10.07.2015 Views

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

UN DRAME ALGERIENA EL­MILIASituée, géographiquement, entre Djidjelli et Philippeville, ausud­ouest <strong>de</strong> Collo, la région d'El­Milia a ressenti, comme toutesles régions d'Algérie, le frisson collectif annonçant les gravesévénements <strong>de</strong> <strong>ma</strong>i 1945.El­Milia est le siège d'une commune mixte, où la colonisation aété installée, il y a une trentaine d'années, et s'est <strong>ma</strong>nifestée, unpeu plus récemment, par la création <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux centres, Catinat etArago, en pleine brousse africaine.Les colons d'El­Milia ont été surtout <strong>de</strong>s colons défricheurs. Ilspeuvent être fiers <strong>de</strong> l'œuvre qu'ils ont accomplie. Grâce à leurexemple, le génie français s'est affirmé sous son véritable caractère: tenace, patient, créateur. Mais le soleil d'Afrique fait fondre lesplus belles énergies, lorsque ces <strong>de</strong>rnières ne sont pas épaulées parune autorité supérieure soucieuse <strong>de</strong> faire respecter l'ordre dansl'équité et la protection du travail. Les colons d'El­Milia s'en vont.Ils disparaissent au fur et à mesure que les garanties d'avenir sont156UN DRAME ALGERIENrefusées à leur labeur et à la sécurité <strong>de</strong> leurs enfants. Toutrécemment, l'un d'eux, habitant une ferme isolée, créée par lui,nous disait : « Je m'étais fixé un programme, dont je n'ai pas dévié<strong>de</strong>puis plusieurs années. Je défrichais, et je plantais tous les ans,150 oliviers ; j'arrête cet effort. A quoi bon continuer ? il nousfaudra partir <strong>de</strong><strong>ma</strong>in. Vous a­t­on dit que nous ne pouvons sortirqu'armés dans nos champs proches <strong>de</strong> nos fermes ? Que lorsquenous allons au <strong>ma</strong>rché du chef­lieu <strong>de</strong> la commune, nousemmenons, par pru<strong>de</strong>nce, notre famille avec nous ? Nous voyonsprendre à l'autorité <strong>de</strong>s mesures telles que nous <strong>de</strong>vons nouspréparer à toutes les surprises. Nous ne sommes ni <strong>de</strong>s héros, ni<strong>de</strong>s lâches. Mais nous ne voulons pas être <strong>de</strong>s impru<strong>de</strong>nts. Pensezvousque nous puissions accepter toujours une telle situation ?Nous gar<strong>de</strong>rons le plus longtemps possible les exploitations quenous avons créées, <strong>ma</strong>is la patience hu<strong>ma</strong>ine a une fin. Nouspartirons à notre tour. Nous doutons que l'on puisse nous trouver<strong>de</strong>s remplaçants qui accepteront <strong>de</strong> traverser les difficultésauxquelles nous avons eu à faire face, dans <strong>de</strong>s régionsparticulièrement déshéritées. Et lorsque nos voisins indigènes, quenous défendions et protégions, à l'occasion, et qui n'ont reçu <strong>de</strong>nous que <strong>de</strong>s bienfaits, seront livrés, <strong>de</strong> nouveau, au libre jeu <strong>de</strong>leurs querelles intestines, la haute administration française pourraapprécier les résultats <strong>de</strong> l'œuvre accomplie par elle. Mais sera­telleencore là pour en juger (1)? »De longues se<strong>ma</strong>ines avant le <strong>drame</strong> du 8 <strong>ma</strong>i, on constatait àEl­Milia <strong>de</strong>s organisations clan<strong>de</strong>stines, qui tendaient ouvertementà prendre la place <strong>de</strong> l'autorité française dans le pays. Enparticulier une organisation judiciaire, renouvelant l'institution <strong>de</strong>stribunaux berbères, fonctionnant en Kabylie, il y a quinze ans et(1) En octobre 1946, il ne restait plus qu'un colon habitant Arago.157

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!