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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENPas pour longtemps. La cérémonie n'était pas terminée que l'onapprenait qu'un appel avait été lancé par les meneurs <strong>de</strong> la villeaux Kabyles <strong>de</strong>s douars, occupant les <strong>ma</strong>ssifs montagneux <strong>de</strong> lagran<strong>de</strong> banlieue. Les scènes tragiques <strong>de</strong> 1871 allaient­elles sereproduire ? La banlieue appartient aux territoires <strong>de</strong> la communemixte <strong>de</strong> Djidjelli, qui avait à sa tête <strong>de</strong>ux fonctionnairesénergiques : M. Boissin, un administrateur jouissant <strong>de</strong> l'estimegénérale, et son adjoint, M. Subrini.On sut que M. Boissin, en présence <strong>de</strong> ces graves conjonctures,avait, sans tar<strong>de</strong>r, pris ses dispositions ! Il s'était, par téléphone,adressé à ses caïds, leur montrant l'importance <strong>de</strong>s responsabilitésqu'ils allaient prendre et les prévenant que <strong>de</strong>s mesures allaient êtreappliquées par la garnison et les Français <strong>de</strong> Djidjelli, si uneattaque se produisait. Le chef fut d'autant plus pressant que sessubordonnés s'avéraient hésitants. On affir<strong>ma</strong>it, cependant, qu'un<strong>de</strong> ces caïds avait déclaré : « Ils me passeront, sur le corps avantd'arriver jusqu'à vous ! »Par précaution, M. Subrini se rendit aux Béni Foughal, auprès<strong>de</strong>s caïds : mission dangereuse, qu'il expliquait, cependant, avecphilosophie, à­ceux qui lui adressaient <strong>de</strong>s recom<strong>ma</strong>ndations <strong>de</strong>pru<strong>de</strong>nce : « Notre profession n'a pas que <strong>de</strong>s avantages. Ellecomporte <strong>de</strong>s risques qu'il faut savoir accepter. »Sur sa route, et même autour <strong>de</strong>s caïds, le fonctionnaire observe<strong>de</strong>s regards <strong>ma</strong>uvais, traduisant <strong>de</strong> la haine et un esprit nettementhostile. Il eut l'attitu<strong>de</strong> qui convenait et put rentrer sain et sauf, àtravers la forêt, pour rendre compte <strong>de</strong> sa mission à son chefM. Boissin n'hésita pas. Le len<strong>de</strong><strong>ma</strong>in, 10 <strong>ma</strong>i, il partait versTamentout. On ignorait ce qu'étaient <strong>de</strong>venus les gar<strong>de</strong>s forestierset leurs familles ; nous dirons plus loin ce qui est advenu <strong>de</strong> cetterandonnée, qui, <strong>ma</strong>lgré une sage préparation, aurait pu <strong>de</strong>venirtragique.136UN DRAME ALGERIENGrâce aux mesures prises, l'émeute a échoué, au moment mêmeoù elle était prête à éclater. Les officiers et les quelques militairesnoirs composant la faible garnison <strong>de</strong> la ville jouèrent aussitôtaprès un rôle utile, en rétablissant complètement la situation, uninstant compromise.On peut dire aujourd'hui qu'aucun Français n'avait euconnaissance <strong>de</strong> l'organisation du défilé, qui n'a pu avoir lieu qu'àla suite d'une préparation longue et méticuleuse, et la diffusion <strong>de</strong>nombreux mots d'ordre ou consignes. A Djidjelli, comme ailleurs,la surprise a été totale et l'autorité, aussi bien civile que militaire,laissée dans l'ignorance absolue <strong>de</strong> ce qui était préparé. Lacomplicité du silence, dans une entente collective ne présentantaucune fissure, caractérise, du reste, à travers l'Histoire, tous lesmouvements insurrectionnels en Algérie.La réaction a été ce qu'elle <strong>de</strong>vait être, énergique et calme à lafois. Le 10 <strong>ma</strong>i, les Français <strong>de</strong> Djidjelli étaient munis <strong>de</strong> fusilsGras et <strong>de</strong> cartouches. Le 11, une milice civile fonctionnait enville. Elle montait la gar<strong>de</strong>, avec les Sénégalais. Le conseillergénéral Benkhellaf était arrêté, en même temps que ses collègues al'assemblée départementale : Le Dr Saadane, <strong>de</strong> Biskra, et FerhatAbbas, <strong>de</strong> Sétif. Ces trois personnalités étaient considérées commeles chefs du P.P.A. organisateur <strong>de</strong> l'agitation (1).(1) Benkhellaf a été relâché le 18 octobre 1945, pour cause <strong>de</strong> <strong>ma</strong>ladie. Les <strong>de</strong>ux autres élus ontété relâchés en <strong>ma</strong>rs 1946, à la suite d'une mesure d'amnistie. M. Abbas a tenu à préciser, dans lesjournaux, qu'il avait bénéficié d'un non­lieu. <strong>Un</strong> démenti officiel lui a été opposé, à la tribune duParlement, par le ministre Le Trocquer.137

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