignages d'après lesquels les fonds étaient adressés au Conseillergénéral Abbas, à <strong>Alger</strong>. C'est sans doute, avec ces fonds que cet élu a acheté l'imprimerie Duroux,constituant pour le parti, un moyen d'action <strong>de</strong> premier ordre.159
UN DRAME ALGERIENl'hostilité <strong>de</strong>s indigènes visàvis <strong>de</strong>s Français et qu'ont eu lieu lesdéfilés <strong>de</strong>s scouts.***Telle était la situation à ElMilia, lorsque se présentèrent lesévénements <strong>de</strong> Sétif et <strong>de</strong> sa banlieue. Le territoire <strong>de</strong> la communed'ElMilia présentait environ 300 Français, éparpillés, noyés dansune <strong>ma</strong>sse <strong>de</strong> 80.000 indigènes. Dès le 9 <strong>ma</strong>i, <strong>de</strong>s nouvellesalar<strong>ma</strong>ntes arrivaient, alertant l'autorité locale. Il fallait aviserd'urgence. Les responsabilités furent rapi<strong>de</strong>ment prises parl'Administrateur, M. Sultana, d'une part, et le chef <strong>de</strong> lagendarmerie, l'adjudant Fortassin, un bon Français, qui s'étaitabsenté quelque temps, pour participer au débarquement enFrance, puis à la reprise <strong>de</strong> Paris sur les Alle<strong>ma</strong>nds. Ce passérécent était, pour tous, une garantie <strong>de</strong>s qualités d'énergie que l'onétait en droit d'attendre du chef <strong>de</strong> la briga<strong>de</strong>.L'Administrateur se chargea luimême d'aller porter <strong>de</strong>s armeset <strong>de</strong>s instructions aux Français isolés <strong>de</strong> sa commune, notammentdans les villages. La gendarmerie s'occupa, avec quelquesSénégalais, <strong>de</strong> nettoyer le cheflieu <strong>de</strong> tout élément suspect (1).On sut bientôt que l'émeute <strong>de</strong>vait éclater à El Milia le 11 <strong>ma</strong>i,après la prière du vendredi, vers 14 heures. On était prêt à larecevoir. Les <strong>de</strong>ux partis s'observaient, quand, à 16 heures, arrivaitle renfort d'un tabor <strong>ma</strong>rocain. Le 12 <strong>ma</strong>i, <strong>de</strong>s arrestations avaientlieu. Peu, du reste, l'affaire ayant échoué (2).(1) Par précaution, tontes les familles françaises habitant El Milia, Catinat, Arago, les fermesisolées, les <strong>ma</strong>isons forestières, ont été reçues à la caserne, où se trouvaient quelques Sénégalaissous le com<strong>ma</strong>n<strong>de</strong>ment d'un sousofficier. Ces familles ont couché à la caserne les samedi etdi<strong>ma</strong>nche (12 et 13 <strong>ma</strong>i).(2) L'émeute <strong>de</strong> <strong>ma</strong>i 1945 atelle échoué en réalité ? On prête à un notable <strong>de</strong> la commune d'ElMilia cette réponse à l'un <strong>de</strong> ses coreligionnaires, qui considérait l'œuvre entreprise comme unefaute aux conséquences graves pour l'avenir : "Tu te trompes, cela a déjà un gros succès. Car lesFrançais n'ont plus qu'un objectif, quitter l'Algérie au plus tôt !.., "160UN DRAME ALGERIENC'est le 12 <strong>ma</strong>i que M. Laugier, inspecteur <strong>de</strong>s Eaux et Forêts,se lançait d'ElMilia en compagnie <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s, sur la routeforestière <strong>de</strong> Tamendjar, M'Cid, Béni F'tah, pour porter secours àtrois gar<strong>de</strong>s forestiers, menacés par <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s armées arrivant <strong>de</strong>smontagnes.Les sauveteurs se trouvèrent, à un tournant du chemin, en présenced'un barrage, formé par un chêne énorme, abattu sur la chaussée, etdéfendu par <strong>de</strong> nombreux indigènes armés <strong>de</strong> fusils. Le combat seprésentait comme trop inégal. Les Français durent se retirer.A leur retour, ils apprenaient que les agents menacés s'étaient,heureusement, repliés avec leurs familles, par <strong>de</strong>s sentiersforestiers, à ElHanseur, petite station située à 15 kilomètres d'ElMilia. Ils étaient sauvés...Le 13 <strong>ma</strong>i, la situation était éclaircie ; les <strong>ma</strong>sses mobiliséespour l'émeute rentraient dans les méchtas. Le calme régnait, avecl'inquiétu<strong>de</strong> d'un renouveau toujours possible.Les indigènes inculpés <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> barrica<strong>de</strong>s, il y avaiteu plusieurs barrages sur la route conduisant chez les gar<strong>de</strong>sforestiers, ont été arrêtés, <strong>de</strong>puis, au nombre <strong>de</strong> 22, et condamnés à<strong>de</strong>s peines <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux, trois et cinq ans <strong>de</strong> prison. M. Taïeb, avocat,orateur <strong>de</strong> la Mé<strong>de</strong>rsa, arrêté également et condamné à 2 ans <strong>de</strong>prison, a bientôt été gracié. Son retour à ElMilia a été l'occasiond'une réception triomphale, <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s indigènes, qui l'ont élu,le 21 octobre 1945, Conseiller général, à l'unanimité.***Nous avons tenu à citer l'organisation constatée à ElMilia,comme un exemple <strong>de</strong> ce qui s'est passé, visiblement, en <strong>ma</strong>intsendroits, sur le territoire <strong>algérien</strong>. <strong>Un</strong> programme très précis, très161
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